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L'application du "jus ad bellum" et du "jus in bello" dans les conflits internes africains : etude du cas lybien


par FREDDY AMANI CHISHIBANJI
Université de Bukavu - Licence en droit 2011
Dans la categorie: Droit et Sciences Politiques > Relations Internationales
   

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B. NON L'APPLICATION DES REGLES DU DIH RELATIVES A LA REPRESSION DES

INFRACTIONS

Cette absence dans la répression (1), a obligé la CPI a intervenir par l'entremise de son procureur (2), pour limiter la commission des exactions.

1. Non répression des infractions commises dans le conflit interne libyen au niveau interne

Partant de l'idée selon laquelle la sanction fait partie intégrale de toute construction cohérente, le DIH a consacré une place à la répression des infractions aux droits humains en situation de conflit armé, qui relève de la compétence exclusive de l'Etat.

Dans le conflit interne libyen pendant que le gouvernement reconnaissait certaines violations aux droits humains, aucun auteur n'a été sanctionné.

62CPI, le moniteur de la Cour Pénale Internationale. Violations du Droit International Humanitaire en Libye, in http://www.iccnow.orglht

63 CPI, le moniteur de la Cour Pénale Internationale. Violations du Droit International Humanitaire en Libye, in http://www.iccnow.orglht.

Cette absence de la répression va conduire a une recrudescence de l'impunité, ce qui va inciter le conseil de sécurité de saisir le procureur de la Cour Pénale Internationale.

2. L'intervention du Procureur de la CPI dans la répression les infractions commises dans le conflit interne libyen

Après avoir été saisi par le conseil de sécurité le 3 Mars 2011, Luis Moreno-Ocampo va annoncer l'ouverture d'une enquête sur les crimes commis en Libye a partir du 15 Février 2011. Après les premières enquêtes, il va déclarer avoir identifié des personnes exerçant une autorité de fait ou officielle sur les auteurs des crimes commis en Libye, et qui devront répondre de leurs ordres et actes, ajoute t-il.

Le 27 Juin 2011, trois personnes ont été mises sous le coup d'un mandat d'arrêt de la CPI pour crime contre l'humanité. Le premier était Mouammar Kadhafi, mais il va mourir le 21 Octobre 2011 avant qu'il ne soit déféré a la cour. Les deux autres sont Saif AL-Islam Kadhafi et Abdullah Al-Senoussi, accusés d'avoir orchestré avec le premier « une campagne large et planifiée des meurtres et des persécutions », et probablement de viols en série64.

Pour soulager tant soit peu les victimes de toutes ces exactions, il serait souhaitable que la CPI juge le feu Mouammar Kadhafi par « contumace », comme le tribunal de Nuremberg l'avait fait pour Adolf Hitler en 1945 et Martin Bormann en 1946. Mais aussi, que les deux autres qui sont encore vivants soient appréhendés et déférés a la cour pour qu'ils y répondent de leurs actes.

Toutefois, si la justice libyenne sera capable de les juger en toute impartialité et indépendance, elle peut le faire. Mais ici, il y a beaucoup de risques que les influences et appartenances politiques ne transforment cette justice libyenne, en justice des vainqueurs.

Etant donné que les forces gouvernementales combattaient contre la coalition des insurgés et de l'OTAN, vérifions l'application des règles du DIH de leur part.

64 ONU, conférence de presse de M. Luis MORENO-OCAMPO procureur de la CPI sur les crimes commis en Libye, communiqué de presse, département de l'information, in services des informations et des accréditations de l'ONU, New York, le 2 Novembre 2011.

§2. L'APPLICATION DES REGLES DU DIH PAR LES INSURGES ET PAR LA COALITION

DANS LE CONFLIT INTERNE LIBYEN

Nous commencerons par examiner le cas des insurgés (A), puis celui de la coalition (B), avant de terminer par la nécessité de l'adaptation des règles du droit de faire et des celles DIH à la réalité actuelle des conflits internes (C).

A. L'APPLICATION DES REGLES DU DIH PAR LES INSURGES

Les insurgés libyens, dès le moment où ils ont été armés, ils ont aussi commencé à commettre des exactions contre l'armée loyaliste. Ils avaient aussi torturé, pillé et incendié certains magasins dont les propriétaires étaient soit du régime, soit proches du régime.

Les exactions des insurgés n'étaient pas nombreuses, par ce qu'ils attendaient que les frappes de l'OTAN fassent reculer les troupes loyalistes, pour qu'ils gagnent de l'espace sur terrain. Mais, ils pillaient tout ce qu'ils trouvaient sur leur passage.

B. L'APPLICATION DES REGLES DU DIH PAR LA COALITION ET PAR L'OTAN

L'OTAN et la coalition faisaient tout pour veiller au respect des règles du DIH, mais cela leur a paru impossible vu la situation dans laquelle elles ont intervenu.

D'abord protégés par la résolution 1970 (2), les alliés ont commis certaines violations aux règles du DIH (1), les quelles violations ont été endossées par l'OTAN, mais qui a aussi commis ses propres violations (3).

1. Les violations aux règles du DIH commises par la coalition

Cette coalition était constituée des Etats volontaires, en l'occurrence : France, Grande-Bretagne, Espagne, Portugal, etc. Avec leurs frappes aériennes, ils avaient aussi commis certaines exactions. Citons celle du 20 Mars 2011, lors que leurs frappes aériennes avaient détruit des tanks de réserve d'eau de la population d'Al-Wayfaiyah, près de Benghazi65.

65 B. Ben Yahmed, Op Cit, p.15

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On n'a pas su a quel Etat attribué cette attaque contre les objectifs civils, car ils ont utilisé le concept coalition pour semer la confusion et ainsi rester dans l'impunité, et en se servant de l'OTAN comme cheval de Troie.

La même coalition avait violé la résolution 1973, par ce que dans le dispositif numéro un de cette résolution, le conseil de sécurité avait exigé un cessez-le-feu immédiat et la cessation des violences, des attaques armées et d'autres exactions. Mais arrivée en Libye, cette coalition va armer les insurgés, pour ainsi attiser le feu au lieu de l'éteindre.

2. La protection des alliés par la résolution 1970

Cette protection se trouve au paragraphe opérationnel n°6 de la résolution 1970 du 26 Février 2011, par lequel le conseil de sécurité a soumis la situation de la Libye à la CPI, mais tout en prévoyant une immunité à tous les responsables et exécutants qui intervenaient en Libye dont leur pays n'est pas partie aux statuts de Rome ; dans la mesure où ils ne seront pas assujettis a la juridiction de la CPI, en dépit de l'article 13-b des statuts.

3. Les violations aux règles du DIH commises par l'OTAN en Libye

Paradoxe mais vrai, en Libye ceux qui devaient faire respecter le droit international en général et le droit international humanitaire en particulier, l'ont violé.

Parmi les exemples illustratifs des violations aux règles du DIH commises par l'OTAN en Libye, deux violations ont pu retenir notre attention.

La première était commise le 30 Juillet 2011, lors que l'OTAN avait bombardé les émetteurs de la télévision publique libyenne Al Al-Jamahiriya, là où trois employés de cette télévision ont trouvé la mort, et vingt une personnes autres ont été blessés. Justifiant cette attaque par le fait que le régime libyen utilisait ses capacités de télédiffusion pour intimider le peuple et inciter à la violence ; l'alliance atlantique avait violé la résolution 1738 de 2006 du conseil de sécurité de l'ONU condamnant les actes de violence contre les journalistes et les employés des médias dans les situations de conflit.

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et sa femme et ses deux petits fils vont périr. Présentant ses excuses sur ce fait, l'OTAN dit qu'il aurait cru que le colonel Kadhafi y serait au moment des bombardements. Ce qui va nous embarrasser, car nous ne savons plus si l'objectif de l'opération était la mort du colonel Kadhafi, imposition de la paix ou la protection de la population civile libyenne.

En droit il est reconnu que chaque victime a le droit d'être rétabli dans ses droits. La population civile libyenne qui a été victime des dommages collatéraux des frappes de l'OTAN et des alliés, devra ainsi être indemnisée pour les dommages qu'elle a subis.

Tirant déjà des leçons dans ce conflit interne libyen, la nécessité de l'adaptation des règles du droit de faire la guerre et de celles du DIH à la réalité des conflits internes actuels, s'impose.

C. LA NECESSITE DE L'ADAPTATION DES REGLES DU `' JUS AD BELLUM» ET DES REGLES DU `' JUS IN BELLO » A LA REALITE DES CONFLITS INTERNES ACTUELS

Actuellement, les conflits internes sont la forme de guerre la plus répandue. Les exemples ivoiriens, congolais, nigérians, somalien, soudanais, malien, libyen, yéménite, syrien, ... en témoignent. Mais si la communauté internationale n'y remédie pas, un danger grave et inévitable guette a l'horizon de l'humanité, car les conflits internes qui vont naître après risqueront d'être les plus pires que les passés.

Quand on regarde le paysage de l'humanité, cette réalité est encore plus prégnante : à quelques exceptions près, tous les conflits depuis 1990 sont des conflits internes aux Etats, qui sont les plus dévastateurs et porteurs de dangers aux conséquences graves a l'humanité en général et aux populations affectées en particulier66. Ces conflits créent des conditions et favorisent diverses atrocités a l'encontre de la population civile67, ce qui fait que l'adaptation des règles du `' Jus ad bellum `' et des règles du `' Jus in bello `' a leurs exigences, s'impose.

66 R. Adjovi, L'Organisation de l'Unité Africaine et la gestion des conflits, Mémoire Maitrise en science politique 1995-1996, Université Paris Nanterre, in http://www.ronlandadjovi.free.fr/oum/htm

67 S. SENGHOR N., l'application des règles du droit international humanitaire dans les conflits internes en Afrique : Etude du cas Ivoirien et congolais (RDC), mémoire DEA, Université de Nantes, 2003, p. 66, in http://www.memoireonline.com

Pour le `' Jus ad bellum `', étant donné que tous ces conflits naissent lorsque les peuples veulent user de leur droit a l'autodétermination, une autre résolution dépassant la résolution 2105 (XX) doit être adoptée et qui exigera aux peuples les voies pacifiques lors qu'ils veulent exercer le droit a l'autodétermination.

Pour ce qui est du `' Jus in bello `', les règles du DIH doivent encore s'adapter a la réalité actuelle des conflits internes, en les intensifiant, car le DIH ne consacre qu'une réglementation minimale aux conflits internes alors que ceux-ci causent actuellement plus d'atrocités, des morts et des souffrances.

En somme, on se rend compte qu'une pareille adaptation des règles du `' Jus ad bellum `' et celles du `' Jus in bello `' aux réalités des conflits internes actuels, peut contribuer à une meilleure mise en oeuvre du droit international dans les conflits internes qui frappent actuellement toute l'humanité.

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