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Les déterminants socio-politiques de la corruption dans l'administration publique burkinabè

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par SIDI BARRY
Ecole nationale d'administration et de magistrature (ENAM) - Conseiller en gestion des ressources humaines (GRH) 2010
  

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Paragraphe II : L'impunité

L'avènement de la démocratie et le libéralisme économique sont souvent interprétés comme une ouverture au laxisme, à l'impunité et à l'enrichissement illicite. En effet, la lutte contre la corruption dans l'administration publique est rendue `'compliquée'' du fait de l'impunité dont jouissent les auteurs d'actes de corruption. Cette impunité se manifeste non seulement par l'absence de poursuites judiciaires contre les auteurs mais aussi à travers le laisser-aller de certains responsables administratifs face aux agissements des agents qui n'ont de compte à rendre à personne.

L'étude sur les pratiques de corruption dans l'administration publique du Burkina Faso révèle que : «La corruption persiste et se développe parce qu'elle est tolérée par l'administration. Cette tolérance se manifeste du point de vue des usagers par l'absence de poursuites pour les cas révélés, ce qui crée un effet d'entrainement tant au sein des usagers que des agents du service public. Il faut noter que l'impunité est rattachée du point de vue des enquêtés à plusieurs acteurs : la méconnaissance du système de dénonciation qui rend ineffective la répression, le dysfonctionnement de la justice et la volonté politique plutôt bienveillante à l'égard de la corruption». 

En effet, s'agissant de la justice, le Commissaire du Gouvernement à la Cour des comptes, lui-même magistrat de formation, affirme : «J'ai vingt neuf (29) années de service en tant que magistrat. Vous savez que c'est un corps qui a connu des difficultés suite aux périodes d'exception que le pays a connu. Si vous avez suivi l'histoire récente du pays, il y avait ce qu'on appelait les Tribunaux Populaires de la Révolution (TPR). Donc, ces TPR, malgré leurs insuffisances, ont contribué à moraliser l'administration. Mais j'ai constaté qu'avec le retour à l'Etat de droit, au lieu que le droit prime sur ces genres de situation là (Corruption), on a l'impression que c'est le laisser-aller. Mais cela peut s'expliquer parce que certains acteurs de la vie politique de l'époque sont les mêmes qui continuent à évoluer aujourd'hui à telle enseigne qu'ils ne veulent pas scier la branche sur laquelle ils sont assis».

C'est ainsi que la Cour des comptes et la presse ont rendu public plusieurs cas de malversation et de corruption restés impunis qui ont soulevé de grosses polémiques au sein de l'opinion publique et dans la presse. Malheureusement, la justice n'a jamais diligenté des enquêtes pour situer les responsabilités et les personnes impliquées dans ces affaires n'ont jamais été inquiétées. Parmi ces cas d'irrégularités et de malversations, on peut citer les affaires suivantes:

- Le rapport 2005 de la Cour des comptes a relevé d'énormes irrégularités dans la procédure de passation du marché de la réhabilitation de la mairie de Ouagadougou. Ce même rapport mettait aussi en cause les services du Trésor qui ont délivré des quittances de versement alors qu'aucun versement n'a eu lieu, tout comme les mêmes services ont sciemment omis de percevoir les droits de timbres. Au sujet de l'affaire de la mairie de Ouagadougou, un membre influent de la Cour des comptes nous donne l'explication suivante : «Il faut reconnaître que les hommes qui animent les structures de contrôle ne sont pas à leur place. Si vous prenez le cas de l'affaire de la mairie de Ouagadougou, lorsque le problème s'était posé, moi j'avais dit qu'il fallait aller sous l'angle de la faute de gestion. C'est-à-dire, on convoque l'intéressé (le maire de Ouagadougou), s'il n'a pas commis de fautes de gestion, on le relaxe, et s'il a commis une faute de gestion, on le condamne parce que c'est prévu par la loi. Bon ! Les gens ne m'ont pas écouté par exemple. Au contraire, quand le maire est passé à la télé, il s'est expliqué, à telle enseigne qu'au niveau de la Cour des comptes, certains ont eu peur et ils sont même allés se justifier auprès du maire comme quoi, le parquet voulait qu'on aille au-delà et eux ils n'ont pas voulu. Tout cela, c'était pour pouvoir se maintenir à leur poste».

- Les cas de malversations dans la gestion de la Caisse Autonome de Retraite des Fonctionnaires (CARFO)29(*) avec la dissipation de plusieurs centaines de millions de francs. D'ailleurs, l'Inspection Générale d'Etat (IGE) s'est saisie de cette affaire mais jusque-là aucun rapport n'a été rendu public.

- L'inculpation du Directeur Général de la douane30(*), Ousmane GUIRO, pour une affaire d'exonérations douanières. Malgré son inculpation et sa mise en liberté provisoire, l'intéressé n'a pas été relevé de ses fonctions. Le dossier est toujours en instruction mais son état d'avancement laisse présager qu'il ne connaitra d'autres issues que la prescription ou le non-lieu au regard des soutiens dont a bénéficié l'inculpé à savoir des personnalités `'hauts placés'' de l'Etat.

- Le dossier de la CNSS31(*) (Caisse Nationale de Sécurité Sociale) qui a été révélé par six (6) centrales syndicales et relayé par la presse et le REN-LAC. En effet, il est ressorti que le Directeur Général de l'époque, Idrissa ZAMPALIGRE aurait accordé des prêts à des opérateurs économiques dans l'opacité totale et le mépris des règles de gestion. Ce dernier a été simplement relevé de ses fonctions et la CNSS était transformée en un établissement public à caractère social. Par ailleurs, la Cour des comptes, dans un rapport rendu public, révélait que de nombreuses personnalités dont l'ancien Premier Ministre Ernest Paramanga YONLI et l'ancien Ministre de la Justice Boureima BADINI se sont portés acquéreurs de villas de ladite institution malgré la défense qui leur était faite de poser de tels actes par la constitution.

- Dans l'affaire de la Croix-Rouge burkinabè32(*), un rapport de l'Inspection Générale d'Etat (IGE) révélait en 2001 des cas de malversations portant sur la somme de six cent soixante quatorze (674) millions de francs dont se seraient rendus coupables certains dirigeants de l'institution dont sa présidente Bana OUANDAOGO. Le juge d'instruction chargé du dossier n'a pas pu conduire l'instruction à son terme à cause de l'immunité parlementaire dont bénéficiait la présidente de la Croix Rouge. L'affaire est restée sans suite et risque d'aboutir à un non-lieu.

- L'affaire Issaka KORGO33(*) : En rappel, Issaka KORGO, PDG de la société SOKOCOM avait introduit un faux procès-verbal de réception des travaux alors qu'il n'avait pas exécuté le marché y relatif. Ce dernier, traduit devant le Tribunal de Grande Instance (TGI) de Ouagadougou pour faux en écriture, il sera relaxé pour infraction non constituée. Cette affaire a suscité plusieurs questionnements, à savoir comment Issaka KORGO a pu fournir un faux procès -verbal avec la signature du ministre des Finances ? Avait-il des complices ? Par la suite, la presse notamment le bimensuel L'Evènement révélait que Issaka KORGO était connu des ministères pour ses pratiques frauduleuses et corruptrices et bénéficiait de complicités dans les différentes chaines de contrôle des marchés publics.

- En 2004, le Tribunal de Grande Instance (TGI) de Bobo-Dioulasso dans l'affaire de malversations portant sur près de neuf (9) milliards de francs dans la Direction Régionale de l'Environnement des Hauts-Bassins34(*) ouvrait une enquête qui a abouti à l'interpellation de quinze (15) personnes. Interpellées pour concussion, faux, usage de faux, détournement de deniers publics, enrichissement illicite et association de malfaiteurs, ces personnes seront libérées sous caution après un bref séjour à la Maison d'Arrêt et de Correction de Bobo. Pire, ils ne seront pas écartés de la gestion des deniers publics mais simplement mutés dans une autre province.

Ainsi, à travers ces affaires, de nombreux burkinabè estiment que la corruption prend de l'ampleur à cause de l'impunité dont bénéficient les personnes impliquées dans les actes de corruption. Donc, l'impunité apparaît comme un facteur important de l'ancrage de la corruption et constitue un obstacle quant à l'application des règlements et des sanctions en matière de lutte contre la corruption. A ce sujet, un article paru dans le bimensuel L'Evènement n°180 du 25 Janvier 2010 et intitulé «Kôrô Dri était un cleptomane» nous fait la révélation suivante : « ... En cinq ans, il a géré, comme il le voulait, plus d'un milliard de francs CFA, dont on ne trouve nulle part les pièces justificatives. Le plus grand scandale de la république qui apparemment ne fera l'objet d'aucune poursuite ».

Enfin, au Burkina Faso, au fil des ans, l'impunité est devenue de fait, la règle et la sanction, l'exception. Dans ces conditions, même si les sanctions contre les auteurs d'actes de corruption sont prises, elles sont loin des questions de justice ou du bon fonctionnement des services mais apparaissent plutôt comme des règlements de comptes et tentatives d'élimination d'adversaires politiques. Et abordant cette question d'impunité, le rapport sur le développement humain au Burkina Faso35(*) souligne que : «Toute sanction pose en effet problème, parce que le sanctionné est à peu près toujours inséré dans des réseaux clientélistes qui le protègent. Celui qui veut sanctionner se voit ainsi immédiatement l'objet de multiples `'interventions'', voire de menaces, venant de pairs ou de personnages plus hauts placés. La plupart du temps, il se voit désavoué par sa propre hiérarchie, qui ordonne la relaxe de l'auteur de l'infraction où la suspension de la peine».

* 29 Le Journal SIDWAYA, n° 5876 du 18 avril 2007

* 30 L'Indépendant, n°665 du Mardi 6 juin 2006

* 31 Le Reporter, n°19 de janvier 2009

* 32 L'Indépendant, n°668 du Mardi 27 juin 2006

* 33 Evènement n°100 du 25 Septembre 2006 et n°101 du 10 Octobre 2006

* 34 Le Pays n°3280 du 24 décembre 2004.

* 35Corruption et développement humain. Rapport sur le développement humain - Burkina Faso-2003 PNUD, p.81.

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