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Les déterminants socio-politiques de la corruption dans l'administration publique burkinabè

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par SIDI BARRY
Ecole nationale d'administration et de magistrature (ENAM) - Conseiller en gestion des ressources humaines (GRH) 2010
  

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Paragraphe III : L'enchâssement des logiques socioculturelles dans le fonctionnement de l'administration

Le modèle idéal de type Wébérien de l'appareil administratif est caractérisé par les éléments suivants : l'objectivité des normes, la prévalence absolue des rôles sociaux sur les personnes, la rationalité des décisions et l'absence d'entraves à l'exercice par l'administration de sa fonction d'exécution des politiques gouvernementales.

Malheureusement, notre administration qui, dans son fonctionnement quotidien, est enchâssée dans les logiques socioculturelles est loin de satisfaire à cette conception wébérienne de la bureaucratie. Cette situation constitue un terrain favorable à l'émergence et à l'enracinement de la corruption dans l'administration publique.

En effet, notre administration publique apparaît comme un lieu où, par toutes sortes de stratégies et de détours, s'opèrent des déviations soumises à l'intensité des relations interpersonnelles (familles, clans, amis, clients, autorités politiques et autres). L'agent du service public est porté à accorder aux relations et aux devoirs sociaux (parenté, amitié, solidarité, gratitude) une valeur morale absolue. En un mot, l'impact du social dans la gestion au quotidien des services publics est grand.

Ainsi, ils sont rares ceux qui peuvent se dégager totalement des sollicitations insistantes et des exigences de leurs familles et amis.

L'opacité des règles administratives crée chez l'usager un sentiment de précarité et d'impuissance et celui-ci développe un système de défense qui consiste à approcher ses protecteurs et intermédiaires qui se chargeront d'intercéder en sa faveur. Parfois encore, il profitera de ses parents, amis, connaissances où achètera la protection en payant le `'prix de la kola'' où en `'graissant la bouche'' de l'agent. De plus, la perception culturelle de la corruption diffère souvent selon que l'on se trouve dans une société traditionnelle où dans une société moderne. En effet, le fait pour un usager de donner un poulet à un agent public pour service rendu est perçu en milieu traditionnel comme un cadeau, forme sociale par excellence du savoir-vivre alors que ce même cadeau est considéré comme un acte de corruption en milieu étatique car le bénéficiaire de cette offre est payé pour rendre ce service aux usagers.

Donc, cette personnalisation des relations administratives est source de corruption car le besoin de protection contre les prévarications et les blocages entraînent les usagers dans une quête incessante de relations car dans l'imaginaire populaire, l'anonymat est souvent facteur d'humiliation et d'exclusion dans les services publics.

A ce sujet, un agent23(*) au Ministère de la Fonction Publique affirme : «Je suis assis ici, tout le monde vient me dire : `'on dit de venir voir Mr K....''. Donc, partout en ce qui concerne les histoires de retraite, je suis considéré comme une sorte de référence parce qu'il ya des usagers qui pensent que sans moi, leurs problèmes de retraite ne peuvent pas être résolus. Même quand je leur dis que `'si vous venez et que je suis absent, voyez mes collègues'', ils me répondent : `'on va attendre que vous soyez au service''. Mais en ce moment, si je veux bouffer dedans, je bouffe dedans. Quand c'est comme cela, le bonhomme qui est à ce poste là, s'il veut être malhonnête, il le sera car tous ceux qui viennent pensent que sans lui, leur problème ne sera pas réglé. On dit toujours à l'usager : `'si tu ne vois pas un tel, ton problème ne sera pas réglé'', or une administration ne doit pas fonctionner de la sorte».

On s'accorde avec Giorgio BLUNDO et Jean-Pierre Olivier de SARDAN24(*) qu' «on ne s'adresse pas directement au fonctionnaire derrière le guichet, on ne cherche pas à connaître les procédures `'normales'', mais on s'informe d'abord des liens, réels où fictifs, qu'on sera à mesure d'évoquer en guise de préalable à toute démarche». 

Par ailleurs, malgré la réappropriation du modèle administratif hérité des sociétés occidentales qui donnent à l'administration les apparences de modernité à travers le formalisme des textes, les agents de l'administration sont loin d'avoir rompu avec les logiques sociales (par exemple de parenté et d'amitié) qui ne relèvent pas nécessairement des logiques de l'administration. Ces derniers, enchâssés dans un système de relations et de parenté, subissent l'influence du milieu socio-culturel qui marque profondément leurs mentalités, leurs comportements et leurs attitudes. Donc, il y a comme une réciprocité d'échanges entre le travailleur de l'administration publique, sa fonction, son poste et les pratiques sociales en vigueur dans son milieu.

Ainsi, les pratiques et contraintes sociales auxquelles de nombreux agents des services publics ne peuvent se soustraire rendent inefficaces les règles et les procédures administratives visant à instaurer une gestion saine et à lutter contre la corruption dans l'administration.

Aussi, l'administration publique qui est au centre des rapports entre l'Etat et la société est devenue au fil des ans un véritable enjeu de puissance et de domination. Donc, tout semble se jouer autour des modes d'insertion des groupes sociaux dominants dans l'économie nationale à partir des alliances ethniques, politiques et économiques pour assurer le contrôle des ressources.

Et selon Jean François Bayart, «Les fonctionnaires se trouvent gratifiés d'un ascendant considérable sur leur entourage, et même ceux d'entre eux qui ne le souhaitent pas sont soumis à une forte pression les invitant à utiliser cette emprise pour constituer une clientèle et affirmer leur prééminence personnelle sur leur famille, leur village ou leur région... ».

Donc, pour comprendre l'ancrage du phénomène de la corruption dans l'administration, il faut analyser l'articulation étroite entre l'anthropologie des entreprises administratives et l'anthropologie de la corruption. C'est-à-dire comprendre la perception que l'on se fait du phénomène bureaucratique et analyser comment le burkinabè se situe par rapport au phénomène bureaucratique dans un contexte socio-culturel où le rapport au pouvoir est vécu en fonction du principe de la réciprocité sociale.

En conclusion, les pratiques administratives au Burkina Faso reposent davantage sur les relations personnalisées et les comportements particularistes qui accentuent les risques de corruption et créent une confusion entre le public et le privé.

* 23Entretien avec K.S.E agent à la DPSSA au Ministère de la Fonction Publique

* 24 Giorgio BLUNDO et Jean-Pierre Olivier de SARDAN : La corruption quotidienne en Afrique de l'Ouest, Politique Africaine, n°83, octobre 2001

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