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Réflexions sur le concept d'états défaillants en droit international

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par Wenceslas MONZALA
Université de Strasbourg - Master II Droit International Public 2012
  

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Paragraphe 2 : La sécurité humaine, extension de la sécurité collective

Cette extension de la sécurité collective doit être perçue comme une résultante de l'approche globale du concept de la sécurité humaine. En intégrant les menaces qui pèsent sur les individus dans l'analyse de la sécurité internationale, le concept de sécurité humaine opère par la même occasion une extension du cadre traditionnel de la sécurité collective. Ainsi, contrairement au concept d'Etats défaillants, la sécurité humaine permet de mieux garantir l'effectivité du mécanisme de la sécurité collective en élargissant l'éventail des menaces potentielles à la paix et à la sécurité internationales et en précisant les moyens de lutter efficacement contre celles-ci.

Le débat sur la nécessité de repenser la sécurité collective292 s'est posé avec acuité au début des années 1990 lorsqu'au travers des massacres de Srebrenica et du génocide rwandais, la communauté internationale s'est rendu compte que les menaces à la paix et à la sécurité internationale provenaient davantage de situations internes aux Etats. L'ancien secrétaire général de l'ONU avait alors constitué un groupe composé de personnalités de haut niveau dont la mission était d'appréhender les nouvelles menaces à la paix et à la sécurité internationales. Le rapport293 de ce groupe d'étude dégageait l'idée selon laquelle la conception de la sécurité collective, issue de la charte de l'ONU, se révèle aujourd'hui insuffisante pour appréhender les nouvelles menaces à la paix et à la sécurité internationales, d'où la nécessité de repenser une sécurité collective plus globale permettant de trouver des moyens pour les maîtriser. La sécurité humaine à travers sa double dimension (« freedom from fear » et « freedom from want »)294 offre ainsi un cadre d'analyse élargi de ces nouvelles menaces à la paix et à la sécurité internationales et peut permettre de mieux garantir la sécurité collective aujourd'hui.

Cette évolution, ou, plus exactement, extension de la sécurité collective implique alors la reformulation du cadre institutionnel et normatif de l'ONU et particulièrement du conseil de sécurité, organe détenant la responsabilité principale de la garantie de la sécurité collective295. Pour ce qui est du cadre institutionnel de la sécurité collective, il faut dire que la

292 S.F.D.I., Les métamorphoses de la sécurité collective : droit, pratique et enjeux stratégiques, Paris, A. Pedone, 2005, p. 280 ; Voir aussi DAILLIER P., « La nécessité de la réactualisation du système de la sécurité collective », in KHERAD R. (Sous la direction de), Les implications de la guerre en Irak : colloque international : mercredi 12 mai 2004 et jeudi 13 mai 2004, Paris, A. Pedone, , p. 248.

293 A/59/565, Rapport du groupe de personnalités de haut niveau sur les menaces, les défis et le changement, 2 décembre 2004.

294 Voir supra §1, p. 80

295 Article 24, §1 de la Charte de l'ONU.

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réforme du conseil de sécurité a toujours fait débat à l'ONU entre les Etats296 - généralement issus des pays en développement - qui militent pour un élargissement des membres dudit conseil et des Etats - les anciens victorieux de la seconde guerre mondiale - qui ne voient pas l'opportunité d'une telle réforme. Mais dans le contexte de l'extension de la sécurité collective, une telle réforme se révèle indispensable afin d'assurer l'effectivité de la sécurité humaine. Le groupe de personnalités de haut niveau sur les menaces, les défis et le changement s'est penché sur la question et propose dans la quatrième partie de son rapport des pistes pour la réforme du cadre institutionnel de la sécurité collective297. Le groupe propose l'élargissement des membres du conseil de sécurité à 24 membres, soit la création de neuf nouveaux sièges. Il propose ensuite deux formules d'élargissement du nombre des membres du conseil. Selon la formule A, le groupe propose la création de six sièges permanents sans droit de veto et de trois nouveaux sièges non permanents avec un mandat de deux ans. Avec la formule B, le groupe ne propose pas la création de nouveaux sièges permanents mais la création d'une nouvelle catégorie de sièges avec mandat renouvelable de quatre ans soit huit sièges et un dernier avec un mandat non renouvelable de deux ans. Par ailleurs, le groupe rappelle aussi les principes298 qui doivent guider la réforme du conseil de sécurité notamment le principe de répartition géographique afin de rendre plus démocratique le conseil de sécurité. Ces propositions, reprises pas l'ancien secrétaire général dans son rapport « Dans une plus grande liberté : développement, sécurité et respect des droits de l'homme pour tous »299, ont été soumises aux Etats lors du sommet mondial de 2005. Finalement, faute de consensus entre les Etats, elles ne seront qu'évoquées dans le document final300 du sommet mondial dont la principale réforme institutionnelle a consisté en la dissolution du conseil de tutelle.

Au-delà de ce blocage politique, il faudrait ajouter que la réforme du conseil de sécurité est toujours souhaitable afin de permettre à cet organe de relever les défis de plus en plus importants de la sécurité collective.

Cependant, sur le plan normatif, on peut remarquer une nette évolution des mécanismes de la sécurité collective confirmant ainsi la dynamique d'extension de la sécurité collective opérée par le concept de la sécurité humaine. Cette évolution se manifeste par l'introduction du concept de la sécurité humaine dans le droit positif de l'ONU. En dehors de la pratique et du discours des Etats au sein de l'ONU qui font état de l'acception implicite ou explicite du concept de la sécurité humaine, cette introduction dans le droit positif de l'ONU s'est opérée à travers les résolutions du conseil de sécurité visant à assurer la protection des civils dans les conflits armés. Dans ce contexte, on pourrait considérer que la prise en compte de la sécurité humaine par le conseil de sécurité remonte à ses résolutions consacrant la violation massive des droits de l'homme et du droit international humanitaire au

296 Voir TAVERNIER P., « Soixante ans après : la réforme du conseil de sécurité des Nations Unies est - elle

possible ? », in Actualité et Droit International, août 2005, disponible sur
http://www.ridi.org/adi/articles/2005/200508tav.pdf (Consulté le 8 août 2012)

297 A/59/565, op. cit., §§ 249 - 260

298 Ibid., §249

299 A/59/2005, Rapport du secrétaire général, op. cit., § 77.

300 A/60/L.1, Document final du sommet mondial de 2005, 20 septembre 2005

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Rwanda et en Somalie comme une menace à la paix et à la sécurité internationales. Cependant le caractère exceptionnel des situations somalienne et rwandaise ne permettent pas d'affirmer effectivement cette extension du cadre normatif de la sécurité collective. Cette consécration s'effectuera à travers la résolution 1296 (2000) du conseil de sécurité sur la protection des civils en période de conflit armé. Dans cette résolution, de manière quasi législative et sans référence à une situation donnée, le conseil de sécurité consacre la violation systématique, flagrante et généralisée du droit international humanitaire et du droit relatif aux droits de l'homme comme une menace à la paix et à la sécurité humaine301. Par déduction, on peut aussi affirmer que la violation de la sécurité humaine - qui consiste en période de paix à assurer l'effectivité des droits de l'homme au sens large - peut être constitutive de menace à la paix et à la sécurité internationales. Ainsi, l'extension de la sécurité collective se traduit par le fait que, désormais, les mécanismes du chapitre VII peuvent être mis en oeuvre par le conseil de sécurité en face d'une menace à la paix et à la sécurité internationales dans sa conception classique mais aussi dans les situations de menace à la sécurité humaine. Par ailleurs, l'action militaire en vertu du chapitre VII serait à exclure car son utilisation serait contreproductive dans le maintien de la sécurité humaine. Ainsi, de tous les mécanismes de maintien de la paix contenus dans la charte de l'ONU et redéfinis par le rapport Brahimi, la diplomatie préventive apparaît comme le moyen le plus efficace pour garantir la sécurité collective par le biais de la sécurité humaine302. Tandis que le concept d'Etats défaillants s'intéressait au traitement des crises déjà ouvertes, la sécurité humaine accorde une place importante à la prévention basée sur des engagements à long terme afin mieux garantir la sécurité collective.

Au vu de toutes ces réflexions, le concept de la sécurité humaine paraît plus fédérateur et plus efficace dans l'analyse de la crise de l'État que ne l'est le concept d'Etats défaillants. S'il fallait envisager de dépasser le concept d'Etats défaillants, la sécurité humaine constituerait un parfait substitut dans l'analyse de la défaillance étatique et dans la résolution de ce problème auquel est confronté l'État aujourd'hui.

301 S/RES/1296 (2000), 19 avril 2000, §5.

302 Voir MESTRE C., « La sécurité humaine et la prévention des conflits », in KHERAD R., La sécurité humaine : théorie(s) et pratique(s), op. cit., pp. 179 - 191.

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault