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Les petites constitutions en Afrique: essai de réflexion à  partir des exemples de la Côte d'Ivoire, de la RDC, de la Tunisie et du Togo.

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par Kakessiwa Kokou KOMLAN
Université de Lomé - Master 2 en Droit Public 2015
  

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A. Les lacunes des Constitutions existantes

La plupart des Constitutions africaines passent difficilement l'épreuve de leur mise en application parce qu'elles ont été élaborées à l'issue d'un processus mal maîtrisé. A cet effet, elles caractérisent par tant de lacunes et d'insuffisances. Les raisons tiennent, fondamentalement au fait que ces dernières sont le plus souvent « rédigées sous l'emprise de la nécessité pour tenter de relever sur le champ des défis exceptionnels »115. Constitutions de l'urgence, produites à coups de renforts, leur déconnexion des réalités qu'elles sont pourtant censées régir est patente116 et constitue sans doute la source de leur ineffectivité et de leur incapacité à juguler les crises.

On découvre alors matière à conflits potentiels, derrière les insuffisances et les lacunes de ces textes, d'autant plus qu'on observe, en Afrique, que la vie politique se détache ou diffère bien souvent des principes posés dans les Constitutions. En effet, loin de répondre à un souci de modernisation de la vie sociale à travers les rapports du citoyen à l'Etat et aux autorités qui le gouvernent, les Constitutions africaines sont plutôt vécues comme des instruments au service d'enjeux politiques et partisans. Elles ne tranchent donc véritablement que des principes et des problèmes, assez théoriques et abstraits, de la source du pouvoir mais se borne en ce qui concerne son exercice à tracer des perspectives

115 Alioune SALL relève à cet égard que « dès le début des années quatre-vingt dix (...) les Constitutions ont été abrogées ou modifiées en Côte d'Ivoire (avril 1991), au Rwanda (mai 1991) au Burkina Faso (juin 1991), en Mauritanie (juillet 1991), au Mali (août 1991), au Sénégal (octobre 1991), au Congo (mars 1992), à Madagascar (août 1992), à Djibouti (septembre 1992), au Niger (décembre 1992) », in « Processus démocratique et bicéphalisme du pouvoir exécutif en Afrique noire francophone: un essai de bilan », RJPIC, 2006, pp. 412-460.

116 Elles sont plutôt vécues comme des instruments au service d'enjeux politiques et partisans. Souvent les calculs des acteurs déterminent, au moment de leur conception, la forme du régime politique et l'équilibre des pouvoirs. Voir ZAKI (M.), « Petite constitution et droit transitoire en Afrique », RDP 2012-6-008, no 6, op.cit. p 1699

Mémoire Master II - Les petites constitutions en Afrique : essai de réflexion à partir des exemples de la Côte d'Ivoire, de la République Démocratique du Congo, de la Tunisie et du Togo.

d'avenir et à indiquer ce qui doit être. Par conséquent, l'observation montre que la réalité de la pratique politique ne correspond pas toujours, ni même souvent, à l'optimisme des schémas constitutionnels117.

Le caractère lacunaire des Constitutions africaines est donc remarquable. C'est d'ailleurs ce qui explique largement ce que la doctrine qualifie de « crise du constitutionnalisme africain ».

Cependant, lorsque la pratique politique ne correspond pas aux schémas constitutionnels, la Constitution est indigne de confiance.

B. La perte de confiance des acteurs politiques à l'égard des Constitutions existantes

La Constitution apparait comme une charte fondamentale traduisant, au-delà de son contenu, l'état du consensus entre gouvernants et gouvernés, et surtout entre les acteurs en charge de sa gestion118

Mais, les arguments de cette thèse se heurtent empiriquement à une objection fondée sur l'instrumentalisation manifeste de la norme constitutionnelle dans la plupart des Etats africains. En effet, la pratique constitutionnelle en Afrique remontre en majorité au jugement des juristes, des révisions frauduleuses et impopulaires, conduites en l'absence de tout consensus et obtenues parfois au forceps119.

117 PACTET (P.), Institutions politique : Droit constitutionnel, 20e éd, Paris, Armand Collin, 2001, p 66.

118 Voir sur cette notion, REMOND (R.), « La gestion des constitutions », Pouvoirs, 1989, no 50, pp. 43-51.

119 Comme celle que conduisent au Togo, avec une vitesse inédite et un empressement suspect, les députés du Rassemblement du Peuple Togolais (RPT) en février 2005 à la suite de l'annonce du décès du président Eyadema GNASSINGBE. En effet, dans l'exécution des manoeuvres politiques visant à corriger les règles de dévolution du pouvoir en cas de vacance pour décès du chef d'État en fonction, l'Assemblée nationale convoquée précipitamment, procède en pleine nuit à la modification des articles 65 et 144 de la Constitution du 14 octobre 1992. Ces révisions, pour le moins spectaculaires, eurent pour conséquence directe d'empêcher Monsieur NATCHABA, président de l'Assemblée nationale et successeur désigné par les textes, d'accéder par intérim à la tête de l'État et propulsent contre toute logique Faure GNASSINGBE, fils du président défunt, à la présidence ainsi laissée vacante. Mais face à la réprobation nationale et internationale, notamment aux sanctions prises par la Communauté Economique des États d'Afrique de l'Ouest et confirmées par l'Union Africaine, Faure GNASSINGBE dût démissionner. L'ordre constitutionnel fut alors rétabli et permit l'organisation dans les délais prescrits d'élections pluralistes au terme desquels Faure GNASSINGBE fut proclamé élu. Cf. DIOP (El-H. O.), « Autopsie d'une crise de succession constitutionnelle du chef de l'Etat en Afrique. L'expérience togolaise (5-26 février 2005) », Politeia, 2005, no 7, pp. 115-173.

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En effet la plupart des révisions constitutionnelles opérées en Afrique depuis 1996, sont caractérisées par leur aspect tendancieux et politiquement tactique. En majorité, elles se particularisent par leur objet peu licite et controversé. Ainsi la majorité des auteurs pensent-ils que la démarche peu consensuelle de ces révisions dissimule à peine une logique de passage en force et insistent sur les conditions « douteuses »120 de ces révisions «facilitées par la violation des règles prévues en la matière »121. Cependant, « ces modifications taillées sur mesure »122, ces « révisions pirates »123, expriment la main basse du pouvoir politique sur la procédure de révision ainsi que sa trop grande marge de manoeuvre dans la reformulation des dispositions constitutionnelles124.

Ce sont donc essentiellement ces genres de révisions qui affadissent l'éclat de la Constitution et la présentent comme une norme instrumentalisée et manipulée125. En effet ces révisions non seulement s'assimilent à la banalisation de la Constitution126, mais contribuent surtout à entretenir une crise de confiance des acteurs politiques à l'égard de cette dernière. La Constitution indigne de confiance ne peut donc plus juguler les crises.

C'est ainsi que l'adoption des petites constitutions intervient pour pallier aux insuffisances des Constitutions en vue de les réadapter aux crises.

§ 2. LA READAPTATION DES CONSTITUTIONS EXISTANTES AUX CRISES POLITIQUES PAR LES PETITES CONSTITUTIONS

A y regarder de près, pour réadapter les constitutions existantes aux crises, les petites constitutions contribuent à créer un droit constitutionnel adapté à la circonstance (A). Cependant dans les cas où la Constitution existante n'est pas abrogée, la petites constitution assure donc la sauvegarde de cette dernière (B).

120 AHADZI-NONOU (K.), « Les nouvelles tendances du constitutionnalisme africain. Le cas des Etats d'Afrique noire francophone », Afrique juridique et politique, vol. 1, n0 2, 2002, p. 43.

121 Idem., p. 43.

122 Ibid., p. 44.

123 Ibid., p. 40

124 MELEDJE (F. D.), « Les révisions des constitutions dans les Etats africains francophones : esquisse de bilan », op.cit., pp. 111-134.

125 MOUANGUE KOBILA (J.), « Peut-on parler d'un reflux du constitutionnalisme au Cameroun? », Recht in Afrika, 2010, p. 38.

126 AIVO (F. J.), « La crise de normativité de la constitution en Afrique », op.cit. p.148.

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