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L'anticipation des risques d'inexécution du contrat.

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par gilles quinones
Université Montpellier I - Master 2 Droit de la distribution et des contrats dà¢â‚¬â„¢affaires 2014
  

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B\ La réduction des dommages-intérêts

La perspective pour le débiteur de voir diminuer le montant des dommages-intérêts aurait pour effet bénéfique d'inciter ce dernier à coopérer avec le créancier pour anticiper le risque d'inexécution (1). Par ailleurs, l'application envisageable d'un devoir de minimisation du dommage participerait à la réduction du montant des dommages-intérêts (2).

218. Alors que cette dernière peut être invoquée en cas de risque d'inexécution manifeste, l'exception pour risque d'inexécution pourra être soulevée par le créancier craintif dans le cas où l'inexécution serait simplement probable. Ce dernier aura toutefois la possibilité de demander une assurance adéquate d'exécution pour pouvoir prononcer la résolution anticipée en cas d'absence de réponse ou de réponse négative. De plus, la résolution anticipée étant conditionnée, si l'on s'en tient aux propositions du projet Terré, à une réponse négative ou une absence de réponse à une demande d'assurance adéquate d'exécution préalablement notifiée par le créancier, l'exception pour risque d'inexécution pourrait être invoquée parallèlement au déroulement de la procédure de mise en oeuvre de la résolution anticipée. Il ressort de ces constats que l'exception pour risque d'inexécution constitue un complément, mais également un prélude indispensable à la mise en oeuvre de la résolution anticipée. L'anticipation du risque d'inexécution commence donc par une suspension des obligations du créancier.

219. Thomas GENICON, La résolution pour inexécution, LGDJ, 2007, p.229

1. 82

La coopération contractuelle incitée

La réduction du préjudice du créancier entraîne corrélativement une diminution du montant des dommages-intérêts dûs par le débiteur. Anticiper le risque d'inexécution peut être vu comme une sorte de pari "gagnant-gagnant". Les intérêts économiques de chacun des cocontractants, débiteur ou créancier, sont davantage améliorés que dans le cas où l'on attendrait que l'inexécution redoutée ait lieue. La perspective d'une réduction du montant des dommages-intérêt aurait pour effet d'inciter le débiteur à faire part au créancier de ses difficultés financières dans le cas où un risque manifeste d'inexécution émergerait. En effet, si le créancier a intérêt à réduire son préjudice, le débiteur a indéniablement intérêt à provoquer la réduction du montant des dommages-intérêts. Ce faisant, celui-ci participe également à l'anticipation du risque d'inexécution. On remarque alors que, nonobstant le fait que tout contrat-échange puisse être analysé comme un "antagonisme d'intérêt", la maîtrise du risque d'inexécution implique une coopération renforcée des cocontractants.

Ainsi, l'on comprend par ailleurs que la participation du débiteur à l'anticipation du risque d'inexécution serait encore davantage vigoureuse dans le cas où pèserait sur le créancier un devoir de minimisation du dommage.

2. Le devoir de minimisation du dommage

Comme ont pu le constater certains auteurs, l'application du devoir de minimiser le dommage pesant sur le créancier entraînerait pour ce dernier un devoir de résoudre le contrat par anticipation en présence d'un risque d'inexécution (a). Bien qu'une telle obligation pourrait de prime abord permettre de penser que le risque de résolution abusive serait augmenté, il conviendra de démontrer qu'il ne s'agit d'une fausse inquiétude (b). Nous exposerons ensuite la position du droit français par rapport à une éventuelle reconnaissance d'une telle obligation (c).

a) Le devoir de résolution anticipée220

La notion de "mitigation of damages" ou devoir de minimisation du dommage, très

220. Yves-Marie LAITHIER, Étude comparative des sanctions de l'inexécution; LGDJ 2004, p.586

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connue des systèmes juridiques de common law, implique une obligation pour la victime d'un dommage de ne pas aggraver, ou encore, de limiter son préjudice. Transposée à la matière contractuelle, elle impose au créancier victime d'une inexécution de limiter ou de ne pas aggraver le préjudice résultant de celle-ci.

On comprend dès lors, qu'au sein des droits de common law, la résolution anticipée puisse constituer un droit, mais aussi et surtout, un devoir221. Si le créancier voit peser sur lui un devoir de minimiser son dommage, encore faut-il lui fournir les armes permettant d'exercer cette obligation de manière optimale. L'objectif de ce devoir étant de répondre à un impératif d'efficacité économique, la prise de mesures destinées à minimiser le dommage devrait débuter dès l'instant où un risque manifeste d'inexécution est constaté. Plus précisément, une telle obligation débutera, en cas d'insolvabilité apparente du débiteur, dès la réception d'une réponse négative à une demande d'attestation d'exécution future préalablement émise par le créancier ou une absence de réponse à l'issue du délai mentionné dans la lettre222. Si le risque d'inexécution se traduit par un refus univoque du débiteur quant à l'exécution de ses obligations futures, le devoir de minimisation du dommage pèsera sur le créancier à la date de réception dudit refus.

Attendre que l'inexécution ait eu lieue pour minimiser son dommage relèverait d'une incohérence au regard des objectifs poursuivis par une telle obligation.

b) L'écueil de la résolution anticipée abusive

L'application du devoir de minimisation du dommage n'est pas sans danger sur la sécurité du lien contractuel. Cette obligation contraint le créancier à se demander, lorsqu'une résolution anticipée est envisagée, si le préjudice serait plus important en rompant ou en maintenant le contrat223. Thomas Genicon fait alors part d'une inquiétude légitime: est-ce que le critère d'aggravation du dommage ne viendrait pas supplanter celui du caractère manifeste du risque d'inexécution? Il est permis d'en douter. Le créancier, sur lequel "la mitigation of damages (...) pèse toujours comme une épée de Damoclès", pourrait effectivement être tenté de procéder à la résolution du contrat lorsque l'aggravation du préjudice paraîtrait inéluctable en cas d'inexécution alors qu'il y aurait malgré tout de sérieuse raison de douter que celle-ci se

221. Yves-Marie LAITHIER, Étude comparative des sanctions de l'inexécution; LGDJ 2004, p.586

222. Nous avons en effet proposé que la faculté de résoudre le contrat par anticipation soit subordonnée à une demande d'attestation d'exécution par le créancier conformément aux préconisations du projet Terré. Voir supra, p.49

223. Thomas GENICON, La résolution pour inexécution, LGDJ, 2007, p.235

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réaliserait224. Ce peut être par exemple le cas où le débiteur, motivé par la perspective de voir le montant des dommages-intérêts diminuer en cas d'inexécution, ferait part au créancier de ses difficultés financières225. Ces aveux n'équivalent pas à un refus non équivoque d'exécuter ses obligations à l'échéance, ni même, à une insolvabilité avérée: l'inexécution future ne demeure qu'au stade d'une simple éventualité. La résolution du contrat en présence d'un risque d'inexécution non manifeste et motivé par le devoir de minimisation du dommage demeure malgré tout infondée et revête la qualification de résolution abusive. Il convient en effet de souligner que le créancier ne saurait se voir reprocher un manquement à son obligation de minimiser son dommage qu'en cas de risque manifeste d'inexécution. Or nous avons précédemment démontré que ce critère revêt trois formes: un refus univoque, une impossibilité avérée d'exécuter à l'échéance, ou encore un comportement exécutoire déloyal. La simple transmission des inquiétudes du débiteur au créancier quant à l'état de sa situation financière n'entre dans aucune des trois catégories. Les allégations du débiteur doivent être dépourvues d'ambiguïté pour constituer un risque manifeste d'inexécution. Par ailleurs, l'insolvabilité apparente du débiteur devra être confirmée par une réponse négative ou une absence de réponse à une demande d'attestation d'exécution future préalablement notifiée par le créancier. Nous devons donc nous garder d'exercer toute confusion entre l'appréciation du risque et celle de l'aggravation du dommage. La question de la minimisation du dommage ne saurait se poser qu'une fois qu'un risque manifeste d'inexécution aura été établie.

c) Perspective sur une éventuelle consécration en droit positif

La notion de anglo-saxone de "mitigation of damages" peut apparaître comme une étrange curiosité, pour ne pas dire une aberration, au regard du droit français des contrats. La cour de cassation avait solennellement refusé son application en droit positif par deux arrêts rendus le 19 juin 2003. La formule employée donnait indéniablement à l'interdiction une portée générale226: "Attendu que l'auteur d'un accident est tenu d'en réparer toutes les conséquences dommageables; que la victime n'est pas tenue de limiter son préjudice dans l'intérêt du responsable". Le principe de réparation intégrale, auquel paraît s'opposer le devoir de minimisation du dommage227, est ici clairement exprimé.

224. Thomas GENICON, La résolution pour inexécution, LGDJ, 2007, p.235

225. Thomas GENICON, La résolution pour inexécution, LGDJ, 2007, p.235

226. Hugues ADIDA-CANAC, "Mitigation of damage": une porte entrouverte ?, D. 2012. 141

227. Certains auteurs estiment toutefois qu'il n'existe pas d'incompatibilité entre le principe de réparation intégrale et le devoir de minimisation du dommage: Ainsi, selon J.-P Chazal, "réduire l'indemnisation due à la victime afin de tenir compte de son comportement postérieur au fait dommageable ne porte aucunement atteinte

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La haute juridiction semble malgré tout avoir par la suite avoir ouvert une voie vers la reconnaissance de ce principe en matière contractuelle sur le fondement du devoir d'exécution de bonne foi228. Cette dernière exigerait des cocontractants une "loyauté réciproque"229 dans l'exécution du contrat, et ce faisant, une obligation pour le créancier de minimiser son dommage en cas de manquement contractuel du débiteur230. Plusieurs arrêts récents contredisent toutefois la portée de cette décision en réaffirmant l'interdiction de principe posée par les arrêts rendus le 19 juin 2003 tant en matière délictuelle231 qu'en matière contractuelle232.

Cette réticence du droit français reflète son fort attachement à une approche morale de la force obligatoire des conventions. Celui qui n'a pas honoré ses engagements doit en assumer les conséquences. L'on ne saurait, dès lors, imposer à la victime d'un manquement contractuel, un comportement ayant pour objet d'atténuer la responsabilité du cocontractant. Certains auteurs estiment malgré tout que le principe de force obligatoire du contrat, tout comme celui de réparation intégrale qui découle de ce dernier, n'est en rien affecté par le devoir de minimisation du dommage. Moyennant une conception restrictive du lien de causalité, J.-P Chazal estime ainsi que les conséquences résultant de l'absence de minimisation du dommage par la victime ne peuvent avoir de lien causal avec la faute que l'auteur d'un dommage aurait commise. Le principe de réparation intégrale commanderait en effet que ce dernier ne répare que les conséquences directes résultant de son fait233. Plusieurs auteurs estime par ailleurs qu'outre son efficacité économique, une telle obligation ne serait aucunement incompatible avec une approche morale du droit des contrats, bien au contraire.

au principe de la réparation intégrale, lequel n'a pas pour effet d'imputer à l'auteur d'un dommage des conséquences dépourvues de lien direct avec le fait causal. C'est aller au-delà de la réparation intégrale que d'indemniser la victime des conséquences de sa propre faute dans l'extension ou l'aggravation de ses préjudices."

228. Civ 2e du 24 novembre 2011 (10-25635)

229. Hugues ADIDA-CANAC, "Mitigation of damage": une porte entrouverte ?, D. 2012. 141

230. LPA 2002, n° 232, p. 3, obs. P. Jourdain, et p. 55, obs. A. Laude

231. Cass. 1ère Civ., 2 juillet 2014, n°13-17.599: "Mais attendu qu'en vertu de l'article 1382 du code civil, l'auteur d'un dommage doit en réparer toutes les conséquences et que la victime n'est pas tenue de limiter son préjudice dans l'intérêt du responsable".

232. Cass 3ème Civ., 10 juillet 2013, n°12-13.851: "Qu'en statuant ainsi, alors que l'auteur d'un dommage doit en réparer toutes les conséquences et que la victime n'est pas tenue de limiter son préjudice dans l'intérêt du responsable, la cour d'appel a violé le texte susvisé" (visa: article 1147)

233. Jean-Pascal CHAZAL, "L'ultra-indemnisation" : une réparation au-delà des préjudices directs, D. 2003. 2326: "réduire l'indemnisation due à la victime afin de tenir compte de son comportement postérieur au fait dommageable ne porte aucunement atteinte au principe de la réparation intégrale, lequel n'a pas pour effet d'imputer à l'auteur d'un dommage des conséquences dépourvues de lien direct avec le fait causal. C'est aller au-delà de la réparation intégrale que d'indemniser la victime des conséquences de sa propre faute dans l'extension ou l'aggravation de ses préjudices."

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Stéphan Reifegerste a effectivement pu souligner cette absence d'incompatibilité en s'appuyant sur le développement de la loyauté contractuelle et les évolutions du courant solidariste: "obligation de loyauté et de coopération, obligation d'information et de conseil, obligation de renégociation et - pourquoi pas? - obligation de minimiser le dommage?"234.

On peut toutefois aisément affirmer que l'admission de la résolution anticipée en droit interne risquerait de débloquer les inhibitions du juge, ou encore du législateur, quant à la reconnaissance expresse du devoir de minimisation du dommage. La résolution anticipée ayant pour objet de "parvenir à une allocation efficace des ressources" et pour effet d'assouplir la vigueur du lien contractuel, les juristes français seraient naturellement invités à réviser leur vision traditionnelle de la force obligatoire du contrat. L'admission d'un tel mécanisme d'anticipation pourrait alors s'accompagner d'un devoir de minimisation du dommage à la charge du créancier aux fins de répondre aux véritables objectifs poursuivi par son introduction en droit interne: l'efficacité économique du contrat. L'inverse est également inéluctable: si le devoir de minimisation du dommage venait à être reconnu en droit interne, la probabilité d'assister à une admission de la résolution anticipée serait décuplée en raison du lien inhérent entre l'anticipation du risque d'inexécution et la minimisation du dommage du créancier.

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"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore