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Jouissance des terres et garantie


par Jules NDEODEME
Université de Yaoundé 2 - Master recherche en droit 2021
  

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Paragraphe 2 : Les caractères tenant à l'obligation garantie

L'hypothèque de la jouissance des terres est constituée pour assurer le paiement d'une obligation principale. Il s'agit d'une créance. Une créance est une obligation considérée du côté actif, par opposition à dette. C'est un droit personnel en vertu duquel une personne nommée créancier peut exiger d'une autre nommée débiteur l'accomplissement d'une prestation de donner, de faire ou de ne pas faire quelque chose165(*). L'hypothèque est intimement liée à l'obligation qu'elle garantit puisqu'il s'agit d'un droit réel accessoire c'est-à-dire un droit qui suit le sort du principal qui est la créance. Naturellement donc, la garantie est accessoire à la créance garantie (A). Tout de même, la question se pose de savoir si l'hypothèque de la jouissance des terres est vraiment accessoire à l'obligation qu'elle garantit. L'institution de cette hypothèque sur les droits réels de jouissance des terres domaniales fait observer un mécanisme nouveau, c'est celui d'une spécialité de la créance garantie par l'hypothèque de la jouissance des terres (B).

A- Le caractère accessoire des garanties aux créances garanties

Que ce soit l'accessoire par production ou plutôt l'accessoire par affectation166(*), le sort d'un accessoire est bien rarement autonome à l'égard du principal. L'accessoire est défini comme ce qui est lié à un élément principal, mais distinct et placé sous la dépendance de celui-ci, soit qu'il le complète, soit qu'il n'existe que par lui167(*). La théorie de l'accessoire met donc en lumière deux éléments, l'un principal et l'autre accessoire. Le mécanisme de l'accessoire reconnu aux garanties des créances par la jouissance des terres est le même.

En effet, il y a une créance mise au passif du débiteur qui a bénéficié d'un crédit. Le débiteur est tenu de payer. Le créancier titulaire de la créance a contre le débiteur ce qui est appelé un droit de gage général168(*). Ce droit lui permet de saisir n'importe lequel des biens de son débiteur pour se faire rembourser de la valeur exacte de sa créance169(*). La multitude des créanciers à la solde du débiteur peut mettre le créancier en mal, il peut réaliser un bien et ne rien recevoir du produit de sa réalisation ou plutôt recevoir une part infirme de ladite réalisation. C'est ainsi que les garanties viennent avec un attribut particulier pour leurs bénéficiaires. Il s'agit du droit de préférence. Tant qu'un bien sur lequel un créancier a un droit de préférence est réalisé, ledit créancier utilise son droit de préférence pour être payé en priorité à d'autres créanciers qui n'ont pas une préférence mieux classée. C'est par ce droit de préférence ajouté au droit de gage général qu'un auteur préfère reconnaître la spécialité de l'hypothèque170(*) et donc des garanties de manière générale.

Le droit réel accessoire que constitue la garantie n'existe que par la créance principale. Le caractère accessoire de la garantie a notamment deux sens. Dans le premier sens, il signifie que tous les effets de la créance sont reportés sur la garantie. Ces effets sont ressentis à la transmission, à l'extinction et à l'opposabilité des exceptions propres à la créance garantie. Dans le second sens, il signifie que la valeur de la garantie ne peut pas être supérieure à la créance en principal, intérêts et frais. C'est la mise en oeuvre du principe qui postule le non enrichissement du créancier et le non appauvrissement du débiteur du fait des garanties. En clair, les garanties sont en principe celles qui s'ajoutent au rapport d'obligation, elles n'en sont jamais la conséquence171(*). C'est pour cette raison qu'elles sont des droits réels accessoires alors que le droit de gage général a d'ailleurs une nature difficile à déterminer. « Le droit de gage général n'est pas un droit patrimonial ; il est inclassable : il n'est ni un bien, ni une obligation. Il est le lien entre les biens et les obligations du débiteur : la contrainte sociale.172(*) »

Par nature, l'hypothèque contribue à réaliser cette contrainte sociale au moyen de son attachement à une créance déterminée, avec des bénéfices particuliers que sont le droit de préférence et le droit de suite, créance dont l'hypothèque suivra les modalités et mouvements éventuels. Est-il possible d'envisager une limitation des créances pouvant être garanties par l'hypothèque ? Le droit de gage général bénéficie à toute créance sans distinction. La question ci-avant amène à savoir si l'hypothèque est susceptible d'être constituée pour n'importe quelle créance que ce soit. Il est constatable qu'il y a une sorte d'exclusion de certaines créances de l'assiette de l'hypothèque des droits de jouissance des terres déterminés.

B- L'exclusion de certaines créances de l'assiette de l'hypothèque de certains droits de jouissance des terres

En principe, toute garantie peut être constituée pour assurer le paiement de quelque créance que ce soit. Dans ce sens, le droit positif peut prévoir des garanties légales, c'est-à-dire découlant des dispositions législatives et règlementaires, pour certaines créances particulières.

Les garanties légales sont constituées avec ou sans l'accord des parties. Il s'agit généralement des privilèges généraux173(*) et spéciaux174(*). Il peut s'agir aussi des hypothèques légales175(*). Peut être ajouté à celles-ci des garanties qui résultent des décisions de justice176(*). C'est le cas des hypothèques judiciaires177(*). L'ensemble des garanties forcées confèrent, sans convention des parties, un droit de préférence au créancier. Il s'agit souvent pour ces garanties forcées d'attribuer une préférence qui surpassent le rang des garanties conventionnelles178(*).

Le cas des hypothèques forcées est différent des privilèges puisque les premières ne prennent rang qu'à leur inscription ordonnée d'ailleurs par décision de justice. L'hypothèque de la jouissance des terres domaniales, en vertu de la concession provisoire et d'une autorisation d'occupation ou d'exploitation du domaine public artificiel de manière spécifique, emprunte à ce mécanisme qui consiste à constituer l'hypothèque sur la base d'un texte juridique. L'hypothèque sur lesdites formes de jouissance n'est admise qu'au profit des établissements de crédit ou aux emprunteurs dont la créance est née en vue de la mise en oeuvre des investissements relatifs179(*) auxdites jouissances. Concrètement, la créance et la jouissance des terres doivent avoir un lien de connexité.

Il s'établit qu'il s'agit d'hypothèques légales dont la constitution peut impliquer l'administration180(*) mais aussi la justice181(*) si les parties n'ont pas convenue de telle garantie. En dehors de ces créances, aucune garantie n'est possible au profit d'autres créanciers182(*). La spécialité de la créance à garantir par l'hypothèque de la jouissance des terres serait en effet un prolongement du caractère limité de la jouissance des terres, s'il n'en est vraiment pas une conséquence.

En bref, les caractéristiques de l'hypothèque de la jouissance des terres sont empruntées aux caractéristiques de la jouissance des terres elle-même. Cette dernière est temporaire, précaire et limitée. Toutes les garanties sont instituées pour renforcer le droit de gage général du créancier, c'est la marque de leur caractère accessoire. Pour certaines hypothèques portant sur des droits réels de jouissance particuliers, la créance à garantir est spécifiquement désignée sous peine de nullité de la garantie constituée.

En conclusion, le bail emphytéotique, le bail à construction, le droit de superficie et les droits réels de jouissance dit innomés constituent des démembrements du droit de propriété qui peuvent valablement servir d'assiette à une garantie. Dans les terres domaniales, divers droits de jouissance peuvent être reconnus. Il s'agit des baux, des concessions provisoires, des autorisations d'occupation ou d'exploitation du domaine public artificiel déclassé et des droits des occupants ou exploitants du domaine national avant le 05 août 1974. Ces droits sont aussi susceptibles de garantie. En général, les garanties sont celles nommées c'est-à-dire déterminées par les textes législatifs et règlementaires, elles ne se créent pas par la volonté des parties. Un auteur affirmait à juste titre, en justifiant cette option, qu'« en matière de sureté, la liberté de création des droits réels n'aurait pas la même signification, puisque, à la limite, elle impliquerait que la convention des parties confère au créancier bénéficiaire de la sûreté un droit inédit de nuire aux créanciers chirographaires. »183(*) D'ailleurs, le créancier bénéficiaire est toujours en position dominante dans la conclusion des conventions de garanties. Il n'est pas admis d'instituer une garantie par convention des parties. Relativement aux droits de jouissance des terres, leur garantie est identifiée comme hypothèque. C'est donc l'hypothèque des droits réels de jouissance des terres ou plus simplement l'hypothèque de jouissance des terres. Celle-ci emprunte à l'hypothèque de l'immeuble ses caractéristiques et en plus, elle a des caractéristiques qui lui sont spécifiques. Celles qui lui sont spécifiques tiennent aux caractères précaire, temporaire et limité des droits de jouissance eux-mêmes, à la spécialité de la créance à garantir par certains d'entre lesdits droits. L'hypothèque portant sur ces droits emprunte de même à l'hypothèque de l'immeuble son régime tant dans ses règles de constitution que dans ses effets.

* 165G. CORNU, Vocabulaire Juridique, op. cit. p.285

* 166G. GOUBEAUX, La règle de l'accessoire en droit privé, op. cit. n°23

* 167G. CORNU, Vocabulaire Juridique, op. cit. p.11

* 168 Article 2093 du code civil applicable au Cameroun.

* 169I. L. MENDJIEM, « Régime général des sûretés », in Encyclopédie de l'OHADA, Porto Novo, Lamy, 2011, n°8

* 170C. DAUCHEZ, Le principe de spécialité en droit des sûretés réelles, op. cit. n°94

* 171I. L. MENDJIEM, « Régime général des sûretés », op. cit. n°23

* 172C. DAUCHEZ, Le principe de spécialité en droit des sûretés réelles, op. cit. n°83

* 173 Articles 179 à 181 de l'AUS.

* 174 Articles 182 à 189 de l'AUS.

* 175 Parmi les hypothèques légales reconnues en droit OHADA aux articles 210 à 212 on a :

- L'hypothèque légale du vendeur d'immeuble, du copartageant ou de l'échangiste ;

- L'hypothèque légale des architectes et entrepreneurs ;

- L'hypothèque légale de la masse des créanciers en cas de mise sous procédure collective.

* 176S. S. KUATE TAMEGHE, « L'efficacité des sûretés judiciaires dans le droit issu de l'OHADA », Revue de droit africain, n°42, avril-juin 2007.

* 177 Article 231 de l'AUS.

* 178 Cas des privilèges généraux.

* 179 Article 21 du décret du 11 août 2015.

* 180 L'article 21 sus évoqué énonce ce qui suit : « lorsqu'un crédit bancaire est sollicité en vue de la mise en valeur d'une concession provisoire sur le domaine national, le titre foncier peut être accordé immédiatement au concessionnaire. Dans ce cas, l'organisme de crédit doit saisir à cet effet le Ministre chargé des Domaines qui requiert le Conservateur foncier territorialement compétent pour établir un tel titre avec inscription à la même date et aux frais du bénéficiaire, d'une hypothèque au profit de l'organisme de crédit et de la clause résolutoire au profit de l'Etat. »

* 181 L'article 14 alinéa 3 du décret du 11 août 2015 dispose ce qui suit : « les droits, ouvrages, constructions et installations ne peuvent être hypothéqués que pour garantir les emprunts contractés par le titulaire de l'autorisation en vue de financer la réalisation, la modification ou l'extension des ouvrages, constructions et installations de caractère immobilier situés sur la dépendance domaniale occupée. » L'hypothèque instituée ici est l'hypothèque légale reconnue à ceux qui fournissent les deniers pour l'acquisition des biens de caractère immobilier prévue à l'article 211 alinéa 3 de l'AUS. La disposition du décret camerounais institue une hypothèque à constituer par les conventions des parties ou nécessairement par une décision de justice en vertu de l'article de l'Acte Uniforme ci-avant mentionné.

* 182 Article 14 alinéa 4 du décret sus-évoqué. Il y est ainsi disposé : « les créanciers chirographaires autres que ceux dont la créance est née de l'exécution des travaux ne peuvent pratiquer des mesures conservatoires ou des mesures d'exécution forcée sur les droits et biens mentionnés au présent article. »

* 183L. d'Avout et B. Mallet-Bricout, « La liberté de création des droits réels aujourd'hui. » Recueil Dalloz, 2013, n°24. Facilité de consentir les propriétés sûretés puisqu'elles découlent des conventions des parties.

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