Section 2ème : La contribution de l'OUA
Durant ses trente-neuf ans d'existence, l'OUA a
contribué à la résolution de nombreux problèmes
africains. En vérité et au regard de ce qui
précède, la Charte de l'OUA prévoyait plusieurs
domaines d'activités qui ont constitué son champ de
compétence.
Ici nous nous proposons de relever la contribution de
l'OUA sur un plan purement juridique car aller au-delà de cette
limite serait déborder largement le cadre restreint de cette
étude.
Ainsi, le cadre auquel nous nous limitons, nous permet de
traverser plusieurs aspects de
la contribution de l'OUA bien que nous ne saurions faire
un relevé exhaustif de ses réalisations.
Ce faisant, sur un plan purement juridique, nous nous
proposons de relever la
contribution de l'OUA au développement du droit
international africain avant de terminer par son apport quant à
la question particulière du règlement pacifique des
conflits interafricains.
§1 La contribution au développement du droit
international africain
L'examen de la contribution de l'OUA au développement
du droit international africain soulève au préalable la
question de savoir s'il existe un droit international africain. Ce n'est
qu'après une réponse affirmative qu'il faut relever l'apport de
l'OUA
au développement de ce droit.
A. L'existence du droit international africain
Si au lendemain des indépendances, certains auteurs
estimaient que le droit
international africain était un droit encore en
formation, quatre décennies après le
« soleil des indépendances », il serait vain de
contester sa réalité.
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En effet, avant les indépendances, l'Afrique n'a
connu le droit international traditionnel que dans une projection
coloniale (capitulation, protectorat, concession, etc.) que les Africains
considéraient dans la suite, comme un droit conçu en particulier
pour légitimer les acquisitions et privilèges
européens.
Ainsi, la substitution des structures de type colonial par une
configuration de l'Afrique indépendante a eu pour conséquence la
remise en question de ces principes élaborés par
les Européens et l'édification d'un réseau
de normes de droit régional spécifiquement
africain.153
En définitive, il apparaît que le droit
international africain est constitué de l'ensemble des normes
régissant les rapports entre Etats africains en quête de solutions
propres à leurs problèmes.154
Particulièrement, l'OUA a offert un cadre prestigieux
à l'élaboration et à la confection d'un corps de normes de
droit international africain.
B. L'apport de l'OUA au droit international
africain
A l'instar des autres organisations internationales, l'OUA
dispose de pouvoirs
normatifs, lesquels s'exercent de deux façons :
tantôt sous forme de conventions, tantôt sous forme de
résolutions ou décisions.
1. Les conventions de l'OUA
Depuis sa création en 1963, l'OUA a offert aux Etats
membres un cadre juridique
pour l'élaboration et l'adoption de multiples
conventions.
En effet, l'organisation à travers ses organes de
décisions a adopté 21 traités parmi lesquels treize
sont entrés en vigueur, les autres étant à
différents stades de signatures
ou de ratification.
153 GHALI (B. B.), op. cit., p. 5
154 GHALI (B.B.), Le système
régional africain in Colloque SFDI,Universalisme et
régionalisme dans le droit international contemporain , Paris , A.
Pedone, 1977, p. 61
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En 2001, le Secrétariat général de
l'OUA était dépositaire des traités et conventions
suivants155 :
I. Convention générale sur les
privilèges et immunités de l'OUA
II. Protocole additionnel à la convention sur les
privilèges et immunités de l'OUA.
III. Convention phytosanitaire pour l'Afrique.
Cette convention a été approuvée
par la Conférence des Chefs d'Etat et de gouvernement le
13 septembre 1967 à Kinshasa (République Démocratique du
Congo)
IV. La Convention africaine sur la conservation de
la nature et des ressources
naturelles.
Adoptée et signée par les Chefs d'Etat et
de gouvernement à Alger le 15 septembre
1968, elle est entrée en vigueur le 16juin 1969.
V. Constitution de la Commission africaine de l'aviation
civile
Signée à Addis-Abeba le 17janvier 1969, elle est
entrée en vigueur le 15 mars 1972.
VI. Convention régissant les aspects propres aux
problèmes des réfugiés en Afrique
Adoptée et signée par la Conférence
des Chefs d'Etat et de gouvernement à Addis- Abeba (Ethiopie)le
10 septembre 1969, elle est entrée en vigueur en 1975.
VII. Constitution de l'Association des Organisations
africaines de Promotion du
Commerce
Adoptée à Addis-Abeba le 18 janvier
1974, elle était considérée comme étant
provisoirement en vigueur bien qu'elle n'avait pas encore réuni la
ratification requise
de douze Etats signataires (article XV alinéa 3 de la
même convention).
VIII. La Convention inter africaine portant
établissement d'un programme de
coopération.
Cette convention n'est pas encore entrée en vigueur.
155 Le rapport du Secrétaire
général sur l'état des signatures et ratifications
/adhésion des traités de l'OUA, adopté
par le Conseil des ministres de l'OUA en sa 73ème
session ordinaire du 22 au 26 février 2001 à Tripoli
(Libye), Document OUA, CM/ 2196, ( LXXIII), p. 2
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IX. La Convention de l'OUA pour l'élimination du
mercenariat en Afrique
Elle est entrée en vigueur le 22 avril 1985 alors qu'elle
avait été Adoptée et signée le 3
juillet 1977 à Libreville (Gabon)
X. Charte culturelle de l'Afrique
Adoptée à l'Ile Maurice le 5 juillet 1976, elle
est entrée en vigueur le 19 septembre
1990.
XI. Charte africaine des droits de l'homme et des
peuples.
Adoptée par la 18ème
Conférence des Chefs d'Etat et de gouvernement de juin 1981
à Nairobi (Kenya), cette Convention a été ratifiée
par tous les Etats membres et entrée en vigueur le 21 octobre 1986.
XII. Convention portant création du Centre
africain pour le développement des
engrais.
Cette Convention n'est pas encore entrée en vigueur.
XIII. L'Accord portant création de l'institut
panafricain de réadaptation
Cet institut a été créé en
application de la résolution du CM /Rés.834(XXXVI)
adoptée
par le Conseil des ministres entérinée par
la 18èmeConférence des Chefs d'Etat et de
gouvernement à Nairobi(Kenya) en juin 1981.
L'Accord y afférent est entré en vigueur le 2
décembre 1981.
XIV. Traité instituant la Communauté
Economique Africaine
Adopté et signé à Abuja (Nigeria) le 3 juin
1991, ce Traité est entré en vigueur le 12
mars 1994
XV. Convention de Bamako sur l'interdiction
d'importer en Afrique des déchets
dangereux et sur le contrôle des mouvements
transfrontières et la gestion des déchets
dangereux produits en Afrique.
Adoptée lors d'une conférence du Conseil des
ministres de l'environnement à Bamako
(Mali) en janvier 1991, elle est entrée en vigueur le 22
avril 1998.
XVI. Charte africaine des droits et du bien-être de
l'enfant
Adoptée par la 26ème session de la
Conférence des Chefs d'Etat et de gouvernement d'Addis-Abeba
(Ethiopie) en juillet 1990, elle est entrée en vigueur le 29
novembre
1999.
XVII. Traité faisant de l'Afrique une zone exempte
d'armes nucléaires.
Bien qu'adopté le 11 avril 1996 au Caire en Egypte, ce
traité n'est pas encore entré en vigueur.
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XVIII. La Charte africaine des transports
maritimes.
Cette charte n'est pas encore entrée en vigueur.
XIX. Protocole à la charte africaine des
droits de l'homme et des peuples relatif à la
création d'une Cour africaine des Droits de l'homme
et des peuples.
Ce Protocole a pour objectif de renforcer le régime des
droits de l'homme en Afrique. Il
a été adopté par la
34èmesession de la Conférence des Chefs d'Etat et de
gouvernement
de l'OUA à Ouagadougou (Burkina Faso), le 10 juin 1998.
XX. Convention sur la prévention et la lutte contre
le terrorisme.
Adoptée à Alger par la 35ème
session de la Conférence des Chefs d'Etat et de
gouvernement.
2. Les décisions et résolutions de
l'OUA
Pour compléter les traités, les différents
organes de l'OUA ont pris des décisions
et résolutions importantes en vue de résoudre
les problèmes propres aux peuples africains.
François BORELLA affirme que « l'influence des
Etats africains sur le droit international est indéniable. Cette
influence est d'autant plus considérable dans la mesure où
elle aboutit à de nouvelles orientations dans l'interprétation
des principes et des objectifs de l'ONU ». 156
Il souligne également l'inquiétude
exprimée par les autres sujets de droit sur les divergences dans
la façon d'appréhender certaines questions de droit
international. En effet, dans le domaine de la décolonisation, les Etats
membres de l'OUA interprètent d'une façon particulière le
principe des compétences nationales réservées, arguant
que
le problème colonial constitue une ingérence dans
les affaires intérieures de l'Afrique,
ce qui leur permet de déduire de la
nécessité de soutenir les mouvements anticolonialistes. Cette
nécessité est érigée au rang de devoir qui s'impose
à tout Etat membre de l'OUA et un droit de résistance à
l'agression tel que reconnu par le droit international.157
156 BORELLA (F.), « Le régionalisme
africain en 1964 », in AFDI, 1965, p. 621
157 Idem., p. 623
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A partir de ce principe, l'OUA est parvenue à obtenir
l'adoption, par l'ONU, de
la résolution 2131(XX) du 21 décembre 1965 qui
appelait tous les Etats à contribuer à l'élimination
totale de la discrimination raciale et du colonialisme sous toutes
ses formes.
Notons également que des résolutions ont
été adoptées par les organes de l'OUA,
notamment le Conseil des ministres sur la question de
discrimination raciale.
Il s'agit entre autres de :
- la résolution sur l'apartheid et la discrimination
raciale158 ;
- la résolution sur l'interdiction de relations
aériennes entre Etats indépendants de l'Afrique et l'Afrique du
Sud159 ;
- la résolution sur l'application des régimes
minoritaires de l'Afrique Australe.160
Signalons enfin, l'existence des autres résolutions de
l'OUA destinées à édicter des règles
générales dont l'importance et le contenu ont varié selon
les axes prioritaires tracées par l'organisation au cours de son
évolution.
Sans être exhaustif nous citerons, les résolutions
sur la lutte contre la sécheresse et les
calamités naturelles (CM/Rés.924 (XXXVIII));
sur l'intangibilité des frontières
(AGH/Rés.16 (I)); sur les problèmes des pays
africains les moins avancés (ECM/ECD
9(XIV) Rev.2); sur le développement industriel en Afrique
(CM/Rés.886 (XXXVII));
sur les personnes handicapées en Afrique
(CM/Rés.920 (XXXVII)) ; sur la promotion
de la culture africaine (CM/Rés.757 (XXXIII)); sur
le droit de la mer (CM/Rés.745
(XXIII)).161
Cela étant, bien que sous l'égide l'OUA
il y ait eu confection d'un nombre important d'instruments et/ou
textes visant la recherche de solutions propres aux Africains, toujours
est-il qu'il demeurait beaucoup à faire dans la ratification
et leur mise en oeuvre. Cependant, à travers toutes ces mesures
édictées spécialement dans un intérêt commun
de l'Afrique, l'OUA a ainsi contribué au développement
du droit international africain.
158 CM/Rés. 102 (IX) septembre 1967 à
Kinshasa
159 CM/Rés. 473 ( XXVII) juillet 1976
à Port-Louis
160 CM/Rés.734(XXXIII)Rev.2 juillet1979
à Moronvia
161 Pour le contenu de toutes ces
résolutions, Cf. BA (A.) et al., op. cit..712 p.
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