Section 3ème : Les difficultés de
l'OUA
Le bilan de l'OUA tel qu'il se présentait lors
du trente-huitième sommet des Chefs d'Etat et de gouvernement,
peut-il paraître modeste à la lumière des ambitions
affichées à l'origine.
Au regard de ce qui précède, certes beaucoup de
réalisations ont été enregistrées mais force est de
constater que beaucoup d'objectifs demeuraient encore à
concrétiser.
Nombreux sont les auteurs, hommes politiques ou simples
observateurs qui ont affublé l'OUA de critiques acerbes. Pour
certains, il fallait en conclure avec cette organisation qui n'avait que
trop duré avec son inefficacité ; pour d'autres des
réformes institutionnelles étaient à envisager afin
d'assurer l'efficacité de l'OUA pour l'avenir.183
Cependant pour ce qui nous concerne, avant d'en arriver
là, nous pensons que dresser
un bilan honnête à l'OUA est tout d'abord d'exposer
ses objectifs - ce qui a été déjà fait
-, ensuite de relever sa réelle contribution -
nous venons de le faire - et enfin de terminer, au regard de ces
deux précédents points, sur les faiblesses et
difficultés auxquelles l'OUA a dû faire face durant ses
trente-neuf ans d'existence.
Pour ce faire, nous nous proposons, à travers
cette section, de répondre à la question de savoir : quelles
ont été les entraves à la capacité d'action de
l'OUA ?
C'est à ce titre que nous consacrerons un
premier paragraphe à mettre en lumière le contexte
général dans lequel l'OUA a évolué avant de
dégager les insuffisances juridiques qui ont caractérisé
l'OUA.
183 Axel KABOU va même plus loin en proposant
« dix bonnes raisons pour ne pas sauver l'OUA ! » Voir KABOU (A.),
Et si l'Afrique refusait le développement ?, Paris, L'Harmattan
1991, p. 91
75
§1 Le contexte général de l'existence de
l'OUA
A. Les contraintes internes
Les contraintes internes ont eu pour principales causes
les faiblesses liées aux
moyens humains ainsi que les insuffisances financières.
1. Les faiblesses liées aux moyens
humains
Il est certain que les moyens humains dont dispose une
organisation rendent
compte de son fonctionnement.
Au-delà, l'analyse de la condition de ces moyens
humains nous permet de rester en alerte avec le but de ce
paragraphe ; nous renseigner sur les entraves à la
capacité d'action de l'OUA ?
Selon un adage courant, une institution vaut ce que valent
les hommes qui la font vivre !
Pour ce qui concerne, l'OUA, nous prenons,
d'emblée, le soin de distinguer deux catégories de personnages
qui assurent le fonctionnement de l'OUA :
les hommes politiques ( ou représentants de
gouvernements) et le personnel administratif ( ou agents et
fonctionnaires de l'organisation)
a. Les hommes politiques
De prime à bord, il nous faut rappeler qu'au sein
de l'OUA les hommes
politiques composent les deux principaux organes
délibérants.
Toutefois, force est de constater que la Conférence des
Chefs d'Etat et de gouvernement
est l'organe suprême de l'organisation et que le
Conseil des ministres est totalement dépendant de la
Conférence des Chefs d'Etat.
Ce faisant, notre propos entend se limiter aux Chefs
d'Etat et de gouvernement. La
position prééminente des chefs d'Etat s'est
inévitablement répercutée sur la capacité
d'action de l'OUA.
Tout d'abord, en ce qui concerne le règlement des
conflits, le rôle accru des
Chefs d'Etat a éclipsé totalement celui de la
Commission de médiation.
76
A ce propos, Jean-Marie BIPOUM-WOUM n'hésite pas
à soutenir qu' « en fait, l'action en vue de l'apaisement des
litiges a surtout été l'oeuvre personnelle des Chefs d'Etat,
agissant individuellement ou collectivement. »184
Ensuite, l'apparition de l'institution de « Président
en exercice » non prévue par
la Charte mais consacrée par la pratique n'a fait que
renforcer la position clé des Chefs d'Etat au sein de l'OUA.
L'instauration de cette fonction a eu pour effet de
générer des velléités d'indépendance
de la part du Secrétaire général, lesquelles
pouvaient aboutir à des oppositions ou à des conflits
préjudiciables au bon fonctionnement de l'organisation.
A titre d'exemple, les initiatives prises par Edem KODJO,
à propos de l'admission de la
RASD eurent pour effet de susciter la critique du
Président en exercice du moment, le
Kenyan Arap MOI.185
Enfin et surtout, le rôle déterminant des
Chefs d'Etat peut motiver, en partie, pourquoi en général
les résolutions adoptées par la Conférence sont souvent
considérées comme des textes de compromis.
Pour le Pr. Pierre François GONIDEC, il est évident
que chaque chef d'Etat, qui décide
en dernier ressort de la politique qu'il juge la meilleure
à la fois pour l'Etat dont il a la charge et pour l'unité de
l'Afrique telle qu'il la conçoit, cherche à faire triompher son
point de vue dans le cadre de l'organisation.186
La conséquence est-elle aussi évidente : les
résolutions de l'OUA sont généralement des textes de
compromis qui laissent apparaître des ambiguïtés, des
silences et des non-dits. Nous y reviendrons longuement plus loin.
Pour clore sur ce point, notons que même si les Chefs
d'Etat dominent de leur stature l'OUA, il faut aussi souligner que la
marche quotidienne de l'organisation repose sur les épaules du
personnel administratif.
184 BIPOUM-WOUM (J- M.), op. cit.,p.
256
185 GONIDEC (P. F.), L'OUA, trente ans
après, Paris, Karthala, 1993, p. 36
186 Idem., p. 37
77
b. Le personnel administratif
Ici, nous évoquerons les agents et fonctionnaires de
l'organisation qui composent
le Secrétariat général et
particulièrement de son chef, le Secrétaire
général.
Il s'agit en fait de rechercher si la qualité du personnel
mis à la disposition de l'OUA est
de nature à renforcer la capacité de
l'organisation.
En premier lieu, en ce qui concerne la
désignation du Secrétaire général de l'OUA, le
Règlement intérieur du Secrétariat recommande de prendre
« avant tout en considération la compétence et les
mérites du candidat ».187
Cependant, la pratique montre plutôt que des
considérations politiques interviennent dans la procédure de
désignation à la fois du Secrétaire
général et des Secrétaires généraux
adjoints.
En fait, leur désignation est parfois due à
l'influence de tel ou tel Chef d'Etat.
C'est ainsi que Edem KODJO fut élu «
grâce à l'intervention personnelle du Chef d'Etat togolais,
le Général Gnassingbe EYADEMA ».188 Ou encore le
Guinéen Diallo TELLI qui « fut élu avec l'appui de Kwame
Nkrumah et de ses amis progressistes ».189
En marge de considérations politiques qui guident le choix
du Secrétaire général, le rôle
du Secrétaire général est aussi
handicapé par le fait que sa prétention à outrepasser son
rôle administratif a, à maintes reprises, provoqué des
réactions hostiles de la part des hommes politiques.
Selon KODJO (ancien Secrétaire général
de l'OUA), « si un Secrétaire général veut
durer, il ne peut qu'être le reflet fidèle de la
volonté contradictoire de ses innombrables patrons, les chefs d'Etats et
de gouvernement ».190
En second lieu, pour ce qui concerne le reste des
fonctionnaires et agents de l'organisation, ils sont, rappelons-le,
placés sous les ordres du Secrétaire général.
Le droit de l'OUA contient des principes qui garantissent
à l'organisation de disposer
d'un personnel hautement qualifié et
indépendant par rapport aux gouvernements de leurs Etats
d'origine.191
187 Article 8 du Règlement intérieur de
Secrétariat général de l'OUA, voir BA (A.) et al..,
op. cit. , p. 43
188 KOUASSI (K.), op. cit. , p.
151
189 GONIDEC (P. F.), op. cit., p.
33
190 KODJO (E.), préface in JOUVE (E.),
op. cit., p. 12
191 Voir à ce propos l'art. 18 de la Charte de
l'OUA et les art. 15 et suivants du Statut du personnel de l'OUA ;
doc. CM/896 (XXXI) Rev. 4 Annexe I
78
Toutefois, bien que jouissant d'un Statut international
reconnu192 , les fonctionnaires de l'OUA ne
bénéficient pas des mêmes conditions de confort et
d'aisance matérielle que les autres fonctionnaires internationaux,
comme ceux des Nations Unies, par exemple.
C'est ainsi qu'au cours de ses enquêtes, J.F CLARK
remarque qu' « il y avait parmi les observateurs à Addis-Abeba un
accord général sur le fait que le Secrétariat de l'OUA
était de qualité inférieure et que, ses faiblesses
étaient dues en partie au bas niveau des salaires
».193
Enfin, les mêmes observateurs dénotent une certaine
réticence, voire une répugnance, des Etats membres, à
mettre à la disposition de l'OUA leurs meilleurs
éléments.194
Dans notre étude, apparaît-il essentiel de ne pas
faire abstraction des insuffisances des moyens financiers de l'OUA. Nous y
consacrerons le point suivant.
2. Les insuffisances liées aux moyens financiers
Il est évident que l'insuffisance des moyens financiers
impose des limitations aux
possibilités d'action d'une organisation
internationale.
Ainsi, point n'est besoin de préciser que l'OUA,
à l'instar de toutes les organisations internationales et même des
Etats, doit disposer des ressources financières suffisantes pour
fonctionner et ainsi faire face aux tâches qu'elle déciderait
d'entreprendre.195
En effet, l'OUA était dotée d'un budget
dont la procédure d'adoption, d'exécution et de
contrôle est définie par la Charte et par le Règlement
financier.
Notre propos, loin de vouloir décrire ici le
droit budgétaire de l'OUA, vise plutôt à
démontrer dans quelle mesure l'OUA disposait de ressources
insuffisantes pour atteindre ses objectifs.
Le Règlement financier de l'OUA adopté à
Nairobi le 4 mars 1979 énumère l'origine de
ses recettes. En effet, l'article 23 stipule que les
recettes du budget de l'organisation comprennent :
- les contributions obligatoires des Etats membres ;
- les subventions, dons et legs ;
- les avances faites à l'organisation ;
- le remboursement des prêts et avances ;
192 Article 18, 2° de la Charte de l'OUA
193 CLARK (J.F), The politics of
Africa,, Africana Publishing, 1979 cité par GONIDEC (P.
F.), op. cit., p. 37
194 Ibid.
195 GONIDEC (P. F.), op. cit., p. 24
79
- les rémunérations des services rendus
éventuellement par l'organisation ;
- les prélèvements sur le fond de réserve ou
de roulement.
Nous nous proposons d'analyser les deux premières
catégories de sources des recettes car pour le cas des autres, elles
restent très hypothétiques et peu fréquentes.
a. Les contributions obligatoires
Ce sont les contributions financières versées
par les Etats membres de l'OUA,
elles constituent la première source des recettes du
budget de l'OUA.
A ce propos, l'article 23 de la Charte précise que la
part de chaque Etat est fixée au barème en usage aux Nations
Unies. Ainsi, « la part d'un Etat ne peut dépasser 20% du budget
ordinaire annuel de l'organisation »196 ; ceci pour
éviter qu'un Etat plus puissant que les autres ne dispose d'une plus
grande influence.
De plus, la contribution financière de chaque Etat est
évaluée en fonction de son Produit
National Brut (PNB) et de sa population.197
A partir de ces remarques et à la lumière de la
pratique, nous ferons deux observations intéressantes.
La première est que compte tenu des capacités
réduites de la plupart des Etats
africains, il apparaît évident que le budget de
l'OUA est fort modeste.
Ainsi, « en 1998, c'est un budget de quelque 30 millions
provenant des cotisations des
Etats membres dont 28 sont les plus pauvres du monde
».198
La seconde et dernière observation est qu'aussi modique
que peut apparaître la contribution financière des Etats au budget
de l'OUA, cette dernière devait encore faire face à
l'irrégularité des contributions de ses Etats membres.
A titre d'exemple, KOUASSI note que pour l'année
fiscale 1983-1984, cinq Etats seulement avaient payé la
totalité de leur contribution et 35 n'avaient encore rien payé
alors que même certains n'avaient rien versé depuis 1970.
199
196 Article 23 de la Charte de l'OUA
197 KAMARIZA (E.), 35 ans d'existence de l'OUA :
ses forces et ses faiblesses, Bujumbura, Mémoire UB, juillet
1999, p. 20
198 KAMARIZA(E.), op. cit., p. 21
Cependant, nous tenons à préciser qu'elle n'indique
pas la source de ces chiffres ou de cette affirmation.
199 KOUASSI (K.), op. cit. , p.
242
80
En outre, GONIDEC indique à son tour qu'en 1986,
les arriérés s'élevaient à 40,5
millions de US dollars soit plus d'une fois et demie le budget de
l'exercice fiscal 1986-
1987 qui était de 25 millions de US. 200
Enfin, le budget approuvé pour l'exercice
financier 1999/2000 était de 33.400.000 dollars EU, tandis que les
arriérés au bilan du 31 mai 2000 s'élevaient à
47.547.870,13 dollars EU.201
De ces observations, nous pouvons conclure - en
faisant nôtre, la pensée du professeur GONIDEC - que l'OUA
« est prise dans un cercle vicieux, elle est parfois incapable d'agir
parce qu'elle ne bénéficie pas d'un soutien financier suffisant
des Etats
et ceux-ci ne peuvent pas augmenter leurs contributions
financières [ou en assurer la régularité] parce que
l'OUA ne les aide pas suffisamment à résoudre les
problèmes de sous développement ».202
Et faute de pouvoir compter sur des contributions
régulières et suffisantes des Etats membres, l'OUA peut
recevoir dons, legs et subventions.
b. Dons, legs et subventions
La pratique révèle qu'à maintes
occasions, l'OUA a dû faire appel à l'aide
extérieure. Le Règlement financier de l'OUA
prévoit que l'organisation peut recevoir dons, legs et autres
libéralités, à condition qu'elles soient acceptées
par le Conseil des ministres qui en examine la compatibilité avec les
objectifs de l'organisation.203
A la lumière de ce Règlement, nous pouvons
envisager deux situations aux conséquences portant préjudice
à l'autonomie de l'OUA.
Soit ces dons, legs et subventions proviennent des Etats
africains riches, et dans ces cas
l'organisation connaît, en son sein, un accroissement
d'influence de certains Etats. Soit, elles ont une origine extérieure
(par rapport aux Etats membres), et alors l'autonomie
de l'organisation est sérieusement entamée.
200 GONIDEC (P. F.), op. cit., p.
26
201 Rapport financier de l'OUA pour l'exercice
financier 1999/2000, Doc. CM/2182 (LXXIII), p. 9
202 GONIDEC (P. F.), op. cit., p.
25
203 Voir art. 23 et ss. du Règlement financier
de l'OUA, documents C.M./896 (XXXI), Rev.5, Annexe III
81
Généralement, ces contributions volontaires
alimentent des Fonds spéciaux créés pour une action
spécifique.204
A titre d'exemple, nous citerons, en premier lieu, le cas du
Fonds spécial créé en 1963
et géré par le Comité de coordination pour
la libération de l'Afrique.
Ce fonds devait être financé principalement par
les contributions des Etats membres et d'une manière secondaire par
des contributions (sous forme de dons) des institutions privées
telles que les ONGs.205
On notera, cependant, qu'en 1978, l'aide fournie
par l'ONG SIDA ( Swedish
International Developpement Agency) à ce Fonds
spécial atteignit le double de celui versé par
l'OUA.206
En outre, un Fonds pour la paix fut créé en juin
1993. Ce Fonds a reçu dans les trois années qui ont suivi sa
création, 12,101 millions de dollars EU, dont la moitié provenait
des contributions volontaires des pays étrangers ( la plus
importante provenant des Etats-Unis d'Amérique).207
Ainsi, il apparaît que ces ressources d'origine
externe constituent une part relativement importante de financement des
activités de l'organisation.
Cependant, le fait que ces sommes ne soient affectées que
dans des secteurs considérés comme prioritaires par le donateur,
compromet la liberté d'action de l'organisation.
En fin de compte, il convient de remarquer que l'OUA ne
dispose pas de ressources suffisantes et propres pour faire face à
ses objectifs.
C'est probablement le signe le plus net du dysfonctionnement de
l'organisation
Ceci a eu pour conséquence inévitable de
l'obliger à une dépendance vis-à-vis du monde
extérieur, et partant de l'exposer aux aléas de l'environnement
international.
204 COMBACAU (J.) et SUR (S.), op.
cit., p. 747
205 BA (A.) et al., op. cit., p. 315
206 Idem., p. 334
207 KAIDI (H.) et al, « OUA : qui finance le
fonds pour la paix ? », in Jeune Afrique, n°1854 du 17 au 23
juillet
1996, p. 26
82
B. Les contraintes externes
Il est certain que l'Afrique constitue une région
du point de vue des relations
internationales. De ce fait, ce continent - et partant
l'OUA - est enchaîné à des influences diverses
qu'exercent les autres acteurs internationaux dans les relations
internationales.
Notre propos - nous tenons à le préciser - ne
s'inscrit pas dans une logique de décrire les relations entretenues par
l'Afrique avec le reste du monde.
Plutôt, nous essayerons de dégager d'une
manière très sommaire, les répercussions de
l'environnement international sur la capacité d'action de l'OUA.
Tout d'abord, jusqu'à la fin du XXème
siècle, l'environnement mondial a été
caractérisé par une bipolarisation due à la
supériorité écrasante de deux superpuissances : l'URSS et
les Etats-Unis d'Amérique. Le reste des autres pays se sont
rangés autour de l'une ou l'autre puissance pour former deux
blocs antagonistes : communistes et capitalistes.
La question qui nous intéresse ici est de
savoir dans quelle mesure ces deux superpuissances ont
influencé la capacité d'action de l'OUA ?
D'une part, un premier élément de réponse
peut être apporté par K. MATHEWS qui note que la
pénétration de l'Afrique par les superpuissances est
elle-même une des causes les plus sérieuses de la division parmi
les pays africains.208
En effet, il est clair que, dans une organisation
fondamentalement interétatique telle que l'OUA, l'adoption par les
différents Etats membres de structures sociales, économiques
et politiques calquées sur celles des deux
dominantes et antagonistes ne pouvait que déboucher sur un
élément de division au sein de l'OUA.
D'autre part, les ingérences des deux superpuissances
dans les affaires africaines ont naturellement empiété sur les
prérogatives de l'OUA ou à tout le moins, réduit sa
capacité d'action. Point n'étant besoin de rappeler que la Charte
de l'OUA condamne clairement tout atteinte à la souveraineté
et à l'indépendance de ses Etats membres, nous
soulignerons que le Conseil des ministres de l'OUA rappelait à
son tour que
« l'unité de l'Afrique exige que le règlement
de tous les conflits qui peuvent survenir
entre Etats membres sont à rechercher dans le cadre de
l'OUA ».209
208 MATHEWS (K.), «The OAU», cité
par MAZZEO (D.), African regional organizations, Cambridge
University
Press 1984, pp. 49-84
209 Document OUA CM/Res. 79 ( VII) .Voir BA (A.) et
al., op. cit. , p. 152
83
Les événements, que l'OUA a dû traverser, ont
montré que la pratique n'avait pas suivi
la théorie. A titre d'exemple, nous pouvons mentionner la
guerre d'Angola, pays qui fut
le théâtre d'affrontement des deux
superpuissances par pays et mouvements de libération
interposés pendant près de 25 ans.210
Même si vers la fin du XXème en
siècle, on assiste à l'écroulement du bloc communiste,
on constate que les conflits africains restent à la
croisée d'intérêts à la fois politiques et
économiques qui sont extérieurs au continent211 .
Ensuite, les pays africains ont été dans
l'incapacité de se débarrasser de l'influence de leurs
anciennes métropoles.
A ce titre, Augustin Kontchou KOUOMEGNI notait que : « tous
les pays de l'ancienne
Afrique noire française - en dehors de la Guinée
et du Mali - sont restés membres de la Zone franc dont le
fonctionnement est basé sur quelques principes essentiels et la
prédominance économique et politique de la France
».212
Il ajoute qu' « en outre, les Etats
anglophones d'Afrique font tous partie du Commonwealth, par laquelle
la Grande Bretagne maintient une certaine influence... ».213
Cette situation a abouti à la constitution de
groupes qui pouvaient paralyser le fonctionnement de l'organisation.
Ainsi, en 1982, l'admission de la RASD à
l'OUA bloqua complètement le fonctionnement de l'organisation
pendant plusieurs mois, et la dix-neuvième session ordinaire de la
Conférence fut reportée deux fois faute de quorum, avant
d'être annulée définitivement.214
Notons enfin que l'environnement international n'a
pas constitué qu'une contrainte à la capacité
d'action de l'OUA. A certains égards, elle a renforcé
cette capacité en contraignant les Etats africains à faire front
commun face à certains acteurs internationaux..
210ADJOVI (R.), L'Organisation de l'Unité
Africaine et la gestion des conflits internes, Paris,
mémoire Paris X Nanterre, 1996, p. 4
211 A ce propos pour plus de détails voir
BRAECKMAN (C.), Les nouveaux prédateurs, Paris, Fayard, 2003,
312
p.
212 KOUOMEGNI (A. K.), Le système
diplomatique africain, Paris, Pedone, 1977, p. 73
213 Idem., p. 74
214 BARBIER (M.), « Le problème du Sahara
occidental et la crise de l'OUA », in Le mois en Afrique,
avril-mai
1983, 207-208, n°18, p. 40
84
A titre d'exemple, nous citerons le cas des deux groupements qui
se sont formés pour donner plus de poids aux intérêts
africains sur la scène internationale :
Le groupement Afrique Caraïbe Pacifique (ACP)
constitué pour donner du poids aux positions africaines dans les
négociations, qui ont abouti à la convention ACP/CEE de
Lomé ; et
Le Groupe africain au sein des Nations Unies.215
Pour conclure sur ce point, nous tenons à souligner que
les contraintes externes ont affecté dans une large mesure la
capacité d'action de l'OUA.
Ceci nous parait d'autant plus fondamental que les jugements
portés sur l'OUA n'ont que très rarement pris en
considération la dimension internationale.
Au-delà, c'est tout le contexte général dans
lequel l'OUA a évolué qui nous aura permis
de comprendre les difficultés de l'OUA, du moins en
partie, car sur un plan purement juridique, il s'avère indispensable
de relever également les faiblesses du système juridique au
titre des insuffisances juridiques de l'OUA.
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