CHAPITRE III : DE LA CHARTE DE L'OUA A L'ACTE
CONSTITUTIF DE L'UNION AFRICAINE : LES INNOVATIONS MAJEURES
Si en mai 1963, trente-deux dirigeants s'étaient
réunis en vue de fonder l'OUA, c'est quarante-trois dirigeants africains
qui se sont réunis à Durban (Afrique du Sud) en juillet 2002
pour proclamer et officialiser non seulement la disparition de l'OUA, mais
aussi la création de l'Union africaine.
La Charte de l'OUA devait être remplacée
par l'Acte constitutif de l'Union africaine. Ici, nous nous attacherons
à dégager les innovations majeures qu'apporte l'Acte
constitutif au regard de la Charte que nous avons étudiée dans
les développements antérieurs.
C'est dans ce dessein que nous jetterons un regard sur le
dispositif institutionnel prévu par l'Acte constitutif. Dans la
suite, nous alimenterons notre étude par les réformes
majeures contenues dans l'Acte constitutif ; avant de la terminer finalement
par les défis majeurs auxquels l'Union africaine est appelée
à faire face.
Cependant, la disparition de l'OUA ayant
été suivie de la constitution de l'Union africaine,
convient-il d'abord de revenir sur le processus de transformation de l'OUA en
Union africaine.
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Section 1ère : De l'OUA vers l'UA
La transformation de l'OUA en UA ne s'est pas
réalisée en un jour. Elle s'est déroulée en
plusieurs étapes, bref elle fut un processus.
C'est dans cet esprit que nous nous proposons de relever
les modalités de cette transformation (§1) avant de pouvoir en
dégager les effets (§2).
§1. Les modalités de la transformation de l'OUA
en UA
Conformément à la décision de la
trente-cinquième session de la Conférence des Chefs d'Etat et de
gouvernement, tenue à Alger du 10 au 12 juillet 1999, les dirigeants
africains s'étaient engagés à se retrouver à Syrte
en Libye à l'occasion de la 4ème session
extraordinaire de leur Conférence. Le but de cette rencontre
était de discuter des voies
et moyens de renforcer leur organisation afin de la
rendre plus efficace et de lui permettre de s'adapter aux changements
sociaux, politiques et économiques qui se produisent à
l'intérieur et à l'extérieur de leur
continent.250
Par la suite, quatre sommets se sont tenus et ont abouti au
lancement officiel de l'Union africaine.
A. Les sommets initiateurs de l'Union africaine
Dès 1999, cinq sommets de la Conférence des Chefs
d'Etat et de gouvernement
ont balisé la route conduisant à la création
de l'Union.
1. La quatrième session
extraordinaire des Chefs d'Etat et de gouvernement
(Syrte, 1999)
La marche vers l'Union africaine commence avec la
quatrième session
extraordinaire de la Conférence des Chefs d'Etat et
de gouvernement, tenue à Syrte
(Libye) en 1999.
En effet, la seule question inscrite à l'ordre du jour
était la suivante :
250 Décision sur la convocation d'une session
extraordinaire de la Conférence des Chefs d'Etat et de gouvernement
de l'OUA, AHG /Dec. 140 (XXXV), p. 1.
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« Comment renforcer la capacité de l'Afrique
à faire face aux défis du nouveau millénaire?
»251
C'est pour répondre à cette question
que, dans la déclaration de Syrte sanctionnant leurs travaux,
les Chefs d'Etat et de gouvernement « décident la
création
de l'Union africaine et mandate le Conseil des ministres
de prendre des mesures
nécessaires à l'élaboration de l'Acte
constitutif de l'Union en lui exigeant de présenter
un rapport à la 36ème session ordinaire
du sommet de Lomé (Togo).
2. La trente-sixième session
ordinaire de la Conférence des Chefs d'Etat et de
gouvernement (Lomé, 2000)
La Conférence des Chefs d'Etat et de gouvernement,
réunie du 10 au 12 juillet
2000 dans la capitale togolaise, en ayant pris note du rapport et
des recommandations de
la 72ème session ordinaire du Conseil
des ministres, a approuvé et adopté le projet d'Acte
constitutif de l'Union africaine. 252
De plus, la Conférence a décidé de
soumettre l'Acte constitutif à la signature et à la
ratification des 53 Etats membres de l'OUA, en les exhortant « à
prendre les mesures nécessaires pour le signer et le ratifier
aussitôt que possible afin d'assurer sa mise en oeuvre rapide
».253
A l'issue du sommet, les Chefs d'Etat et de
gouvernement ont sorti une déclaration dite « de Lomé
» qui renvoyait la décision solennelle de création de
l'Union africaine à Syrte, au mois de mars 2001 lors de la
5ème session extraordinaire de
la Conférence. 254
3. La cinquième session
extraordinaire de la Conférence des Chefs d'Etat et
de gouvernement de l'OUA (Syrte, 2001)
Sur invitation du Guide de la Révolution de la Jamahiriya
Libyenne, le Colonel
Mouammar Kadhafi, les Chefs d'Etat et de gouvernement se sont
retrouvés encore une fois à Syrte en Libye, du 1er au
2 mars 2001, dans une session extraordinaire.
251 GHARBI (S.), « Etats-Unis d'Afrique :
Faut-il y croire ? », in Jeune Afrique, n°2035, du 21 au 27
septembre
1999, p. 91
252 Décision sur la création de l'UA et
du Parlement panafricain, AHG/Déc. 143 (XXXVI), p. 1
253 Décision sur la création de l'UA et
du Parlement panafricain, AHG/Déc. 143 (XXXVI), p. 1
254 Déclaration de Lomé,
AHG/Décl. 2 (XXVI), p. 8
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A l'issue de leurs travaux, les Chefs d'Etat et de gouvernement
ont décidé :
« 1. de déclarer solennellement la création de
l'Union africaine par la volonté unanime des Etats membres ;
2. que les conditions juridiques de l'Union seront remplies
lorsque le 36ème instrument
de ratification de l'Acte constitutif sera
déposé;
3. que l'Acte constitutif de l'Union entre en vigueur
30 jours après le dépôt des instruments de
ratification par les deux tiers des Etats membres de l'OUA, tel qu'il est
stipulé à l'article 28 de l'Acte constitutif ».
255
Enfin, la Conférence des Chefs d'Etat et de
gouvernement a estimé qu'elle prendrait « les décisions
nécessaires pour la transformation de l'OUA en Union africaine
et pour l'élaboration des protocoles appropriés
relatifs aux organes et institutions de l'Union» 256 au
cours de la 37ème session ordinaire de la
Conférence.
4. La trente-septième session de la
Conférence des Chefs d'Etat et de
gouvernement (Lusaka, 2001)
Les Chefs d'Etat et de gouvernement réunis au
37ème sommet de l'OUA qui s'est
tenu du 9 au 11 juillet à Lusaka en Zambie ont
établi le programme visant la mise en place de l'Union africaine.
Cependant, entre le sommet de Syrte et celui de Lusaka,
précisément le 26 avril 2001, le
36ème instrument de ratification avait
été déposé au Secrétariat
général257 ; remplissant ainsi les conditions
juridiques nécessaires à la création de l'Union.
Forte de cette avancée significative et à
l'issue de l'examen du rapport du Secrétaire général
sur la mise en oeuvre de la décision de Syrte, la Conférence a
pris des mesures visant la mise en place de l'Union africaine notamment en ce
qui concerne le lancement des organes de l'Union ainsi que la vulgarisation de
l'Union africaine.258
255 Décision EAHG/déc. 1(V), in Rapport
du Secrétaire général sur la mise en oeuvre de la
décision de Syrte sur l'Union africaine, Doc. OUA CM2210 (LXXVI),
pp.1-2
256 Décision EAHG/déc. 1(V), in Rapport
du Secrétaire général sur la mise en oeuvre de la
décision de Syrte sur l'Union africaine, Doc. OUA CM2210 (LXXVI),
pp.1-2
257 Il faut aussi signaler que les 53 Etats membres
de l'OUA avaient déjà signé l'Acte constitutif de
l'Union
africaine. Cf. Rapport du Secrétaire général
sur la mise en oeuvre de la décision de Syrte sur l'Union africaine,
Doc. OUA CM/2210 (LXXVI), p. 1
258 Décision sur la mise en oeuvre du sommet
de Syrte sur l'UA, AHG/Déc. 160(XXXVII), p. 1
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En outre, des directives ont été ainsi
adressées au Secrétaire général notamment sur la
réorientation des ressources budgétaires de l'OUA et sur la
conception de l'emblème ou des symboles de l'Union
africaine.259
Enfin, la Conférence a exhorté tous les Etats
membres qui n'avaient pas encore ratifié l'Acte constitutif à
le faire avant la session inaugurale de l'Union africaine prévue
lors du sommet des Chefs d'Etat et de gouvernement qui a eu lieu à
Durban en Afrique du Sud.
5. La première session de l'Union africaine (Durban,
2002)
La session inaugurale de la Conférence des Chefs d'Etat et
de gouvernement de
l'Union s'est tenue à Durban du 9 au 10 juillet2002.
A Durban, la Conférence a tout d'abord adopté son
Règlement intérieur et les Statuts de
la Commission.
En ce qui concerne la Commission de l'Union, la
Conférence a aussi décidé
« d'instituer à compter du 9 juillet 2002, une
période intérimaire d'une durée d'un an à l'issue
de laquelle se tiendrait la 2ème session de la
Conférence de l'Union pour désigner le Président et le
Vice-président, ainsi que les Commissaires par l'intermédiaire du
Conseil exécutif ». 260
Précisément, le Conseil exécutif avait tenu,
en marge de la session inaugurale de
la Conférence, sa première session
ordinaire (le 10 juillet à Durban) au cours de laquelle, elle
avait également adopté son Règlement intérieur
et celui du Comité des représentants
permanents.261
259 Décision sur la mise en oeuvre du sommet
de Syrte sur l'UA, AHG/Déc. 160 (XXXVII), pp. 5-6
Par ailleurs, compte tenu des tâches à
exécuter, la Conférence des Chefs d'Etat et de gouvernement avait
décidé
« que la période transitoire sera d'une durée
d'un an», à compter de l'adoption de cette décision
260 Décision sur la période
intérimaire, Assembly /AU/Déc. 1(I), p.1
261 Décision sur les projets de
Règlement intérieur, Ex. CL./AU/Déc. 1(I), p. 1
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Enfin, à l'issue de leurs travaux, les Chefs d'Etat et
de gouvernement ont, dans leur déclaration finale, rendu hommage
à l'OUA pour ses réalisations au cours de ses trente-neuf ans
d'existence avant de prendre le ferme engagement « de mettre d'urgence
en place les structures institutionnelles pour faire avancer
l'agenda de l'UA [...] ».262
« L'OUA n'est plus, vive l'Union africaine !
»
Au-delà de cette clameur entendue à Durban,
dans cette étude nous nous proposons d'analyser les effets de la
transformation de l'OUA en Union africaine.
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