§2. Une architecture institutionnelle
rénovée
Créée dans l'espoir de remédier aux
insuffisances affichées par l'OUA, l'Union africaine était
attendue comme porteuse de changement sur le plan institutionnel.
C'est effectivement sur ce plan que des changements sont
palpables aussi bien à travers
le nombre d'organes prévus par l'Acte constitutif que par
la diversité et l'étendue des prérogatives de ces nouveaux
organes.
En effet, parmi les neuf organes prévus aux termes de
l'article 5, 3° de l'Acte, trois (la Conférence, le Conseil
exécutif, et les Commissions techniques spécialisées)
s'inscrivent dans une logique de « continuité dans le
changement», alors que le reste des organes sont annonciateurs de futurs
chantiers pour l'Union.
A. Les organes s'inscrivant dans la
continuité
D'une manière générale, la
Conférence de l'Union et le Conseil exécutif
s'inscrivent dans la continuité de la Conférence
des Chefs d'Etat et de gouvernement et
du Conseil des ministres de l'OUA.
En effet, à l'instar de son homologue de l'OUA, la
Conférence de l'Union est la pièce maîtresse de l'Union de
par ses pouvoirs et attributions. C'est à elle que revient la charge de
tout le volet politique de l'Union qu'il s'agisse du contrôle du
fonctionnement
de la Commission, ou de la nomination de ses principaux
dirigeants ou bien encore de la
définition des politiques.302
En outre, à l'image du Conseil des ministres de l'OUA
auquel il a succédé, le Conseil exécutif est le
deuxième organe important de l'UA. Par la fréquence de ses
réunions et l'étendue de ses attributions, elle se trouve
dans une position charnière entre la Conférence et la
Commission.303
Enfin, les Comités techniques spécialisés
remplacent les Commissions spécialisées
et se subdivisent en sept spécialités
apportant aussi une nouveauté réelle. Selon
AMAIZO, le rôle des Comités techniques
spécialisés est valorisé par les articles 14,
15 et 16 de l'Acte fondateur.304
302 BOURGI (A.), op. cit. , p. 333
303 SAMSON (D.), « Union africaine la
continuité dans le changement », www.rfi.fr, article
publié le 14 juillet
2003
304 AMAIZO (Y.E.), « De l'OUA à l'UA :
les échecs de l'interdépendance », in Afrique
contemporaine,
1er trimestre 2001, n°197, p. 102
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B. Les nouveaux organes
L'Acte constitutif introduit de nouveaux organes par
rapport au schéma
institutionnel qui fut celui de l'OUA.
En effet, en premier lieu, la Commission fait figure
de symbole des nouvelles orientations de l'Union et de la volonté de
rompre avec les modes d'organisation et de fonctionnement du Secrétariat
général de l'OUA.
Albert BOURGI note en outre, que « la
présélection très rigoureuse des candidatures
aux postes de Commissaires, sous la forme d'un
classement établi à partir des seuls critères de
compétence a permis d'éviter le piège de la politisation
dans lequel s'est trop longtemps enfermé l'OUA ».305
Deuxièmement, deux nouveaux organes semblent
répondre à une volonté de la plupart des fondateurs
de l'Union africaine, d'impliquer directement les opinions publiques
africaines dans le chantier de l'intégration politique et
économique du continent.
Il s'agit d'une part, de l'institution du Parlement
panafricain, composé par des représentants
désignés par les parlements nationaux.
Ce nouvel organe, à plus long terme, devrait
s'inspirer du Parlement européen et
« comprendre des députés africains élus
au suffrage universel direct dans chaque Etat membre ».306
D'autre part, c'est le Conseil économique, social et
culturel appelé lui aussi à être une tribune de la
Société civile africaine de l'Union africaine.
En troisième lieu, une autre innovation
institutionnelle de l'UA réside dans la création d'une Cour
de justice. Bien qu'actuellement (juillet 2006), la Cour africaine de justice
ne soit pas encore fonctionnelle, elle marque un courant
décisif pour l'Union africaine qui s'est dotée,
contrairement à l'OUA, d'un organe proprement judiciaire
305 BOURGI (A.), op. cit., p. 335
306 Ibid.
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chargé entre autres de l'interprétation et de
l'application de l'Acte constitutif ou de toute autre question relative
au droit international.307
Quatrièmement, il est aussi important de relever
au nombre des innovations institutionnelles, la création du CPS.
L'originalité de ce nouveau dispositif de l'Union africaine
réside dans la création de nouveaux instruments permettant au
Conseil de paix
et de sécurité d'assurer ses
responsabilités, en matière de prévention des conflits
(via le
système continental d'alerte rapide),
d'intervention (via la force africaine pré positionnée)
et de commandement des opérations (Comité d'Etat
major).308
Cinquièmement et en dernier lieu, il convient
également de mentionner un nouvel organe politique : le Comité
des représentants permanents.
Cet organe est chargé d'assurer au quotidien le lien entre
le Conseil exécutif, dont il est
en quelque sorte le mandataire, et la Commission.
A la croisée entre ces deux organes importants, cet organe
est appelé à jouer un rôle important dans la structure de
l'UA.
BOURGI rapporte d'ailleurs que « l'activisme du COREP n'a
d'ailleurs pas échappé à
la Libye qui y voit un obstacle à ses ambitions
hégémoniques et, de ce fait, a tenté sans
y parvenir, d'obtenir la suppression (...), lors du sommet
extraordinaire réuni en février
2003 pour discuter des propositions portant amendements de l'Acte
constitutif ».309
En définitive, au terme de cette étude sur
les réformes majeures, il n'est pas à douter que, de par
son Acte constitutif, l'UA apparaisse comme un véritable espoir pour
le continent africain. Non seulement, elle se fixe des objectifs
ambitieux, à la mesure des problèmes que connaît l'Afrique
mais encore son architecture institutionnelle fait preuve
de grandes innovations.
Toutefois, il n'est pas sans intérêt de
relever les défis auxquels la nouvelle institution panafricaine
doit faire face pour que l'espoir qu'elle suscite se concrétise.
307 CARBONE (M.), « De l'OUA à l'UA :
Une page de l'Afrique est tournée », in Le Courrier
ACP-UE, septembre-octobre, n° 194, p. 30
308 Initiative du réseau francophone de
recherche sur les opérations de paix, « L'Union africaine, en bref
», www.operationspaix.net/operations-en-cours
309 BOURGI (A.), op. cit. , p. 339
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