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Les aspects juridiques de la transformation de l'Organisation de l'unité africaine en Union africaine


par Elodie INAMAHORO et Guy-Fleury NTWARI
Université du Lac Tanganyika
Traductions: Original: fr Source:

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Section 4 : Les défis de l'Union africaine

Quatre ans après son lancement officiel et après avoir franchi l'étape de la ratification du traité fondateur, l'UA est déjà engagée dans la course d'obstacles afin d'atteindre ses ambitieux objectifs car il est vrai que les défis sont multiples et divers.

Un relevé exhaustif de ces défis ne serait pas adéquat pour une étude aux dimensions modestes comme celui-ci.

Toutefois, nous nous proposons de dégager les grands axes qui transcendent ces multiples défis.

De plus, nous n'hésiterons pas à émettre des recommandations à l'UA allant dans le

sens de lui permettre de faire face à ses deux grands chantiers : l'opérationnalisation et

le renforcement de sa structure ainsi que l'intégration politique du continent.

§1. L'opérationnalisation et le renforcement de la structure de l'UA.

Bien que le schéma institutionnel tracé par l'Acte constitutif soit innovant, point n'est besoin de rappeler que certains organes sont encore non opérationnels et qu'il convient donc, de les rendre fonctionnels. (A)

En outre, ceux qui le sont déjà présentent la nécessité d'être renforcée pour mieux accomplir leurs tâches notamment en ce qui concerne leur règle de fonctionnement (B).

Enfin, il va sans dire que l'opérationnalisation et le renforcement de la structure nécessitent conséquemment des ressources financières adéquates qu'il faudra mobiliser

(C).

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A. Achever la construction de la structure de l'UA

A terme, il est clair que l'UA ne pourra réaliser ses objectifs que si elle achève

entièrement la mise en place de sa structure.

Ainsi de tous les organes non fonctionnels précédemment cités, la Cour africaine de justice et le Conseil économique, social et culturel doivent être en priorité opérationnalisés.

A l'instar de la Cour de Justice des Communautés européennes( qui est un organe commun de l'Union européenne et de l'EURATOM), un organe judiciaire est une nécessité incontournable. Ainsi, il ne serait pas des plus fâcheux si l'UA pouvait se doter d'un organe judiciaire adéquat, qu'elle pourrait consulter sur toutes les questions juridiques délicates et qui contribuerait de la sorte utilement à l'adaptation permanente

de l'organisation aux affaires du continent.

A propos de l'instrument unique relatif à la fusion de la Cour africaine de justice et de

la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples évoqué précédemment, la Conférence de l'Union, réunie à Banjul (Gambie) en juillet 2006 a demandé « à la Commission de convoquer une réunion des ministres de la justice pour examiner le projet de Protocole relatif aux Statuts de la Cour africaine de Justice et des droits de l'homme, y compris les questions en suspens, et formuler des recommandations

appropriées au Conseil en janvier 2007 ».310

Enfin, en ce qui concerne les institutions financières, la mise en place éventuelle d'une Banque Centrale africaine, d'un Fonds monétaire et d'une Banque africaine d'investissement serait une avancée significative vers l'union économique du continent, bien qu'il soit indispensable de nuancer sur la mise en place de ces institutions dans l'environnement actuel.

310 Décision sur le projet d'instrument unique relatif à la fusion de la cour africaine des droits de l'homme et des

peuples et la cour de justice de l'union africaine, Assembly/AU/Dec.118 (VII) Rev.1

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Comme pour relayer notre pensée, Amara ESSY, ancien Secrétaire général de l'OUA et Président intérimaire de la Commission de l'UA pendant la période de transition, estime que « pour ces initiatives aussi importantes, il faut des préalables économiques, un vigoureux assainissement des économies africaines et une convergence monétaire ».311

Ainsi à ce stade, il faudrait donc se contenter de maintenir et de consolider d'autres

institutions financières existantes, telle que la BAD qui pourrait jouer éventuellement le rôle de Banque africaine d'investissement.

B. Renforcement des organes clés

De même que la stratégie d'innovation institutionnelle a inspiré l'Acte constitutif,

celle de renforcement de certains organes de l'UA est aussi une condition sine qua none pour donner à l'Organisation les moyens d'agir.

Précisément, ici, nous ciblerons d'une part, les trois principaux organes délibérants à

savoir la Conférence, le Conseil exécutif et le COREP et d'autre part, la

Commission de l'Union en mettant l'accent sur leurs règles de fonctionnement.

Tout d'abord, nous ferons remarquer que le mode de prise de décision des organes délibérants est dominé par la règle du consensus, « à défaut la majorité des deux tiers ». Pourtant, il est regrettable que les pères fondateurs n'aient pas préféré remettre en cause cette règle des deux tiers qui avait régulièrement paralysé l'organisation prédécesseur, soit dans l'inaction, soit dans des décisions stériles.312

De plus, cette règle risque-t-elle de bloquer les possibilités offertes par l'article 32 de

l'Acte, d'amender et de réviser l'Acte constitutif.

Or, pour replacer l'Acte constitutif dans une perspective dynamique et revaloriser l'interdépendance, il faudrait passer de la règle des deux tiers à celle d'une majorité qualifiée qui resterait à déterminer (55% par exemple).

311 Propos rapportés par KPATINDE (F.), « Une si longue et difficile transition », in Jeune Afrique/l'Intelligent,

2215 du 22 au 28 juin 2003, p.78

312 AMAIZO (Y. E.), op . cit. , p. 104

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Ensuite, à propos de la Commission, si l'Acte constitutif se contente de la qualifier de « Secrétariat de l'Union »313, les Statuts de la Commission indiquent que les responsabilités confiées au Président de la Commission sont considérables et par conséquent, la Commission doit être un organe opérationnel et non pas le simple secrétariat prévu par l'Acte constitutif.

Dans cet esprit, elle doit être conçue comme l'embryon de l'exécutif du continent.

De la sorte, les Commissaires africains doivent être de vrais ministres, tandis que le Président de la Commission exerce les fonctions de chef de gouvernement, avec autorité sur les Comités techniques spécialisés qui feraient office de directions générales ministérielles.314

Enfin, dans le but d'assurer à l'UA une efficacité et partant de renforcer l'organisation en tant que centre autonome de décision, la Commission doit développer une logique de développement des indicateurs de performance.

Pour ce faire, d'une part, la Commission autant que les autres organes, doit s'obliger à avoir des résultats annoncés dans les échéances prévus. Car, si les objectifs énoncés à l'art. 3 de l'Acte sont nobles, il faut souligner que si les organes chargés de les réaliser

ne se réfèrent à aucune date butoir, lesdits objectifs ne constituent qu'une catégorie d'intentions.315

D'autre part, la Commission doit aussi mettre en place un mécanisme d'évaluation de l'application des décisions et du respect des principes de l'UA par les Etats membres.

Un modèle type de ce mécanisme est déjà prévu au niveau du NEPAD, il s'agit

du mécanisme africain d'évaluation par les pairs (MAEP) qui prévoit des audits par pays sur les questions de gouvernance économique et politique (corruption, droits de l'homme, éthique des entreprises, valeurs démocratiques). 316

313 Cf. Article 20 de l'Acte constitutif

314 TSHIYEMBE (M.), « Des institutions à conforter », in Le monde diplomatique, juillet 2002, p. 23

315 AMAIZO (Y. E.), op. cit. , p. 103

316 JORDANE (B.), Deuxième sommet de l'UA au Mozambique, in Le Courrier ACP-UE, n°199, juillet -août

2003, p. 5

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C. Mobiliser les ressources financières

Nombreux sont les analystes qui, au lendemain du lancement officiel de l'UA

estimaient que le budget de l'UA était appelé à doubler, à tripler, voire à quadrupler au

vu de ses ambitions et à la mesure de son évolution.317

Sur la même lancée, le Président de la Commission déclarait, lors de la réunion des experts tenue à Dakar (janvier 2004) sur le financement de l'UA, que :

« Ce ne sont pas les 35 ou 40 millions de dollars plus ou moins payées annuellement par

les Etats membres au titre de leur contribution au budget qui permettront à l'UA

d'affronter les défis de l'avenir ».318

Ainsi, le budget programme de l'OUA prévu pour l'année 2004 qui était de 43.000.000

de dollars319, devait passer pour l'exercice financier 2006 à 126.000.000 de dollars

EU.320

En outre, il convient de préciser que si l'OUA s'est transformée en UA, «Les mauvaises habitudes des Etats non-payeurs, elles, n'ont pas changé du tout ».321

Or, aujourd'hui comme hier pour l'OUA, la majeure partie des ressources financières de l'UA provient des contributions obligatoires des Etats membres.

La solution à ce problème est de trouver d'autres sources de financement. Deux

propositions ont été offertes à l'UA à ce propos :

La première provient du Président de la Commission qui propose de « revoir la vieille méthode des contributions [héritée de l'OUA] en adoptant un système de contribution de chaque pays à hauteur de 0,5% de son budget national.322

317 GHARBI (S.), « Bisbilles financières », in Jeune Afrique/l'intelligent, n° 2215 du 22 au 28 Juin 2003, p. 79

318 Propos rapportés par l'Observateur Paalga, « L'Union africaine », www.lobservateur.bf/Oarticlearchive.php3?id_article=208 , article publié janvier 2004

319 Décision sur le budget programme pour l'année 2004, Assembly/AU/Dec.8 (II), p. 1

320 Décision sur la huitième session ordinaire du Conseil exécutif sur le budget 2006, Ext/Ex.CL/Dec.1 (VIII), p.1

321 OUAZANI (C.), « Vers une Afrique de la défense ? », in Jeune Afrique/l'intelligent, n° 2250 du 22 au 28

février 2004, p. 50

322 L'Observateur Paalga, « L'Union africaine », www.lobservateur.bf/Oarticlearchive.php3?id_article=208 , article publié janvier 2004

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La deuxième proposition est celle émanant de l'Organisation de la Société Civile

Africaine [OSCA].

Cette organisation propose à l'UA d'instaurer dans ses Etats membres, un droit d'entrée dans la zone de la Communauté économique africaine. Ce droit d'entrée concernerait

les non Africains visitant l'Afrique aussi bien que les citoyens africains qui rentrent en

Afrique.

Sa valeur serait de 10$ par personne et par entrée payable comme une taxe sur chaque billet d'avion à destination de l'Afrique.323

L'OSCA estime le revenu de ce droit d'entrée, appelé également ressource panafricaine

de solidarité « à 200 millions de dollars par an ».324

Cette ressource panafricaine de solidarité qui représente une source non négligeable pour l'UA, pourrait faciliter la mise en oeuvre du Parlement panafricain, de la Cour africaine de justice, et du Conseil économique, social et culturel de l'Union.325

En définitive, l'opérationnalisation et le renforcement de la structure de l'UA

constituent un chantier pour lequel l'UA devra relever maints défis.

Il n'en sera pas autrement en ce qui concerne l'intégration politique et économique du continent africain.

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