Section 2ème : Le régime juridique des
organisations internationales
Au-delà des différences, les points communs entre
organisations internationales sont nombreux.
Ainsi, il est possible de dégager des principes
généralement applicables et dont l'ensemble constitue le
régime juridique des organisations internationales.
Ce sont ces principes que l'on s'attachera à
évoquer ici.
§1 Notion d'organisation internationale
A. Définition
1. Les organisations internationales au sens large
Lato sensu, le terme « organisation internationale »
peut englober trois réalités
différentes :
1° Les Organisations non
gouvernementales sont des associations de personnes
privées dont la vocation internationale résulte de
l'origine et de la variété multinationale de leurs
adhérents et lieux d'implantation.1
2° Les établissements publics
internationaux, également appelés
entreprise internationale commune, ils sont créés par des Etats
ou des organisations internationales par un accord multilatéral (ce qui
les oppose aux ONG).
Ils sont dotés souvent d'une personnalité
juridique propre bien qu'ils soient inaptes à créer des normes de
droit international public (ce qui les différencie des organisations
intergouvernementales).2
Leur objet est principalement de fournir des services
à la collectivité ; on trouve quelques exemples comme le
Tunnel sous le mont blanc, les grandes sociétés
pétrolières ...
1 BROULLARD (P.) et DJALILI (M-R), Les relations
internationales, Paris, PUF, Que sais-je ?, 1988, p. 47
2 DAVID (E.), op. cit., p. 19
9
3° Les organisations intergouvernementales
sont les seules organisations internationales selon l'approche
juridique.1
Notre champ d'étude se limitera à cette seule
catégorie d'organisation internationale.
Ce faisant, il nous faut donc recourir à une
définition plus restrictive et plus opérationnelle.
2. L'organisation internationale au sens strict ou
les organisations
intergouvernementales
Au sens strict, seules les organisations
intergouvernementales sont des
organisations internationales.
Il n'en demeure pas moins qu'un problème subsiste : celui
de définir les organisations internationales comme un concept unique
alors que tout atteste de leur diversité.
En effet, il est vrai qu'une définition
compréhensible ne peut être que doctrinale
et non positive.2 Aussi n'existe-t-il pas, à
proprement parler, de définition précise et consacrée par
un texte sur la notion de l'organisation internationale.
Toutefois, plusieurs auteurs soutiennent que la
doctrine, dans son ensemble, est favorable à une définition
proposée par la Commission de Droit International (CDI) au cours des
travaux de codification du droit des traités.
Selon cette définition, est une organisation
internationale : « une association d'Etats constituée par
traité, dotée d'une constitution et d'organes communs ; et
possédant une personnalité juridique distincte de celle des Etats
membres ».3
Cette définition doctrinale, convient-t-il de le
souligner, n'a pas été retenue par la Convention de
Vienne de 1969 sur le droit des traités et les autres
conventions de codifications.4
1 VIRALLY (M.), « Définition et
classification des organisations internationales : approche juridique »,
in ABI- SAAB (G.) (dir.), Le concept d'organisation internationale,
Paris, UNESCO, 1980, p. 51
2 THIERRY (H.) et al., op. cit., p.
713
3 Fitz (M.),A /CN.4/101,art.3, Annuaire de la CDI.
1956-II., p.106 cité par NGUYEN (Q. D.) et al, op. cit., p.
572
4Cependant on relèvera que la
Convention de Vienne de 1969 précise en son art.2
§1 i) que l'expression « organisation internationale s'entend
d'une organisation intergouvernementale » ; mais il apparaît
qu'il s'agit plus d'une précision que d'une
véritable définition.
10
En définitive, la définition des
organisations internationales reste assez large pour englober des
institutions très diverses. Pour introduire plus de clarté
dans l'analyse, il s'avère indispensable de les étudier par
grandes catégories sur base d'une classification.
B. Classification des organisations internationales
La Charte des Nations Unies nous propose une classification des
organisations
internationales selon leur composition tandis que la
doctrine nous livre plusieurs classifications qui combinent plusieurs
critères que nous allons évoquer ici.
1. Classification suivant leur composition
La Charte des Nations Unies isole deux types d'organisation
internationale.
Dans le Chapitre VIII sur les accords régionaux (art.52
à 54), la Charte nous livre une distinction entre les
organisations à vocation universelle et les organisations
à caractère régional.
A la première catégorie appartiennent toutes celles
de la famille des « Nations unies » et elles seules ; à la
seconde toutes les autres.
En analysant le caractère large et fluide de cette
distinction, certains auteurs en viennent à conclure que le
régionalisme « repose plus sur les affinités
politiques ou idéologiques que sur le voisinage spatial »1
.
2. Classification suivant leur compétence
Cette classification proposée par la doctrine
repose sur l'idée que les
organisations ont une sphère d'action plus ou moins
étendue.
1 COMBACAU (J.) et SUR (S.), Droit international
public, Paris, éd. Montchrestien, 5ème éd.
, 2001, p.707
11
Ainsi, on relèvera à côté des
organisations omni fonctionnelles (telle que l'ONU qui s'intéresse
à plusieurs domaines : politique, économie, culture, etc.),
d'autres organisations qui sont unifonctionnelles (telles que les
institutions spécialisées) ou d'autres encore que l'on pourrait
qualifier de multifonctionnelles qui sont à mi-chemin entre les deux
précédentes.1
3. Classification suivant leur autonomie structurelle
Les organisations se détachent plus ou moins des
Etats membres grâce à
l'existence d'organes dont le nombre et l'autonomie varient.
Ainsi on trouve des organisations fortement structurées
et caractérisées par l'existence d'organes bien affirmés
face aux Etats membres ( telle que l'Union Européenne) par opposition
à des organisations faiblement institutionnalisées (telle que
l'OTAN)2.
4. Classification suivant leur autorité
Dans cette optique, on envisage schématiquement
les organisations de
coopération et les organisations d'intégration.
Les premières se caractérisent par
l'absence ou le faible développement du pouvoir de
décision et par le fonctionnement des organes suivant le
procédé de l'unanimité3 .
Loin de mettre en cause l'existence et le rôle
des Etats, ces organisations de coopération permettent à ces
derniers de mieux s'acquitter de leurs fonctions sociales dans les domaines
où la dimension des problèmes dépasse leur
capacité d'action individuelle4.
Au contraire, les organisations d'intégration,
également qualifiées d'interétatiques, ont un pouvoir de
décision face à leurs membres et disposent parfois d'une
autorité directe et immédiate dans l'ordre interne des Etats
membres.
Elles ont pour mission de rapprocher les Etats qui les composent
jusqu'à les fondre en une unité englobante dans le secteur
où se développent leurs activités.
1 COMBACAU (J.) et SUR (S.), op. cit.,
p.707
2 THIERRY (H.) et al., op. cit., p. 715
3 Ibid.
4 ZORGIBE (C.), op. cit., p. 13
12
En définitive, la souplesse du droit des organisations
internationales se prête en pratique à une certaine
plasticité quant aux formes des organisations internationales, qui sont
rarement enfermées dans un cadre rigide préalablement
défini.
A la lumière de la définition proposée
par la Commission de droit international, notre attention sera retenue, dans la
matière qui va suivre, par trois aspects fondamentaux d'une organisation
à savoir son fondement conventionnel, les composantes ainsi que la
nature juridique institutionnelle des organisations internationales.
|