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Les aspects juridiques de la transformation de l'Organisation de l'unité africaine en Union africaine


par Elodie INAMAHORO et Guy-Fleury NTWARI
Université du Lac Tanganyika
Traductions: Original: fr Source:

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§2 Création et composition

Comme nous l'avons vu, l'organisation internationale est un groupement composé d'Etats et constitué sur base d'une convention multilatérale.

Ainsi, selon certains auteurs, « l'organisation internationale est une créature, faite par des Etats pour remplir une certaine fonction »1.

Il sera donc intéressant de s'interroger sur le cadre légal de sa création avant d'examiner sa composition.

A. Acte constitutif

1. Fondement

Toutes les organisations internationales reposent sur une base volontariste :

seuls en font partie les Etats qui ont exprimé la volonté d'y entrer et, donc, y demeurent ceux qui n'ont pas manifesté la volonté de s'en retirer2 .

D'un point de vue juridique, ce caractère se traduit par le fait que toute organisation internationale repose sur un traité de base généralement dénommé acte constitutif.3

Les vocables « acte constitutif » mettent l'accent sur sa double nature.

C'est un traité, mais son objet est original puisqu'il est la constitution de l'organisation4 .

1 THIERRY (H.) et al, op. cit., p.741

2 KOUASSI (K.), Les organisations internationales africaines, Paris, Berger-Levrault, 1987, p. 19

3 Cependant, il convient de souligner que plusieurs dénominations ont cours dans la pratique mais qu'il s'intitule convention, pacte, charte, statuts, constitution,etc., le traité multilatéral est la forme la plus courante de l'acte constitutif des organisations internationales ( voir à ce propos NGUYEN (Q. D.) et al., op. cit., p. 573)

4 THIERRY (H.) et al., op. cit., p. 741

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En tant que traité, l'acte constitutif est régi par le droit applicable aux traités (la

Convention de Vienne de 1969).1

De plus, il doit être le fruit d'un accord entre les Etats parties signataires.

Le professeur NGUYEN Quoc Dinh explique la raison de cette exigence en affirmant que « les Etats veulent avoir l'occasion d'exprimer leur consentement à l'apparition d'une personne juridique dont le fonctionnement aura toujours, même si c'est à des degrés variables, des incidences sur le contenu ou l'exercice de leurs propres compétences ».2

Enfin, l'acte constitutif peut être, soit un traité inédit, soit un traité qui révise un autre

antérieur.

Dans le premier cas, il sera fait application de la procédure d'élaboration et d'adoption prévue pour les traités multilatéraux à l'occasion d'une conférence (art. 9 de la Convention de 1969).

Dans le second cas, la procédure suivie est celle de révision prévue par le traité

préexistant sinon par la Convention de Vienne (art. 39).

L'aspect constitutionnel de l'acte constitutif est pour le moins très intéressant;

notre attention lui sera consacrée dans le second point suivant.

2. Nature constitutionnelle de l'acte constitutif

La dénomination de « constitution » est parfois attribuée officiellement à des

actes constitutifs de certaines organisations internationales telles que l'OIT ou encore l'OMS. Cependant, même si la tentation est grande, on ne saurait être amené à faire une assimilation simpliste entre l'acte constitutif des organisations et les constitutions des Etats.

En effet, selon Quoc Dinh NGUYEN, Patrick DAILLIER et Alain PELLET,

« il n'est pas légitime [...] de confondre le droit constitutionnel propre à une tradition nationale et autonome vis-à-vis des ordres juridiques, et le droit des organisations internationales, en partie subordonné au droit des traités »3 .

1 A ce propos, l'article 5 de la Convention de Vienne de 1969 déclare s'appliquer « à tout traité qui est l'acte constitutif d'une organisation internationale ».

2 NGUYEN (Q. D.) et al., op. cit., p. 573

3 Idem., p. 575

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Cela étant, la nature constitutionnelle de l'acte constitutif de l'organisation internationale affirme sa spécificité par rapport aux traités multilatéraux.

C'est à ce titre qu'il comporte des dispositions mal concevables dans une convention ordinaire parce qu'il institue des organes, en établissant les règles de leur fonctionnement et de leurs compétences1.

A ce niveau, il nous semble opportun de souligner que le caractère constitutionnel de l'acte constitutif entraîne des conséquences importantes.

Tout d'abord, l'acte constitutif détermine souvent sa primauté à l'égard des autres traités conclus soit par les membres, soit par l'organisation elle-même2.

Ensuite, l'acte constitutif doit être accepté intégralement, étant entendu bien sûr que la technique des réserves est inacceptable. La raison en est qu'il est inconcevable d'assurer un fonctionnement régulier de l'organisation si tous les Etats membres ne respectent pas les mêmes règles.

Enfin, l'acte constitutif doit comprendre un minimum de dispositions relatives aux buts, aux structures et aux compétences de l'organisation, en vertu desquelles pourra être appréciée la licéité des actions et des décisions de ses organes3.

En fin de compte, nous retiendrons que les organisations internationales sécrètent un ordre juridique dont le sommet4 est assuré par leur traité constitutif, qui se trouve également être la norme de référence5 en dernier ressort pour apprécier la régularité des actes de chaque organisation.

1 DUPUY (P. M.), Droit international public, Paris, Dalloz, 5ème éd., 2000, p. 143

2 L'exemple illustrant est fourni par la Charte des Nations Unies en son article 103 qui énonce qu' « en cas de conflit entre les obligations des membres des Nations Unies en vertu de la présente Charte et leurs obligations en

vertu de tout autre accord international, les premières prévaudront ».

3 NGUYEN (Q. D.) et al., op. cit., p. 576

4 Souligné par nous.

5 Souligné par nous.

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B. Composition des organisations internationales

Comme nous l'avons déjà signalé, la Convention de Vienne sur le droit des traités se

contente de qualifier les organisations internationales « d'intergouvernementales »1.

Ce faisant, elle consacre l'approche traditionnelle, selon laquelle les organisations internationales sont composées uniquement d'Etats. Cependant, il convient de faire remarquer qu'ils ne sont plus les participants exclusifs : parfois des collectivités non étatiques y sont associées.

1. La participation des Etats

a) Admission/accès au sein des organisations internationales

Plusieurs auteurs estiment que la pratique juridique en la matière est

caractérisée par une triple liberté :

- Liberté des fondateurs de l'organisation qui choisissent d'en ouvrir ou d'enfermer l'accès ;

- Liberté de l'organisation, elle-même, qui applique les règles du traité mais qui peut souvent les adapter ;

- Liberté des participants éventuels, enfin, pour qui la participation a toujours un caractère volontaire2.

Ainsi, force est de constater que l'admission dans l'organisation internationale

est doublement volontaire, de la part de l'Etat comme de la part de l'organisation elle-même.

Subséquemment, cela nous permet de dégager deux catégories d'Etats membres en vertu de leurs modalités d'admission.

1 Le choix de cet adjectif est fort discuté au niveau de la doctrine car certains auteurs estiment que ce sont les Etats, et non les gouvernements, qui créent les organisations internationales et y participent. Donc, il faudrait parler « d'interétatique » ( voir à ce propos NGUYEN (Q. D.) et al., op. cit., p. 578

2 THIERRY (H.) et al., op. cit., p. 716

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1° Les membres originaires

En règle générale, pour cette catégorie d'Etats, le problème d'admission ne se

pose pas. En effet, ces Etats se cooptent mutuellement à l'occasion des invitations initiales à la conférence, puis, c'est de leur consentement que dépendra l'existence de l'organisation1 .

Les Etats originaires sont donc ceux qui, initialement, négocient et concluent l'acte constitutif ; de ce fait, ils ne sont soumis à aucune procédure d'admission puisqu'ils sont responsables de la création de l'organisation considérée.

2° Les membres admis

Contrairement aux Etats originaires, ces Etats voient leur participation dans les

organisations internationales subordonnée à une procédure d'admission plus ou moins rigoureuse.

Cependant, comme nous venons de le constater dans les principes évoqués ci-

haut, du fait de sa souveraineté, aucun Etat ne peut être contraint à participer dans une organisation (sa candidature est toujours discrétionnaire) .

En revanche, les Etats originaires tirent, eux aussi, de leur souveraineté le droit d'en

contrôler l'accès.

Pour ce qui concerne la procédure d'admission, il faut préciser de prime abord que la question d'admission ne se pose que pour les organisations qui entendent opérer une sélection des Etats candidats. Ainsi, elle sera dénouée de toute pertinence pour une organisation à caractère universel.2

Au contraire, le reste des organisations internationales conditionne l'admission par une procédure avec des critères bien déterminés. Ils sont, le plus souvent, déterminés par l'acte constitutif et se regroupent selon le cas autour des exigences portant, soit sur une certaine proximité géographique des Etats membres, soit sur l'uniformité de leur régime économique et social, soit encore sur l'idéologie dont ils se

réclament.3

1 DUPUY (P. M.), op. cit., p. 152

2 Ainsi, les conditions de fond exigées aux Etats candidats à l'admission au sein des Nations Unies et prévues par l'art.4 de la Charte des Nations Unies sont théoriquement faciles à remplir (Cf. art.4 Charte des Nations Unies)

3 NGUYEN (Q. D.) et al., op. cit., p. 581

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Bref, l'Etat (originaire ou admis) reste l'élément incontournable en matière d'admission au sein des organisations internationales.

Cependant, comment est organisée la participation de l'Etat (originaire ou admis) au sein de l'organisation internationale ?

b) Modalités de la participation des Etats au sein d'une organisation

internationale

Ici, on s'intéressera à la nature de la participation des Etats et aux modalités de

leur représentation au sein de l'organisation.

Premièrement, en ce qui concerne la nature de leur participation, les Etats sont,

le plus fréquemment, des membres pléniers.

Cependant, une forme plus restreinte a été développée par certaines organisations internationales : le statut d'observateur.

Ainsi aux Nations Unies, cette pratique a fonctionnée au bénéfice d'Etats largement

reconnus par les membres mais non encore admis.1

Deuxièmement, la représentation de l'Etat est généralement assurée par le gouvernement qui désigne les délégués participants aux divers organes ; ces délégués n'agissent que sur instruction de leur gouvernement.

Exceptionnellement, deux formules de représentation tranchent avec cette dernière,

plus classique.

Selon SUR et COMBACAU, « la [formule] plus originale est le tripartisme institué à l'OIT où la délégation de l'Etat membre comporte deux délégués gouvernementaux et deux délégués représentant respectivement les syndicats patronaux et les syndicats de salariés et la plus spectaculaire consiste à organiser une représentation parlementaire.»2

Au demeurant, s'il est clair que c'est toujours la base volontariste qui guide la participation des Etats dans les organisations internationales, quid du retrait d'un Etat

au sein de l'organisation ?

1 THIERRY (H.) et al., op. cit., p. 716

2 Idem., p. 717

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c) La perte du statut de membre de l'organisation

D'entrée de jeu, il faut préciser que les Etats ne renoncent pas à leur

souveraineté en devenant membres d'une organisation, aussi longtemps que celle-ci ne peut être qualifiée de super Etat.1

Ainsi, tout Etat demeure libre de quitter une organisation internationale sous réserve des règles du droit des traités applicables à l'acte constitutif.2

La perte du statut de membre peut être collective lorsqu'elle résulte de la fin du traité constitutif (ou de la dissolution de l'organisation).

Sur le plan individuel, elle peut résulter soit du retrait soit de l'exclusion.

Le retrait volontaire d'un Etat équivaut à la dénonciation de l'acte constitutif de l'organisation.

Si le traité constitutif est muet à ce sujet, ce retrait est subordonné au respect des règles

applicables à la dénonciation d'un traité codifiées par les articles 54 et 56 de la

Convention de Vienne de 1969.

L'éviction ou l'expulsion doit également respecter les règles du droit des traités.

La Convention de Vienne aborde cette question d'une manière implicite au chapitre des nullités de traités ou d'incidents dans leur application.

En général, les traités constitutifs des organisations internationales évoquent la question expressément et lui apportent une solution en terme de sanctions des violations de la Charte.

Notons qu'à côté de la participation des Etats en tant que composantes principales des organisations internationales, d'autres collectivités peuvent également être associées

au sein de l'organisation.

1 NGUYEN (Q. D.) et al., op. cit., p. 583

2 Voir à ce propos les articles 42 et suivants de la Convention de Vienne de 1969.

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2. La participation des collectivités non étatiques

La participation des collectivités non étatiques est rarement prévue par les actes

constitutifs.

Toutefois, la doctrine relève deux hypothèses de participation des collectivités non étatiques : les organisations internationales elles-mêmes et les mouvements de libération nationale.

En effet, les organisations s'interpénètrent de façon plus ou moins complexe, surtout lorsque les membres de l'une sont également membres de l'autre1.

Aussi, certains mouvements se sont-ils vus reconnaître, notamment par les Nations

Unies, la qualité d'observateur.

Soulignons enfin, que la participation des ces collectivités non étatiques n'est pas plénière. Elle se limite au droit d'assister aux débats qui les concernent et d'avoir accès à certains documents.2

Au bénéfice des remarques précédentes, on s'attachera, dans le paragraphe qui suit, à déterminer le cadre légal de l'existence d'une organisation internationale et de ses activités.

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