§2 Création et composition
Comme nous l'avons vu, l'organisation internationale est
un groupement composé d'Etats et constitué sur base d'une
convention multilatérale.
Ainsi, selon certains auteurs, « l'organisation
internationale est une créature, faite par des Etats pour remplir une
certaine fonction »1.
Il sera donc intéressant de s'interroger sur le
cadre légal de sa création avant d'examiner sa
composition.
A. Acte constitutif
1. Fondement
Toutes les organisations internationales reposent sur une
base volontariste :
seuls en font partie les Etats qui ont exprimé la
volonté d'y entrer et, donc, y demeurent ceux qui n'ont pas
manifesté la volonté de s'en retirer2 .
D'un point de vue juridique, ce caractère se traduit par
le fait que toute organisation internationale repose sur un traité de
base généralement dénommé acte
constitutif.3
Les vocables « acte constitutif » mettent l'accent sur
sa double nature.
C'est un traité, mais son objet est original
puisqu'il est la constitution de l'organisation4 .
1 THIERRY (H.) et al, op. cit.,
p.741
2 KOUASSI (K.), Les organisations internationales
africaines, Paris, Berger-Levrault, 1987, p. 19
3 Cependant, il convient de souligner que
plusieurs dénominations ont cours dans la pratique mais qu'il s'intitule
convention, pacte, charte, statuts, constitution,etc., le traité
multilatéral est la forme la plus courante de l'acte constitutif des
organisations internationales ( voir à ce propos NGUYEN (Q. D.) et
al., op. cit., p. 573)
4 THIERRY (H.) et al., op. cit., p.
741
13
En tant que traité, l'acte constitutif est
régi par le droit applicable aux traités (la
Convention de Vienne de 1969).1
De plus, il doit être le fruit d'un accord entre les Etats
parties signataires.
Le professeur NGUYEN Quoc Dinh explique la raison de cette
exigence en affirmant que « les Etats veulent avoir l'occasion
d'exprimer leur consentement à l'apparition d'une personne juridique
dont le fonctionnement aura toujours, même si c'est à des
degrés variables, des incidences sur le contenu ou l'exercice
de leurs propres compétences ».2
Enfin, l'acte constitutif peut être, soit un traité
inédit, soit un traité qui révise un autre
antérieur.
Dans le premier cas, il sera fait application de la
procédure d'élaboration et d'adoption prévue pour les
traités multilatéraux à l'occasion d'une
conférence (art. 9 de la Convention de 1969).
Dans le second cas, la procédure suivie est celle
de révision prévue par le traité
préexistant sinon par la Convention de Vienne (art.
39).
L'aspect constitutionnel de l'acte constitutif est pour le moins
très intéressant;
notre attention lui sera consacrée dans le second point
suivant.
2. Nature constitutionnelle de l'acte constitutif
La dénomination de « constitution » est
parfois attribuée officiellement à des
actes constitutifs de certaines organisations internationales
telles que l'OIT ou encore l'OMS. Cependant, même si la tentation est
grande, on ne saurait être amené à faire une assimilation
simpliste entre l'acte constitutif des organisations et les constitutions des
Etats.
En effet, selon Quoc Dinh NGUYEN, Patrick DAILLIER et
Alain PELLET,
« il n'est pas légitime [...] de confondre le
droit constitutionnel propre à une tradition nationale et autonome
vis-à-vis des ordres juridiques, et le droit des organisations
internationales, en partie subordonné au droit des traités
»3 .
1 A ce propos, l'article 5 de la Convention de Vienne
de 1969 déclare s'appliquer « à tout traité qui est
l'acte constitutif d'une organisation internationale ».
2 NGUYEN (Q. D.) et al., op. cit., p. 573
3 Idem., p. 575
14
Cela étant, la nature constitutionnelle de l'acte
constitutif de l'organisation internationale affirme sa
spécificité par rapport aux traités
multilatéraux.
C'est à ce titre qu'il comporte des dispositions mal
concevables dans une convention ordinaire parce qu'il institue des
organes, en établissant les règles de leur
fonctionnement et de leurs compétences1.
A ce niveau, il nous semble opportun de souligner que le
caractère constitutionnel de l'acte constitutif entraîne des
conséquences importantes.
Tout d'abord, l'acte constitutif détermine souvent
sa primauté à l'égard des autres traités
conclus soit par les membres, soit par l'organisation
elle-même2.
Ensuite, l'acte constitutif doit être accepté
intégralement, étant entendu bien sûr que la technique des
réserves est inacceptable. La raison en est qu'il est inconcevable
d'assurer un fonctionnement régulier de l'organisation si tous
les Etats membres ne respectent pas les mêmes règles.
Enfin, l'acte constitutif doit comprendre un minimum de
dispositions relatives aux buts, aux structures et aux compétences
de l'organisation, en vertu desquelles pourra être
appréciée la licéité des actions et des
décisions de ses organes3.
En fin de compte, nous retiendrons que les
organisations internationales sécrètent un ordre juridique dont
le sommet4 est assuré par leur traité
constitutif, qui se trouve également être la norme de
référence5 en dernier ressort pour
apprécier la régularité des actes de chaque
organisation.
1 DUPUY (P. M.), Droit international public,
Paris, Dalloz, 5ème éd., 2000, p. 143
2 L'exemple illustrant est fourni par la Charte des
Nations Unies en son article 103 qui énonce qu' « en cas de
conflit entre les obligations des membres des Nations Unies en vertu de la
présente Charte et leurs obligations en
vertu de tout autre accord international, les premières
prévaudront ».
3 NGUYEN (Q. D.) et al., op. cit., p. 576
4 Souligné par nous.
5 Souligné par nous.
15
B. Composition des organisations internationales
Comme nous l'avons déjà signalé, la
Convention de Vienne sur le droit des traités se
contente de qualifier les organisations internationales
« d'intergouvernementales »1.
Ce faisant, elle consacre l'approche traditionnelle,
selon laquelle les organisations internationales sont composées
uniquement d'Etats. Cependant, il convient de faire remarquer qu'ils ne
sont plus les participants exclusifs : parfois des collectivités non
étatiques y sont associées.
1. La participation des Etats
a) Admission/accès au sein des organisations
internationales
Plusieurs auteurs estiment que la pratique juridique
en la matière est
caractérisée par une triple liberté :
- Liberté des fondateurs de l'organisation qui
choisissent d'en ouvrir ou d'enfermer l'accès ;
- Liberté de l'organisation, elle-même, qui applique
les règles du traité mais qui peut souvent les adapter ;
- Liberté des participants éventuels, enfin, pour
qui la participation a toujours un caractère volontaire2.
Ainsi, force est de constater que l'admission dans l'organisation
internationale
est doublement volontaire, de la part de l'Etat comme de
la part de l'organisation elle-même.
Subséquemment, cela nous permet de dégager
deux catégories d'Etats membres en vertu de leurs modalités
d'admission.
1 Le choix de cet adjectif est fort discuté
au niveau de la doctrine car certains auteurs estiment que ce sont les Etats,
et non les gouvernements, qui créent les organisations internationales
et y participent. Donc, il faudrait parler « d'interétatique »
( voir à ce propos NGUYEN (Q. D.) et al., op. cit.,
p. 578
2 THIERRY (H.) et al., op. cit., p. 716
16
1° Les membres originaires
En règle générale, pour cette
catégorie d'Etats, le problème d'admission ne se
pose pas. En effet, ces Etats se cooptent mutuellement
à l'occasion des invitations initiales à la
conférence, puis, c'est de leur consentement que dépendra
l'existence de l'organisation1 .
Les Etats originaires sont donc ceux qui, initialement,
négocient et concluent l'acte constitutif ; de ce fait, ils ne sont
soumis à aucune procédure d'admission puisqu'ils sont
responsables de la création de l'organisation
considérée.
2° Les membres admis
Contrairement aux Etats originaires, ces Etats voient leur
participation dans les
organisations internationales subordonnée à une
procédure d'admission plus ou moins rigoureuse.
Cependant, comme nous venons de le constater dans les principes
évoqués ci-
haut, du fait de sa souveraineté, aucun Etat ne peut
être contraint à participer dans une organisation (sa candidature
est toujours discrétionnaire) .
En revanche, les Etats originaires tirent, eux aussi, de leur
souveraineté le droit d'en
contrôler l'accès.
Pour ce qui concerne la procédure d'admission, il faut
préciser de prime abord que la question d'admission ne se pose que pour
les organisations qui entendent opérer une sélection des Etats
candidats. Ainsi, elle sera dénouée de toute pertinence
pour une organisation à caractère universel.2
Au contraire, le reste des organisations internationales
conditionne l'admission par une procédure avec des critères
bien déterminés. Ils sont, le plus souvent,
déterminés par l'acte constitutif et se regroupent selon
le cas autour des exigences portant, soit sur une certaine
proximité géographique des Etats membres, soit sur
l'uniformité de leur régime économique et social, soit
encore sur l'idéologie dont ils se
réclament.3
1 DUPUY (P. M.), op. cit., p. 152
2 Ainsi, les conditions de fond exigées aux
Etats candidats à l'admission au sein des Nations Unies et
prévues par l'art.4 de la Charte des Nations Unies sont
théoriquement faciles à remplir (Cf. art.4 Charte des Nations
Unies)
3 NGUYEN (Q. D.) et al., op. cit., p. 581
17
Bref, l'Etat (originaire ou admis) reste
l'élément incontournable en matière d'admission au sein
des organisations internationales.
Cependant, comment est organisée la participation de
l'Etat (originaire ou admis) au sein de l'organisation internationale ?
b) Modalités de la participation des Etats au
sein d'une organisation
internationale
Ici, on s'intéressera à la nature de la
participation des Etats et aux modalités de
leur représentation au sein de l'organisation.
Premièrement, en ce qui concerne la nature de leur
participation, les Etats sont,
le plus fréquemment, des membres pléniers.
Cependant, une forme plus restreinte a été
développée par certaines organisations internationales : le
statut d'observateur.
Ainsi aux Nations Unies, cette pratique a fonctionnée au
bénéfice d'Etats largement
reconnus par les membres mais non encore admis.1
Deuxièmement, la représentation de l'Etat
est généralement assurée par le gouvernement qui
désigne les délégués participants aux divers
organes ; ces délégués n'agissent que sur instruction de
leur gouvernement.
Exceptionnellement, deux formules de représentation
tranchent avec cette dernière,
plus classique.
Selon SUR et COMBACAU, « la [formule] plus originale est
le tripartisme institué à l'OIT où la
délégation de l'Etat membre comporte deux
délégués gouvernementaux et deux
délégués représentant respectivement les syndicats
patronaux et les syndicats de salariés et la plus spectaculaire consiste
à organiser une représentation
parlementaire.»2
Au demeurant, s'il est clair que c'est toujours la base
volontariste qui guide la participation des Etats dans les organisations
internationales, quid du retrait d'un Etat
au sein de l'organisation ?
1 THIERRY (H.) et al., op. cit., p. 716
2 Idem., p. 717
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c) La perte du statut de membre de l'organisation
D'entrée de jeu, il faut préciser que
les Etats ne renoncent pas à leur
souveraineté en devenant membres d'une organisation, aussi
longtemps que celle-ci ne peut être qualifiée de super
Etat.1
Ainsi, tout Etat demeure libre de quitter une organisation
internationale sous réserve des règles du droit des
traités applicables à l'acte constitutif.2
La perte du statut de membre peut être collective
lorsqu'elle résulte de la fin du traité constitutif (ou de la
dissolution de l'organisation).
Sur le plan individuel, elle peut résulter soit du retrait
soit de l'exclusion.
Le retrait volontaire d'un Etat équivaut à
la dénonciation de l'acte constitutif de l'organisation.
Si le traité constitutif est muet à ce sujet, ce
retrait est subordonné au respect des règles
applicables à la dénonciation d'un
traité codifiées par les articles 54 et 56 de la
Convention de Vienne de 1969.
L'éviction ou l'expulsion doit également respecter
les règles du droit des traités.
La Convention de Vienne aborde cette question d'une
manière implicite au chapitre des nullités de traités ou
d'incidents dans leur application.
En général, les traités constitutifs des
organisations internationales évoquent la question expressément
et lui apportent une solution en terme de sanctions des violations de
la Charte.
Notons qu'à côté de la participation des
Etats en tant que composantes principales des organisations internationales,
d'autres collectivités peuvent également être
associées
au sein de l'organisation.
1 NGUYEN (Q. D.) et al., op. cit., p. 583
2 Voir à ce propos les articles 42 et suivants
de la Convention de Vienne de 1969.
19
2. La participation des collectivités non
étatiques
La participation des collectivités non étatiques
est rarement prévue par les actes
constitutifs.
Toutefois, la doctrine relève deux
hypothèses de participation des collectivités non
étatiques : les organisations internationales elles-mêmes
et les mouvements de libération nationale.
En effet, les organisations s'interpénètrent
de façon plus ou moins complexe, surtout lorsque les membres de
l'une sont également membres de l'autre1.
Aussi, certains mouvements se sont-ils vus
reconnaître, notamment par les Nations
Unies, la qualité d'observateur.
Soulignons enfin, que la participation des ces
collectivités non étatiques n'est pas plénière.
Elle se limite au droit d'assister aux débats qui les
concernent et d'avoir accès à certains
documents.2
Au bénéfice des remarques
précédentes, on s'attachera, dans le paragraphe qui suit,
à déterminer le cadre légal de l'existence d'une
organisation internationale et de ses activités.
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