§2 Fonctionnement des organes des organisations
internationales
Autant nous avons souligné la complexité
de la structure des organisations internationales, autant nous sommes
amenés à constater que le fonctionnement des organes d'une
organisation présente le même caractère.
Néanmoins, nous sommes en mesure de
présenter quelques observations générales qui
n'auront nullement la prétention de tout dire mais qui
serviront de charpente au contenu des subdivisions suivantes de notre
étude.
1 NGUYEN (Q. D.) et a.l, op. cit., p.
628
32
Ainsi du fonctionnement des organes, nous retiendrons 3 aspects :
quelles sont
les relations entre les organes ? (A) ; et quels sont les modes
de votation en leur sein ?
(B) et enfin de quels modes d'actions, l'organisation en
général, dispose-t-elle pour remplir sa mission ?(C)
A. Les relations entre organes
Les relations entre organes sont, le plus souvent, régies
par l'acte constitutif et
surtout sont variées selon la complexité de chaque
organisation.
La doctrine considère que les organes
intergouvernementaux sont en principe dominants1 ; mais une
organisation peut en compter plusieurs.
De ce fait, on estime que les relations entre organes
dépendront de considérations plus fonctionnelles que
hiérarchiques.
En effet, les organes créés par un autre organe
comme organe subsidiaire ne lui sont
pas nécessairement dépendants, autant que les
organes dont les membres sont désignés par un autre organe ne lui
sont pas nécessairement subordonnés.
Ainsi, à titre illustratif, nous prendrons comme
exemple l'ONU où le Conseil de sécurité est
subordonné2 au budget voté par
l'Assemblée générale, alors que les deux organes sont
associés3 pour l'admission des membres, et enfin bien
que le Conseil de sécurité soit indépendant4
en matière d'action pour le maintien de la paix5.
B. Modes de votation
Les modes de votation sont généralement
prévus dans les actes constitutifs et
n'intéressent que les organes
délibérants.
Au sein de ces organes, la prise de décisions a
lieu à la suite d'un vote qui, successivement sur l'échelle
du temps, est passé du principe de l'unanimité à celui
de
la majorité ; bien qu'une nouvelle tendance consacre
le principe du consensus en l'absence de tout vote.
1 DORMOY (D.), op. cit., p. 63
2 Souligné par nous.
3 Souligné par nous.
4 Souligné par nous.
5THIERRY (H.) et al., op. cit., p.
729
33
En effet, tout d'abord, sur base du principe de
l'égalité souveraine des Etats, c'est le principe de
l'unanimité qui s'est imposé jusqu'en 1945.
Ainsi, l'unanimité était la règle à
la SdN.
Pour certains auteurs, ce principe a pu constituer un
élément de faiblesse pour l'organisation, toujours suspendue
à un vote aléatoire.1
Ensuite, dès 1945, on a assisté à
une large expansion du principe majoritaire dans les actes constitutifs
bien que le principe de l'unanimité ait été retenu
dans certains organes. Le principe de la majorité s'accompagne de
plusieurs modalités, les unes attenantes au décompte des
voix (membres votants, ou membres composant l'organe), les autres
relatives à la majorité exigée (simple,
absolue ou encore
qualifiée).2
Ainsi la majorité simple calculée sur le
nombre soit des membres soit des votants signifie la majorité des
suffrages exprimés plus une voix.
Le calcul de la majorité qualifiée est plus
complexe et elle varie suivant les types des conditions requises. Celles-ci
peuvent être d'ordre numérique (2/3, 3/4 ou en
pourcentage), personnel (droit de veto), structurel (composition précise
du groupe des Etats adoptant une décision).3
En fait, selon David RUZIE, le principe majoritaire ne repose que
sur « la nécessité de
concilier une exigence technique pratique, face aux
inconvénients de la règle de l'unanimité, et une
exigence politique dans la nécessité d'obtenir la participation
de la minorité à l'exécution d'une décision
majoritaire».4
Enfin, le souci d'efficacité - justement dans
l'exécution des décisions -
a consacré le développement de la pratique du
consensus.
Le consensus, excluant le vote, reflète la volonté
d'arriver à un accord en l'absence de toute opposition.
Effectivement, à défaut d'atteindre
l'unanimité et face à l'inefficacité de la
majorité,
on se résigne au consensus qui, contrairement
à l'unanimité qui exige que tout le monde soit d'accord,
exige tout simplement que personne ne soit contre5.
1 THIERRY (H.) et al., op. cit., p.
729
2 DORMOY (D.), op. cit., p. 76
3 RANJEVA (R.) et CADOUX (C.), Droit international
public, Paris, EDICEF, 1992, p. 114
4 RUZIE (D.), Droit international public,
Paris, Dalloz, 16ème éd., 2002, p. 179
5 DORMOY(D.), op. cit., p. 76
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C. Modes d'action
Les organisations internationales s'acquittent de leur
mission par des voies
multiples, et cela dans des proportions variables d'une
organisation à une autre. Cependant, la doctrine et la pratique
dégagent trois modes d'actions principaux qui, en réalité,
rendent compte des compétences de l'organisation.
De la sorte, nous présenterons successivement les
compétences normatives, opérationnelles et de contrôle.
1. La compétence normative
Toutes les organisations internationales disposent d'une fonction
normative ne
serait ce que pour atteindre leurs objectifs ou à tout
le moins pour pouvoir fonctionner. Cette fonction normative s'exerce soit par
le biais d'actes conventionnels soit par celui d'actes unilatéraux.
a. Les actes conventionnels
Tout d'abord, le droit international est fortement marqué
par l'apport normatif
des organisations internationales car il n'est pas un domaine
de relations sociales pour lequel on ne rencontre pas une organisation
chargée de proposer des règles de comportement, de
rapprocher les législations nationales , bref de favoriser
la conclusion de traités internationaux.1
Ensuite, ces traités seront
généralement conclus dans le cadre ou sous les auspices de
l'organisation internationale, qui aura joué un rôle important
à travers ses organes dans les travaux préliminaires à
l'adoption du traité.
Notons enfin, que les organisations internationales ont
aussi la capacité de participer et de conclure des traités
selon les dispositions de la Convention de Vienne
de 1986 sur les traités conclus entre Etats et
organisations internationales et sous réserve du strict respect du
principe de spécialité2 .
1 NGUYEN (Q. D.) et al., op. cit., p.
601
2 DORMOY (D.), op. cit., p. 84
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b. Les actes unilatéraux
D'emblée, il faut noter la grande diversité
qui les caractérise. Cette diversité
s'observe, tout d'abord sur le plan de la terminologie
où ils sont, selon le cas : voeux, avis, recommandations, directives,
standard, pratiques, annexes, décisions, résolutions, normes,
règlements, arrêts, jugements, etc.
De plus, il n'est pas rare qu'un même terme soit
employé pour désigner des actes de portée juridique
différente et inversement qu'un même acte soit qualifié au
moyen de deux termes différents1 .
A ce stade, nous sommes amenés à
comprendre que ces actes semblent échapper à toute
systématisation. Ils sont mis à la disposition de l'Etat à
titre purement indicatif.
Cependant, nous emprunterons une classification faite par Daniel
DORMOY afin de mieux cerner ces actes.
En effet, il distingue parmi ces actes, les résolutions
internes et les résolutions dont les
Etats membres sont destinataires.
Les premières, à caractère
institutionnel, constitueraient la catégorie des résolutions
ayant un caractère obligatoire (par exemple les
résolutions relatives à l'adoption du budget ou du
règlement intérieur des organes ou encore à
l'admission d'un Etat) à l'opposé des secondes qui ne
seraient pas en principe obligatoires pour leurs destinataires,
les Etats2 .
En fin de compte, et pour terminer sur ce point, les
compétences normatives
dont toute organisation est investie à des
degrés divers, autoriseraient cette dernière à adopter des
règles juridiques ou financières de portée
générale ou individuelle, mais quid de la mise en oeuvre de ces
règles ?
2. Compétences de contrôle
Selon Serge SUR et Jean COMBACAU, la participation des
Etats dans les
organisations internationales les astreint au respect de deux
obligations : « celles leur incombant dès l'origine en vertu de
l'acte constitutif et celles dérivées, qui résultent des
normes édictées par les organes de l'organisation
»3
1 DORMOY (D.), op. cit., p. 85
2 Ibid.
3 COMBACAU (J.) et SUR (S.), op.
cit., p. 739
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Ainsi, le contrôle international exercé par
les organisations internationales vise à vérifier
l'exécution par les Etats de leurs obligations internationales.
Cependant, il convient de souligner que ce contrôle
consiste plus à rappeler aux
Etats leurs obligations que de les contraindre à les
respecter1 .
En effet, dans la pratique, la mise en oeuvre des sanctions
s'observe rarement. Toutefois, l'évolution des organisations
internationales, à l'instar des communautés
européennes montre une tendance de celles-ci à instituer
des organes judiciaires capables de statuer sur des jugements
revêtus de l'autorité de la chose
jugée.2
3. Compétences opérationnelles
Cette catégorie de compétence constitue les
compétences de gestion
(ou de simple conseil) dans le domaine administratif,
économique, technique ou financière, dont dispose
l'organisation internationale.
Les activités opérationnelles de l'organisation
consisteront en une action immédiate sur le terrain.
En effet, à l'opposé des compétences
normatives où l'organisation invite à agir ,
en vertu des compétences opérationnelles,
l'organisation agit concrètement elle-même
ou par le biais d'organismes opérationnels.3
Enfin, et pour conclure, nous remarquerons que les
activités opérationnelles sont aussi diverses que variées
du fait des objectifs propres de chaque organisation.
Elles pourront consister, selon le cas, à des
procédures de règlements de différends,
sanction coercitive, apport d'assistance
économique, administrative ou militaire aux Etats,
représentation diplomatique, contrôle de la
régularité d'opérations électorales, etc.
1 DORMOY (D.), op. cit., p. 88
2 DUPUY (P. M.), op. cit., p. 186
3 DORMOY (D.), op. cit., p. 88
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