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La bonne foi dans le rapport de travail

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par oumar ben Camara
Université Lumiére Lyon2 - Master 2 2007
  

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CHAPITRE II. La bonne foi, un outil de moralisation de l'espace de stipulation

Tout contrat de travail fait naître des obligations. Et le contenu obligationnel de ce contrat est d'abord fixé par le droit étatique à la manière dont ce dernier procède pour d'autres contrats spéciaux. La «densité du maillage normatif181 » qui enserre le contrat de travail peut laisser penser qu'il y a peu de place, laissé à la volonté des parties dans la détermination de leurs obligations.

Si certaines obligations relèvent du contenu obligationnel légal, d'autres peuvent être le fait des parties. En effet, à côté du contenu obligationnel, il y a place pour « un champ contractuel 182» qui signifie qu'un espace non négligeable demeure ouvert à la liberté de stipulation aussi bien pour créer des obligations accessoires véritablement autonomes que pour fixer les modalités ou aménager l'exécution des obligations principales liées à la qualification de contrat. De la sorte, le contrat de travail peut accueillir des clauses créant des obligations purement contractuelles à la charge de l'employeur ou du salarié. Et l'on comprend que ce renouveau du contrat de travail tient également aux vertus opératoires reconnues à l'élément contractuel.

Aussi, ces clauses peuvent aménager, moduler les variables importantes du champ contractuel. Elles viennent ainsi créer des avantages ou accroître des sujétions pesant sur l'une ou l'autre partie. Elles s'intègrent au contrat lors de sa conclusion ou en cours d'exécution et leur interprétation peut affecter « la puissance du contrat 183». Qu'il s'agisse de stipulations avantageuses pour l'employeur ou clauses favorables au salarié, il semble aussi que « le renouveau du contrat de travail s'accompagne du développement d'une manière de police jurisprudentielle184 » de ces clauses, à travers une exigence de bonne foi dans leur innovation ou leur mise en oeuvre.

L'intérêt de s'interroger sur la manière dont opère les clauses au regard du dualisme du rapport d'emploi peut montrer l'aptitude du contrat individuel de travail à élargir ou sophistiquer les sujétions inhérentes à la subordination.

181 A. Jeammaud, « les polyvalences du contrat de travail » p.307

182 A. Jeammaud, « Le contra de travail, une puissance moyenne » p.306

183 A. Jeammaud, préc.p. 303

184 J. Pelissier, A. Supiot, A. Jeammaud préc. n° 135

Ce contrat dans son rôle d'instrument de gestion, d'ajustement de la main d'oeuvre suggère à l'employeur de rechercher une certaine flexibilité à savoir renforcer son emprise sur la force de travail ou la situation du salarié.

De fait, le contrat est ainsi sollicité dans « le modelage de la condition personnelle du travailleur185 ». Pour autant, l'insertion de clauses afin de singulariser davantage le rapport de travail permet-elle à l'employeur de se soustraire aux rigidités qu'il reproche au Code du travail ? Si la singularisation peut effectivement correspondre à des hypothèses dérogatoires d'un point de vue normatif, il serait réducteur de l'y enfermer186. Il semble que l'usage de l'espace de stipulation ne peut avoir pour effet d'infléchir l'impact des dispositions normatives. La singularisation serait de la sorte la mise en exergue de la dimension personnelle particulière de telle relation de travail.

Face à la multiplication, à la sophistication des clauses, le standard de la bonne foi permet au juge de dresser une limite qui s'ajoute aux précisions existantes et, d'exercer un contrôle distinct de celui assuré par les normes formelles de validité. De même, la bonne foi est mobilisée là où les dispositions normatives explicites sont absentes pour cantonner dans des limites raisonnables l'invocation ou la mise en oeuvre de telle ou telle clause. Il semble que le juge utilise la bonne foi dans sa fonction heuristique, à travers elle, l'obligation contractuelle peut être modulée et les abus de son exécution peuvent être sanctionnés. Le contrôle de la bonne foi apparaît donc,d'une manière générale,comme un « instrument permettant aux juges de jouer un rôle correcteur par rapport à la sécheresse des clauses du contrat,en permettant tantôt d'ajouter à la lettre du contrat tantôt de venir la tempérer,de l'assouplir et de l'adapter187 ». Si en vertu de la force obligatoire du contrat, une partie peut exiger de l'autre l'exécution de l'obligation, le juge, par son intervention, se servant de la notion de bonne foi tente de moraliser l'usage de cet espace de stipulation. Le contrat ouvre, comme le révèle un auteur ouvre un « espace de stipulation » dans lequel les parties vont préciser les « modalités de l'agir contractuel »188. Que les clauses insérées au contrat de travail enrichissent le contenu obligationnel ou précisent les composantes du champ contractuel, il semble que l'initiative de leur insertion dans le contrat de travail est pour une

185 A. Jeammaud, préc. p. 309

186 A. Jeammaud, préc. Voir aussi S. Frossard, « Les incertitudes relatives au contrat » in Le singulier en droit du travail Dalloz 2006 p.32

187 A. Benabent, La bonne foi « Rapport français », travaux de l'association Henri Capitant, Tome XLIII, 1992, p.300

188A. jeammaud, préc. , « Le contra de travail, une puissance moyenne » p.313

large part le fait de l'employeur. Il peut s'agir de clauses liées à l'exécution du contrat de travail ou de sa rupture.

Aussi, dans cette flopée de clauses, l'exigence de paramètres objectifs ne devrait pas susciter de grands débats tant elle devient générale en droit du travail. Les clauses, n'étant pas appréciées selon les mêmes critères, il convient de souligner que quelle que soit la stipulation contractuelle elle ne saurait dépendre de la volonté unilatérale de l'employeur189.

Par ailleurs est nulle toute clause contractuelle privant le salarié d'une garantie ou d'un avantage prévu par la loi, ou lui accordant moins que ne lui assure celle-ci .De même certaines clauses sont spécialement affectées par une disposition légale ou conventionnelle, qui compromet leur validité, la soumet à condition, limite leur portée ou leur usage. La stipulation de clauses d'exclusivité, de variabilité de rémunération, d'objectifs, de dédit formation entre autres clauses est admise par la cour de cassation. Notons cependant que la clause d'essai190, la clause de non concurrence (section I) la clause de mobilité (section II) demeurent les plus fréquentes et retiendront seules notre attention.

SECTION I : De la clause de non concurrence

Tout contrat de travail prévoit dans une certaine mesure, une obligation minimale et implicite de non concurrence , la bonne foi interdit au salarié d'avoir pendant la durée du contrat de travail, des activités concurrentes de celles de son employeur, soit à titre indépendant, soit pour le compte d'un autre employeur191 . On comprend dès lors que le principe fondamental de la liberté de travail et de la libre concurrence ne fassent pas complètement échec à l'insertion d'une clause de non-concurrence dans le contrat de travail. Cette clause a pour objet d'éviter la concurrence ou la déloyauté du salarié envers l'entreprise192.

Sauf à porter gravement atteinte à la liberté du travail, c'est à dire les clauses qui par leur durée et la généralité de leur champ d'application géographique et professionnel, revenait à interdire « de façon absolue » à un salarié d'exercer une activité « conforme à sa formation et ses connaissances », l'introduction de clause de non concurrence dans le contrat de travail est en principe licite depuis l'arrêt Bedaux193.Alors que certains auteurs194 estimaient que

189 Art. 1174 du Code civil

190 Voir, la bonne foi et la période probatoire du contrat de travail, p. 32

191 G. Couturier préc. n°197

192 Soc. 21 juillet 1994 Bull. civ. V, n°250 ; Soc 21 mai 1996 RJS 7/96, n°782 193 Soc. 8 mai 1967 Bull. civ. IV n°373

toute clause de non concurrence porte atteinte à la liberté de travail, suggérant l'admission de cette clause qu'à titre exceptionnel et donc une « illicéité de principe » de la clause. La cour de Cassation n'a pas été sensible à ces critiques. De fait les clauses de non-concurrence furent très largement admises en jurisprudence malgré les vives protestations doctrinales qu'elles pouvaient susciter.

Toutefois, depuis 1992195, la chambre sociale a adopté une nouvelle approche de la question. Elle précise que « la clause de non concurrence n'est licite qu'autant qu'elle protège les intérêts légitimes de l'entreprise ». En effet, dans l'arrêt Godissart du 14 mai 1992, où la relation contractuelle et la prestation de travail ne pouvaient guère laisser de doute quant à l'absence de concurrence du salarié. La cour de cassation remet en cause la valeur et l'existence de la clause de non concurrence. Le salarié exerçait la profession de laveur de vitres et la clause de non concurrence lui interdisait d'exploiter directement ou indirectement une entreprise identique ou similaire à celle pour laquelle il travaillait pendant quatre ans et ce tant dans son département que dans les départements limitrophes et dans tous les autres départements où son employeur créerait et exploiterait une agence. La nouveauté qui caractérisait cet arrêt est la mise en exergue de l'intérêt de l'entreprise afin de justifier l'existence d'une clause de non concurrence. Ainsi, on ne peut imposer au salarié plus que ce qui s'avère utile pour la bonne exécution du contrat et pour l'intérêt de l'entreprise.

Si cet arrêt ne fait pas référence à la notion de bonne foi dans l'exécution du contrat, il faut cependant revenir sur la démarche implicite du juge. Si la liberté contractuelle justifie la possibilité d'inscrire cette clause au contrat, elle ne peut être invoquée que de bonne foi. Il faut donc pouvoir constater un acte de déloyauté du salarié ou un risque potentiel d'atteinte aux intérêts légitimes de l'entreprise pour caractériser un manquement à l'obligation de non-concurrence. En tout état de cause les juges ne se bornent pas à relever l'accomplissement par le salarié d'une activité quelconque pour caractériser la faute reprochée par l'employeur196.

Par ailleurs, dans le droit commun des contrats notamment des contrats synallagmatiques, l'obligation de chaque partie doit avoir une cause qui est la contre partie fournie par le contractant. La clause de non concurrence n'étant pas subordonnée à l'octroi au salarié d'une contre partie pécuniaire si celle- ci n'était pas prévue par une convention collective197 cette absence de contre partie pécuniaire a fait dire à certains auteurs que la cour

194 J. Pélissier « Droit civil et contrat individuel de travail » Dr. Soc. 1988 p.389, voir aussi C. Pizzio - Delaporte, « la clause de non concurrence : Jurisprudence récente », Dr. soc. 1996, p.145

195 Soc. 14 mai 1992 Bull. civ. V, n°309

196 Soc.14 mai 1998 Dr. Soc. 1998, p 715, Note A. Jeammaud

197 Soc. 11 octobre 1990, Bull, V,n° 459 , soc. 11 juillet 2001, n°99-43.6 27

de cassation consacrait « la licéité d'une obligation sans cause 198». Aujourd'hui, il semble qu'au titre de la justice qui doit régner dans le contrat la cour a infléchi sa position opérant de la sorte un revirement. En effet, depuis les arrêts du 10 juillet 2002199 « Une clause de non concurrence n'est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, limitée dans le temps et dans l'espace, qu'elle tient compte des spécificités de l'emploi du salarié et comporte l'obligation pour l'employeur de verser au salarié une contre partie financière, ces conditions étant cumulatives ».

L'attrait de cette jurisprudence constante est de mettre notamment en évidence la volonté du juge d'équilibrer le rapport contractuel. Cette recherche d'équilibre étant du reste conforté par l'article L120-2 du Code du travail. Il semble que cet article combiné à l'article L120-4 du même Code serait de nature à rendre pleinement opérationnel la notion de bonne foi200. Ce contrôle de nécessité et de proportionnalité, qui donne de grands pouvoirs d'appréciation aux juges est d'une portée générale, l'article L120-2 s'applique à toute clause qui entend apporter une restriction aux droits et libertés fondamentaux du salarié.

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault