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Le droit de l'OMC dans le sillage du commerce des aéronefs civils

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par Simon TURMEL
Université Montesquieu Bordeaux IV - Master 2 Droit international 2006
  

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1.2.2.3 Une tentative d'explication

D'un différend portant sur la légalité de certaines subventions accordées, il s'est rapidement muté en un différend portant sur la mise en oeuvre des décisions de l'ORD. Le différend a également pris la forme d'un inextricable dédale procédural où les parties, bien que se référant régulièrement au principe d'économie jurisprudentiel, ont utilisé jusqu'à la lie tous les mécanismes mis à leur disposition. Pourquoi une telle approche qui n'a véritablement pas eu comme effet de permettre un règlement rapide de la situation (il s'est en effet écoulé un peu plus de six ans entre la première demande de consultation formulée par le Canada et le tout dernier rapport rendu concernant la mise en oeuvre)? Peut-être que, comme l'ont écrit des observateurs, « It is clear from the history of the dispute that both Canada and Brazil intend to continue offering financial support to their respective national champions.»213(*)

Autrement dit, ni le Canada ni le Brésil n'ont jamais réellement eu l'intention de cesser de subventionner leur constructeur d'aéronef civil respectif. Il s'agissait plutôt de part et d'autre d'une apparence de mise en oeuvre des recommandations de l'ORD214(*) et par conséquent d'une apparence de conformité avec le droit de l'OMC. Les modifications apportées au PROEX III pour le transformer d'un programme impératif à un programme dispositif en est un bon exemple. Il nous semble que deux ordres de facteurs peuvent être identifiés pour expliquer, du moins en partie, cette résistance à se conformer aux décisions de l'ORD. Ces facteurs sont d'ordre économiques mais surtout politiques. En fait, il est parfois difficile de les départager puisqu'ils tendent à se rejoindre voire se confondre.

Les facteurs économiques sont assez faciles à identifier. Il n'y a qu'à penser aux emplois générés par l'industrie aéronautique, tant directs qu'indirects. De plus, ce sont des emplois bien rémunérés. Le commerce des aéronefs civils joue également un rôle majeur, notamment pour un pays comme le Brésil, au niveau de la balance commerciale du pays.

Les facteurs que l'on pourrait qualifier de politiques ont également un impact majeur. En fait, dès le départ, le différend entre le Canada et le Brésil a pris une tournure politique. Bien que transposé sur un terrain a priori, apolitique215(*), soit celui du droit international économique où les décideurs (donc l'ORD) sont appelés à approcher le différend selon une perspective légale, donc davantage empreinte d'une certaine technicité, le dossier a néanmoins toujours conservé son caractère politique. Tant Bombardier que Embraer sont considérés comme des symboles nationaux importants et de ce fait, jouissent d'une considération particulière de la part de leur gouvernement respectif216(*). Ce sont des champions nationaux dans un secteur de haute technologique217(*). De façon particulière pour le Brésil, le commerce des aéronefs civils est également un symbole de l'aspiration de ce pays au rang de pays développé218(*).

On peut donc affirmer que la «judiciarisation» du litige n'a aucunement permis sa dépolitisation, mais que cette politisation s'est principalement fait sentir au niveau de la mise en oeuvre des décisions lesquelles ont été rendues sans a priori politique. Ces difficultés au niveau de la mise en oeuvre nous révèlent nécessairement une certaine insatisfaction de part et d'autre face aux solutions dégagées par les groupes spéciaux.

En extrapolant quelque peu et toutes proportions gardées, peut-être est-il possible d'avancer que l'élément ayant fait en sorte que ce litige n'ait pas, malgré les menaces parfois peu diplomatiques ayant été proférées par les différentes parties, débouché sur une guerre commerciale générale entre les deux pays qui aurait dépassé le stricte commerce des aéronefs civils, c'est que chaque partie se soit vue attribuer la permission d'appliquer des contre-mesures substantielles. Bref, les contre-mesures auraient un peu agit comme la bombe atomique dans le cadre de la guerre froide entre l'URSS et les États-Unis, une arme imposant le respect mais dont l'utilisation a nécessairement des conséquences imprévisibles et surtout catastrophiques pour les deux parties. Une arme qui impose également une certaine retenue.

* 213 Joseph D'CRUZ et Charles M. GASTLE, Op. Cit., p.34.

* 214 Ou comme les universitaires DRACHE et FROESE l'ont écrit: «In each of these leading cases, the WTO failed to impose its brand of regulatory convergence, despite a show of compliance on the part of defendants. When states are ordered to stop subsidizing domestic industry, they simply switch tracks or tweak policies to remain in bounds according to the Agreement on Subsidies and Countervailing Measures.» Daniel DRACHE et Marc D. FROESE, «An Empirical Analysis of Why the WTO is Broken and Cannot be Fixed - Yet», Robert Centre Working paper (York University), juin 2006, p. 14.

* 215 Bien que le groupe spécial soit un terrain apolitique, il existe une certaine polémique dans la doctrine à savoir s'il s'agit d'un mécanisme juridictionnel, quasi-juridictionnel ou même administratif. Voir Carlo SANTULLI, «Qu'est-ce qu'une juridiction internationale?? Des organes répressifs internationaux à l'ORD» (2000) 46 A.F.D.I. 58. Toutefois, il n'est pas utile de s'aventurer sur cette délicate, mais néanmoins intéressante question dans le cadre du présent mémoire, si ce n'est que pour citer Éric CANAL-FORGUES, Op. Cit., p. 28 qui, avec une certaine sagesse, constate qu'il s'agit en réalité d'un système écartelé entre deux logiques et qu'«il apparaît ici plus pertinent de continuer à y voir un mécanisme pragmatiquement ordonné et profondément original dans lequel s'exerce une fonction de jugement, dont découlent des décisions à portée obligatoire pour les parties.»

* 216 Daniel DRACHE et Marc D. FROESE, Op. Cit., p. 14.

* 217 Joseph D'CRUZ et Charles M. GASTLE, Op. Cit., p. 6.

* 218 Nils MEIER-KAIENBURG, Op. Cit., p. 227.

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