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Le droit de l'OMC dans le sillage du commerce des aéronefs civils

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par Simon TURMEL
Université Montesquieu Bordeaux IV - Master 2 Droit international 2006
  

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PARTIE 2 - L'OMC face aux limites de son droit : l'affaire Airbus-Boeing 

Un auteur, quelque peu pessimiste sans doute, a récemment écrit à propos de la dispute commerciale relativement au commerce des aéronefs civils de grande capacité entre les deux géants que sont l'Europe et les États-Unis, qu'elle pourrait avoir des conséquences dramatiques non seulement pour les relations transatlantiques, mais également pour l'OMC219(*). C'est le mécanisme de règlement des différends de l'OMC qui pourrait être mis à mal et révéler ses limites, mais ce litige pourrait également avoir comme conséquence de faire perdurer l'impasse dans la poursuite des négociations multilatérales du cycle de Doha. Ce n'est d'ailleurs pas la première fois que les États-Unis et l'Europe s'affrontent devant l'ORD.

Ce litige impliquant les deux plus importants constructeurs d'aéronefs au monde que sont Boeing et Airbus ne date pas d'hier malgré que ce ne soit qu'assez récemment qu'il se soit transporté devant l'ORD. Dans un premier temps (2.1), il est nécessaire de bien cerner le cadre juridique dans lequel il s'inscrit. Pour ce faire, il faut remonter jusqu'en 1979 où le GATT a alors, dans le cadre du cycle de Tokyo, adopté un accord plurilatéral concernant spécifiquement les aéronefs civils.

Dans un second temps (2.2), il sera question du litige qui est actuellement devant les groupes spéciaux de l'ORD et qui oppose l'UE et les États-Unis ainsi que des litiges potentiels.

2.1 Un contexte juridique complexe

Le litige actuellement devant l'ORD et qui oppose les États-Unis et l'Europe, représentant respectivement les compagnies Boeing et Airbus, s'est construit au fil des dernières décennies. Bien que les allégations des parties dans les demandes de consultations réfèrent à des entorses à l'Accord SMC, le véritable contexte juridique dans lequel, ou peut-être grâce auquel, s'est développée cette acrimonie, dépasse le stricte cadre de cet accord. Afin de bien cerner le contexte et la perspective juridique, il est nécessaire dans un premier temps, de remonter jusqu'à un accord plurilatéral qui a été conclu à l'occasion du cycle de Tokyo (1.1), d'examiner un premier litige entre les États-Unis et l'Europe devant le GATT au cours des années 80 (1.2) et une conséquence de ce premier litige qui prit la forme d'une entente bilatérale entre les deux parties (1.3). On examinera par la suite de quelle façon l'ORD pourrait devoir naviguer à travers ces eaux juridiques houleuses (1.4). Naturellement, ce contexte juridique est toujours empreint des considérations politiques exposées en introduction.

2.1.1 L'accord plurilatéral de 1979

Les premiers signes tangibles de tension entre Boeing et Airbus remontent à 1977 alors que Airbus tente sa première percée sur le marché américain, alors la chasse-gardée des constructeurs américains. Impressionnée par le fait que le Airbus A300 était moins énergivore que le Lockheed 1011, la compagnie Eastern Airlines, alors dirigée par l'ancien astronaute Frank BORMAN, en acheta plus d'une vingtaine au constructeur européen. Les officiels américains accusèrent Airbus de vendre à rabais, voire à perte, le Airbus A300 dans le but d'effectuer une percée sur le nouveau continent220(*).

D'un point de vue strictement juridique, il faut toutefois se placer deux ans plus tard. Le 12 avril 1979221(*), est signé à Genève, dans le cadre des négociations du cycle de Tokyo l'Accord sur le commerce des aéronefs civils222(*). L'aviation civile est le seul secteur ayant bénéficié d'un accord plurilatéral223(*) spécifique lors de ce cycle de négociations224(*). Dès le départ, cet accord a été controversé et considéré davantage comme le point de départ pour de futures négociations qu'un véritable accord contraignant et établissant des règles claires pour les signataires225(*).

Le préambule de l'Accord de 1979 renseigne sur les objectifs qui étaient poursuivis par les signataires. C'est ainsi que par cet accord les parties se déclarèrent désireuses d'assurer «un maximum de liberté, notamment la suppression des droits et dans toute la mesure du possible, la réduction ou la suppression des effets de restriction ou de distorsion des échanges. » L'Accord vise donc à assurer des possibilités de concurrence égales et équitables pour les signataires. Il reconnait la nécessité « d'encourager la poursuite des progrès technologiques de l'industrie aéronautique dans le monde entier » ainsi que « d'assurer des conditions de concurrence équitables et égales dans un marché global en expansion »226(*). Il est intéressant de noter que dans le préambule, les parties reconnaissent «que de nombreux signataires considèrent le secteur de l'aéronautique comme une composante particulièrement importante de la politique économique et industrielle»227(*).

À l'article 1 de l'Accord on retrouve énoncé son champ d'application. Il s'applique à tous les aéronefs civils, id est tous les aéronefs autres que militaires ainsi qu'à l'égard des produits énumérés à l'article 1.1228(*). Parmi les mesures visées par cet accord, il est notamment prévu l'élimination des droits de douanes sur les produits entrant dans le champ d'application de celui-ci. L'article 3 vise quant à lui les obstacles techniques au commerce229(*).

Quant à la disposition de l'Accord relative aux subventions, l'article 6 prévoit que les parties «notent que les dispositions de l'accord relatif à l'interprétation et à l'application des articles VI, XVI et XXIII de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (accord relatif aux subventions et aux mesures compensatoires) s'appliquent au commerce des aéronefs civils ». Cet accord était, en 1979, le Code sur les subventions adopté lors du cycle de Tokyo. Dorénavant, il faut plutôt y voir une référence à l'Accord SMC. L'article 6.1 précise, de plus, que les signataires de l'Accord tiendront compte des facteurs spéciaux qui jouent dans le secteur de l'aéronautique, notamment les aides publiques qui sont très présentes230(*). Aucune définition du concept de «subvention» n'apparaît dans cet accord.

On constate donc que les signataires de l'Accord de 1979 sont conscients du caractère particulier du commerce des aéronefs civils, mais ne vont pas jusqu'à établir un régime juridique distinct et adapté à ce particularisme. L'article 6.1 est un exemple éloquent de ce décalage puisqu'il renvoie à une application de l'Accord SMC, qui pour rappel est multilatéral et, in fine, prévoit que les signataires tiendront néanmoins compte des facteurs spéciaux qui jouent dans le marché aéronautique, en particulier les aides publiques largement pratiquées. Il n'est toutefois pas précisé de quelle façon il faudra tenir compte de ces facteurs spéciaux ni les conséquences juridiques qu'il sera possible de tirer de cette prise en compte231(*).

Le cycle d'Uruguay, qui s'est déroulé entre 1986 et 1994, a cherché à régler la question des subventions dans le domaine de l'aviation. Des négociations ont donc eu lieu dans le cadre de ce cycle afin d'en arriver à un nouvel accord sur les aéronefs civils qui remplacerait celui de 1979. Toutefois, alors qu'un accord général indiquant la fin du cycle d'Uruguay était en vue, aucune entente finale concernant le domaine des aéronefs n'a abouti232(*). Il y a bien eu une ébauche d'accord, mais qui est demeurée à l'état d'ébauche. C'est donc à défaut d'un nouvel accord que l'accord plurilatéral de 1979 été maintenu tel quel et inscrit à l'annexe 4 de l'Accord de Marrakech, annexe énumérant les accords plurilatéraux. Cette absence d'entente est principalement attribuable aux divergences persistantes entre l'Europe et les États-Unis233(*).

Toutefois, avant la conclusion du cycle d'Uruguay, les deux parties en étaient venues à une entente bilatérale se situant à l'extérieur du cadre du GATT. Une plainte des États-Unis devant le GATT a été en quelque sorte un élément facilitant le déclanchement de négociations ayant abouti à l'Accord bilatéral de 1992.

* 219 Nils MEIER-KAIENBURG, Op. Cit., p. 193 et 194.

* 220 Nils MEIER-KAIENBURG, Op. Cit., p. 197.

* 221 L'accord est entré en vigueur le 1er janvier 1980.

* 222 Cet accord plurilatéral est toujours en vigueur et fait partie intégrante de l'Accord instituant l'Organisation mondiale du commerce (Annexe IV).

* 223 Contrairement aux accords multilatéraux qui lient l'ensemble des États membres, les accords plurilatéraux ne lient que ceux l'ayant ratifié. En l'occurrence, l'accord sur le commerce des aéronefs compte actuellement 30 signataires incluant le Canada, les États-Unis et les CE ainsi que certains états membres de celles-ci. Le Brésil, la Chine ainsi que la Russie ont un statut d'observateur auprès du Comité. Pour la liste des signataires de l'accord et des observateurs auprès du Comité, voir Rapport (2006) du Comité du commerce des aéronefs civils, WT/L/665, 29 novembre 2006.

* 224 Daniel I. FISCHER, Op. Cit., p. 872. Trois autres accords plurilatéraux ont également été négociés, mais dans le cadre d'autres cycles de négociation.

* 225 Ibid., p. 872.

* 226 Préambule.

* 227 Préambule.

* 228 L'énumération contenue à l'article 1.1. prévoit que l'Accord s'applique: à tous les aéronefs civils, les moteurs d'aéronefs civils, leurs parties, pièces et composantes, les autres parties et pièces et composantes d'aéronefs ainsi que les simulateurs de vol au sol.

* 229 Il est possible d'avancer que seules les dispositions de l'Accord de 1979 concernant les droits de douane ainsi que les obstacles techniques au commerce ont eu un impact réel et significatif puisque ce sont celles avec le contenu le plus concret. Deutsche Bank Research, « Boeing vs Airbus : The WTO dispute that neither can win», 1er février 2007, p. 5. D'ailleurs, ces dispositions particulières constituent un point de friction relativement à une éventuelle adhésion de la Russie à l'OMC puisque les Américains souhaiteraient justement que les Russes deviennent partie à l'Accord de 1979 afin que le marché russe soit plus facilement accessible à Boeing notamment.

* 230 L'article 6.1 se lit :

«6.1 Les signataires notent que les dispositions de l'accord relatif à l'interprétation et à l'application des articles VI, XVI et XXIII de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (accord relatif aux subventions et aux mesures compensatoires) s'appliquent au commerce des aéronefs civils. Ils affirment que, dans leur participation ou leur aide aux programmes relatifs aux aéronefs civils, ils s'efforceront d'éviter les effets défavorables sur le commerce des aéronefs civils, au sens des articles 8.3 et 8.4 de l'accord relatif aux subventions et aux mesures compensatoires. Ils tiendront également compte des facteurs spéciaux qui jouent dans le secteur aéronautique, en particulier les aides publiques largement pratiquées dans ce domaine, de leurs intérêts économiques internationaux, et du désir des producteurs de tous les signataires de participer à l'expansion du marché mondial des aéronefs civils.» (mise en gras ajoutée)

* 231 Peut-être, comme le suggère David Luff, Op. Cit., p. 470, que c'est au niveau de l'existence des effets défavorables qu'il devrait être pris en considération le fait que le secteur de l'aéronautique bénéficie de nombreuses aides publiques.

* 232 David LUFF, Op. Cit., p. 28, note 39.

* 233 Daniel I. FISCHER, Op. Cit., p. 876.

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon