WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Le droit de l'OMC dans le sillage du commerce des aéronefs civils

( Télécharger le fichier original )
par Simon TURMEL
Université Montesquieu Bordeaux IV - Master 2 Droit international 2006
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

2.1.3 L'Accord bilatéral de 1992

Les États-Unis et les Communautés Européennes ont conclu, le 17 juillet 1992, L'Accord bilatéral Communautés européennes - États-Unis relatif aux aéronefs civils gros porteurs (l'Accord de 1992)236(*). Aux fins de cet accord, sont considérés comme des aéronefs civils gros porteurs ceux de 100 places et plus237(*). Du côté européen, l'entente vise nommément la compagnie Airbus. Du côté américain, l'entente ne nomme pas de compagnie, mais on comprend qu'elle vise de facto Boeing et McDonnell-Douglas.

Contrairement à l'accord plurilatéral de 1979 qui était intégré dès son adoption dans le système GATT et maintenant dans le système OMC, l'Accord de 1992 se situe en marge de ce système. Il ne s'agit donc pas d'un texte juridique pouvant servir de fondement à un recours devant l'ORD. Toutefois, il s'inscrit malgré tout dans la poursuite des objectifs du GATT ou maintenant de l'OMC. En effet, les parties à cet accord ont clairement exprimé que ce dernier s'inscrit dans une volonté de préciser et de poursuivre les objectifs recherchés par l'accord plurilatéral de 1979238(*)239(*) et qu'il vise à « promouvoir un environnement plus favorable au commerce international des aéronefs civils de grande capacité et de réduire les tensions commerciales dans ce domaine »240(*). De plus, l'accord ne doit pas être interprété comme pouvant porter préjudice aux droits et obligations incombant aux parties dans le cadre du GATT ou des autres accords multilatéraux négociés dans le cadre du GATT241(*).

Dans sa quête de précision et de poursuite des objectifs du GATT, l'Accord vient notamment clarifier et même quantifier certaines obligations ou objectifs incombant aux parties. Dans un premier temps, l'article 4.1242(*) a pour effet d'indiquer que les pouvoirs publics pourront apporter un soutien au développement d'un projet de construction d'aéronefs civils de grande capacité uniquement dans les cas où il y a une perspective raisonnable, pour le prêteur, de recouvrer cette aide avant l'expiration d'une période de 17 ans à compter de la date du premier versement de celle-ci. Cette disposition vise donc à contrecarrer le subventionnement de projets qui n'auraient raisonnablement aucune viabilité commerciale 243(*).

Des chiffres précis sur l'apport gouvernemental admissible pour le développement d'un nouvel aéronef civil ont été prévus par cet accord. Les parties ont prévu que l'apport gouvernemental ne pourra dépasser le tiers (33%) du coût total de développement d'un nouvel aéronef244(*). L'accord prévoit également que le taux d'intérêt ne devra pas être inférieur au coût de l'emprunt pour les pouvoirs publics pour la première tranche de 25% du coût total de développement de ce programme et du coût de l'emprunt majoré de 1% pour la tranche de 8% suivante245(*).

Un autre élément majeur de cet accord et qui était essentiel aux yeux des négociateurs européens est la disposition relative aux subventions indirectes. Cet accord a notamment comme intérêt de tenter d'apporter une définition ainsi que des éléments permettant de mieux identifier ces aides indirectes246(*). À l'annexe 2 de l'Accord qui définit l'expression «soutient indirect des pouvoirs publics», le lien est fait entre le militaire et le civil. Il s'agit d'un gain important pour les européens puisqu'il s'agit, de la part des américains, d'une reconnaissance du fait qu'il y a un subventionnement indirect de l'industrie aéronautique civile par le biais des contrats passés par le département de la défense et la NASA. Toutefois, l'accord n'a pas comme effet d'interdire formellement ces aides indirectes, il prévoit plutôt que les parties devront prendre les mesures nécessaires pour que ces soutiens indirects ne confèrent pas un avantage déloyal au constructeur qui en bénéficie247(*). Alors que pour les soutiens directs visés par l'article 4 de l'Accord il y a une obligation imposée au récipiendaire de les rembourser dans un délai précis, il n'existe pas une telle obligation en ce qui concerne les soutiens indirects.

Toutefois, malgré ce contenu beaucoup plus concret comparativement à l'Accord de 1979, cet accord est considéré par les observateurs comme essentiellement politique248(*). En effet, aucun mécanisme de nature à régler tout différend pouvant survenir entre les parties n'a été prévu. L'article 10.1 prévoit que les parties « s'efforcent d'éviter tout litige commercial portant sur des questions relevant [de l']accord. » L'omission d'un tel mécanisme pour régler les différends s'explique par le fait que l'accord mise plutôt sur la consultation. Il est en effet prévu que les parties doivent se consulter au moins deux fois par année249(*). Il est également prévu que les parties régleront tout litige relié à l'accord par la voie de la consultation250(*).

David LUFF, écrivait sur la nature peu contraignante de l'Accord : « Sa conclusion ne reflète en réalité qu'une tentative d'apaiser les tensions dues à la concurrence acharnée entre les États-Unis et l'Union européenne dans le marché des avions gros porteurs. En cas de conflit à l'OMC entre ces deux Membres sur cette question, il risque tout simplement de prendre fin. »251(*) Il est également possible de référer à l'article 12 de l'Accord qui fait bien ressortir le caractère politique de celui-ci et le fait qu'il reflète d'abord et avant tout une tentative d'apaisement de la situation qui prévalait, en attendant un nouvel accord issu des négociations du cycle d'Uruguay. Toutefois, et tel que nous l'avons précédemment précisé, il n'y a finalement pas eu de nouvel accord à l'issue du cycle d'Uruguay ce qui a amené la reconduction de l'Accord de 1979.

Les représentants de l'UE et ceux des États-Unis ont amorcé des discussions, en 2004, afin de modifier et améliorer l'Accord de 1992. Ces discussions n'ont pas eu le succès escompté. C'est suite à l'échec de ces négociations que les États-Unis ont déposé une première demande devant l'ORD afin d'engager des négociations sur la question des subventions252(*).

Parallèlement au dépôt d'une demande de consultation devant l'OMC, les États-Unis ont envoyé, le 6 octobre 2004, une note diplomatique au Conseil des ministres de l'Union européenne indiquant leur volonté de mettre fin à l'Accord de 1992253(*). L'Union européenne a toutefois réfuté cette interprétation faite par les États-Unis et considère plutôt que l'accord ne peut prendre fin qu'au bout d'une année suivant l'envoi de cette note diplomatique254(*). Selon l'UE, l'entente ne peut donc pas avoir pris fin le 6 octobre 2004.

* 236 Référence européenne : Accord entre la Communauté économique européenne et le gouvernement des États-Unis d'Amérique concernant l'application au commerce des aéronefs civils de grande capacité de l'accord du GATT relatif au commerce des aéronefs civils, JO L 301 du 17.10.1992, p. 32-39.

* 237 Annexe 2 de l'Accord. Plus précisément, l'entente interprète le concept « d'aéronef civil de grande capacité » de la façon suivante :

« en ce qui concerne ces aéronefs fabriqués aux États-Unis d'Amérique par les constructeurs existants d'aéronefs civils de grande capacité et, dans la Communauté européenne, par le consortium Airbus, ou par les entités qui leur succéderont, tous les aéronefs, tels qu'ils sont définis à l'article 1er de l'accord du GATT relatif au commerce des aéronefs civils, à l'exception des moteurs tels que définis à l'article 1er paragraphe 1 point b) dudit accord, qui sont conçus pour le transport de passagers ou de fret et ont une capacité de 100 sièges ou plus ou son équivalent en configuration cargo; »

* 238 Le troisième considérant du préambule de l'Accord indique bien dans quel contexte il doit être considéré :

« RECONNAISSANT que les disciplines de l'accord du GATT relatif au commerce des aéronefs civils devraient être renforcées afin de réduire progressivement le rôle du soutien accordé par les pouvoirs publics,»

* 239 Il est intéressant de constater que l'article 12 de l'Accord de 1992 prévoit que les parties proposeront aux signataires de l'Accord de 1979 d'inclure dans ce dernier les disciplines s'inspirant du premier. On constate donc que pour l'UE et les États-Unis, l'Accord de 1992 constituait en quelque sorte un texte de base pour négocier le futur accord sur les aéronefs civils qui devait normalement voir le jour à l'issue du cycle d'Uruguay.

* 240 Préambule de l'Accord, premier reconnaissant.

* 241 Préambule de l'accord, dernier Prenant acte.

* 242 L'article 4.1 se lit :

4.1. Les pouvoirs publics n'accordent un soutien pour le développement d'un nouveau programme de construction d'aéronefs civils de grande capacité que si une appréciation critique du projet, fondée sur des hypothèses prudentes, montre qu'il y a une perspective raisonnable de couvrir, avant l'expiration d'une période de 17 ans à compter de la date du premier versement de ce soutien, tous les coûts définis à l'article 6 paragraphe 2 de l'accord sur les aéronefs, y compris le remboursement des soutiens publics dans les conditions et modalités indiquées ci-après.

* 243 Un peu sur le même principe, voir les allégations du Brésil concernant le PTC, Supra, section 1.1.3.3.

* 244 Soit 25% du coût total tel qu'estimé au moment de l'engagement plus 8% du coût total de développement de ce programme. Article 4 de l'entente de 1994.

* 245 Article 4.2 de l'Accord de 1992.

* 246 L'article 5.3 de l'Accord identifie ainsi les aides indirectes :

5.3. Des avantages résultant d'un soutien indirect sont considérés comme ayant été obtenus lorsqu'il y a une réduction perceptible des coûts des aéronefs civils de grande capacité due au financement par les pouvoirs publics de la recherche et du développement dans le domaine de l'aéronautique menés à bien après l'entrée en vigueur du présent accord.

S'il est possible d'apporter la preuve que les résultats de la recherche et du développement ont été communiqués de manière non discriminatoire aux constructeurs d'aéronefs civils de grande capacité des parties, les avantages résultant de ces technologies ne sont pas pris en considération pour le calcul visé au paragraphe 5.2. Toutefois, des avantages identifiables sont possibles lorsque des constructeurs d'aéronefs civils de grande capacité sont responsables de la conduite ou du résultat de cette recherche ou y ont accès précocement.

Si une partie a des raisons de croire que d'autres soutiens indirects accordés par les pouvoirs publics entraînent des réductions perceptibles des coûts des aéronefs civils de grande capacité, les parties se consultent en vue d'évaluer l'ampleur de ces réductions et de les inclure dans le calcul décrit ci-dessus.

Les avantages dus à un soutien indirect, qui résultent de la technologie obtenue grâce à la recherche et au développement financés par les pouvoirs publics ou à d'autres programmes publics, sont normalement calculés par le biais de l'évaluation de la réduction du coût de la recherche et du développement et de la réduction du coût des équipements de production et de la technologie des procédés de fabrication.

L'Annexe 2 de l'Accord définit ainsi l'expression «soutien indirect des pouvoirs publics» :

«soutien financier accordé par un gouvernement ou par tout organisme public sur le territoire d'une partie pour des applications aéronautiques, y compris la recherche et le développement, les projets de démonstration et le développement d'avions militaires, qui constitue un avantage identifiable pour le développement ou la production d'un ou de plusieurs programmes spécifiques concernant des aéronefs civils de grande capacité;»

* 247L'article 5.1 de l'Accord prévoit :

5.1. Les parties prennent les mesures nécessaires pour garantir que le soutien indirect des pouvoirs publics ne confère pas un avantage déloyal aux constructeurs d'aéronefs civils de grande capacité qui bénéficient de ce soutien et ne fausse pas le commerce international des aéronefs civils de grande capacité.

* 248 Voir notamment Nils MEIER-KAIENBURG, Op. Cit., p. 200.

* 249 L'article 11.1 de l'Accord prévoit :

11.1. Les parties se consultent régulièrement et, en tout cas, au moins deux fois par an, pour assurer le bon fonctionnement de l'accord.

* 250 L'article 11.3 de l'Accord prévoit :

11.3. Les parties conviennent de s'efforcer de régler tout différend dans les trois mois suivant la date de la demande initiale de consultation. Les consultations ne seront pas considérées comme ayant été conclues, aux fins des articles 8 et 9, avant l'expiration de ce délai de trois mois.

* 251 David LUFF, Op. Cit., p. 766.

* 252 Nils MEIER-KAIENBURG, Op. Cit., p. 205.

* 253 Trade compliance center, [en ligne : http://tcc.export.gov/Trade_Agreements/ All_Trade_Agreements/exp_002816.asp page visitée le 11 février 2007].

* 254 L'article 13.3 de l'Accord prévoit :

13.3. Un an après l'entrée en vigueur du présent accord, chacune des parties pourra s'en retirer. Si l'une d'elles souhaite le faire, elle notifiera son intention à l'autre partie par écrit. Le retrait prendra effet douze mois après la date de réception de la notification.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Ceux qui vivent sont ceux qui luttent"   Victor Hugo