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Le droit de l'OMC dans le sillage du commerce des aéronefs civils

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par Simon TURMEL
Université Montesquieu Bordeaux IV - Master 2 Droit international 2006
  

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2.1.4 La conciliation de l'Accord de 1979, de l'Accord de1992 et de l'Accord SMC

Que cet accord de 1992 ait effectivement pris fin comme le prétendent les États-Unis ou qu'il soit encore en vigueur, il n'en demeure pas moins qu'il a guidé la conduite des parties signataires depuis 1992 et a eu un impact certain sur les activités des constructeurs Boeing et Airbus. Cet accord ne peut non plus être considéré isolément, sans tenir compte de l'Accord de 1979, entente qui, pour sa part, fait partie du droit de l'OMC et a donc objectivement une véritable valeur normative entre les parties. Cette situation particulière, due en grande partie à des considérations politiques, offre un potentiel de difficultés juridiques véritables. Et ces difficultés risquent sérieusement d'influer d'une manière ou d'une autre le travail des deux groupes spéciaux de l'OMC qui seront appelés à trancher ainsi que des formations de l'organe d'appel, si les décisions en première instance sont portées en appel.

Une difficulté découlant de l'échec, dans le cadre du cycle d'Uruguay, des négociations pour remplacer l'Accord de 1979 qui a conduit au maintien de cet accord mais également à la conclusion et au maintien de l'accord de 1992, se trouve à savoir quel est exactement le statut de ces deux accords en regard du droit de l'OMC. Précisément, il s'agit de savoir comment le groupe spécial considérera ces deux accords dans l'examen du litige entre les États-Unis et l'Europe. Cette difficulté ne sera pas que théorique puisqu'il semble qu'un moyen de défense que l'Europe fait valoir devant l'ORD pour justifier les aides apportées à Airbus repose sur le fait qu'elles sont tout à fait conformes à aux dispositions de l'Accord de 1992255(*).

Ces difficultés sont de différents ordres. Concernant l'accord de 1979, certes il a été inclus dans le droit de l'OMC en tant qu'accord plurilatéral. À ce titre, il figure à l'annexe IV de l'Accord de Marrakech. Toutefois, cet accord porte l'empreinte de son époque, celle communément appelée du « GATT à la carte. » Ainsi, l'Accord n'interdit pas les subventions, il renvoie à l'Accord SMC. Toutefois, au moment de sa conclusion, il renvoyait au Code des subventions alors en vigueur qui, lui, exprimait l'approche de son temps sur la question des aides publiques. L'incertitude soulevée concerne également le mécanisme de résolution des disputes relatives à cet accord. À cet égard, le président du Comité du commerce des aéronefs civils de l'OMC déclarait lors d'une réunion du Comité tenue le 16 juin 1997 :

« At the meeting of 16 June, the Chairman recalled that significant legal uncertainity surrounded the relationship between the Agreement and Other World Trade Organization agreements as a result of the continuing failure to adapt the Agreement to the World Trade Organization structure. »256(*)

Cette dernière incertitude n'a pas réellement d'influence concrète dans le dossier nous intéressant si ce n'est qu'elle démontre que cet accord n'a jamais réellement été adapté au contexte moderne du commerce des aéronefs civils ni de l'OMC .

À propos de l'interaction précise entre l'Accord de 1979, et de façon particulière l'article 6.1 de celui-ci et l'Accord SMC, peut-être serait-il possible et même nécessaire d'y voir une application de la règle Lex specialis derogat legi generali257(*). En effet, l'article 6 de l'Accord de 1979 renvoie à l'Accord SMC. Toutefois, en précisant que les signataires de cet accord devront tenir compte des facteurs spéciaux jouant dans le secteur aéronautique et de façon particulière, des aides publiques largement pratiquées dans ce domaine et de leurs intérêts économiques internationaux, peut-être que les groupes spéciaux pourraient être amenés à interpréter l'Accord SMC d'une façon innovante et peut-être même surprenante. Néanmoins, force est de reconnaître que même si une telle interprétation tenant compte de l'article 6.1 de l'Accord de 1979 devait être avancée par les groupes spéciaux, il est difficile d'imaginer exactement comment elle pourrait s'articuler, ce qui, finalement, ne serait qu'une source d'incertitude supplémentaire.

Quant à l'Accord de 1992, les parties précisent bien qu'il trouve assise en quelque sorte sur cet Accord de 1979, bien qu'il ne fasse pas partie du droit de l'OMC. Toutefois, les obligations pour les parties contenues dans l'Accord de 1992 sont plus précises alors que le contenu de l'Accord de 1979 peut davantage être considéré comme des énoncés d'intentions. Ce contenu plus mou de l'Accord de 1979 risque donc d'en faire, pour les groupes spéciaux, davantage une source interprétative plutôt qu'une réelle source d'obligations dans la mesure où ils le considéreront.

Toutefois, l'ORD ne pourra pas non plus s'appuyer sur le contenu plus précis de l'Accord de 1992 pour fonder sa décision. Néanmoins, cette entente a, à différents égards, contribué au comportement des parties lorsqu'elle était en vigueur. Il est donc permis de se questionner sur l'influence qu'elle pourrait éventuellement avoir dans la résolution du conflit. Est-ce que l'ORD pourrait même examiner la validité de cet accord de 1992 en regard du droit international?

Bien qu'il nous semble peu probable que les groupes spéciaux abordent cette problématique de la validité de cet accord il peut être intéressant de commenter sur sa légalité au regard du droit international258(*). C'est précisément en regard de l'article 41 (1) b) 259(*) de la Convention de Vienne sur le droit des traités que cet examen peut être fait260(*). Cet article prévoit dans quelles circonstances des parties à un accord multilatéral peuvent conclure un accord qui aurait comme effet de modifier les règles contenues dans cet accord multilatéral, mais seulement à l'égard des parties à ce nouvel accord. En adoptant une interprétation textuelle, puisque cet article réfère aux traités multilatéraux, c'est en regard de l'Accord SMC qu'il faudrait faire porter l'analyse puisque l'Accord de 1979 est plurilatéral. Toutefois, analysons néanmoins l'impact de cet article 41 en fonction de ces deux accords.

L'article 41 (1) b) pose comme condition, pour qu'un tel accord soit valide que cette modification du traité dans les relations mutuelles entre les parties ne soit pas interdite par le traité multilatéral. Ni l'Accord de Marrakech, ni l'Accord de 1979, ni l'Accord SMC ne pose une telle interdiction. C'est toutefois au regard des autres conditions et plus particulièrement celle contenue à l'alinéa 1 b) ii) qu'il pourrait y avoir des difficultés. En effet, l'Accord de 1992 n'interdit pas les subventions indirectes (il les limite) ni les aides publiques (il règlemente les modalités de celles-ci). Or, si ces différentes mesures permises par l'Accord de 1992 devaient être jugées incompatibles avec l'Accord SMC, on peut penser qu'elles seraient nécessairement incompatibles avec l'objet et le but de l'Accord SMC261(*). De ce fait, il faudrait nécessairement écarter cet accord de 1992 qui ne serait pas légal au point de vue du droit international. La seule approche, à notre avis, qui permettrait peut-être une tentative de conciliation entre l'Accord de 1992 et la Convention de Vienne serait par le biais d'une triangulation interprétative avec l'Accord de 1979. En effet, ce dernier accord ne prohibe pas les aides publiques, il procède plutôt par renvoi à l'Accord SMC. Toutefois, l'Accord de 1979 met également l'emphase sur la prise en compte des spécificités propres à cette branche du commerce (les «facteurs spéciaux» de l'article 6.1). Peut-être que l'Accord de 1992 pourrait, de cette façon, être considéré compatible avec l'Accord SMC dans la mesure où on considère qu'il a pour objet principal de tenir compte desdites spécificités. Une telle triangulation serait toutefois peu convaincante. Ceci est d'autant plus vrai que l'Accord de 1992, dans son préambule, précise bien qu'il ne doit pas aller à l'encontre des obligations des parties qui découlent du GATT ou des autres accords multilatéraux négociés dans le cadre du GATT.

Bien qu'il soit certain que l'Accord SMC constitue la toile de fond du droit qui sera considéré par le groupe spécial, il n'en demeure pas moins qu'une forme d'instabilité juridique persiste dans la réglementation de la branche du commerce des aéronefs civils. Cette situation, résultant de la coexistence d'accords de différents types et conclues à des époques diverses annonce donc un certain flou artistique quant à l'utilisation que feront les groupes spéciaux de ces différents instruments. Mais surtout, c'est un décalage juridique qui est mis en lumière entre une certaine volonté des parties exprimée par l'Accord de 1992262(*) et le droit applicable représenté essentiellement par l'Accord SMC.

Il est également possible de souligner la potentialité de difficultés pouvant surgir des accords plurilatéraux, surtout lorsqu'ils n'ont pas pour effet d'écarter expressément les accords multilatéraux généraux qui constituent, en quelque sorte, le droit commun. Bref, l'effet inconnu et imprévisible de l'article 6.1 de l'Accord de 1979. C'est donc avec à l'esprit un contexte juridique particulièrement bigarré et incertain que les groupes spéciaux devront résoudre l'affaire opposant Boeing à Airbus. Il s'agit donc maintenant d'examiner les différentes mesures contestées de part et d'autre et qui feront l'objet du débat devant l'ORD.

* 255 Journal La Tribune, «L'Europe à l'offensive dans le différend Airbus-Boeing», vendredi le 9 février 2007, p. TR05.

* 256 Daniel I. FISCHER, Op. Cit., p. 888.

* 257 Ruwantissa ABEYRATNE, « The Airbus-Boeing Subsidies Dispute- Some Preliminary Legal Issues», Air & Space Law, vol. XXX no 6 (novembre 2005), 379, 388.

* 258 Peut-être pourrait-il s'agir, pour l'ORD, d'une façon de mettre de coté l'Accord de 1992 que de le déclarer invalide au regard du droit international!

* 259 Art. 41 Accords ayant pour objet de modifier des traités multilatéraux dans les relations entre certaines parties seulement

1. Deux ou plusieurs parties à un traité multilatéral peuvent conclure un accord ayant pour objet de modifier le traité dans leurs relations mutuelles seulement:

a) si la possibilité d'une telle modification est prévue par le traité; ou

b) si la modification en question n'est pas interdite par le traité, à condition qu'elle:

i) ne porte atteinte ni à la jouissance par les autres parties des droits qu'elles tiennent du traité ni à l'exécution de leurs obligations; et

ii) ne porte pas sur une disposition à laquelle il ne peut être dérogé sans qu'il y ait incompatibilité avec la réalisation effective de l'objet et du but du traité pris dans son ensemble.

* 260 La Convention de Vienne de 1969 ne s'applique pas à la présente situation puisqu'il s'agit d'un traité conclu entre un pays et une organisation internationale. Toutefois, la Convention de Vienne sur le droit des traités entre États et organisations internationales ou entre organisations internationales (1986) n'est pas encore en vigueur. Les critères énumérés à l'article 41 de la Convention de Vienne de 1969 restent toutefois pertinents dans la mesure où ils expriment l'état du droit international sur cette question.

* 261 Comme un auteur le fait remarquer, la validité de telles règles entre des parties en regard du droit de l'OMC sera plus généralement assurée lorsqu'elles constitueront des règles «OMC plus». Fabrizio PAGANI, «Are Plurilateral Trade Agreements Possible Outside of the World Trade Organization?», JWT, Vol. 40, no 5 (1996), 797, 805.

* 262 Bien que, malgré ceci, les échecs pour modifier cet Accord en 2004 est un indicateur qu'il ne représente pas non plus parfaitement la volonté des parties ou, à tout le moins, qu'il ne la représente plus parfaitement.

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault