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Le droit de l'OMC dans le sillage du commerce des aéronefs civils

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par Simon TURMEL
Université Montesquieu Bordeaux IV - Master 2 Droit international 2006
  

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1.1.3 L'affaire Canada-aéronefs

C'est en date du 10 mars 1997 que le Brésil a demandé l'ouverture de consultations avec le Canada à propos de certaines subventions qui seraient accordées, pour certaines par le gouvernement du Canada et pour d'autres, par les gouvernements provinciaux du Québec et de l'Ontario, et qui auraient comme objet de favoriser l'exportation d'aéronefs civils de transport régional. Les deux pays ont procédé à des consultations à ce sujet le 30 avril 1997, mais sans succès. Le 10 juillet 1998 le Brésil soumet donc conformément à l'article 4.4 de l'Accord SMC, une requête à l'ORD demandant l'établissement d'un groupe spécial. Le groupe spécial est établi par l'ORD le 23 juillet 1998 et sa composition dévoilée le 16 octobre 1998118(*). Les États-Unis et les CE sont tierces parties. Le groupe spécial a déposé son rapport le 14 avril 1999119(*). Le Canada interjette appel de ce rapport le 3 mai 1999 et le 2 août 1999, l'Organe d'appel de l'ORD dépose son rapport120(*).

Le Brésil a entrepris ce qu'un observateur a qualifié de «partie de pêche»121(*) en attaquant devant l'ORD six différents programmes canadiens, prétextant qu'ils constituent des subventions illégales au regard du droit de l'OMC. Il ne sera ici question que des principaux programmes contestés par le Brésil ainsi que des conclusions de l'ORD relativement à ceux-ci122(*).

1.1.3.1 La Société pour l'expansion des exportations (SEE)

La Société pour l'expansion des exportations est une société de la Couronne du chef du Canada créée en 1969. Cette société prend la forme d'une institution financière relevant du Parlement fédéral par l'entremise du ministère du Commerce international. L'article 10 1) de la Loi sur l'expansion des exportations123(*) précise, dans sa version telle que modifiée en 1993, que la SEE a comme mission « de soutenir et développer, directement ou indirectement, le commerce extérieur du Canada ainsi que la capacité du pays d'y participer et de profiter des débouchés offerts sur le marché international ».124(*) Dans le cadre de la mission qui lui est conférée, la SEE offre plusieurs services de gestions du risque (tant commerciaux que politiques) ainsi que des produits financiers. Certains de ces produits peuvent être subordonnés à l'exportation comme l'assurance-investissement à l'étranger ou le financement des investissements à l'étranger alors que d'autres ne le sont pas comme par exemple l'assurance-crédit intérieur.

Selon le Brésil, la SEE a pour but «d'aider les exportateurs canadiens à absorber les risques, au-delà de ce que peuvent faire d'autres intermédiaires financiers»125(*). Toujours selon le Brésil, «les programmes de la SEE comportent un transfert direct de fonds publics sous la forme de dons, de prêts et de prises de participation ainsi qu'un transfert direct potentiel de fonds ou de passif sous la forme de garanties de prêts, et ils confèrent aux bénéficiaires un avantage évident.»126(*) À cause de ce programme, les exportateurs canadiens bénéficieraient donc d'un avantage important lorsqu'ils soumissionnent sur les marchés étrangers. Le financement accordé par la SEE représenterait parfois jusqu'à 90% du coût d'un avion127(*). Le Brésil appuie notamment ses affirmations sur une déposition du président d'alors de la SEE qui affirmait que la société « a essentiellement pour mandat de maximiser les exportations, et non de maximiser ses bénéfices. »128(*)

Le Brésil conteste précisément devant le groupe spécial le programme de la SEE en tant que tel, comme constituant en lui-même une subvention à l'exportation prohibée par l'article 3 de l'Accord SMC. Le Brésil conteste également le programme tel qu'il est appliqué129(*). À ce titre, quatre mécanismes de financement offerts aux constructeurs d'aéronefs régionaux sont expressément mentionnés: a) le financement sous forme de crédits; 2) la garantie de prêt; 3) la prise de participation; 4) la garantie de valeur résiduelle. Le Brésil avance de manière générale qu'aucune institution financière privée ni aucun investisseur privé n'aurait accordé de tels financements à de telles conditions concessionnelles que ceux accordés par la SEE par l'entremise de ces mécanismes de financement130(*).

La réplique du Canada consiste essentiellement à dire que le Brésil n'a pas fait la preuve de ses allégations ou qu'il cite des documents en les sortant de leur contexte. Le pays rajoute que la SEE opère selon des principes commerciaux, elle est financièrement autonome et ses provisions sont couvertes par les primes de risque payées par les clients131(*). Ainsi, les taux des prêts de la SEE reposent sur des taux de référence commerciaux, ils ne sont donc pas concessionnels132(*). Le Canada affirme également que les activités de financement de la SEE ne constituent pas des subventions et que par conséquent, il n'est pas nécessaire d'examiner la question de la subordination aux résultats à l'exportation133(*). Le Canada prétend aussi que les activités de la SEE sont exécutées conformément au consensus de l'OCDE; les activités bénéficient donc de la protection accordée par le second paragraphe du point k) de l'Annexe l.

Dans son analyse de la SEE, le groupe spécial rappelle la distinction fondamentale qu'il faut faire entre le droit impératif et le droit facultatif (ou dispositif)134(*). Un texte de droit impératif peut être directement attaqué devant l'ORD. Toutefois, un texte facultatif, id est qui octroie un pouvoir discrétionnaire, ne peut être directement attaqué puisqu'il octroie la marge de manoeuvre nécessaire à l'autorité compétente pour prendre des mesures d'exécution qui seraient conformes au droit de l'OMC. Ce n'est qu'une application effective prise conformément à ce texte facultatif qui pourra faire l'objet d'un recours devant l'ORD.

Or, le Brésil n'a pas fait la preuve que les mesures prises pour accroître ou faciliter le commerce impliquaient impérativement l'octroi de subventions. Selon le groupe spécial, «donner mandat de faciliter et d'accroître le commerce extérieur du Canada n'équivaut pas à donner mandat d'accorder des subventions. »135(*) En effet, les mesures pour faciliter et accroître le commerce peuvent prendre des formes très diverses. Le programme de la SEE doit donc être considéré comme un texte de droit facultatif et ne constitue pas, en soi, une subvention à l'exportation qui serait contraire aux articles 3.1 a) et 3.2 de l'Accord SMC.

Rappelons que le Brésil a également remis en question quatre mécanismes de financements faisant partie des activités de la SEE. Le premier de ces mécanismes concerne le financement sous forme de crédit. Le groupe spécial a constaté, et ce n'était pas remis en cause, qu'il s'agit d'une contribution financière d'un organisme public au sens de l'article 1.1 a) de l'Accord SMC. Le groupe spécial en vient à la conclusion que le Brésil n'a pas été en mesure d'apporter la preuve que ce financement sous forme de crédit aux constructeurs canadiens d'avions de transport régional était fourni à des conditions plus avantageuses que celles que le bénéficiaire aurait pu trouver sur le marché. L'avantage conféré n'a donc pas été prouvé. En l'absence d'une telle preuve, il n'est pas possible de qualifier ce financement comme constituant une subvention au sens de l'article 1 de l'Accord SMC. Les allégations du Brésil concernant les trois autres mécanismes de financement de la SEE ont également été rejetées par le groupe spécial principalement par absence de preuve suffisante. L'Organe d'appel a confirmé ces constatations et conclusions du groupe spécial.

* 118 Les parties n'ayant pu parvenir à un accord sur la composition du groupe spécial, le Directeur général de l'ORD a nommé comme président M. David DE PURY et comme membres M. Maamoun ABDEL FATTAH et M. Dencho GEORGIEV.

* 119 Rapport du Groupe spécial, «Canada - aéronefs», WT/DS70/R, 14 avril 1999.

* 120 Rapport de l'Organe d'appel, «Canada--aéronefs», WT/DS70/AB/R, 2 août 1999.

* 121 Marc TESSIER, Op. Cit., 9.

* 122 Le Brésil a également contesté trois autres mesures devant l'ORD que nous n'étudierons toutefois pas dans le cadre de ce mémoire puisqu'elles présentent peu d'intérêt. Le groupe spécial a conclu que le Brésil a failli au niveau de la preuve en ce qui concerne l'Entente auxiliaire Canada-Québec sur le développement industriel et de la Société de développement industrielle du Québec. La dernière contestation brésilienne concernait la vente, par le gouvernement ontarien, de ses parts à Bombardier de De Havilland. Le groupe spécial n'a pas retenu les arguments du Brésil et a conclu que la vente ne constituait pas une subvention à l'exportation.

* 123 L.R.C. (1985) c. E-18. Toutefois, la Loi est maintenant intitulée Loi sur le développement des exportations, L.R.C. (1985), c. E-20.

* 124 Le Brésil a toutefois, pour des raisons inexpliquées, cité devant le groupe spécial la version de l'article qui était en vigueur avant 1993. Cette version se lisait : « La Société a pour mission de faciliter et d'accroître, directement ou indirectement, le commerce extérieur du Canada et la capacité des entreprises canadiennes à se lancer dans ce commerce et à tirer parti des débouchés internationaux. »

* 125 Rapport du Groupe spécial, «Canada - aéronefs», WT/DS70/R, 14 avril 1999, par. 6.2.

* 126 Ibid., par. 6.5.

* 127 Ibid., par. 6.6.

* 128 Ibid., par. 6.49.

* 129 Ibid., par. 9.121.

* 130 La notion de «conditions concessionnelles» a été résumée comme ceci par Marc TESSIER, Op. Cit., p. 13 :

«Le prêt pourra être accordé à des conditions «concessionnelles» ou non «concessionnelles» ou encore selon un amalgame de ces deux types de financement. Alors qu'un financement «concessionnel» se définit par un prêt sans intérêt ou à un faible taux d'intérêt remboursable sur une longue période, un financement non «concessionnel» consiste plutôt en un taux équivalent ou légèrement inférieur aux taux commerciaux en vigueur. Un prêt combinant les deux types de financement devra, selon les lignes directrices de l'Arrangement relatif à des lignes directrices pour les crédits à l'exportation bénéficiant d'un soutien public (Arrangement ou Consensus de l'Organisme de coopération et de développement économique) (OCDE), prévoir un élément «concessionnel» d'au moins 35 p. 100.»

* 131 Rapport du Groupe spécial, «Canada - aéronefs», WT/DS70/R, 14 avril 1999, par. 6.30.

* 132 Ibid., par. 6.69.

* 133 Ibid., par. 6.64.

* 134 Voir notamment le rapport du groupe spécial, «États-Unis - Loi antidumping de 1916», WT/DS136/R-WT/DS162/R, et rapport de l'Organe d'appel, WT/DS136/AB/R-WT/DS162/AB/R, adoptés tous deux le 26 septembre 2000. L'Organe d'appel écrivait, dans cette affaire, au paragraphe 8.4 :

«[L]e concept de législation impérative par opposition à celui de législation dispositive a été élaboré par un certain nombre de groupes spéciaux du GATT comme étant une considération fondamentale pour déterminer quand une législation en tant que telle - plutôt qu'une application particulière de cette législation - était incompatible avec les obligations d'une partie contractante dans le cadre du GATT de 1947

* 135 Ibid., par. 9.127.

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