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Le droit de l'OMC dans le sillage du commerce des aéronefs civils

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par Simon TURMEL
Université Montesquieu Bordeaux IV - Master 2 Droit international 2006
  

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1.2 Une apparence de mise en oeuvre des décisions de l'ORD

« An effective dispute settlement system is critical to the operation of the World Trade Organization. It would make little sense to spend years negotiating detailed rules in international trade agreements if those rules could be ignored. Therefore, a system of rule enforcement is necessary.»161(*)

La mise en oeuvre des décisions rendues par un organisme exerçant une fonction juridictionnelle, ce qui implique également le respect de ces décisions, est un élément essentiel à sa crédibilité. Lorsqu'un membre de l'OMC entame une procédure de règlement et que cette procédure aboutit à des recommandations de la part de l'ORD, il est légitime pour l'état plaignant de s'attendre au retrait des mesures réduisant ses avantages162(*). Cette attente légitime s'explique en ce que «les rapports adoptés par l'ORD ne constituent que la manifestation des droits et obligations que le membre s'est engagé à respecter. »163(*)

C'est donc, d'une certaine façon, la délicate question de l'autorité du droit international public et notamment celle des décisions rendues par les instances judiciaires de l'ordre international qui se trouve ainsi soulevée. En droit interne, le principe de la primauté de la règle de droit, qui peut être exprimé différemment suivant les systèmes juridiques, a comme corollaire le respect des décisions judiciaires rendues par les tribunaux. En droit international, où les sujets du droit sont les états, c'est plutôt de la règle Pacta sunt servanda que découle l'obligation du respect du droit international considérant l'absence d'organe supranational164(*). Malgré cette règle, la propension des états à se conformer au droit international public variera grandement en fonction de la nature des questions ainsi que de l'importance des intérêts étatiques en jeu. La puissance de l'état en cause joue également un rôle non-négligeable à cet égard165(*).

Le litige entre le Canada et le Brésil n'a pas été sans difficulté au niveau de la mise en oeuvre des recommandations formulées par l'ORD. Il est même possible d'avancer qu'il s'agit d'un litige ayant particulièrement mis à l'épreuve tous les aspects du mécanisme de mise en oeuvre des décisions de l'ORD. Une certaine politisation de cet aspect du conflit a en quelque sorte fait ressortir certaines faiblesses du mécanisme de règlement des différends de l'OMC ou plutôt, des causes qui pourraient expliquer ces faiblesses. Si le litige entre les États-Unis et l'Europe devait se rendre au stade de la mise en oeuvre, on peut penser que certaines de ces faiblesses pourraient se révéler une fois de plus mais avec plus d'ampleur encore.

Nous examinerons dans un premier temps certains aspects théoriques du mécanisme de la mise en oeuvre des décisions de l'ORD et du suivi de celle-ci (section 2.1). Dans un second temps nous verrons comment s'est déroulée la mise en oeuvre des recommandations de l'ORD dans le cadre du litige entre le Canada et le Brésil (section 2.2). Finalement nous tenterons de voir quelles peuvent être les sources des problématiques particulières soulevées dans ce dossier (section 2.3).

1.2.1 Le mécanisme de mise en oeuvre des décisions de l'ORD

Avec la création de l'OMC le 1er janvier 1995, un mécanisme de règlement des différends entre les membres a été instauré. Ce mécanisme est obligatoire et contraignant pour les états membres. Il a également été prévu la mise sur pied d'un organe de règlement des différends. Certes, le Mémorandum d'accord incite les états à régler les différends par des moyens davantage diplomatiques mais lorsque de tels moyens se révèlent infructueux, le mécanisme de règlement des différends entre en jeu. C'est sur la base de ce mécanisme de règlement que le dossier Canada/Brésil a été entendu. Mais pour qu'un tel mécanisme soit efficace et effectif, une procédure de suivi de la mise en oeuvre des décisions de l'ORD y a été greffée.

L'objet des recommandations contenues dans les rapports adoptés par l'ORD diffère, en principe, du droit de la responsabilité classique. En effet, le droit de l'OMC n'a pas pour objet d'obliger la partie défaillante à réparer le dommage causé par sa faute166(*). Il s'agit plutôt d'une obligation de rendre ses mesures nationales conformes au droit de l'OMC, donc d'une obligation pour le futur. Il n'y a donc normalement pas d'effet rétroactif pour les recommandations formulées puisqu'il s'agit d'une mise en conformité pour l'avenir167(*). Toutefois, en ce qui concerne le cas des subventions à l'exportation prohibées, une jurisprudence particulière s'écarte quelque peu de ce principe sur la base de l'interprétation de l'article 4.7 de l'Accord SMC. En effet, alors que l'article 19.1 du Mémorandum d'accord utilise l'expression «mise en conformité», ce qui réfère plus clairement à une mise en conformité nécessairement pour l'avenir, l'article 4.7 de l'Accord SMC utilise l'expression «retirer une mesure». Or, dans l'affaire Australie- Subventions accordées aux producteurs et exportateurs de cuir pour automobile168(*), le groupe spécial a estimé que le retrait de la subvention prohibée impliquait le remboursement intégral de tous les montants versés au bénéficiaire de la subvention169(*).

Le rapport adopté par l'ORD pourra également contenir des suggestions quant à la façon pour l'état membre fautif de mettre en oeuvre les recommandations formulées170(*). Il est important de souligner qu'une action intentée devant l'ORD n'altère en rien la possibilité d'intenter une action en responsabilité qui serait basée sur le droit interne171(*).

Le processus de suivi de la mise en oeuvre des décisions de l'ORD vise essentiellement deux objectifs. Dans un premier temps, accélérer le processus de mise en oeuvre par l'état fautif des recommandations et décisions de l'ORD et dans un second temps, garantir que la mise en conformité de la mesure illicite avec le droit de l'OMC soit elle-même conforme au droit de l'OMC.

Le processus de suivi de la mise en oeuvre des décisions de l'ORD peut être sommairement décrit de la façon suivante. Dès que le rapport du groupe spécial ou de l'organe d'appel est adopté par l'ORD, l'article 21.1 du Mémorandum d'accord impose au membre fautif de se conformer aux recommandations ou décisions de l'ORD et ce, dans les moindres délais. Lorsque la mesure illégale est une subvention prohibée visée à l'article 3 de l'Accord SMC, une règle spéciale trouve généralement application172(*). Il y a en effet une obligation dans le rapport adopté par l'ORD d'en recommander le retrait ainsi que de préciser un délai pour procéder à un tel retrait. Le délai consenti sera généralement de 90 jours. S'il s'agit d'une subvention visée par l'article 5 de l'Accord SMC, l'élimination des effets défavorables ou le retrait de la subvention, selon le cas, devra avoir lieu dans un délai de six mois à compter de la date de l'adoption du rapport par l'ORD.

L'article 21.3 du Mémorandum d'accord prévoit qu'à une réunion de l'ORD qui se tiendra dans les 30 jours de l'adoption du rapport, le membre fautif doit informer l'ORD de ses intentions au sujet de la mise en oeuvre des recommandations et décisions de celui-ci. S'il est irréalisable pour le membre de se conformer immédiatement aux recommandations, des exceptions sont prévues et le membre pourra se voir accorder un délai raisonnable pour se conformer. Ce délai sera soit :

- celui proposé par le membre fautif à l'ORD et accepté par celui-ci;

- un délai raisonnable mutuellement convenu entre les parties au différend;

- un délai déterminé par un arbitrage contraignant tenu dans les 90 jours de l'adoption du rapport. L'arbitre doit ici partir du principe que ledit délai raisonnable ne devrait pas dépasser 15 mois à compter de la date d'adoption du rapport.

Par la suite, l'ORD continuera son travail de surveillance de la mise en oeuvre des recommandations formulées. Ainsi, toute question concernant la mise en oeuvre pourra être soulevée à tout moment par tout état membre. De façon plus spécifique, la question de la mise en oeuvre est inscrite à l'ordre du jour de la première réunion de l'ORD après une période de six mois suivant la date à laquelle le délai raisonnable a été fixé. Elle reste par la suite inscrite à l'ordre du jour des réunions de l'ORD jusqu'à ce que la question soit résolue, donc jusqu'à ce qu'il y ait mise en oeuvre. De plus, dix jours avant chacune des réunions de l'ORD, le membre concerné doit obligatoirement soumettre un rapport qui indique l'état de mise en ouvre des recommandations173(*).

On constate donc une surveillance étroite par l'ORD des mesures prises par le membre fautif pour mettre en oeuvre les recommandations. De plus, ce suivi n'est pas assuré uniquement par le membre plaignant, mais par tous les membres de l'OMC. Le fait que cette question soit inscrite à l'ordre du jour de chaque réunion implique qu'elle puisse faire l'objet de discussions lors de ces réunions et que les membres de l'OMC puissent, de ce fait, exercer une certaine pression politique. D'ailleurs, certains n'hésitent pas à dire que le suivi de la mise en oeuvre des décisions de l'ORD est une phase essentiellement politique qui donne parfois lieu à des échanges houleux entre les membres de l'OMC et qui laisse entrevoir les clivages entre les membres, que l'on parle du clivage Europe-États-Unis ou encore du clivage Nord-Sud174(*).

Lorsque malgré tout la partie fautive ne met pas en oeuvre les recommandations formulées, elle engage alors sa responsabilité internationale. Le Mémorandum d'accord prévoit que le membre condamné pourra alors, si le membre plaignant le demande, négocier avec celui-ci afin de trouver une compensation qui serait mutuellement acceptable. Cette compensation mutuellement acceptable ne doit toutefois être que temporaire, soit le temps que le membre fautif retire la mesure incriminée. Toutefois, en pratique, il est très rare que les membres recourent à cette compensation volontaire175(*).

Ainsi, soit lorsque les négociations pour en arrivent à une compensation volontaire échouent ou encore que les parties n'ont pas eu recours à cette procédure, le Mémorandum d'accord prévoit la possibilité pour la partie plaignante de recourir à des mesures de légitime défense commerciale. L'article 22 (2) du Mémorandum d'accord permet au membre lésé de s'adresser à l'ORD afin de demander l'autorisation de suspendre, à l'égard du membre fautif, des concessions ou d'autres obligations. Le niveau de ces mesures compensatoires devra être équivalent à celui de la réduction ou de l'annulation des avantages de la partie lésée. Les modalités d'octroi sont prévues à l'article 22.3 du Mémorandum d'accord. Ainsi, le principe général est à l'effet que ces mesures prises par le membre plaignant et autorisées par l'ORD devront concerner le même secteur que celui dans lequel une violation a été constatée. Ce n'est que dans les cas où il ne sera pas possible ou efficace de prendre des mesures concernant le même secteur qu'il sera possible de prendre des mesures dans d'autres secteurs. Les mesures adoptées conformément à l'article 22 du Mémorandum d'accord doivent en principe inciter le membre fautif à se mettre en conformité176(*) et de ce fait, elles ne doivent pas être considérées comme des mesures punitives.

Le mécanisme de mise en oeuvre peut également comporter un autre volet, lorsque les changements apportés par l'état fautif pour se mettre en conformité avec le droit de l'OMC sont eux-mêmes en infraction avec le droit de l'OMC. Bref, quand la solution préconisée par l'état fautif en réponse aux recommandations de l'ORD n'est pas plus conforme que la mesure initiale. Dans ces cas, l'article 21.5 du Mémorandum prévoit que le membre plaignant puisse en saisir un «  groupe spécial de mise en conformité » dont le mandat consiste à examiner précisément les mesures prises par le membre fautif afin d'être en conformité avec le droit de l'OMC. Il s'agira généralement du groupe spécial initial qui sera appelé à statuer sur la conformité. Le mandat de ce groupe spécial est toutefois limité à l'étude des mesures prises pour se conformer aux décisions et recommandations de l'ORD177(*). Dans son rapport, le groupe spécial peut se contenter de constater que la mise en oeuvre des recommandations ou décisions de l'ORD est insatisfaisante ou inexistante178(*). Il peut être interjeté appel de ce rapport du groupe spécial.

* 161 William J. DAVEY, «Implementation in WTO Dispute Settlement : An Introduction to the Problems and Possible Solutions», RIETI Discussion Paper Series 05-E-013, mars 2005, p. 2.

* 162 Julien BURDA, « L'efficacité du mécanisme de règlement des différends de l'OMC: vers une meilleure prévisibilité du système commercial multilatéral » (2005) 18.2 R.Q.D.I. 1. 26.

* 163 Carine MOCQUART, « Efficacité des sanctions et retraits de concession dans le système de règlement des différends de l'OMC » (2003) 1 R.D.A.I. 39 à la p. 39 cité dans Julien BURDA, Op. Cit., p. 26.

* 164 Voir la Décision des arbitres, « Canada - Crédits et garanties pour les aéronefs - Recours du Canada à l'arbitrage au titre de l'article 22 :6 du Mémorandum d'accord sur le règlement des différends et de l'article 4.11 de l'Accord SMC», WT/DS222/ARB, 17 février 2003, 3.104 où le groupe spécial écrit :

«En fait, nous rappelons que, conformément au principe général du droit international pacta sunt servanda, tel qu'il est énoncé à l'article 26 de la Convention de Vienne sur le droit des traités (1969), les États ne sont pas seulement présumés s'acquitter de leurs obligations conventionnelles de bonne foi, on attend d'eux qu'ils le fassent et ils sont tenus de le faire.»

* 165 Claude EMMANUELLI, Droit international public - Contribution à l'étude du droit international selon une perspective canadienne, 2è édition, 2004, éd. Wilson & Lafleur, Montréal, p. 14.

* 166 Voir l'article 3.7 du Mémorandum d'accord. De par cet aspect, le droit de l'OMC ne s'écarte pas véritablement du droit international. La Commission du droit international s'était d'ailleurs penchée sur cette problématique dans son document préliminaire sur la responsabilité des états. «The task of assigning responsability to states was a delicate one, and the results of the ILC's work illustrate the pain taken to avoid controversy. This effort is most clearly shown by the emphasis that the ILC places on the state's obligation to cease engaging in wrongful conduct rather than tasking states with an obligation to make reparations.» Ivan KRMPOTIC, Op. Cit., 669.

* 167 Comme un auteur le fait remarquer, la question est toutefois plus complexe en matière de droits antidumping ou de droits compensateurs perçus à tort par les autorités nationales. L'ORD pourrait théoriquement suggérer le remboursement de ces droits. Voir sur cette question David LUFF, Op. Cit., p. 926.

* 168 Rapport du Groupe spécial au titre de l'article 21:5 du Mémorandum d'accord, «Australie - Subventions accordées aux producteurs et exportateurs de cuir pour automobiles», WT/DS126/RW, 21 janvier 2000.

* 169 Le groupe spécial, dans l'affaire «Canada- aéronefs-Recours du Brésil à l'article 21 :5 du Mémorandum d'accord sur le règlement des différends», WT/DS70/RW, 9 mai 2000, par. 5.47 et 5.48, tout en soulignant l'existence de l'Affaire Australie, évite de se prononcer sur la question, à la demande expresse du Brésil. L'organe souligne également que le Canada a formulé une demande similaire au groupe spécial dans le litige soeur de ne pas se suivre ce précédent. Selon Ivan KRMPOTIC, Op. Cit, p. 673, cette position de l'organe d'appel impliquerait donc que l'expression «retirer une mesure» que l'on retrouve à l'article 4.7 de l'Accord SMC doive dorénavant être considéré signifiant la même chose que la mise en conformité de l'article 19.1 du Mémorandum d'accord.

* 170 L'article 19.1 du Mémorandum d'accord se lit :

1. Dans les cas où un groupe spécial ou l'Organe d'appel conclura qu'une mesure est incompatible avec un accord visé, il recommandera que le Membre concerné la rende conforme audit accord. Outre les recommandations qu'il fera, le groupe spécial ou l'Organe d'appel pourra suggérer au Membre concerné des façons de mettre en oeuvre ces recommandations.

* 171 Rapport du groupe spécial, «Australie - Subventions accordées aux producteurs et exportateurs de cuir pour les automobiles - Recours des États-Unis à l'article 21 :5 du Mémorandum d'accord sur le règlement des différends», WT/DS126/RW, 21 janvier 2000, par. 6.23.

* 172 Article 4.7 de l'Accord SMC. Toutefois, voir la section 1.2.1 quant à l'interprétation donnée à cet article 4.7.

* 173 Article 21.6 du Mémorandum d'accord.

* 174 David LUFF, Op. Cit., p. 943.

* 175 Julien BURDA, Op. Cit., p. 27.

* 176 Articles 22.1 et 22.8 du Mémorandum d'accord.

* 177 Rapport du groupe spécial, «Australie - Mesures visant les importations de saumons - Recours du Canada à l'article 21 :5», WT/DS318/RW/, 18 février 2000, par. 7.10.21.

* 178 David LUFF, Op. Cit., p. 941.

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote