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Le droit de l'OMC dans le sillage du commerce des aéronefs civils

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par Simon TURMEL
Université Montesquieu Bordeaux IV - Master 2 Droit international 2006
  

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1.2.2 Les difficultés liées à la mise en oeuvre des décisions de l'ORD

Bien que généralement, les parties devant mettre en oeuvre une décision rendue par l'ORD s'exécutent relativement rapidement179(*), ce n'est pas toujours le cas. Le dossier entre le Canada et le Brésil a été parsemé d'embûches à ce niveau ce qui a eu comme effet de tenir substantiellement occupées différentes formations de l'ORD.

1.2.2.1 L'affaire Brésil-aéronefs

C'est le 20 août 1999 que le l'ORD a adopté le rapport de l'organe d'appel qui, en application de l'article 4.7 de l'Accord SMC, recommandait au Brésil d'apporter les modifications nécessaires au PROEX pour le rendre conforme à l'Accord SMC. Le Brésil disposait d'une période de 90 jours pour s'exécuter. Le 19 novembre 1999, le Brésil a présenté un rapport à une réunion de l'ORD indiquant les modifications apportées qui, selon le Brésil, devaient permettre de rendre le PROEX conforme au droit de l'OMC.

Le Canada a alors demandé l'établissement d'un groupe spécial conformément à l'article 21.5 du Mémorandum d'accord. Le mandat du groupe spécial était de déterminer si les modifications apportées par le Brésil au PROEX [le PROEX II] ont effectivement eu comme effet de le rendre conforme au droit de l'OMC. Le 9 mai 2000180(*), le groupe spécial181(*) en arrive à la conclusion que les mesures prises par le Brésil ne sont pas suffisantes pour rendre le PROEX II conforme au droit de l'OMC182(*). Le 21 juillet 2000, cette conclusion est confirmée par l'Organe d'appel.

Le Canada a alors proposé des contre-mesures à l'encontre du Brésil, jusqu'à concurrence de 700 000 000 $CAN par année pour une période de sept ans. Ce montant est équivalent, selon le Canada, aux avantages conférés à l'industrie brésilienne par le programme PROEX. Les mesures de rétorsions proposées prennent diverses formes183(*).

À une réunion de l'ORD tenue le 22 mai 2000, le Brésil demande, conformément à l'article 22 :6 du Mémorandum d'accord, que la question de savoir si les contre-mesures demandées par le Canada sont des contre-mesures appropriées184(*), soit soumise à l'arbitrage conformément à l'article 4.11 de l'Accord SMC185(*). L'ORD a décidé de soumettre la question à l'arbitrage, lequel sera assuré par le groupe spécial initial. Le calcul avancé par le Canada devant le groupe spécial faisait état de subventions annuelles prohibées d'une valeur de 705,6 millions $CAN. De façon subsidiaire, le Canada a estimé que la valeur du tort causé à l'industrie était de 4,7 milliards $CAN 186(*). Le Brésil a contesté ces chiffres et la méthode de calcul adoptée par le Canada. Le 28 août 2000, le groupe spécial en arrive donc à la conclusion suivante :

«(...) la suspension par le Canada de l'application, à l'égard du Brésil, de concessions tarifaires ou d'autres obligations au titre du GATT de 1994, de l'Accord sur les textiles et les vêtements et de l'Accord sur les procédures de licences d'importation, portant sur des échanges d'un montant maximal de 344,2 millions de dollars canadiens par an, constituerait des contre-mesures appropriées au sens de l'article 4.10 de l'Accord SMC.»187(*)

Malgré cette autorisation d'imposer des contre-mesures, le Canada ne l'a pas fait. Il a plutôt décidé d'emprunter le chemin de l'unilatéralisme, le 10 janvier 2001, en égalisant les avantages consentis par le Programme PROEX. C'est ainsi que le Canada a aidé la compagnie Air Wisconsin (une filiale de United Airlines) à finaliser avec Bombardier la vente de 75 avions régionaux de la gamme CRJ. Le 12 mars 2001, le Brésil conteste devant l'ORD cette approche canadienne sur la base qu'elle constitue une mesure de rétorsion non-approuvée par l'ORD. Le 9 juillet 2001, le Canada annonce qu'il a égalisé les mesures de financement du Brésil, permettant ainsi à Northwest Airlines d'acheter jusqu'à 150 jets régionaux. Comme autre contre-mesure, le Canada décide, le 11 février 2001, d'appliquer un embargo sur les importations de boeuf brésilien en prétextant la maladie de la vache folle. Les États-Unis et le Mexique ont, sur la base du risque hypothétique, suivi la décision canadienne188(*). En réponse à cette action canadienne, le Brésil a suspendu tous les accords commerciaux conclus avec le Canada189(*). Après des inspections des équipes physio sanitaires de l'ALÉNA, cet embargo est toutefois levé le 8 mars 2001 ce qui tend à révéler qu'il s'agissait plus d'une mesure de représailles que d'un risque sanitaire véritable190(*).

Alors que le Brésil conteste l'aide canadienne apportée à Air Wisconsin devant l'ORD191(*), le Canada a recours à nouveau à l'article 21 :5 du Mémorandum d'accord et conteste une fois de plus les nouvelles modifications apportées par les autorités brésiliennes au programme PROEX192(*) [PROEX III]. Le Brésil, usant d'arguments procéduraux, réussit à retarder temporairement le déroulement de ce nouveau recours du Canada193(*). Cette fois pourtant, le groupe spécial est satisfait de la nouvelle mouture du PROEX. Toutefois, faisant preuve d'une certaine prudence quant à la portée sa décision, il insiste sur le fait que son mandat était de déterminer si «le programme PROEX III, en tant que tel, à savoir, tel qu'il est libellé et indépendamment de son application, est incompatible avec l'Accord SMC. »194(*) Ainsi, en adoptant une approche purement textuelle, le groupe spécial rajoute :

«[...]nous nous fondons sur l'opinion selon laquelle il est légalement possible pour le Brésil d'administrer ce programme d'une manière telle qu'il:

a) ne se traduira pas par l'octroi d'un avantage aux constructeurs d'aéronefs régionaux et, partant, ne constituera pas une subvention au sens de l'article 1.1 de l'Accord SMC; ou

b) se traduira par l'octroi d'un avantage aux constructeurs d'aéronefs régionaux, mais sera conforme aux conditions du refuge offert par le second paragraphe du point k), auquel cas il ne constituerait pas une subvention à l'exportation prohibée au sens de l'article 3.1 de l'Accord SMC195(*)

Toutefois, et le groupe spécial l'a souligné, cette conclusion quant à la légalité du PROEX III en tant que programme ne signifie aucunement que l'application future du programme PROEX III sera nécessairement conforme à l'Accord SMC196(*). Autrement dit, tel que libellé, le PROEX III peut être appliqué de façon conforme au droit de l'OMC. Il s'agit donc d'un recours, de la part du Brésil, à la distinction bien établie dans la jurisprudence de l'OMC entre impératif et dispositif197(*).

De par les modifications apportées au PROEX III, le Brésil légalise son programme mais fait surtout en sorte que les futures contestations potentielles ne pourront plus porter sur le programme PROEX III en tant que tel, mais sur des transactions spécifiques en vertu de celui-ci. On le comprend aisément, il est plus difficile de faire la preuve qu'une transaction est illégale qu'un programme est illégal. Les éléments de preuve pour une potentielle transaction qui serait, elle, contraire au droit de l'OMC, peuvent être plus difficiles à rassembler198(*).

* 179 Pour une étude sur la question voir William J. DAVEY, Op. Cit., p. 17.

* 180 Rapport du Groupe spécial, « Brésil - aéronefs - Recours du Canada à l'article 21 :5 du Mémorandum d'accord sur le règlement des différends», WT/DS46/RW, 9 mai 2000.

* 181 Il s'agit du même groupe spécial ayant entendu l'affaire en premier lieu.

* 182 Essentiellement, les allégations du Canada étaient à l'effet que le Brésil continuait à émettre les subventions à l'exportation pour les aéronefs régionaux au titre du PROEX en exécution des engagements pris avant le 18 novembre 1999; les modifications apportées par le Brésil au PROEX et qui, selon le Brésil, ne serviraient plus à accorder un avantage important au sens du point k) de la liste exemplative, ne changent en réalité rien à la situation. Bref, les versements suivant la nouvelle version du PROEX constituent toujours des subventions prohibées par l'article 3 de l'Accord SMC.

* 183 Les mesures proposées par le Canada sont :

- L'application d'une surtaxe de 100% sur certains produis sélectionnés importés du Brésil;

- La suspension du Brésil de la liste des pays admissibles au tarif préférentiel;

- La suspension de la procédure destinée à établir la preuve d'un dommage important au titre de la Loi sur les mesures spéciales d'importation dans le cadre des enquêtes en matière de droits compensateurs visant les produits importés du Brésil qui bénéficient des subventions du Proex;

- La suspension des obligations contractées par le Canada envers le Brésil dans le cadre de l'Accord de l'OMC sur les textiles et les vêtements;

- La suspension des obligations contractées par le Canada envers le Brésil dans le cadre de l'Accord de l'OMC sur les procédures de licences d'importation.

Voir à ce sujet le communiqué no 97 intitulé «L'Omc confirme que les subventions commerciales brésiliennes restent illégales», émis par le Canada le 9 mai 2000, [en ligne : http://w01.international.gc.ca/minpub/Publication.aspx?isRedirect=True&FileSpec=/Min_Pub_Docs/103350.htm&bPrint=False&Year=&ID=&Language=F page visitée le 11 mai 2007].

* 184 Ces contre-mesures dont demandées dans la communication WT/DS46/16. Dans Brésil -aéronefs, le groupe spécial d'arbitrage a examiné si le montant des contre-mesures devait être celui de l'avantage conféré par la subvention ou plutôt le montant de la subvention. Le groupe spécial a choisi la dernière option, soit le montant de la subvention accordée. Cette approche semble maintenant la règle. Voir : Anwarul HODA et Rajeev AHUJA, «Agreement on Subsidies and Countervailing Measures: Need for Clarification and Improvement», JWT, 39 (6) (2005), 1009, 1019.

* 185 L'article 4.11 de l'Accord SMC se lit :

"Dans le cas où une partie au différend demandera un arbitrage conformément au paragraphe 6 de l'article 22 du Mémorandum d'accord sur le règlement des différends, l'arbitre déterminera si les contre-mesures sont appropriées."

La note de bas de page interprétative de cet article précise :

"Cette expression ne doit pas être interprétée comme autorisant des contre-mesures qui soient disproportionnées eu égard au fait que les subventions visées par ces dispositions sont prohibées."

Les arbitres dans «Brésil-aéronefs-Recours du Brésil à l'arbitrage au titre de l'article 22 :6 du Mémorandum d'accord sur le règlement des différends et de l'article 4.11 de l'Accord SMC», WT/DS46/ARB.WT/DS46/ARB, 28 août 2000, par. 3.60 en sont arrivés à la conclusion que, s'agissant d'une subvention à l'exportation prohibée, «un montant des contre-mesures qui correspond au montant total de la subvention est "approprié" ».

* 186 Décision des arbitres, «Brésil - aéronefs- Recours du Brésil à l'arbitrage au titre de l'article 22 :6 du Mémorandum d'accord sur le règlement des différends et de l'article 4.11 de l'Accord SMC», WT/DS46/ARB.WT/DS46/ARB, 28 août 2000, par. 3.20 et 3.21.

* 187 Ibid., Par. 4.1.

* 188 Il s'agit d'une obligation découlant du Traité de l'ALÉNA, article 756. Toutefois, ces deux pays, considérant qu'aucun cas de vache folle n'a été découvert au Brésil, ont remis rapidement en question la décision canadienne. D. SULLIVAN, p. 97.

* 189 Helena D. SULLIVAN, Op. Cit., p. 98.

* 190 Face à cette décision canadienne d'imposer un embargo sur le boeuf brésilien, la réaction populaire a été très forte au Brésil. Il y a eu un boycott généralisé de tous les produits et entreprises canadiens présents au Brésil. Par exemple, la musique canadienne sur les ondes radiophoniques du Brésil a totalement cessée et les employés des ports refusaient de décharger les cargos battant pavillon canadien. Helena D. SULLIVAN, Op. Cit., p. 99 et suivantes. En plus de la réaction populaire, le président brésilien, Fernando HENRIQUE CARDOSO, y est également allé d'une déclaration guerrière à l'encontre du Canada au mois de février 2001, «Se quiserem guerra, guerra é guerra» [S'ils (le Canada) veulent la guerre, la guerre c'est la guerre]. Citation rapportée dans Joseph D'CRUZ et Charles M. GASTLE, Op. Cit., p. 5. Le premier ministre canadien Jean Chrétien a pour sa part affirmé qu'il fallait combattre le feu par le feu dans cette bataille pour le marché des aéronefs régionaux. Citation rapportée dans Helena D. SULLIVAN, Op. Cit., p. 99.

* 191 Cette contestation a pris la forme d'une nouvelle plainte devant l'OMC. La demande de consultation a été déposée le 25 janvier 2001. Le Groupe spécial a déposé son rapport le 22 janvier 2002. [Rapport du groupe spécial, «Canada- aéronefs», WT/DS222/R, 28 janvier 2002] Cette plainte visait non seulement les aides accordées à Air Wisconsin par l'entremise de la SEE, mais également inter alia IQ en tant que tel, le Compte du Canada en tant que tel, certaines transactions spécifiques allant des années 1996 à 1999. Le groupe spécial a rejeté les allégations relatives à IQ en tant que tel, au Compte du Canada en tant que tel sur la même base que le groupe spécial d'origine. Relativement à la transaction avec Air Wisconsin, le Brésil allègue qu'elle est contraire à l'article 3.1 a) de l'Accord SMC. Le Canada prétend plutôt qu'elle est conforme au consensus de l'OCDE et donc permise par le second paragraphe du point k) de la liste exemplative. Le groupe spécial a donné raison au Brésil. Le groupe spécial a également donné raison au Brésil relativement à certaines transactions relatives au Compte du Canada survenues avec les compagnies Comair et Air Nostrum.

* 192 Communication du Canada, «Brésil -aéronefs- Deuxième recours du Canada à l'article 21 :5 du Mémorandum d'accord sur le règlement des différends», WT/DS46/26, 22 janvier 2001. Rapport du groupe spécial, «Brésil-aéronefs», WT/DS46/RW/2, 26 juillet 2001.

* 193 Helena D. SULLIVAN, Op. Cit., p. 95.

* 194 Rapport du groupe spécial, «Brésil - aéronefs- Deuxième recours du Canada à l'article 21 :5 du Mémorandum d'accord sur le règlement des différends», WT/DS46/RW/2, 26 juillet 2001, par. 6.2.

* 195 Ibid., par. 6.2.

* 196 Ibid., par. 6.3.

* 197 Voir Supra, section 1.1.3.1.

* 198 À cet effet, le meilleur exemple est probablement les difficultés rencontrées au niveau de la preuve pour certaines transactions effectuées au titre du Compte du Canada! Voir supra, section 1.1.3.2.

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"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe