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L'utilité d'une coopération technique au sud du Sahara: Le cas des relations Cameroun-Unesco

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par Gérard Martial AMOUGOU
Université de Yaoundé II SOA - DEA en Science politique 2006
  

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4. LE FONCTIONNALISME TECHNICISTE DE DAVID MITRANY COMME APPROCHE DE BASE

Dans la perspective de Pascal Vennesson, le fonctionnalisme dans les relations internationales est un effort pour mettre au jour la contribution singulière des organisations internationales à la paix. Tout en reconnaissant à la SDN le mérite d'avoir au moins permis l'instauration d'une coopération fonctionnelle dans certains domaines d'activités précis, ses promoteurs vont considérer les facteurs économiques, sociaux et culturels comme véritables ressorts de l'institutionnalisation des relations pacifiques. (Smouts et al, 2006 : 235) Théorie des besoins et des attentes fonctionnelles, le fonctionnalisme international rentre également dans le cadre des théories de la coopération et de l'intégration (Roche, 2001 :93). Ses théoriciens s'inspirent de la tradition contractualiste qui remonte à Grotius, pour qui la raison d'être de l'État est le fait d'un contrat originel mettant fin à l'état de nature qui jusqu'alors caractérisait la condition humaine. Aussi dans la perspective de Grotius, un droit volontaire et conventionnel va se développer à côté du droit naturel, et va s'imposer aux États qui reconnaîtront les « bienfaits » de ses normes dans leurs rapports quotidiens : les fondements de la coopération internationale étaient alors jetés. Ernst Haas et David Mitrany vont être les figures de prou de la théorie fonctionnaliste

Le fonctionnalisme en soi est une approche théorique qui prône la coopération technique, sectorielle entre les États pour la réalisation des objectifs qui leur sont communs. Partant de l'échec de la SDN dans sa tentative d'organisation d'un mécanisme international de sécurité collective portant atteinte à la souveraineté des États, un amer constat sera fait sur la non atteinte des objectifs fondamentaux fixés dans le cadre dudit mécanisme politique. La raison d'un tel échec étant due à la posture des États jaloux de leur souveraineté, d'où la défection de plusieurs nations qui s'en sont désolidarisées. Le fonctionnalisme va de ce fait tirer des leçons de cet échec et va penser une démarche ambitieuse et originale : plutôt que de commencer par la sphère politique, si sensible, il faudrait d'abord s'intéresser au domaine technique. Ainsi, la création de l'UNESCO obéit quelque peu à ce principe de promotion des secteurs de bien-être. Plutôt que les hommes politiques, ce sont des intellectuels et techniciens qui ici sont mis au premier plan, à savoir des hommes qui sont sensés se comprendre mutuellement, parce que parlant plus ou moins le même langage quelque soit leurs origines, la

réalité étudiée étant objective, ce qui explique les solutions techniques basées sur la science, et non politiques. Tout de même, la visée en dernier ressort ici est de réaliser la paix et la sécurité, ainsi que le montre le titre de l'ouvrage phare de David Mitrany.

Le schéma initial ici participe du truisme. Il s'agit de la réalisation de la paix et de la satisfaction au travers de la coopération technique. Et parce qu'il faut selon Mitrany passer « des enjeux politiques qui divisent aux enjeux sociaux qui rassemblent », le point de départ de l'action, comme de la réflexion doit être les « besoins », plutôt que la puissance. D'où il devient préférable « d'identifier des besoins fonctionnels fondamentaux et de créer des cadres de coopération répondant à ces besoins et adaptés à leurs transformations ». La quête sincère de tels besoins ne pouvant qu'amener les hommes à se tourner vers la tâche réelle de leur société qui, à en croire Mitrany, est de venir à bout de la pauvreté, de la maladie et de l'ignorance. De ce plan va naître une hypothèse de départ qui confine à un pari. D'abord il est plus facile de coopérer dans le domaine technique. Les États ne pouvant seuls faire face à ces problèmes, cette coopération s'avère être plus facile à réaliser, parce que plus consensuelle. Ensuite, dans chaque Convention technique, l'État va céder une parcelle de sa souveraineté qui à son tour favorisera une cession du politique, fut-t-elle infime. D'où la probable réalisation de la paix, état de maturité de l'organisation politique ainsi créée, l'État n'étant plus très jaloux de sa sécurité. Au total, l'idée selon laquelle certains mécanismes favorisent l'apprentissage qui fait émerger un consensus et permet la création d'institutions dans le processus de coopération fonctionnelle, le rôle d'unités fonctionnelles dans les relations internationales, et les connections entre ces unités qui donnent progressivement naissance à un système de gouvernement, constituent les trois facteurs essentiels qui requièrent l'attention du fonctionnalisme.

Le schéma de départ sus-évoqué a eu une certaine pertinence au niveau de l'Europe qui à en croire certains est entrain de réaliser l'union politique, après avoir parfait son intégration économique17. En plus pour les fonctionnalistes, la paix viendrait également du fait de l'intensification et de la densification des relations entre les États, en plus des organisations internationales techniques. Aujourd'hui, l'interdépendance a atteint une vitesse de croisière considérable, les relations étant si imbriquées, enchevêtrées et enchâssées, que la guerre devient impensable au sein de l'Union européenne. Par ailleurs, le droit d'ingérence intégré au sein des Nations unies participe également de cette maturation. La maturité de ce courant de pensée, ainsi que le démontre l'expérience européenne, sera l'oeuvre du néo-fonctionnalisme

17 Il reste cependant indiqué de noter que tout le monde ne partage pas cet avis. Notamment Henry Kissinger qui trouve « ridicule » que l'on puisse penser que l'Europe parvienne à l'intégration politique. (Lire à cet effet, La nouvelle puissance américaine, 2003)

qui, parce que plus préoccupé de l'imbrication entre le supranational et le niveau national, sera moins systématiquement opposé aux États. Tout comme son « confrère », le néofonctionnalisme considère l'intérêt partagé comme le ciment par excellence de la coopération internationale, l'intégration devant être menée fonction après fonction, au prorata des réalisations faites sur le terrain, le souhait étant que le processus soit par la suite élargi à d'autres domaines par le « spill-over effect» ou effet d'engrenage.

Or la grille d'analyse proposée par Mitrany, pour pertinente qu'elle soit, est quelque peu mise à mal face aux réalités profondes des sociétés africaines. L'endossement de cette étude avec la littérature sur les organisations internationales relève du fait que le propre de celles-ci est d'être en rapport avec les États. Mais parce que ceux-ci diffèrent dans leur nature et dans leur fonctionnement, il importe de recourir à une véritable sociologie de l'État au sud du Sahara pour comprendre les limites des approches fonctionnalistes. Si le succès de ce courant semble incontestable au regard de la construction européenne, s'il ne fait aucun doute que la multiplication des accords régionaux observée en Amérique Latine et en Afrique relève de l'inspiration suscitée par les approches de Mitrany et Haas, il n'est pas sûr que le schéma établi par ces pionniers reflète vraiment les réalités internes des sociétés africaines. La première limite s'observe au niveau des abandons de souveraineté consentis par les États au profit d'instances supranationales, et qui était considéré comme un processus linéaire et quasi irrésistible. En outre, l'ouverture à la société civile et autres acteurs privés se fait en `dents de scies», résultat d'une politisation et d'une « mystification » renforcée de la coopération internationale, toujours considérée ici comme un « domaine réservé ». D'où l'on observe également une autre tendance lourde : celle de la politisation des enjeux sociaux. En raison de cet inconfort, il convient de réhabiliter la place de « l'acteur » dans l'opérationnalisation des programmes de projets de développement.

Notre ambition serait alors d'appliquer les acquis de la sociologie des organisations au fonctionnement des organisations internationales, afin de mieux comprendre les contraintes pesant sur la décision collective et la nature de cette décision et, par là, de mieux savoir ce que l'on peut attendre en Afrique comme partout ailleurs, d'une organisation internationale et ce qu'il est vain d'espérer. Cette voie encore peu explorée (du point de vue de Smouts), est celle que nous tenterons de mettre en relief tout au long de ce procès d'investigation sur la nature des rapports existant entre le Cameroun et l'UNESCO.

C'est dire enfin que l'appréhension de la coopération Cameroun-UNESCO, en plus de son enchâssement sur la théorie fonctionnaliste, se fera dans la recherche d'un équilibre, fut-il

instable, entre les approches transnationaliste, libérale et réaliste. Car, note Battistella, « les paradigmes ne s'entre-tuent pas ; ils s'enrichissent ».

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"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand