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Comment réussir sa transmission/reprise de petite entreprise de façon pérenne ?

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par Jean-Louis Mourot
Université Catholique de Lille (Iéseg Lille) - Master  2009
  

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Section 3 : La précision des risques liés au personnel et aux partenaires extérieurs de l'entreprise au cours de la phase d'évaluation.

La qualité de la relation entre les deux personnes se révèle déterminante, car à l'origine de la qualité des informations que recevra le repreneur sur la cible dans le but d'analyser sa situation. Ce dernier doit tout de même rester vigilant concernant le réel engagement du dirigeant à vouloir lui céder son entreprise.

La transparence au niveau de la transmission des données n'est donc possible qu'en cas de confiance réciproque, au-delà de l'engagement de confidentialité. Grâce à une analyse sur le terrain, le repreneur va pouvoir se faire une première idée plus précise et plus concrète en prenant en compte des facteurs subjectifs (tel que le climat social, le niveau de responsabilités du dirigeant, la structure de pouvoir...).

Un apport supérieur d'informations peut malgré tout déboucher sur un écart plus important entre les deux premières valeurs estimées, qui prennent rarement en compte les facteurs subjectifs lorsqu'ils leur sont défavorables.

1. Les facteurs de risque à étudier lors de l'analyse de l'entreprise.

Le cédant analyse et évalue une partie de lui-même, basée sur un travail de longue haleine. Cette approche est en totale opposition avec celle d'un repreneur, qui aura tendance à se comporter de manière rationnelle et objective, et à étudier la rentabilité de l'entreprise.

Parmi les risques pour le repreneur, la conduite d'un projet entrepreneurial s'accompagne incontestablement d'une phase d'exaltation, pouvant mener à un esprit devenu mégalomane. Il perd sa lucidité et son objectivité, et peut omettre quelques obstacles à la reprise, qu'il juge mineurs lors de cette étape de l'opération. Daniel F. Muzyka et Sue Birley parlent "d'optimisme exagéré et d'esprit embrumé". En gardant toute son objectivité, le repreneur peut se demander si les relations dont bénéficie le cédant et son entreprise seront prolongées audelà de la cession par les partenaires ou même certains employés. Le repreneur encoure effectivement le risque qu'un fournisseur de l'entreprise et ami de longue date du cédant revoie ses conditions de vente extrêmement favorables à la hausse. Cette situation peut arriver avec une personne clé de l'entreprise qui était peu regardante sur le salaire car travaillant pour le compte d'un ami personnel, et qui demande sur revalorisation salariale. Au-delà des risques financiers, entamer une relation de travail sur la base d'une renégociation peut entraîner des tensions pour le nouveau dirigeant, pas encore intégré et légitime vis-à-vis des équipes. Un repreneur interrogé affirme avoir été dans ce cas et a ainsi fait part de deux remarques : cette demande de revalorisation salariale s'est communiqué à d'autres salariés, pour qui les mêmes efforts ont été réalisés par souci d'équité. Il s'en est ensuite félicité, dans la mesure où ils connaissaient mieux ces personnes, qui se sont senties reconnues et respectées. Elles ont apportées une valeur ajoutée supérieur à ses attentes, ce qui ne lui donne aucun regret quant à la tournure des évènements.

Dans un autre registre, un salarié membre de la famille du cédant constitue un risque pour le repreneur. Cette personne va indiscutablement avoir un impact sur le déroulement de la période d'accompagnement. Il a été constaté qu'elle est, à terme, source de désagréments et de désaccords profonds avec le repreneur. Il est donc conseillé de trouver un arrangement avant la signature du protocole d'accord. Son départ sera ainsi planifié après que les formations et les transferts d'informations nécessaires ont été dispensés. D'après deux dirigeants interrogés, les autres salariés sont dans ce cas a priori satisfaits de ces changements car les membres de la famille du dirigeant sont souvent considérés, au sein de l'entreprise, comme les "yeux de Moscou".

Un dirigeant a d'autre part fait remarquer qu'un apport supplémentaire d'informations de la part de l'autre partie, grâce à une transparence des données transmises, l'aurait effrayé par rapport à l'ampleur de la tâche, et l'aurait peut-être incité à rompre le processus de reprise.

2. Analyse économique de l'entreprise.

Le repreneur potentiel devra trouver, au contact du cédant, un compromis entre le comportement professionnel mais basique du financier et l'attitude passionnelle, basée sur l'émotionnel, de son interlocuteur. A son écoute concernant l'importance affective que revêt l'entreprise pour ce dernier, il exprimera lui aussi ses sentiments, plutôt liés à un défi personnel.

L'analyse des informations disponibles doit permettre de dégager les points forts de l'entreprise (atouts, avantages, opportunités), et ses points faibles (vulnérabilité, handicaps, menaces). Sur cette base, les parties réaliseront l'évaluation et prépareront leur argumentaire afin de négocier et conclure la démarche de reprise.

Une bonne connaissance de l'outil de production est tout d'abord indispensable. Le diagnostic des moyens permet en effet de comprendre la chaîne de valeur du secteur, et éventuellement de réfléchir à une optimisation des méthodes de travail. Les moyens sont représentatifs de l'activité de l'entreprise, mais aussi de la personnalité du dirigeant. Citons par exemple l'utilisation de matériels de pointe, qui montre un certain dynamisme de la part du dirigeant, due à une forte politique d'investissements. La qualité des conditions de travail des salariés, ainsi que leur niveau de formation, sont étroitement liées à la valeur de l'outil de production. Des ateliers propres et rangés démontrent par ailleurs qu'ils font preuve de motivation et de professionnalisme. La gestion des stocks est aussi à l'image de l'entreprise et de la personnalité du dirigeant, par l'usage ou non d'un logiciel spécialisé.

Cerner les tâches de chacun va permettre au repreneur de vérifier l'organigramme, et de réaliser un premier bilan de la structure de pouvoir, souvent dépendante de la valeur ajoutée du poste.

Pour chaque domaine d'analyse, les objectifs résident dans :

· Le montage d'une synthèse, afin d'évaluer l'ensemble des actifs et identifier les causes de possibles manques.

· Etablir des actions correctives et une politique d'investissements, ainsi que le calendrier associé.

Le second diagnostic se focalise sur l'activité et la stratégie. L'étude du marché et de la position de l'entreprise sur ce marché mène à la définition de la stratégie à mettre en place. Elle impacte directement sur l'activité du personnel, leur poste et responsabilités, et sur l'organisation et les méthodes de travail.

La stratégie déterminée et les actions correctives qui y sont associées joueront un rôle sur le type de management à appliquer lors la période de transition, et donc sur la qualité de la relation repreneur/collaborateurs.

Le diagnostic financier viendra appuyer et justifier la politique du nouveau dirigeant.

Comme le montre le graphique suivant, le diagnostic social a une importance capitale dans l'optique d'une analyse précise de l'entreprise. Il porte sur trois champs d'étude :

Fig. 1 : Méthode de réalisation du diagnostic social.

Ce diagnostic s'intéresse à la situation précise du dirigeant : est-il indispensable à l'entreprise ? Il s'agit d'évaluer les conséquences de son départ sur le comportement de ses collaborateurs et sur la vie de l'entreprise. Son degré de responsabilités et de leadership va impacter clairement sur le déroulement de la phase d'intégration du repreneur.

Le candidat à la reprise étudie d'autre part la situation et le niveau de responsabilités de chaque employé, en consultant l'organigramme et le dossier personnel de chacun, comprenant un CV et différents documents liés à leur vis professionnelle (CV, formations, absences, avertissement...). Il doit particulièrement tenir compte de l'ancienneté des salariés, des primes diverses et des avantages sociaux. Le turnover au sein des équipes constitue aussi un indice important.

Comme nous l'avons vu précédemment, une première mesure du climat social peut être réalisée avant la visite de l'entreprise et la rencontre des salariés, par l'étude de la personnalité du dirigeant et l'évolution de la relation cédant/repreneur.

Concernant la troisième mesure, les interviews réalisées nous permettent d'affirmer que très peu de repreneurs cernent l'évolution du climat social qui règne dans l'entreprise au cours des mois précédents l'opération. Cette information est pourtant en effet très utile dans la mesure où elle représente la relation cédant/repreneur, base du contexte de l'arrivée du repreneur dans l'entreprise.

Le repreneur doit obtenir, au terme du diagnostic social, une vision claire des compétences de l'effectif, des capacités d'évolution, mais aussi des difficultés potentielles. Il doit évaluer l'évolution possible de l'effectif, au niveau quantitatif et qualitatif. En accord avec la stratégie visée, il est possible d'en déduire de prochains coûts en terme de formation.

Le diagnostic juridique devra confirmer que les contrats de travail sont en règle et qu'aucune action de justice n'a été entamée, en particulier à la Chambre Prud'homale.

Chaque partie aborde l'entreprise d'un point de vue particulier, leur méthode d'évaluation diffère donc. Leurs motivations divergentes vont aussi impacter sur l'estimation de sa valeur.

3. Première évaluation de l'entreprise.

Le déroulement d'une transmission/reprise de petite entreprise est perturbé par la présence d'asymétries d'information, qui entraîne souvent une fixation du prix de vente basée sur une évaluation des actifs intangibles variable. Lors de l'opération, le cédant est mieux informé que l'acquéreur sur les performances présentes de l'entité, et sur celles potentielles dans l'avenir proche. Il a donc intérêt à ne pas divulguer certaines données qui peuvent faire diminuer son prix de vente, ce qui arrive finalement régulièrement, consciemment ou inconsciemment.

Cerner la personnalité du dirigeant a permis à l'acquéreur de déterminer la valeur ajoutée qu'il va apporter dans l'entreprise. Grâce à différentes données liées au marché et au personnel, il va être possible de déterminer un potentiel de l'entreprise, et réaliser ainsi une première évaluation.

Philippe Campos (expert CRA) précise quant à lui qu'il "apparaît pertinent de privilégier, dans le contexte actuel, la méthode des flux futurs de trésorerie actualisés. Une étude aboutie favorisera, en outre, auprès des partenaires, la mise en place du plan de financement". Cette méthode n'est pas idéale pour chacune des parties, mais permet de rapprocher leur première évaluation.

Cet écart peut tout de même avoir un impact sur le comportement du cédant. Il peut privilégier l'accroissement de la performance à court-terme de son entreprise, c'est-à-dire les projets dont le délai de retours sur investissement est bref, au détriment des investissements de long terme comme, par exemple, la R&D. Ce risque de changement de comportement du cédant dans la période qui précède la cession est pris en compte par l'environnement qui, face à l'annonce de la mise en vente d'une entreprise, peut modifier son comportement vis-à-vis de la firme à céder.

Comme nous l'avons vu précédemment, le fait que le cédant soit trop tourné sur le passé de l'entreprise (et le rôle qu'il y a joué) pendant la phase d'évaluation constitue un autre risque pour l'acquéreur. Il peut en effet surestimer la valeur de l'entreprise, dû au facteur affectif. Le repreneur ne doit pas en être surpris, mais il s'agit de faire prendre du recul à son interlocuteur.

L'expert-comptable de chaque partie devra d'autre part déterminer la valeur du goodwill de l'entreprise. Il s'agit de la valeur de certains biens incorporels d'une entreprise, tels que le savoir-faire, la réputation, la force de sa marque ou la qualité de sa clientèle.

Les dirigeants rencontrés insistent aussi sur le fait que décortiquer les dossiers clients et évaluer leur fidélité est une étape obligatoire afin que l'évaluation de l'entreprise ait un sens. Ces deux points peuvent engendrés des désaccorde entre les deux parties, il est donc conseillé aux acteurs de l'opération de laisser les débats aux mains des conseils.

Dans un contexte de crise, certains comportements irrationnels sont observés, tel que le phénomène d'imitation, qui conduit chacun à suivre la foule qui est supposée avoir une meilleure information. Ces phénomènes s'analysent au travers de la finance comportementale, sur laquelle s'appuie de plus en plus l'évaluation d'entreprise. Elle applique "la psychologie à la finance et remet en cause l'efficience de marché" (Kahneman). L'évaluation d'un bien prend en compte certains critères de son propriétaire et potentiel acheteur. Par ce biais, elle s'adapte à l'évaluation d'une entreprise, et favorise la compréhension mutuelle des deux parties.

A noter que même en situation d'information symétrique, le prix offert par le repreneur sera différent au profit futur que le cédant pourrait réaliser. Cet écart s'explique par des différences dans la formation des anticipations et dans l'attitude vis-à-vis du risque de chacun.

Mais rappelons que la valeur d'une entreprise ne peut être fixée grâce à une évaluation. Il s'agit d'un ordre de grandeurs de valeurs possibles. D'après l'APCE, "l'entreprise est un objet unique, dont une bonne partie de la valeur dépend de quelqu'un qui s'en va (le cédant) et de performances futures dont la réalisation n'est pas certaine".

La véritable valeur de l'entreprise est en fait le prix de cession, prix accepté par le cédant, et que le repreneur est capable de financer sans mettre en péril sa pérennité. L'ensemble des experts s'accordent sur le fait que la négociation demeure envisageable si l'écart entre les prix estimés est inférieur à 30%.

La lettre d'intention peut alors être signée dans le cas où les deux parties souhaitent formaliser leur intention de poursuivre l'opération. La fourchette de prix provenant des premières évaluations sera indiquée, tout comme les modalités de reprise et les conditions suspensives de l'accord. Cette lettre est "engageante et juridiquement contraignante" (Meier & Schier, 2008). Il sera alors temps de réaliser les audits d'acquisition.

Les audits d'acquisition (ou due diligences) permettent au candidat repreneur d'obtenir une information fiable sur la situation actuelle et future de l'entreprise. Il sera à même de croiser ces données avec celles obtenues en amont. Parmi les différents audits, l'audit social vise à identifier les collaborateurs clés, qui détiennent un savoir-faire indispensable à l'entreprise (portefeuille clients, qualification...). Le repreneur potentiel les a déjà rencontrées si les étapes précédentes ont été correctement menées. Meier & Schier conseille fortement, comme certains repreneurs rencontrés, "de les associer au projet de reprise, afin d'obtenir des garanties de leur fidélité par des engagements spécifiques". Il s'agit de plus d'analyser les risques sociaux, liés aux systèmes de rémunération et au poids des engagements de la société.

La négociation finale peut alors débuter.

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius