B- La Naissance d'un
nationalisme ivoirien
Le rejet des accords par les populations ivoiriennes marque
aujourd'hui le retour d'un nationalisme. En effet, la Côte d'Ivoire est
restée dans les faits un « territoire français d'outre mer
» dans un régime d'indépendance associée avec Paris.
A défaut de détenir directement le pouvoir politique, la France a
contrôlé étroitement la monnaie et l'économie du
pays. L'ivoirien moyen a été longtemps entretenu dans la vision
primaire d'une spoliation de son pays par l'étranger africain.
Cela a justifié ses réactions xénophobes.
C'est pourquoi, les symboles de la France à savoir l'ambassade, le
centre culturel, le collège français Jean Mermoz ont
été les cibles privilégiées. Au delà de ces
symboles, c'est la politique étrangère de la France qui est
désavouée. En effet, la plus part des contrats de ses
sociétés arrivent à terme en 2004. L'idée du
gouvernement Gbagbo de lancer un appel d'offres international pour des
opérations jusque là conclues gré-à-gré
entre les entreprises de l'ex-puissance coloniale avait l'effet d'une bombe. Il
s'agit de rompre avec une politique officielle de corruption
institutionnalisée depuis l'indépendance. L'ancien
Président Henri Konan Bédié avait annoncé le bras
de fer du désengagement dès 1994 (sans consulter Paris) en
rétrocédant de confortables contrats d'exportation de Café
-cacao aux géants américain Cargill et Acher Danich Milland et
une Licence de prospection de pétrole Offshore à Venco
(entraînant un rapprochement avec les intérêts
anglo-saxons).
Avec cette crise la Côte d'Ivoire devient le seul pays
africain où les rassemblements anti-français se traduisent par
une démonstration d'allégeance à l'égard d'une
autre puissance occidentale et Abidjan la seule ville où de milliers de
manifestants réputés proches de la présidence se soient
retrouvés devant l'ambassade américaine pour en acclamer les
occupants et ovationner la bannière étoilée. Les
manifestants dirigés par Charles Blé Goudé et Richard
Dacoury réclament une intervention militaire américaine contre
les Paras français de Port Bouet. Ces manifestations
pro-américaines ne sont en effet que le prolongement spectaculaire d'une
politique de séduction menée par le gouvernement de Laurent
Gbagbo en direction des Etats -Unis.
Arrachés aux forceps à une classe politique mise
sous pression pendant dix jours, hors de la Côte d'Ivoire et dans un huis
clos contrôlé par la France, les accords de Marcoussis ont
plutôt été considérés par le « peuple
ivoirien comme une lutte contre l'étranger» comme un acte de
recolonisation, avalisé par le «protectorat» défini
dans la résolution 1444 du Conseil de Sécurité de
l'Organisation des Nations Unis.
Face à ces blocages, il urgeait d'établir de
nouvelles conditions d'une paix durable.
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