Chapitre II : Les
difficultés qui empêchent l'exécution des jugements rendus
contre les collectivités locales
L'inexécution de la chose jugée par les
collectivités est un phénomène réel et
« pas seulement une hypothèse d'école » [22].
Par ailleurs, les modes classiques de défense des administrés,
face à la puissance publique, sont mis à rude
épreuve. « La protection traditionnelle des
administrés par les recours juridictionnels devant les juridictions
administratives, n'apparaît pas satisfaisante à l'époque
actuelle. Ces recours juridictionnels, en raison de leur complexité
même, ne sont utilisés, que par une catégorie très
limitée des citoyens » [23].
De ce fait, outre ces problèmes de fonctionnement de la
justice administrative, les collectivités locales mettent tous les
moyens en oeuvre pour ne jamais exécuter les décisions du juge
administratif (section I). De plus, cette réticence est
amplifiée par le fait que le législateur, lui-même, va
intervenir, non pas pour contraindre l'autorité administrative à
se conformer, mais plutôt, pour légaliser son inaction (section
II).
Section I : Les
collectivités locales récalcitrantes
L'inertie des collectivités locales est une attitude
inacceptable dans un Etat de droit, confirmée par la passivité de
celles-ci et leur mauvaise volonté
Or, ce comportement constaté depuis longtemps, ne peut
pas continuer à exister.
On peut conclure qu'ils existent plusieurs causes
d'inexécution de la chose jugée, lesquelles peuvent être
regroupées en deux grands axes. D'une part, on se trouve face à
la simple passivité de l'administration (paragraphe I), et d'autre part,
face à la mauvaise volonté de cette dernière (paragraphe
II).
Paragraphe I : La
passivité des collectivités locales
Les collectivités locales, n'ont pas toujours un
comportement fautif à l'égard de la chose jugée,
même si le résultat est perçu par l'administré comme
une inexécution.
En effet, il existe souvent une grande distorsion entre les
prétentions du justiciable et les effets de la décision du juge
administratif. L'administré est, dans la plupart des cas, mal
informé des effets de cette décision, notamment dans le domaine
de l'annulation de l'excès de pouvoir.
[22] OBDERDROFF Henri, L'exécution par l'administration
des décisions du juge
Administratif, Thèse Paris 2, 1981, p.421
[23] DEBBASCH Charles, l'administration contre la loi, Le
monde 21 juillet 1976
Aussi, l'inertie des collectivités locales, peut
résulter, soit d'une simple lenteur dans l'exécution de la
décision (A), soit des difficultés sérieuses, qui
s'opposent à ce que la chose jugée soit exécutée
(B).
A. La simple lenteur
Les collectivités locales semblent avoir du mal
à réaliser, qu'elles leur appartiennent d'exécuter
immédiatement et d'office la décision de justice, sans attendre
d'être saisie par le bénéficiaire de cette décision
[24].
Incontestablement, le retard dans l'exécution constitue
l'abus le plus fréquent commis par la personne publique.
Le principe veut qu'une fois le jugement administratif rendu,
les collectivités locales doivent intervenir dans un délai
raisonnable, ce qui est rarement le cas.
Cette dernière met souvent longtemps à tirer les
conséquences de la chose jugée, soit par simple
négligence, soit par méconnaissance de ses obligations.
Cependant, il ne faut pas croire que les collectivités
territoriales sont toujours passives. Parfois même si les
collectivités territoriales ont l'intention de respecter la chose
jugée, pour des raisons d'ordre pratique, l'exécution devient
presque impossible.
B. Les difficultés sérieuses
d'exécution
Le fait d'exécuter un jugement administratif, n'est pas
forcement une tâche facile pour les collectivités locales. Cela
veut dire que celles-ci peuvent se trouver face à des difficultés
d'ordre pratique, qui les empêcheront de tirer toutes les
conséquences de la chose jugée.
Ces obstacles, sont, le plus souvent, rencontrés dans
le domaine de la fonction publique, et plus particulièrement, au stade
de la reconstitution de carrière.
A ce titre, l'exécution de la décision
soulève de difficultés insurmontables ; c'est notamment le
cas lorsqu'elle doit se traduire par la réintégration d'un
fonctionnaire dans l'emploi dont il a été
irrégulièrement privé, alors que le poste a
été pourvu d'un nouveau titulaire.
[24] Rapport du conseil d'Etat, sur l'exécution des
décisions des juridictions
Administratives, juillet-août 1990, 4-6,
p.481
Dans ce type de situation, la seule voie possible semble
être l'indemnisation du requérant.
Enfin les collectivités locales peuvent se heurter
à de telles difficultés, même en cas des condamnations au
versement de sommes d'argent.
L'exemple le plus fréquent à cet égard
est celui donné par le tribunal administratif de Fès qui
accordé à la commune de Imezoune un délai de grâce,
afin de permettait à celle-ci d'exécuter le jugement rendu contre
elles. Dans la mesure où l'exécution de tel jugement
nécessite l'accomplissement d'un certain nombre de procédures
préalablement définies, la programmation de la dette dans une
session ordinaire du conseil puis l'approbation de l'autorité de tutelle
des délibérations de cette session puis le contrôle
financier exercé dans le cadre de la comptabilité publique, ce
qui pourra aboutir à l'exécution du jugement dans un des
délais très longs.[25]
Cependant mis à part ces obstacles, ainsi que les cas
de simple lenteur dans l'exécution de la chose jugée, les
collectivités locales, font souvent, preuve d'une mauvaise
volonté
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