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La problématique de l'exécution des décisons de justice rendues contre les collectivités locales au Maroc

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par Karim CHEGGARI
Université Mohammed V- souissi - Master en Droit des collectivités locales 2010
  

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Section II : L'intervention du législateur 

L'inexécution d'un jugement administratif par les collectivités locales peut être conséquence de l'intervention du législateur. Il s'agit, en effet de ce qu'on appelle la validation législative.

En sollicitant l'aide du législateur, les collectivités locales deviennent invulnérables au contrôle du juge administratif.

On examinera, dans un premier temps, les principes relatifs à l'exécution des jugements à l'égard des collectivités locales (paragraphe I), pour constater, dans un deuxième temps, l'inefficacité des moyens classiques d'exécution à l'égard des collectivités locales (paragraphe II).

Paragraphe I : Les principes relatifs à l'exécution des jugements à l'égard des collectivités locales 

Deux principes fondamentaux régissent l'exécution des jugements. Le premier est celui de l'autorité de la chose jugée qui s'attache à ces jugements, le second est celui de leur force exécutoire (A). En pratique, l'application de ces principes aux collectivités locales se heurte à un obstacle plus ou moins justifié : celui de l'impossibilité d'user de la force pour faire exécuter un jugement par les collectivités locales (B).

A. L'affirmation de l'application des collectivités locales des principes régissant l'exécution des jugements 

Lorsqu'à la suite d'un recours en indemnité, une collectivité locale partie au procès est condamnée à payer une somme d'argent, cette condamnation impose à elle, aussi bien en raison de l'autorité de la chose jugée qui s'y attache (effet formel) (a), que parce que la décision est formellement revêtue de la formule exécutoire (effet matériel) (b). Les collectivités locales, comme toute autre partie, est tenue par le double effet formel et matériel attaché aux décisions de justice, du moins théoriquement.

a) L'autorité de la chose jugée s'applique aux collectivités locales 

Il s'agit ici de l'effet formel des décisions juridictionnelles. A la différence de l'effet matériel, l'effet formel n'est acquis que pour les décisions définitives, c'est-à-dire après l'épuisement des voies de recours ou après l'expiration des délais des recours. Le jugement ou arrêt passé en force de chose jugée a la valeur de " vérité légale". Il s'insère définitivement dans l'ordonnancement juridique et ne peut plus être remis en question, ni directement ni indirectement, ni par voie d'action ni par voie d'exception

En général, et plus particulièrement dans le cadre du contentieux de l'indemnité, l'autorité de la chose jugée est relative. Ce qui signifie qu'elle lie uniquement les parties dans l'instance .Cette règle est par ailleurs inscrite dans l'article 451 du dahir des obligations et contrats du 12 août 1913 [31]. En application de cette règle, lorsque la chose jugée s'impose aux collectivités locales, cette dernière est liée par elle au même titre que les particuliers [32].

En conséquence s'agissant des collectivités locales qui ont été déclarées débitrices dans un procès verbal doivent payer les indemnités auxquelles elles ont été condamnées. Si, les collectivités locales sont tenues par l'autorité de la chose jugée, il y a également une obligation de principe pour ces collectivités locales d'exécuter les décisions de justice qui les condamnent.

B) La force exécutoire des décisions juridictionnelles s'applique aux collectivités locales 

C'est l'effet matériel, les décisions juridictionnelles sont exécutoires. Pour cela, il n'est pas nécessaire qu'elles aient un caractère définitif, puisque les voies de recours n'ont pas toujours un effet suspensif.

Le caractère exécutoire des jugements et arrêts existe à la fois à l'égard des particuliers et des collectivités locales, avec des conséquences différentes pour ces dernières :

Ø A l'égard des particuliers, les décisions de justice sont exécutoires par la force. l'administration, qui dispose de la force publique, doit prêter son concours à l'exécution des jugements et arrêts, en application de la "formule exécutoire" [33]. Ce principe est assoupli par la jurisprudence en raison de circonstances particulières.

Ø A l'égard des collectivités locales, les décisions juridictionnelles sont également exécutoires, c'est-à-dire qu'il y a obligation pour les collectivités locales d'exécuter le jugement ou l'arrêt qui les condamnent. Mais ce n'est là qu'une affirmation de principe.

[31] B.O du 12 septembre 1913.précité

[32] C.E.13 juillet 1962, Brérat de Boisanger, A. J.D.A1962, p. 572.

En effet, le caractère exécutoire est réalisé en pratique par l'apposition de la "formule exécutoire" sur tout jugement ou arrêt. A ce sujet, il existe une différence qu'il faut signaler, entre le Droit français et le Droit marocain.

En France, en raison de l'existence de deux ordres de juridictions, il y a deux formules exécutoires. Celle des jugements de l'ordre judicaire prévoit l'usage des voies d'exécution de Droit commun. La formule exécutoire des jugements administratifs, elle est différente. Elle exclut l'usage de la force publique contre les collectivités locales. La formule "prêter main-forte à l'exécution"y est absente.

Au Maroc, une seule et unique formule exécutoire existe. C'est celle contenue dans l'article 433 du code de procédure civile de 1974 : « Toute décision de justice susceptible d'exécution est notifiée sur réquisition de la partie bénéficiaire de la décision ou de son mandataire selon les conditions prescrites par l'article 440 ci- après.

Cette notification est faite au moyen d'une expédition comportant l'intitulé prévu par l'article 50 et la formule exécutoire, signée par le greffier et revêtue du sceau du tribunal.

La formule exécutoire est ainsi rédigée :

En conséquence, Sa Majesté le Roi mande et ordonne à tous agents à ce requis de mettre ledit jugement (ou arrêt) à exécution ; aux procureurs généraux du Roi et procureurs du Roi près les diverses juridictions d'y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main forte lorsqu 'ils en seront requis. Les parties en cause peuvent obtenir de simples expéditions certifiées conformes par le greffier » [34].

Toutefois, malgré la lettre et le caractère général de cette disposition, il ne faut pas conclure que l'on puisse faire exécuter les jugements à l'encontre des collectivités locales par les voies d'exécution de Droit commun, dont l'exécution par la force.

Le problème de l'exécution se pose alors acuité ; et cette situation est d'autant plus grave qu'il n'existe aucun moyen pour forcer les collectivités locales à exécuter les jugements qui les condamnent.

[33] C.E. 10 février 1950, Consorts Perrin, Décret.1950, p.457

[34) B.O n° 3230-bisdu 13 ramadan 1394(30 septembre 1974), p.1305

B. L'impossibilité d'user des voies d'exécution forcée contre les collectivités locales 

Il n'existe aucune voie d'exécution forcée à l'encontre des collectivités locales. A cette règle rigoureuse, qui a des justifications théoriques et pratiques (a), on trouve cependant quelques exceptions relatives, il faut le dire, à des cas limites (b).

a) Enoncé et justifications de la règle 

En matière civile, le bénéficiaire d'une décision de justice peut obtenir son exécution en usant à l'encontre de son adversaire des différentes voies d'exécution prévues par la loi, notamment la saisie-arrêt, la saisie mobilière ou immobilière et même la contrainte par corps.

En ce qui concerne les collectivités locales, et bien que les décisions de justice s'imposent à elle pour les particuliers, ces voies d'exécution forcée ne peuvent pas être utilisées. Si les collectivités locales refusent d'exécuter volontairement un jugement, il n'existe aucun moyen pour les y obliger.

La raison de l'exclusion des voies d'exécution de Droit commun à l'encontre des collectivités locales est que les biens de celles-ci sont insaisissables. Cette règle, affirmée depuis longtemps en Droit français, est également valable en Droit marocain [35].

La règle de l'inapplication des voies d'exécution aux collectivités locales trouve sa justification sans certains textes relatifs à l'insaisissabilité des biens publics. Cependant, au-delà même de ces textes, la jurisprudence récente parle général du Droit.

En Droit marocain, l'insaisissabilité des biens publics résulte de leur inaliénabilité même, inscrite expressément dans deux textes. Le premier est relatif au domaine public de l'Etat ; c'est l'article 4 du dahir du 1er juillet 1914 : « Le domaine public est inaliénable et imprescriptible » [36]. Le second se rapporte aux municipalités ; il s'agit de l'article 3 du dahir 19 octobre 1921 relatif au domaine municipal : « Les biens du domaine public municipal sont inaliénables et imprescriptibles » [37] , enfin l'article 8 du dahir 28 juin 1954 relatif aux domaines des communes rurales (38).

[35] C.A.R du 2 mars 1965, A. Raymond SANCHEZ, G.T.M

[36] B.O n°89 du 10 juillet 1914, p.529

[37] B.O n°470du 25 octobre 1921, p.1660

[38] B.O n°2117 du 16 juillet 1954, p.1006

Il n'existe pas de texte semblable pour les établissements publics. Mais comme le soulignent les auteurs du Droit administratif marocain, « les biens nécessaires au fonctionnement des services publics dont ils ont la charge, font partie du domaine public de la collectivité de rattachement qui, au moment de leur création, affecte ces biens au fonctionnement du service public en conservant la propriété » [39]. Par conséquent, l'inaliénabilité qui leur est attaché subsiste dans ce cas également.

En application de ces textes, les voies d'exécution seraient exclues parce que les biens publics sont insaisissables, en raison même de leur affectation [40].Cette règle étant la même qu'en Droit français, on peut transposer ici les critiques dont elle a fait l'objet en France.

En effet, selon certains auteurs [41], si la règle est valable pour les biens du domaine public, elle n'explique pas pourquoi les biens du domaine privé échappent aux voies d'exécution de Droit commun, alors qu'ils ne sont affectés ni au public ni à service public. C'est que, comme le soulignent ces auteurs, la règle à un caractère absolument général. Il n'existe aucune voie d'exécution à l'encontre des collectivités locales, mêmes celles gérant un service public industriel ou commercial, sans aucune distinction entre les diverses voies d'exécution, ni entre la nature des biens, ni entre fondements possibles du jugement.

Ce caractère général de la règle, qui commande d'en rechercher la justification véritable ailleurs que dans les textes relatifs à l'insaisissabilité des biens du domaine public, est confirmé par la jurisprudence.

En réalité, on considère que l'exécutif, qui dispose de l'Administration et détient dans les collectivités locales le monopole de la coercition, ne saurait la mettre en oeuvre contre lui-même. La force publique est aux mains de l'Administration, non du juge.

Ces remarques à propos du Droit français sont valables pour le Maroc, en raison de la similitude du mode d'organisation juridique sur ce point. Dans notre Droit, c'est également l'administration qui est détentrice de la force publique.

Cette règle générale a cependant quelques exceptions relatives à des cas limites, certes, ou l'on a affaire à ce que l'on peut appeler des « commerçants publics ».

[39] ROUSSET Michel, BASRI Driss, GARAGNON Jean, BELHAJ Ahmed, Droit

Administratif Marocain, Imprimerie Royale, Rabat, Édition 1984, p.461.

[40] C.A.R du 2 mars 1965, Raymond Sanchez, précité.

[41] VEDEL Georges et DELVOLVE Pierre, Droit Administratif, Thémis, PUF, 8e

Édition, 1982, p.725-727

b) Les exceptions possibles 

Dans certains cas, les collectivités locales se dépouillent de leur qualité et gèrent des activités en tant que personnes privées, par moyen de sociétés commerciales. Dans cette situation, les voies d'exécution de Droit privé leur deviennent applicables. Cette hypothèse est consacrée par la jurisprudence marocaine la plus récente.

Dans une ordonnance de référé du 16 décembre 1985 [42], le tribunal de Rabat a admis l'usage des voies d'exécution de Droit commun à l'encontre d'une société commerciale de l'Etat, dont les actions appartenaient à la fois à l'Etat et à des établissements publics. La société réclamait le sursis à l'exécution du jugement la condamnant à payer des indemnités de licenciement à l'un de ses agents, au motif qu'elle était placée sous la tutelle de l'Etat. Le juge des référés a considéré que cette circonstance ne saurait soustraire la société requérante à l'exécution de la décision qui la condamnait, l'Etat lui-même tenu étant à une telle obligation.

Il faut signaler que l'agent bénéficiaire du jugement condamnant la société a pu obtenir l'exécution. Une saisie a été pratiquée sur les biens mobiliers de la société quelques jours après l'ordonnance de référé. Une vente a ensuite été fixée et exécutée deux mois plus tard. Cette solution peut être généralisée à toutes les entreprises publiques qui ont un caractère commercial très accusé, et où l'élément personne publique n'apparaît pas.

L'absence des voies d'exécution forcée contre les collectivités locales met à néant, comme nous venons de le voir, les principes généraux relatifs à l'exécution des décisions judiciaires.

Il y a là un premier obstacle, pratiquement insurmontable, qui se dresse devant les victimes bénéficiaires d'un jugement d'indemnité

Cette position des victimes est aggravée par le fait qu'en dehors même de l'exécution forcée qui est impossible, les moyens classiques d'exécution sont totalement inefficaces quand il s'agit de les appliquer aux collectivités locales.

[42] T.P.I. de Rabat, ordonnance de référé n°1206 du décembre 1985. Comagric c /Henri Bonin, R.M.D, p.183 et 234, commentaire de Monsieur Hassan OUAZZANI CHAHDI

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius