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Identité et appartenance: temps et comput anthropologique chez R. E. Mutuza Kabe

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par Jean Francis Photios KIPAMBALA MVUDI
Université de Kinshasa RDC - Doctorat en philosophie 2012
  

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§2. Valeurs morales et Kanyarwanda

Plus que d'autres chercheurs, Paul Serufuri Hakiza a démontré une incohérence dans la dénomination de Kihutu en Kinyarwanda. Professeur à la Faculté des Lettres et Sciences Humaines, il a publié un article qui nous semble parleur.

La grande question qui se pose est celle de savoir  pourquoi « il y a une discordance entre leur ethnonyme et le glossonyme qu'on leur attribue. Nous constatons, en effet, que dans le monde entier il y a normalement concordance entre l'ethnonyme et le glossonyme »(543(*)). Il y a une triode d'ethnonyme : Bahutu-Banyarwanda-Banyabwishi. Mais les Bahutu du Nord-Kivu appelaient leur langue le kihutu ; cependant pour d'autres raisons le kihutu est appelé tantôt kinyarwanda, tantôt kinyabwisha. Les documents coloniaux rapportent que les Tutsi parlent la langue de Bantu. Or les Bantu dont il est question sont les Bahutu, donc le kihutu est cette langue dont se servent ceux qui habitent le Rwanda et qui sont mythiquement appelés Banyarwanda. Gaston Van Bulck, un des grands en linguistique africaine, identifie cette langue utilisée par les Bahutu sous l'appellation kihutu « et l'a classée en 1948 parmi les langues des « Bantous du Nord-Est » du Congo belge »(544(*)).

Dans leur mythe, les Tutsi ont mis en évidence Kanyarwanda, ancêtre fictif des Banyarwanda imaginaires. D'une société atomisée et triadique (Hutu, Tutsi, Twa), un royaume a été constitué. Ce royaume a imposé, dit Serufuri, un nom à l'ensemble des ethnies d'origine différente. Ce nom Banyarwanda était censé constituer une ethnie naturelle basée sur une filiation commune (descendants de Kanyarwanda, fils de Gihanga.), des liens du sol (le Rwanda) et du pouvoir (Tuli ab'umwami : nous sommes les sujets du mwami). La langue de Bahutu, qui selon de nombreux témoignages s'est imposée à tout le Rwanda, a également servi à renforcer cette idéologie en devenant tout naturellement le Kinyarwanda, un facteur d'homogénéisation linguistique. De la sorte, le tour était joué et ethnonyme et glossonyme correspondaient545(*).

Dans le cadre de la poésie dynastique, il s'agit de l'expérience de la communauté à l'intérieur du groupe. Tout groupe social est une communauté en puissance et dans sa réalité. C'est ce qu'on peut appeler esprit du groupe qui s'exprime dans ses proclamations, ses lois et ses institutions, dans ses symboles et ses mythes, dans ses formes éthiques et culturelles et finalement dans sa langue. Il est normalement représenté par les classes dirigeantes qui ne peuvent communiquer que par cette langue.

Ce fait est peut-être le fondement le plus solide de leur pouvoir. Chaque membre du groupe voit dans le roi l'incarnation des idéaux qu'il affirme, lorsqu'il affirme le groupe auquel il appartient. Il n'y a pas possibilité de créer une en conséquence les possibilités d'une liberté d'action. Le poème dynastique est un poème de passivité. La vie individuelle d'un simple sujet ruandais est inconcevable pour qu'elle fasse sujet du poème comme il est le cas dans les Récits Epiques des Lega du Zaïre(546(*)). Les lueurs des principes moraux à la base de l'organisation sociale ruandaise dans les poèmes dynastiques sont ceux que nous rencontrons dans le poème 90, intitulé « Se reproduire en ses enfants », où le principe social élémentaire est la conservation de la cellule familiale :

« Se reproduire en ses enfants réjouit les parents,

Ô vous qui acclamez l'allégresse ! »

(P. 90, p. 63)

La reproduction en tant que valeur sociale est réaffirmée avec emphase et démontre l'attention que l'on doit à la pureté de la race et à la robustesse de la lignée :

« Vous autres descendance de Gisanura,

Vos épouses n'enfantent jamais des dégénérés.

Vous avez fondé des familles et cela vous réussi !

Vous avez bourgeonné des bras qui vous ont rassasié de lait »

(P. 90, p. 64)

Mais des valeurs morales du poème sont vraiment exposées à un relativisme extrêmement étroit. A titre d'exemple, la vengeance constitue une valeur morale dont les membres de la tribu sont à tel point imprégnés, qu'elle contribue à développer la notion de devoir individuel et sociale :

« Tu étais au courant de ce crime-là !

Aussi tranchas-tu le procès,

En déclarant qu'il est d'usage de venger la mort des siens ! »

(P. 174, p. 124)

La religion ne joue aucun rôle marqué dans la conduite humaine. La morale du peuple relève directement de la constitution sociale de la tribu. Aucune trace d'influence des grandes religions historiques des peuples couverts par la poésie dynastique. L'hypothèse selon laquelle les Tutsi sont arrivés au Ruanda à partir du Xème siècle pose problème. Kagame qui nous rapporte le poème donne une introduction du christianisme dans le Ruanda et fait refléter sur la poésie dynastique de l'époque dont nous possédons des spécimens. Or, dans cette faible insinuation du christianisme dans le paganisme, ce n'est pas l'élément moral qui s'affirme, c'est un catéchisme missionnaire qui se greffe sur l'arbre coutumier :

« Heureux est le sein qui t'a allaité,

Ainsi que celui qui a allaité Jésus-Christ »(547(*)).

(P. 172, p. 109)

Et chez les Lega leurs voisins, on considère la fécondité comme une valeur divine. N'Sanda raconte : «Un bébé peut mourir, mais si le porte-bébé n'a pas brûlé, c'est que nous en aurons un autre. J'ai encore ma chère femme, ma Nyakubia, ma femme préférée, est encore en vie : j'aurai un autre enfant" » (Récits, tome 1, p. 73).

« Heureuse la jeunesse de ce règne,

Qui a grandi avec Dieu,

Recevant les Sacrements ! »

(P. 172, p. 109)

Cette influence faible et superficielle du christianisme n'empêche pas que la notion d'une vertu éminemment chrétienne comme celle de la miséricorde ne se trouve dans le monde moral du poète ruandais exempt de toute influence non-coutumière. Ainsi l'auteur du poème 90, écrit pendant le règne de Mutara II Rwogera (vers 1825), a une notion claire de cette vertu, bien qu'il attribue au roi, sans en définir la portée comme vertu humaine et sociale.

Connaissant le roi et son appartenance sous les chaînes d'or cyclique de l'octave, nous pouvons affirmer que la civilisation chamitique des Tutsi a une morale relative. Cette pénurie d'élaboration d'idées morales marche de paire avec une pénurie des valeurs intellectuelles. En réalité le même procès mental détermine les deux catégories de valeurs de sorte que le développement de l'une d'elles ne va pas sans celui de l'autre. La suite du poème montre une pentatonique dont les thèmes concentriques forment l'ordre exponentiel. Mais toute valeur morale doit être susceptible d'imitation. C'est pourquoi nous abordons le problème des lois de l'imitation.

* 543 SERUFURI HAKIZA, P., Ethnonyme et glossonyme les Bahutu du Nord-Kivu et le kihutu. Contribution à un débat, p. 199.

* 544 Ibidem, p. 207.

* 545 SERUFURI HAKIZA, P., op. cit, p. 212.

* 546 N'SANDA WAMENKA, Op. Cit. p. 5 où il est question de données physiques.

* 547 Au cours du ministère de Jésus, la voix d'une femme s'est un jour élevée du tumulte de la foule et s'est écriée : « heureuse est la matrice qui t'a porté, et les seins que tu as tétés ! ». Si Jésus avait voulu que sa mère soit révérée, il avait là une occasion en or d'encourager cette forme de dévotion. Et Jésus de prendre sa mère pour celle qui a entendu la Parole de Dieu et qui La garde replique :  « Heureux ceux qui endendent la Parole de Dieu et La garde ». Marie n'est-elle pas de ceux-là et leur modèle ? (Luc 11 : 27, 28). Nous avons ici une interprétation de type presbytérale qui représente d'ailleurs sans doute le sens littéral de la métaphore. Dans des très curieux passages, Alexi Kagame nous montre dans ces poèmes, cinq tambours, les cinq étapes de la vie communicative, correspondant à la hiérarchie des sens spirituels lega  et les cinq sens:  (Kiringa P. 42 correspond à la vue, p. 51 ; Emblème P. 65 correspond à l'ouie, p. 53 ; Kigutse P. 125 correspond à l'odorat, p. 78 ; Tambour Souverain P. 173 correspond au goût, p. 117 et Rukurura P. 71, correspond au toucher p. 59). Il a en vue le pentateuque mosaïque.

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