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Identité et appartenance: temps et comput anthropologique chez R. E. Mutuza Kabe

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par Jean Francis Photios KIPAMBALA MVUDI
Université de Kinshasa RDC - Doctorat en philosophie 2012
  

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Section 2. Champ de conscience et cloisonnement ethnique, valeurs matérielles et Valeurs morales

§1. Champ de conscience et cloisonnement ethnique

S. Freud écrivait : « toutes les fois que deux familles contractent une alliance par mariage chacune se considère comme supérieure à l'autre, comme plus distinguée qu'elle ; deux villes voisines se font l'une et l'autre une concurrence jalouse ; chaque petit canton est plein de mépris pour le canton voisin. Des groupes ethniques appartenant à la même souche se repoussent réciproquement : l'Allemand du Sud ne supporte pas l'Allemand du Nord. L'Anglais dit tout le mal possible de l'Ecossais, l'Espagnol méprise le Portugais. L'aversion devient d'autant plus profonde que les différences sont plus prononcées : c'est ce qui explique l'aversion des Gaulois pour les Germains, des Aryens pour les Sémites, des Blancs pour les hommes de couleurs »(537(*)).

L'asyntonie est une réaction de défense. Tous les humains sont à divers degrés sensibles à la recherche et à la délimitation d'un « anti-idéal du Moi ». Mais la forme de cette aversion, toujours virtuellement en puissance, dépend de l'ampleur du champ de la conscience.

Chez les Tutsi, le champ de la conscience est étroit, en sorte que les différences des personnalités sont considérées d'une manière beaucoup moins globale et ils sont moins aptes à s'assimiler à un ensemble d'ethnies hétérogènes (ce qui explique leur marginalisation du monde des Hutu après leur intégration). Ils ne matérialisent pas leur « anti-idéal du Moi » de façon également moins globale, en occurrence un vaste univers congolais au moins bien délimité, jugé « en province » et qualifié « des monts de la Lune »(538(*)). Depuis la guerre d'agression, cette région est presque sous contrôle de la République d'Ouganda.

Les citoyens congolais se distinguent en majorité (hormis leur aversion inter-linguistique) par une « syntonie » qui peut être le facteur qui les différencie le plus de la mentalité tutsie. La raison provient du fait que la majorité des citoyens congolais descend d'immigrants Bantu caractérisés surtout par un champ de conscience large (peu attachés aux petites conventions, indifférents aux souvenirs, disposés à tenter une aventure dans des conditions imprécises, etc.(539(*)).

Les Tutsi sont conventionnistes (analytiques) et introvertis, l'aversion se cache derrière une façade de fausse amitié chez les uns, ou d'une hypocrisie déférente chez les autres(540(*)).

Le cloisonnement psychosocial qui caractérise les Tutsi est une réaction propre à l'esprit des pasteurs, esprit analytique. C'est d'ailleurs la solitude qui fait d'un Tutsi un admirateur du roi le seul libre de vivant. C'est une valeur vivante mais difficile à y dégager des valeurs morales.

La tâche philosophique est celle de sortir d'une situation difficile. Elle l'est encore, quand il s'agit de dégager des valeurs morales d'un monument de civilisation aussi axé sur une valeur égocentrique, la royauté sacrée, que la poésie dynastique.

Les valeurs, si elles existent, doivent être formulées par référence à l'individualité royale, et ceci constitue un grand handicap à leur élaboration et développement, en raison du caractère anti-social de cette individualité affirmée dans des sens absolus. Une valeur morale est une valeur essentiellement sociale et par conséquent, s'il faut ériger en valeurs morales les diverses attributions de la royauté, il faut d'abord prouver le caractère social de l'institution royale visée par la poésie.

Le critère de cette preuve est facile à établir ; si l'institution royale constitue une étape nécessaire dans l'évolution d'une société humaine, si elle en assure la cohésion et la promotion pendant une période où cette société est incapable de se maintenir sans le secours de cette formule politique, il est évident que les principes qui donnent à l'institution royale sa physionomie sont des principes sociaux.

Mutuza, pour sa part, déclare que « les valeurs positives de la civilisation manquent presque totalement dans la fonction royale. Ce sont les valeurs qui dominent- lesquelles ?, et c'est sur ces valeurs que se construit l'existence et la survivance de la tribu »(541(*)). Il veut dire ceci dans cette phrase: l'institution émane des besoins sociaux et est appelée à servir le groupe social comme tel. Mais si l'institution perd ce caractère fonctionnel, si elle commence à exister en soi et pour soi, si elle est érigée en valeur centrale et exclusive par rapport à laquelle le groupe social assume le rôle d'un complément et d'un instrument, et par conséquent d'une catégorie inférieure, il est impossible de dire que les valeurs attachées à l'institution sont des valeurs sociales.

Les valeurs varient selon les personnes et les communautés humaines, et sont évolutives dans le temps : la notion de valeur est relative. Pour une personne ou pour une communauté, l'échelle des valeurs peut être rapportée à une échelle des « biens » : il y a pluralité des valeurs comme des Biens.

Il est certain que l'institution monarchique négro-chamitique a joué un rôle éminemment social dans le procès d'unification des nombreuses unités tribales quasi autonomes à l'origine et dont la survivance et la sécurité étaient problématiques dans un monde d'incompréhension et d'inimitié réciproques ; mais aussi, d'autre part, il n'est pas difficile de démontrer que cette institution a survécu son rôle social à plusieurs égards.

C'est là une constatation qui ressort de l'étude de la poésie dynastique, où le peuple, en tant que valeur sociale essentielle, est relégué à un plan tout à fait négligeable et secondaire. Nous nous souvenons à cet égard que plus d'importance est accordée au bétail bovin qu'au peuple même.

On comprend pourquoi les valeurs morales sont implicites dans l'organisation sociale coutumière du pays, organisation qui ne saurait subsister et survivre sans être étayée de valeurs morales. Et Papadopoulos pense que « nous n'obtenons que des lueurs sur les principes moraux à la base de l'organisation sociale ruandaise dans la poésie dynastique »(542(*)).

Voici l'innovation : l'étude de cette poésie, du point de vue philosophique, est d'ailleurs chose rare, souvent même inconcevable. La critique philologique et littéraire ayant accaparé pratiquement toute juridiction dans ce domaine, en affectant le poids du traitement aux aspects linguistique et esthétique, une recherche de ce genre parait suspecte pour les, homines unius libri les monodisciplinaristes.

Cette manière d'aborder l'étude des monuments littéraires peut porter préjudice à la valeur intrinsèque des uns par rapport aux autres, d'autant plus que la valeur anthropologico-philosophique d'un monument ne concorde pas nécessairement avec sa valeur littéraire ou esthétique.

* 537 FREUD, S., Psychologie collective et analyse du moi, p. 32.

* 538Plusieurs pics du Ruwenzori avoisinent les 5 000 m d'altitude, le plus élevé étant le pic Marguerite (5 109 m). Le géographe grec Ptolémée est le premier à mentionner le massif du Ruwenzori (les « monts de la Lune »). Le massif est exploré pour la première fois en 1889 au cours d'une expédition menée par l'explorateur britannique Henry Stanley ; les principaux pics sont atteints en 1906 au cours de l'expédition de l'Italien Luigi Amedeo, duc des Abruzzes.

* 539Cfr. L'intégration tutsie chez BAUMANN, H. et WEASTERMANN, D., dans Les peuples et les civilisations de l'Afrique, p. et PAPADOPOULOS, Th., Poésie dynastique du Ruanda et Epopée Akritique. Essai de l'établissement d'une notion de temps anthropologique

* 540 OVERDULVE, Fonction de la langue et communication au Ruanda, p. 59.

* 541 MUTUZA, Op. Cit. p . 35.

* 542 PAPADOPOULOS, Th., Op. Cit., p. 47.

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"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe