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Identité et appartenance: temps et comput anthropologique chez R. E. Mutuza Kabe

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par Jean Francis Photios KIPAMBALA MVUDI
Université de Kinshasa RDC - Doctorat en philosophie 2012
  

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§2. Pentatonique des poèmes dynastiques et mécanismes d'interaction du kihutu dénommé kinyarwanda

En analysant les tendances actives de l'âme humaine, Platon a trouvé trois facteurs fondamentaux de l'homme : le désir, le coeur et la raison. Platon ajoute que l'équilibre entre les tendances de ces trois vertus assure la stabilité, c'est-à-dire empêche le désordre, les explosions et les conflits(562(*)).

La société, poursuit Platon, prise comme une extension collective de l'âme humaine, devra être formée à son image, soit constituée par les trois castes superposées aux trois vertus : les artisans, les guerriers et les magistrats et les philosophes.

Là où notre Platon crée une difficulté s'annonce : une certaine proportion numérique entre ces castes devra toujours être strictement respectée, sinon des ruptures d'équilibres sociaux engendreront les perturbations. En insistant sur la « limitation quantitative de la population », Platon réalise l'importance des facteurs démographiques, une modification dans la densité et la masse de la population étant génératrice de positions et de structures nouvelles. Il étudia les mécanismes des cycles politiques successifs selon l'alternance d'un certain nombre de types psychologiques permanents qui rejoint presque la « théorie des tempéraments » d'Hippocrate. C'est juste ce qu'a fait Mutuza sans jamais se rendre compte en parlant de Ingoma sans y insister.

Nous retrouvons dans les poèmes l'idée rencontrée déjà plus haut et que nous avons à préciser maintenant : cette organisation des poèmes par le poète en vue de la restructuration de la royauté par le Ingoma, le tambour. Observons aussi que cette conception de la royauté s'éloigne de la conception originelle de mwami. Et les cinq tambours (la pentatonique) en sont une signification. En musique c'est la gamme qui est formé de cinq (ðåíôå) sons ou tons (ôïíéêüò) et l'on parle alors de l'échelle pentatonique.

Cela n'est pas innocent. Il y avait à la cour du Mwami (le ROI) toute une série de tambours royaux. Certains n'étaient jamais frappés : ils reposaient sur une litière et étaient portés en procession à l'occasion de cérémonies.

D'autres par contre étaient frappés à des occasions spéciales et pour des fins spécifiques, par exemple pour saluer le jour, annoncer un combat, notifier une victoire, marquer les saisons et leurs activités propres, communiquer les idées du roi et préparer la peau d'un roi vaincu pour la fabrication d'un nouveau tambour.

Dans les poèmes dynastique la pentatonique est l'ensemble de ces cinq tambours dont le Kiringa, l'Emblème, le Kiragutse, le Tambour Souverain et le Rukurura forment les cinq sons.

Les différentes gammes de ces cinq tambours présents ici se distinguent par l'agencement des tons et demi-tons qui remplissent une fonction et une signification rituelles, dont les secrets n'étaient connus que du roi et des ritualistes, les confidents du roi.

A en croire ce proverbe : « Akari mu nda y'ingoma Kamenywa n'umwiru na nyirayo », on peut dire que le fin fond de la personne n'est connu que d'elle-même et de son confident. La confidence est telle une gamme chromatique en musique.

La gamme chromatique est une succession de demi-tons, la gamme par tons, comme son nom l'indique, une succession de tons. La gamme mineure possède trois formes, reconnaissables par leurs trois derniers intervalles ; la gamme pentatonique résulte, quant à elle, de la réduction d'une succession de quintes (do, sol, ré, la, mi).

Puisque l'ethnomusicologie part du principe qu'un style musical est indissolublement lié à la société qui le produit, des tentatives ont été faites pour trouver, entre les deux, des parallèles clairs. Alan Lomax, un des premiers musicologues à avoir étudié et recueilli la musique de l'Amérique profonde et des Noirs, formula dans les années 1960 une théorie sur la corrélation entre les types sociaux et les types musicaux : la « cantométrique » (mesure du chant). L'étendue du champ d'application de cette théorie, la relative modestie de l'échantillonnage étudié et les nombreuses exceptions que lui opposèrent d'autres chercheurs lui ont valu de sévères critiques, mais cette démarche n'est pas sans valeur.

Comme beaucoup de sciences humaines, l'ethnomusicologie a toujours dû faire la part entre la nécessité d'étudier des traditions musicales particulières dans leur contexte culturel et la recherche d'universaux dans la musique.

D'une part, ce que l'ethnomusicologie considère comme de la musique est parfois considéré très différemment dans la culture concernée (ainsi, l'appel lancé par l'imam avant la prière des musulmans, dont la mélodie est riche, n'est pas considéré comme de la musique dans les pays musulmans) ; d'autre part, certains modes musicaux semblent universels : les structures tonales et rythmiques, le principe de répétition, la reconnaissance très répandue des octaves, et souvent de la quinte, comme intervalles fondamentaux et l'existence de gammes pentatoniques de l'Écosse à la Chine jusqu'aux Andes en sont quelques exemples.

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Schéma de K. R. Popper

La raison fondamentale du pentatonique tient lieu de la musicalité poétique dont l'absence de liberté individuelle du poète ouvre les lueurs d'une indépendance larvée. C'est ainsi que chaque vers constitue une note. Et ces vers ont la même hauteur de son musical correspondant à une équivalence de fréquence et à un intervalle nul. Les différents vers du poème sont dits à l'unisson :

« Il fut en butte à une opposition inouïe

Mais ses victoires furent sans nombre

Il fit trembler les adversaires

Et rassembla bien des pays en un seul,

Les fusionnant en son unique Ruanda »

(P. 171, p. 102)

Dans cette perspective ce n'est pas de l'harmonie que nait l'ordre, mais plutôt du désordre que nait l'harmonie. Ainsi le principe philosophique selon lequel à chaque plaisir s'accompagne des douleurs trouve son point d'appui dans les poèmes.

Ce saut parait quelque peu dangereux pour l'appréciation de cette poésie en tant que monument littéraire, nous n'insistons pas, c'est à la critique littéraire et esthétique qu'il faut s'en référer. Comme nous sommes dans le champ philosophique, nous nous bornons ici à l'examen mathématique possible dénoté dans les poèmes mêmes.

Or la seule valeur que nous puissions considérée comme telle une valeur symbolique inextricablement liée à l'institution royale dont elle est en même temps l'apanage et confirmation; ce sont les tambours sacrés, symbole et confirmation de la royauté, hérités de règne en règne et perpétuant la validité métaphysique et temporelle de l'institution royale. Mais quelle est la signification et la portée des tambours, sacrés au même titre que la royauté, les poèmes dynastiques nous en donnent une idée suffisante.

Papadopoulos rapporte la qualité du roi comme héritier du tambour qu'un des plus anciens des poèmes conservés donne (P. 42, p. 51) et dans un autre poème il est dit que les tambours lui sont consacrés (P. 65, p.53). Celui qui est destiné à la fonction royale est en même temps destiné aux Tambours (P. 90, p. 69). L'investissement de la fonction royale, sanctionnée dès la création par Dieu, se fait sous des tambours:

« Le Dieu qui a multiplié les vaches

A commencé par créer les Rois ;

Après les avoir investis sous le signe des Tambours,

Il leur prodigua les bénédictions »

(P. 123, pp. 78-79)

Ces mêmes tambours possèdent des propriétés métaphysiques puisqu'ils ont la vertu de pouvoir communiquer avec Dieu :

« Ne pourriez-vous pas me préserver de ce précipice,

Ô toi le Dieu qui te réveilles au son des tambours ? »

(P. 90, p. 76)

Le roi qui s'élève parmi les ovations des tambours doit des sacrifices car leur possession entraîne des obligations lourdes:

« Qu'il commence le Prévoyant, qui sacrifia sa personne ;

Vis-à-vis duquel les Tambours furent trop exigeants. »

(P. 90, p. 69)

Si l'on s'en tient à la division du travail chez les Tutsi, la danse est-elle possible ? Et connaissant que le roi est le seul à qui les sons des tambours sont dus, peut-on un seul instant penser au loisir ? Ce problème n'avait pas été posé par Mutuza. Or il est un point très important pour la connaissance de l'appartenance. Cela étant, la royauté, telle que l'auteur de La Problématique du Mythe Hima-Tutsi nous la présente nous permet de comprendre la valeur de Ingoma.

La splendeur royale est identifiée à celle des tambours. Et le poète chante ses antonins :

« Pareil à la Splendeur des Tambours, fils du Bien-aimé »

(P. 170, p. 94)

Le peuple ne possédant rien, seul le roi est possesseur, les tambours qu'il possède possèdent une vraie personnalité mystique jouant un rôle significatif dans la carrière des rois:

« Ce Tambour du Héros foudroyant

T'a reçu comme héritier et t'a accepté irrévocablement »

(P. 170, p. 98)

C'est ainsi que ce peuple voué à la course de derrière la vache, ne peut trouver de temps pour se divertir. Dans ce contexte, il est très difficile de découvrir dans la notion intellectuelle formée par les tambours royaux une signification musicale sociale. Il faut maintenant que nous y voyons une consécration symbolique de l'institution royale. Cette dernière étant par position égocentrique, une valeur aussi étroitement liée à cette position cesse d'obtenir cours comme valeur sociale, du moins sa signification sociale n'est pas apparente à moins d'interprétation forcée.

En attendant, les tambours existent uniquement par rapport à la royauté, et la royauté est signifiée et soutenue par les tambours. La relation et l'action de part et d'autre sont réciproques :

« Le Karinga te félicitent ainsi qu'un autre Tambour-Emblèmes,

Et le kiragutse de Kigeli.

Avec l'autre Tambour Souverain de ta Maison ;

Les Tambours sont devenus l'apanage de ta famille.

Tu les as défendus, tandis qu'ils te choisissaient déjà:

Tu t'es comporté en leur souverain.

Tu fus également leur héros ; tu es irréprochable ;

Je jure qu'aucun étranger ne te surpassera. »

(P. 173, p. 117)

Nous avons ici les différents noms des tambours : le Kiringa, l'Emblème, le Kiragutse, et le Tambour Souverain. Dans le poème 71, nous avons le Rukurura, Tambour dynastique par lequel le roi est investi de ses fonctions. Dans les actes les plus délicats où la royauté est engagée les bovidés interviennent comme moyen d'exécution :

« Mais encore, puisque tu as déjà désespéré d'avoir un héritier,

Le mieux serait qu'en hommage tu livres tes bovidés,

Afin que Rukurura ne te soit arraché des mains ! »

(P. 71, p. 59)

Chacun des ces tambours jouent en l'honneur du roi et selon les circonstances. Là haut, sur des montagnes, comme un oiseau qui plane, les Tutsi prêtent oreilles aux différents sons de ces différents tambours pour savoir ce qui arrive au roi.

L'entropie arrive quand il y a invasion. Tous les tambours battent et le roi se doit de les protéger.

De cette pentatonique il est bien clair que le Tutsi qui ne se sert que rarement ou plutôt pas du tout de ses vaches comme nourriture ne peut que difficilement en utiliser la peau pour la fabrication des tambours. Dans le poème 170, la peau humaine, surtout celle des rois étrangers vaincus, sert à l'ornement des tambours et le Karinga pour lequel le roi lutta et imposa le deuil aux pays voisins est fait de cette peau:

« C'est ainsi qu'il arriva dans le Buzi et le bouleversa.

Il n'y laissa pas même un bébé !

Il se réjouit du fait que le roitelet de cette région

Fut fait ornement du grand Tambour, héritage de Ndahiro. »

(P. 170, p. 94)

Nous pouvons d'ailleurs noter que le tambour royal (ingoma) est au coeur de la musique traditionnelle de l'ethnie hutu. Symbole de puissance, le ingoma - qui signifie aussi royaume - était habituellement réservé à la cour du roi. La tradition de percussion est transmise de père en fils, et les joueurs de tambour sont profondément respectés. Dans un enregistrement, on peut entendre un grand ensemble de tambours dominés par le ingoma. Après une série d'appels du leader, le groupe joue jusqu'à ce que chaque instrument ait exécuté un solo. Les interjections vocales sont dirigées vers une personnalité de l'assistance.

Les musiciens professionnels, que l'on appelle des griots dans l'Afrique occidentale francophone, furent également les historiens des royaumes africains qui se développèrent entre le Xe et le XXe siècle. Ils rapsodient les généalogies.

Quand les troupes gouvernementales ougandaises envahirent le palais du kabaka (roi) des Bagandas, elles détruisirent en premier lieu les instruments de musique royaux. Dans ses mémoires, le Kabaka décrivit les tambours royaux comme le « coeur » de son royaume.

Et d'ailleurs, la composition du plus antique ouvrage en prose sur l'Univers et les origines de la vie, qui constitue la majeure contribution d'Anaximandre, lui vaut d'être parfois appelé le père de la cosmologie. Il conçoit l'Univers comme un système de cylindres concentriques dont le plus extérieur contient le Soleil, celui du centre la Lune et le plus intérieur les étoiles. En forme de tambour, la Terre flotte au centre de ces cylindres sans être soutenue. Selon Anaximandre, l'Univers tire son origine de la séparation des contraires de la matière primordiale. Ainsi, le chaud se déplace vers le haut, se séparant du froid, et ensuite le sec se sépare de l'humide. Il soutient également que toute chose qui meurt retourne à l'élément dont elle est issue. C'est l'ensemble de ces éléments qui forme la pentatonique. Les éléments cosmologiques reviennent au même. Et les mêmes dans le même ils demeurent et en lui-même reposent dans l'immuable ici, dit Parménide.

Cet examen de l'histoire de notre quinte des tambours démontre bien son importance anthropologique. Mais il se pose maintenant une question de méthode : comment le Karinga se distingue-t-il de ce qu'on appelle Rukurura ? Nous dirons que le Karinga est fondamentalement Razziaire en tant que tel. Le Rukurura est pour l'intronisation du roi, c'est-à-dire de ce qui est présent aux yeux du roi. On ne le bat pas souvent. Il est toujours descriptif, décrivant les structures qui doivent être présupposées dans toutes les rencontres avec la succession dynastique.

Or la royauté est étrangère au commun de mortel, le Tambour-Souverain porte la peau d'un roitelet pour justifier la suprématie de la lignée royale. C'est ainsi que l'Emblème abandonne les considérations de la razzia pour l'invocation de la pluie. Le Kiragutse ouvre la voie de la guerre tribale.

Il y a-t-il une méthode pour vérifier le jugement du roi ? Il n'y a certainement pas de méthode expérimentale, mais il y a une méthode d'expérience que le poète chante. C'est celle de la reconnaissance intelligente des structures sociales fondamentales, contenues dans la réalité que nous rencontrons y compris le processus de cette même rencontre.

La seule réponse d'ailleurs suffisante, que Mutuza a pu donner à cette question de la vérification, consiste dans un appel à une reconnaissance intelligente. C'est aussi ce que nous donnons pour la durée diatonique du poème et l'appartenance politique et juridique. Finalement, l'on ne peut pas répondre à la question de méthode avant d'avoir employé cette méthode avec succès ou non. La méthode et son contenu ne peuvent pas être séparés.

Les poèmes dynastiques ont deux temps. Et ces deux temps nourrissent le mécanisme de la communication, fruit d'appartenance politique. La durée est diatonique du fait que le kihutu est appelé kinyarwanda et Kanyarwanda devient Hermès, dieu des marchands et des voleurs immigrants tutsis.

* 562 KIPAMBALA ? J-F-Ph., Temps et Apocatastasa chez Grégoire de Nysse, p. 57.

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"Il existe une chose plus puissante que toutes les armées du monde, c'est une idée dont l'heure est venue"   Victor Hugo