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Identité et appartenance: temps et comput anthropologique chez R. E. Mutuza Kabe

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par Jean Francis Photios KIPAMBALA MVUDI
Université de Kinshasa RDC - Doctorat en philosophie 2012
  

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Section 4. Durée diatonique des poèmes et appartenance politique et juridique

§1 Communication dans les poèmes dynastiques et le kihutu appelé kinyarwanda

En montrant et démontrant la faiblesse de la victoire de l'AFDL par l'image de Hannibal, Mutuza ouvre la voie d'une idée de concertation. Mais la concertation pour quoi faire ? La réponse est claire : pour la communication.

Nous entendons par communication le contact direct ou indirect entre membres d'une société, on peut aussi dire que c'est le passage obligé entre deux entités culturelles. Chez les Tutsi ce rôle est symbolisé par les tambours. Mutuza n'a pas tenu compte de l'importance des tambours dans la communication chez les Tutsi c'est pourquoi son analyse reste sans voix en face du monde philosophique bien marqué par l'esprit de la philosophie analytique. Si le pentatonique ressort très peu dans les études de la connaissance de tambours tutsis, elle joue par contre un rôle éminent dans la communication. Comme l'a bien remarqué C. M. Overdulve. Une dialectique communicative563(*) est représentée par la dualité et la duplicité dans le langage chez les Tutsi chez qui la méfiance et le mensonge sont la règle d'or. La caractéristique d'un mode de sept tons conjoints, compris dans l'octave, qui comporte deux demi-tons joignant des degrés déterminés constitue les gammes diatoniques issues des modes majeur et mineur.

Dans les poèmes dynastiques nous sommes en face du même phénomène. Les éléments constitutifs des poèmes coïncident avec les thèmes d'une vie nomade. Ainsi, Roi (1), Dieu (2), Race (3), Archer 4, Vaches (5), Guerre (6), Pluie (7) font sept tons compris dans l'octave, c'est-à-dire le poème dont le thème central de la royauté vient se fixer à la hauteur huitième après le thème concentrique de pluie. Dans cette perspective, la durée diatonique est ce saut des thèmes concentriques et dont les thèmes subsidiaires sont liés au mode de vie basé sur la razzia. Les poèmes dynastiques datent du XIIIème au XIVème siècle de notre ère. Il y a eu possibilité des influences de la musique occidentale dans leurs compositions.

Il faut noter que l'essentiel du langage des tambours, comme de tout langage, réside donc dans la relation, presque au sens ensembliste du terme. L'on peut même aller jusqu'à dire : le langage est (uniquement) une relation. L'intérêt de cette affirmation est analogue à celui qu'il y a, en logique, à ne plus parler du sujet `contenant' un prédicat mais de deux termes en relation. Si aRb, la relation n'est plus le propre de a que de b, elle n' « appartient » pas plus à l'un qu'à l'autre. De la même façon, le discours entre deux instances énonciatrices (ou, disons, deux individus) n'est pas plus le fait exclusif de l'une que celui de l'autre : il constitue une relation qui, comme l'indique son nom, lie deux acteurs, et que l'on appellera l'interlocution(564(*)).

Mais que voudrions-nous dire par là ? Que les mots ne sont jamais strictement les miens, ni ceux de l'autre. C'est un fait que l'on pense bien connaître ; soulignons-le tout de même. Il y va de la simple possibilité de compréhension. Comment nous comprendrions-nous si le langage n'avait pas pour nous cette égale extériorité, autrement dit si nous n'étions pas « égaux face au langage » ? Si la parole était vraiment mon fait, pourquoi éprouverais-je ces difficultés à bien exprimer une pensée complexe ? D'où viendraient ces impressions si fréquentes d'insuffisance et d'inexactitude ? Comment serait-il même concevable que j'aie parfois besoin de « chercher mes mots » ? que j'aie d'autres fois la désagréable sensation de ne pas en trouver de bon ? Il est, malgré ce que l'on pourrait croire, plus difficile d'exprimer ses sentiments que d'expliquer une théorie « objective ; c'est qu'il y a inévitablement une fracture entre des sensations qui sont bien « à moi » et les mots qui ne peuvent pas l'être au même titre, sous peine d'être autant incommunicables. L'isolement monadique et radical est aussi un fait ; mais l'on aurait tort de voir là un constat pessimiste ruinant l'idée de communication. S'il y a bien une communication qui s'avère impossible, c'est celle des consciences - qui a prétendu qu'elle était ne serait-ce qu'envisageable ? On peut éventuellement attribuer à l'héritage ethnologique et philosophique une part de responsabilité dans cette entreprise, notamment si l'on songe au schéma de lutte des consciences hégéliens, qui découle directement d'une tentative de penser la communication des consciences, ou à toute la pensée existentialiste de Sartre.

Hegel de qui Mutuza emprunte cette pensée reste aussi sans voix à la critique que lui lance l'auteur de La problématique du Mythe Hima-Tutsi : « Grâce, d'autre part, à l'avènement des relations politiques à leur avantage, les Tutsi ont pu développer des idées et des jugements qu'ils appliquèrent avec succès à promouvoir les effets. Le développement d'un système mental en rapport avec la réalité produite par contact et le conflit ethnique n'est pas à exclure. Il est bien au contraire admis, mais comme survivance a posteriori »(565(*)). C'est là le rejet, par Mutuza, d'une communication des consciences.

Mais il ne fait de mystère pour personne qu'une communication des consciences est un idéal désespéré qui sera toujours déçu. Et il n'est rien de pire que ce genre de déception consécutive à un idéal trop fort - elle transforme, par exemple, des platoniciens dépités en sceptiques malheureux ou agressifs ; de la même manière, de ceux qui (souvent inconsciemment) rêvent d'une compréhension absolue, elle fera des relativistes qui pourront aller, armés de thèses comme celle de l'incommensurabilité, jusqu'à nier toute communication possible.

N'ayant pas fait mention de ingoma, Mutuza a compris la théorie de l'incommensurabilité. Il a évité de traiter des tambours royaux dans son analyse du mythe Hima-Tutsi. La théorie de l'incommensurabilité nie toute possibilité de compréhension. Mutuza nous met en garde contre la tentative de sortir de soi. Il est d'ailleurs vrai que sortir de soi est radicalement impossible, que l'on ne peut être quelqu'un d'autre, c'est-à-dire le comprendre au sens où l'on « adhérerait » à lui comme on « adhère » à soi. Le proverbe « Akari mu nda y'ingoma Kamenywa n'umwiru na nyirayo » est révélateur. Si vous ne connaissez pas le kinyarwanda, vous pouvez bien prêter oreille, vous n'entendez jamais penser que vous ; il règne, si l'on y fait attention, un silence mortel qui peut effrayer. La communication des consciences n'existe pas. Si vous voulez savoir ce que pense quelqu'un, vous avez peut d'autres moyens que le langage, quoi qu'en disent les mystiques ou partisans d'une pseudo-communication/communion qui ne font que prendre leurs souhaits et rêves (parfois beaux) pour des réalités.

Pour y parvenir avec précision, nous allons considérer la durée diatonique des poèmes dynastiques et l'analyse de l'identité royale pour comprendre l'appartenance politique.

* 563 OVERDULVE, C.-M., Fonction de la langue et la communication au Ruanda, p. 267.

* 564 C'est de Francis JAQUES que nous avons cette idée de communication.

* 565 MUTUZA , La problématique du Mythe Hima-Tutsi, p. 29.

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius