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Identité et appartenance: temps et comput anthropologique chez R. E. Mutuza Kabe

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par Jean Francis Photios KIPAMBALA MVUDI
Université de Kinshasa RDC - Doctorat en philosophie 2012
  

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Section 4. Intégration et identification de l'élément culturel du mythe Hima-Tutsi

§1. Fin ou début d'une époque : le problème métaphysique et la relativité d'Einstein et d'Augustin

Dans toutes les sociétés bantoues, le terme personne doit garder le sens qui lui confère ses origines dramatiques. On comprend alors pourquoi à toutes les étapes de sa vie l'individu est pris en charge et magnifié par son groupe, qui progressivement étoffe le personnage. C'est le sens de ces cérémonies d'initiation (bwame, mukanda, etc.), d'investiture, qui ponctuent ces moments essentiels de la vie que sont la naissance, la puberté et la mort, accidents dans la vie du groupe que la société doit harmoniser dans l'intérêt de chacun.

Ainsi donc, au sein de sa communauté et grâce à celle-ci, l'individu se construit et vit pleinement une existence limitée, certes, aux contours de son groupe, mais riche cependant de toutes les valeurs traditionnelles de celui-ci. L'individu devient pour ainsi dire un miracle et un mystère.

Dans sa correspondance avec Solovine, Einstein dénonce « le point faible des positivistes et athées professionnels qui se sentent heureux parce qu'ils ont la conscience non seulement d'avoir, avec un plein succès, privé le monde des dieux, mais aussi de l'avoir dépouillé des miracles »(643(*)). Lui-même avait pris soin de définir plus haut ce qu'était, à ses yeux, le miracle. « vous trouverez curieux, dit-il à son ami, grand mathématicien, que je considère la compréhensibilité du monde (dans la mesure où nous sommes autorisés à parler d'une telle compréhensibilité) comme un miracle ou comme un éternel mystère »(644(*)). Mais il s'en explique aussitôt. Alors que' « a priori, dit-il, on devrait s'attendre à un monde chaotique » où la pensée n'ait pas de prise, il se trouve que ce monde est saisissable par « notre intelligence ordonnatrice ». Le cas de la théorie de Newton en est un signe indiscutable. « Même si les axiomes de la théorie de la gravitation universelle, poursuit, Einstein, sont posés par l'homme, le succès d'une telle entreprise suppose un ordre d'un haut degré du monde objectif, qu'on était a priori nullement autorisé à atteindre ». Et Einstein d'ajouter : « C'est cela le miracle, qui se fortifie de plus en plus avec le développement de nos connaissances »(645(*)).

Einstein retrouve ainsi, à son insu, une pensée familière d'Augustin. « Tout ce qui s'accomplie de merveilleux en ce monde, disait l'évêque d'Hippone dans un contexte tout à fait différent puisqu'il s'agissait alors du feu de l'enfer, l'est certainement moins que ce monde dans son ensemble, c'et-à-dire le ciel, la terre et tout ce qu'ils renferment...Peut-être le miracle des natures visibles a-t-il perdu de sa vertu à force d'être vu : il n'en est pas moins, à le considérer sagement, supérieur aux miracles les plus extraordinaires et les plus rares »(646(*)). Pour prouver la grandeur d'un tel sage ordonnateur, Augustin ajoute, cette fois ci à propos de la multiplication des pains : « C'est un plus grand miracle de gouverner l'univers que de rassasier cinq mille hommes avec cinq pains, et cependant, personne ne s'émerveille ». Il en tirait une remarque qui vaut encore de nos jours : « les hommes admirent le rare beaucoup plus que le grand »(647(*)).

L'organisateur de l'univers nous apprend que le curieux, c'est que nous devons nous contenter de connaître l' « organisation » sans qu'il y ait une voie légitime pour aller au-delà. Est-ce si sûr. L'intégration implique la cession des certaines matières à une instance supérieure. Celle-ci est définie par la conscience qu'on a de ne pouvoir jamais échapper au pouvoir de la mort. On peut alors dire négativement qu'elle .n'est pas le fait du hasard ni une simple déclaration. S'il est difficile pour l'homme d'échapper au concept d'un futur illimité dans le temps, il lui est, par contre, beaucoup plus difficile de concevoir un passé qui n'a jamais commencé. Il lui est malaisé de prendre conscience d'un univers qui aurait évolué éternellement (refaisant éventuellement indéfiniment les mêmes cycles) sans aucune intervention « surnaturelle » pour changer le cours de cette effrayante monotonie. Il était plus facile pour l'esprit humain d'attribuer ce mystère incompréhensible d'un « monde qui n'a jamais commencé » à un être immatériel, à un absolu d'essence infinie. La relativité d'Einstein conduit des philosophes modernes à élucider un « espace-temps » courbe, susceptible de se replier sur lui-même, en sorte que cette entité serait à la fois finie et infinie comme la ligne d'un cercle, alors que le néant ne possède aucune dimension euclidienne, ni aucun temps.

De même qu'un événement qui a existé sera toujours un fait qui a existé, que ce qui a été dans le passé ne peut plus « ne pas avoir été », de même, un événement futur, qui n'est qu'une virtualité tant qu'il n'est effectivement pas apparu, n'en reste pas moins une « puissance concrète », un événement dans une dimension hors de laquelle l'action présente en cours ne peut s'échapper. Et comme les philosophies matérialistes ne pouvaient admettre la coprésence d'un volonté indépendante, c'est de l'intégration de l'élément identitaire dont il sera question.

Si l'intégration des Tutsi est en réalité l'intégration de la vache, cette intégration est saisie ici par les chercheurs et universitaires spécialistes en sciences sociales dans son échec comme un résultat de l'histoire. Comment alors donner pour naturel l'anti-nature que représente ainsi le congé arbitraire donné par les belligérants à la guerre ? En revanche, si une telle aberration est l'oeuvre de la liberté au sein de la culture, elle peut être à son tour révoquée.

Ayant perdu conscience de son rapport au Hutu ou l'ayant refusé, le Tutsi n'a pas pu détruire en lui la capacité linguistique qu'il en a, capacité dont témoignent les anthropologues, les ethnologues, les ethnographes, les historiens, les archéologues, les missionnaires, etc., avec la tradition tout entière ; le Tutsi en a seulement perverti ou déplacé l'objet. Pas plus qu'on ne saurait nier l'existence du désir refoulé qui travaille en nos rêves, comme l'a montré Freud, on ne peut supprimer l'existence de celui en qui s'origine la guerre à l'Est de la RD Congo où les populations sont devenues pauperissimes.

L'émergence de la pauvreté et le développement de l'individualisme(648(*)) dans la société contemporaine conduisent à s'interroger sur la nature du lien social qui unit les citoyens. Les instances traditionnelles d'intégration que sont la famille ou l'école, sont-elles dépassées ? Comment se met en place le sentiment d'appartenance ? Le lien social est-il menacé ? L'intégration permet au lien social de se renforcer. Elle désigne le processus qui lie l'individu à des groupes sociaux et à la société, qui lui permet de se socialiser, de s'intégrer à la société et d'en tirer les éléments de son identité. L'intégration est ce qui donne une existence au groupe, au-delà de la simple juxtaposition d'individus isolés.

L'intégration passe par la socialisation : par ce mécanisme, les individus intériorisent les rapports sociaux, assimilent les valeurs, les normes et les croyances de la société. Cet apprentissage se déroule tout au long de la vie par l'intermédiaire de différents agents de socialisation (la famille, l'école, les groupes d'âge ou les relations professionnelles). Par exemple, le rôle de l'école excède largement la transmission de connaissances et l'apprentissage du savoir : l'enfant, puis l'adolescent, apprend des règles de conduite dans un groupe social élargi et prend conscience de la réalité complexe d'une collectivité. On distingue les agents primaires de socialisation (famille, école) des agents secondaires (entreprise, syndicat, association).

La distinction classique en sociologie entre communauté et société consiste à opposer deux formes de lien social. Elle a été établie à partir du constat des transformations économiques et sociales de la fin du XIXe siècle qui ont abouti aux sociétés industrielles. La communauté désigne les sociétés anciennes ou traditionnelles. Elle est le résultat d'un agencement naturel des rapports sociaux. Les regroupements sont basés sur les liens de sang (la famille), la proximité (le voisinage) et l'appartenance religieuse. Les relations sociales sont définies par leur caractère affectif et spirituel, appuyées sur la grande proximité spatiale et sociale des individus.

L'intérêt collectif prime sur l'intérêt individuel. Le rôle et le statut sont prescrits dès la naissance. Le sentiment d'appartenance dépasse le sentiment de différence. A contrario, la société est une organisation sociale réfléchie fondée sur des principes abstraits et a priori universels, que ce soit l'adhésion à un ensemble de valeurs formant un projet politique ou un calcul rationnel visant à satisfaire les intérêts particuliers. Les relations de type sociétaire induisent souvent des comportements individualistes et utilitaires, tempérés toutefois par le civisme (et le respect des lois égales pour tous) qui se distingue radicalement du sentiment d'appartenance et de l'empathie communautaire.

Le sociologue Émile Durkheim a approfondi cette différence en distinguant les sociétés à solidarité mécanique des sociétés à solidarité organique. La solidarité mécanique est une forme de lien social dans laquelle l'intégration des individus repose sur leur similitude, alors que la solidarité organique est une forme de lien social dans laquelle l'intégration des individus et la cohésion sociale reposent sur la complémentarité entre individus. Alors que les individus sont de plus en plus différents et s'émancipent de plus en plus, la division du travail permet de les rendre complémentaires, interdépendants, tous indispensables au fonctionnement de la société, ce qui consolide la cohésion sociale.

L'affaiblissement des instances traditionnelles d'intégration a des conséquences néfastes sur la cohésion sociale. Ainsi, depuis quelques décennies, les fondements du lien social sont mis à mal, laissant apparaître de multiples phénomènes d'exclusion sociale (mise à l'écart, marginalisation des individus qui ne sont plus reconnus dans un groupe donné). Le sociologue français Robert Castel parle de « désaffiliation » pour désigner la double rupture d'intégration dont un individu peut être victime : celle relative à la perte d'emploi et celle relative à l'appauvrissement de la sociabilité socio-familiale.

De son côté, le sociologue Serge Paugam parle de disqualification sociale pour rendre compte du processus d'entrée dans une situation de pauvreté. Celui-ci comporte trois phases : la première est une phase de fragilisation, la deuxième correspond à une dépendance vis-à-vis des travailleurs sociaux, la troisième à la rupture des liens sociaux. L'exclusion sociale apparaît donc comme un processus ayant plusieurs causes, qui cumulent leurs effets.

Le délitement du lien social se manifeste par l'émergence de divers dysfonctionnements. Outre l'accroissement de la pauvreté, certains phénomènes de délinquance (crimes, vols, violences urbaines) sont en constante augmentation depuis les années 1960, le taux de suicide des jeunes a doublé depuis 1975, le nombre de toxicomanes est en croissance régulière. Ainsi, de manière globale, les signes d'anomie (absence de « freins moraux », non respect des règles sociales) semblent progresser. C'est là qu'intervient le consensus et la dérivation ; il y a aussi l'ordre exponentiel qui caractérise la fonctionnalité de ces intégrations.

Du consensus, on arrive à l'intégration. Le consensus étant, en sociologie, une notion désignant l'accord explicite ou tacite établi par les membres d'un groupe ou d'une société relativement à certaines normes ou institutions, et qui offre à ces ensembles sociaux la cohésion qui leur est nécessaire, l'intégration devient alors la valeur inhérente.

La notion de consensus occupe une place importante chez les fondateurs de la sociologie, qui ont insisté sur la nature de la société comme une entité supérieure à la simple addition des parties qui la composent. Ainsi, pour Auguste Comte, le consensus est une condition indispensable à la cohésion sociale. Chez Émile Durkheim, il s'exprime à travers la conscience collective, résultat de l'agrégation des consciences individuelles.

Le consensus n'est pas tant le résultat de l'adhésion totale et entière des acteurs à des valeurs communes que le produit d'un compromis autour d'une solution moyenne (« consensus de compromis »). Dans le cas plus rare où les acteurs s'accordent non pas sur un point moyen mais sur une des positions extrêmes du débat, on parle de « consensus de polarisation ». Albert Hirschman rappelle par ailleurs que le consensus n'exclut pas le désaccord : il peut être renforcé voire établi par le départ (volontaire ou imposé) ou par la prise de parole des membres dissidents.

Le consensus présente tendanciellement un certain nombre de dangers : d'une part, une possible uniformisation de la pensée, et son corollaire, un affaiblissement de l'esprit critique ; d'autre part, la propension à tenir pour vraies des propositions qui ont pour principal mérite de limiter les dissensions. C'est dans ce contexte que la pensée mathématique nous a semblée utile pour des raisons de conservation, comme nous l'avons dit à propos du fonctionnalisme.

Comme le problème d'appartenance est un problème d'intégration, il est aussi important d'analyser l'intégration dans son domaine, mathématique voulons-nous dire, afin que le puzzle de la politique ambiante ne gangrène l'essentiel.

* 643 Lettre du 30 mars 1952 dans Lettres à Maurice Solovine,, 115.

* 644 Idem.

* 645 Idem.

* 646 Cité de Dieu, X, XII.

* 647 Traité sur l'Evangile de Jean, XXIV, 2.

* 648 La conséquence sociale de la conception de l'homme comme un composé d'une âme immortelle et d'un corps périssable par la philosophie classique crée un individualisme.

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"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon