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Identité et appartenance: temps et comput anthropologique chez R. E. Mutuza Kabe

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par Jean Francis Photios KIPAMBALA MVUDI
Université de Kinshasa RDC - Doctorat en philosophie 2012
  

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§2. Exigences politiques et les crédos mutuzistes

Ce double mouvement affleure dans la philosophie sociale de Mutuza. Comment cette conception de Mutuza du passé se conjugue-t-elle avec la projection de l'avenir ? C'est ce que suggèrent les crédos exigences normatives du pouvoir politique. En pratique, des normes de politique publique sont contraintes suivant les cas, par les sens que le consensus donne à la force, à la faiblesse, etc. L'Etat, en d'autres termes, a un mandat mutuziste pour faire ce que le consensus (à travers son interprétation de ce qui serait faible, fort, équitable, etc.) lui demande de faire.

Quel est, dans ce cas, le contenu réel de ce genre de commandements ? Comment les transcrit-on en contraintes définies, en normes pour l'action politique ? Elles sont vides de sens, dans la mesure où l'on peut dire de tout Etat, quel que soit son rôle, qu'il s'y conforme, à condition que le « consensus » soit opportunément défini comme : « ne pas s'écouter parler, mais de prendre part à la parole »(230(*)), accord minimal avec ce que les hommes de l'Etat sont en train de faire. Si cette approbation était insuffisante, l'Etat devrait évidemment changer de registre, puisque c'est cela que signifie le mot minimal dans ce contexte. Un consensus démocrate-social ne manquerait pas d'engendrer des politiques démocrates-sociales. Si le consensus se trouvait être « néoconservateurs », « libertarien » ou « nouvelle-Gauche », l'Etat adopterait vraisemblablement les mesures correspondantes, reflétant le sens très différent que l'on donnerait à la « protection des faibles » et à ce qui est « équitable ».

Cependant, on ne nous a toujours pas expliqué pourquoi et comment le consensus des hommes de volonté porte à la démocratie sociale plutôt qu'au conservatisme, au libéralisme, au socialisme...

Le consensus démocrate-social reste difficile à identifier. Quand les institutions démocrates-sociales ne sont-elles ni « trop à gauche » ni « trop à droite » mais se situent dans le centre? Dans quel sens précis répondraient-elles à la demande d' « équité » et de « protection pour les faibles » ? A un certain moment Mutuza demande une assurance obligatoire pour l'invalidité, le chômage, sans parler de vieillesse, et les moyens d'existence statutairement garantis pour quiconque est disposé à travailler. Une réversibilité évidente caractérise des détails terre-à-terre de ce genre : quel est le niveau de prestation qui constitue une assurance suffisante contre le risque en question ? Et que signifie « améliorer leur standard de vie, ...Mais qu'allons-nous faire de ces moyens ? Qu'en fait aujourd'hui l'Europe qui les a inventés et mis en oeuvre ? »231(*), -et qu'est-ce qui passe pour des moyens d'existence ? Certes, toutes les normes de ce qu'un Etat devrait faire ne sont pas facilement quantifiables. Tous ne peuvent pas être traduits en engagements précis. Et il n'y a que des engagements précis dont on puisse dire que les hommes d'Etat les ont respectés, ou ne l'ont pas fait, ou qu'ils ont outrepassé leurs pouvoirs. Sinon ces affirmations ne seraient que vague rhétorique, de simples assertions irréfutables. Par conséquent, même en condescendant à sortir des nobles généralités, à passer de planifier, étape par étape, des institutions qui préserveront la liberté, particulièrement la protection contre l'envahissement tutsi... au niveau plutôt ennuyeux des institutions concrètes que nous devons construire pour y parvenir, on ne préserve pas le discours mutuziste du danger de se faire retourner pour justifier quasiment n'importe quelle position, et s'y faire mettre n'importe quel contenu empirique, même si l'intention de départ était manifestement de verser dans la démocratie sociale modérée.

Les thèses de Mutuza sont présentes au travers de ses oeuvres (Ethique et développement, plus précisément dans Les fondements culturels du fédéralisme). Il a également écrit Le dialogue intercongolais (2002).

On pourrait le penser. Car, loin de désespérer de la chose comme nous pourrions l'attendre de l'évaluation des concepts, Mutuza a confiance dans l'ingénierie sociale.

Il reste à noter qu'après avoir placé notre confiance dans l'ingénierie sociale, fondée sur la possibilité d'une technologie sociale évolutionniste, il ne serait guère logique d'imposer à son domaine d'action une sorte de limite d'origine extérieure. Agir ainsi serait présupposé que, même si la technique est bonne, il y aurait quelque chose de meilleur au-dessus d'elle, une source de connaissance qui l'emporte sur la technologie elle-même. Une technologie sociale est fonction de la culture de l'ingénieur social.

Franz Boas (+ 1942) a tenté mieux que quiconque de parler de la culture dans sa version factuelle. Tout en se fondant sur les théories de Franz Boas, le courant de pensée culturaliste s'en détache cependant en essayant de nuancer sa définition de la culture. Ainsi, au début des années 1950, Alfred Kroeber (+1960) et Clyde Kluckohn tentent-ils de recenser l'ensemble des définitions de la culture dans l'espoir de proposer une approche plus comparative. L'anthropologie culturelle américaine demeure toutefois très imprégnée de la conception boasienne de la pluralité des cultures, l'analyse de la culture d'une société ne s'effectuant qu'en référence à elle-même avec son ingénierie.

C'est pourquoi certain a pensé que si la technologie laisse entendre que d'après le bilan factuel, il est possible de faire le bien quelque part, il serait étrange de déclarer qu'il faudrait quand même mieux ne pas le faire. Il s'ensuit tautologiquement de l'idée même d'une technologie sociale que si l'on s'attend à ce que le bilan coût-avantage d'une politique, il est préférable de la mettre en oeuvre et non de l'abandonner. Dans cette optique, il est difficile d'interpréter la mise en garde du citoyen Mutuza contre le fait de chercher à faire le bonheur des gens, ou à réaliser certaines valeurs qui leur sont chères, dont on ne doute pas qu'elles le seront une fois réalisées.232(*) Et de toutes façons, redresser les torts, apaiser la souffrance ne contribue-il pas au bonheur des gens ? Où peut-on dire que l'un s'arrête et que l'autre commence ?

Il semble y avoir une sorte d'incohérence entre l'appel à l'ingénierie sociale et la mise en garde contre l'ambition de la Communauté internationale de faire le bonheur des gens. Pourrait-on la surmonter en faisant valoir qu'un mandat pour rendre les gens heureux risque trop qu'on l'interprète comme autorisant à forcer les gens pour leur bien, -de sorte que la technologie devrait être assortie d'une contrainte, de peur qu'elle ne soit employée pour « faire le bien par la force » ? Quelque interprétation de ce genre, aussi tirée par les cheveux qu'elle soit, pourrait lier la contrainte de Mutuza « contre le bonheur » à la règle de J. S. Mill (+ 1873) interdisant de forcer les gens pour leur bien. Cependant, le corollaire de la règle de Mill est que c'est mal -moralement, déontologiquement mauvais, et pas seulement voué à l'échec, dangereux, inopportun ou inefficace- de forcer les gens si ce n'est pas pour les empêcher de faire du mal à autrui.

Il n'y a aucune trace visible d'une telle règle déontologique dans l'oeuvre(233(*)) de Mutuza. Contre la tendance potentiellement totalitaire à forcer les gens à être heureux, sa position est, pour autant qu'on puisse en juger, conséquencialiste, tout comme l'intégralité de son ingénierie sociale. Si l'ingénierie sociale représente quelque chose, c'est une suite de décisions politiques qui conduisent les gens à consacrer leurs efforts et leurs biens à d'autres fins qu'ils ne le feraient si on leur permettait de faire comme ils le jugent bon. La coercition à laquelle ils sont soumis est d'un genre que Mill n'aurait pas jugé défendable(234(*)) ; elle est en revanche positivement bienvenue dans la pensée politique de Mutuza, où la question de sa justification ne se pose pas, la simple raison étant que pour Mutuza le conséquencialiste, le bilan « globalement positif », l' « avantage net », légitime ipso facto l'emploi de la force pour y parvenir. Si le « bilan » est correctement calculé et le « coût » correctement estimé, ils prennent déjà en compte le caractère indésirable de la coercition, lequel n'a tout simplement pas assez de poids. Dans ce cas, il n'y a aucun besoin de quoi que ce soit d'autre pour légitimer, pour ainsi dire, au second tour. Que l'Etat ait « la mission de `promouvoir, d'harmoniser et de contrôler toutes les activités nationales sans s'y substituer'(...) ; et ne doit pas limiter ses préoccupations aux intérêts matériels (...), (il) doit collaborer au triomphe des valeurs supérieures et universelles sur les valeurs purement individuelles... »235(*) est une demande qui stipule que l'Etat fasse le bien, évite le mal, et dans cette manière de penser, cette demande est une question qui n'a plus de sens.

Il faut attendre les années 1990-2000 pour voir émerger des critiques qui remettent véritablement en cause l'idée de culture comme un ensemble cohérent et homogène. Les politiciens congolais marxistes, ainsi que les militants nationalistes, soulignent que le pays est dirigé par les étrangers. Cela masque en réalité les clivages entre les classes, les genres et les différentes idéologies qui s'affrontent dans la société congolaise. Des chercheurs tels que l'anthropologue Gudijiga s'insurgent sur le caractère réifiant de la culture qui, en homogénéisant et en donnant une vision statique des groupes humains, leur confère une altérité radicale et parfois déshumanisante(236(*)).

Il pense que la Communauté internationale, les Nations unies, avec ou sans la bonne foi, se force à apporter de l'aide. Elle force les autres à être heureux. Un des thèmes majeurs de cette conception mutuziste est cette découverte de l'ingénierie sociale. C'est ainsi que Mutuza a pris coutume d'énoncer des jugements normatifs en termes des conséquences qu'il désire obtenir. La démocratie doit permettre aux gouvernés de remplacer les dirigeants et de brider le pouvoir économique. Nos institutions doivent empêcher l'exploitation de moins doués, des moins impitoyables, ou des moins chanceux, empêcher même de mauvais dirigeants de faire trop de dégâts. La vie politique doit être expurgée du crime de l'anti-égalitarisme qui donnerait à certains hommes le droit de se servir des autres comme d'un instrument. L'ingénierie sociale doit améliorer notre vie et rendre nos institutions économiques et sociales plus efficaces.

Il n'y a aucune trace visible d'une telle défense dans l'oeuvre de Mutuza contre la tendance potentiellement totalitaire à forcer les gens à être heureux. Un des thèmes politiques caractéristiques de son Les fondements culturels du fédéralisme au Zaïre est une forte recommandation de limiter l'étendue du pouvoir et l'ambition de nos objectifs politiques : c'est ce qui conduit bien des libéraux (à la différence des Liberals américains) à considérer Mutuza comme l'un des leurs(237(*)). Tenter de réaliser le paradis sur terre amène immanquablement l'enfer... il faut tenir pour un devoir de lutter contre la souffrance, mais le droit de se soucier du bonheur des autres doit être limité au cercle étroit de leurs amis.

Cependant, si l'on prenait cette injonction pour la description d'une limite au domaine légitime de la politique, on serait forcement déçu. Lutter contre le mal et la souffrance, voilà bien une description parfaitement réversible de l'action politique, cela veut dire ce que le consensus souhaite que cela signifie, et de même la recommandation de ne pas chercher à faire le bonheur des gens(238(*)).

En tout cas, avant d'interpréter Mutuza comme un partisan du gouvernement limité, des limites au pouvoir d'Etat et au domaine du choix collectif, il faudrait réconcilier ces contraintes avec exigences déterminées qu'il adresse, ou juge que les citoyens peuvent légitimement adresser, à l'Etat et par implication les uns aux autres(239(*)).

Mutuza est un nominaliste, il réduit les êtres et les choses et leur nature à l'état de masse informe par les actes de foi suspects, par des pétitions de principe dangereuses. Nous sommes tous nominalistes par naissance, et en tant que nominalistes, nous avons tendance à objectiver notre monde. Mais cette tendance est seulement un accident historique et non pas une nécessité essentielle »(240(*)).

Il suffirait de réfléchir à quelques-uns des rôles que nous devrions attendre de l'Etat, proposées par citoyen Mutuza avec une bonne foi manifeste : « Nos frères et voisins immigrés chez nous, in illo tempore, ont cru qu'en prenant les armes et qu'en se joignant aux armées de leur pays d'origine ils allaient obtenir la nationalité congolaise que leur avait refusée la C.N.S. et les lois zaïroises. »(241(*)) Il écrivait ces lignes en se référant à la situation des pillages à la fermeture de la Conférence Nationale Souveraine (CNS).

Les Hima-Tutsi ont tenté de condamner l'homme privé et public, de décrier le politicien et même de rabaisser le philosophe qui ne serait qu'un « adaptateur » brillant et superficiel de Papadopoulos ; ils ne manquèrent pas de faire appel à la demande des résolutions du plan de la recolonisation tutsi au Kivu et Région Centrale de l'Afrique en 1962 : « Puisque nous sommes numériquement faibles au Kivu et que nous, pendant les élections de 1960 avons réussi d'une façon très magistrale à nous fixer au pouvoir en nous servant de la naïveté Bantoue et que d'autre part notre malignité a été découverte un peu plus tard par les Congolais, tout Mututsi de quelle région qu'il soit est tenu à appliquer le plan ci-dessous et d'y présenter une très large diffusion dans les milieux du District des Volcans.... »(242(*)). Avec cette politique d'intoxication, il est dit que «  les Bahutu craignent plus la rumeur que la lance et les militaires »(243(*)). De là la tactique de déclarer que Mutuza, s'il a des amis, a toujours beaucoup d'ennemis. Mais une « réhabilitation », comme voudrait la tenter certains de ses assistants ou l'auteur de cette thèse, serait de peu d'intérêt s'il ne s'agissait que de défendre une mémoire. Il est intéressant de montrer que cette réhabilitation permet d'écarter plusieurs contresens invétérés, concernant aussi bien la carrière, l'action politique, l'oeuvre théorique que la politique de Mutuza. Du coup, on lui restitue une dimension, une cohérence, une humanité qui justifie son prodigieux succès culturel : car sur lui repose en partie l' « humanisme » congolais, compris par la notion d'appartenance.

Certes «l'interventionnisme...conduit à un accroissement du pouvoir de l'Etat et de la bureaucratie. Mais ce n'est, encore une fois, qu'un problème de technologie sociale et d'ingénierie sociale détaillée...la liberté se planifie, il n'y a pas que la sécurité », écrit Mutuza au ministre qui avait en charge la Recherche Scientifique et Technologique.

Comment quiconque pourrait-il désavouer ces objectifs-là, et comment pourrait-on ne pas applaudir la constitution institutionnelle capable de les réaliser ? Et c'est d'autant plus facile d'être d'accord qu'approuver ces buts ne nous engage absolument à rien. Les conséquences que Mutuza nous encourage à rechercher lorsque nous faisons des choix politiques, sont de nature telle que si nous allons à droite plutôt qu'à gauche, en avant et non en arrière, nous pourrons toujours dire que ce sont eux que nous recherchons. Qui ne pourra jamais prouver que nous ne sommes pas en train de construire la liberté ?, ou que nous commettons le crime d'anti-égalitarisme ?

La partie difficile de la théorie politique de Mutuza, c'est sa laborieuse mise au point non de ce que nous voulons, mais de la manière de l'obtenir. C'est assez facile appeler à des institutions construites pour faire ceci, cela et encore cela. L'incertitude et la sueur apparaissent lorsqu'il faudra effectivement planifier ces institutions qui feront les choses en question, et (avant même de commencer à tracer les plans) les décrire dans le rude langage du technicien qui possède, lui, un contenu d'information réfutable.

Quelles sont le règles auxquelles le choix collectif doit être soumis pour qu'il puisse passer pour démocratique ? Qu'est-ce que nous devons faire, ou nous abstenir de faire, pour faire fonctionner efficacement une économie ? Qu'est-ce qu'un contrat équitable, quelles sont les lois dont nous avons besoin pour faire respecter les contrats qui sont justes, et annuler ceux qui ne le sont pas ? Ce n'est pas suffisant de dire que les institutions doivent être justes, ou rationnelles. Toutes nos institutions le sont, ou aucune ne l'est, au bon plaisir de l'observateur. Mais à la fin des fins, il faudra bien dire, dans une langue non réversible, dans quelle mesure précise elles sont censées de se conformer à quels critères précis.

Nous sommes ici invités à une réflexion sur la condition humaine vue à travers le prisme privilégié de l'appartenance et de la résistance à toute tentative qui nous y exclurait. Rien n'est plus dramatique qu'une appartenance forgée suivant un mythe. Et le mythe de l'appartenance des Hima-Tutsi s'est édifié sur celui d'un animal, le boeuf,... chacun peut le comprendre : tout mythe d'appartenance consiste en une infraction à la loi naturelle ; celle-ci veut qu'un homme n'ait jamais rien en propre en terme de langage. Qu'il tente de le faire et voilà ses héritiers plongés dans les pires embarras. Les Hima-Tutsi avaient légitimement pris possession de l'héritage bovin, joui de ses biens. Son appartenance les oblige à restituer tout ce dont son langage les avait gratifiés. Autant dire que l'appartenance à un langage met nécessairement les héritiers vivants dans une situation impossible. Leur réaction naturelle sera de nier le retour à la vie d'un défunt, d'y voir une supercherie. Et en tout cas de se refuser à lui rendre l'héritage dont la mort les avait mis en légitime possession.

Les Hima-Tutsi le savent : rien n'est plus difficile que de convaincre les Bantu de la simple possibilité de s'approprier d'une des leurs terres, qu'il s'agisse de la leur exproprier ou de se l'y associer. Avant les Tutsi, personne n'avait jamais signalé aucun cas de ce genre. Cela ne manquait pas de rassurer les Bantu, encore émus par les tueries, massacres, vols, viols perpétrés à l'est de la RD Congo.

Or voilà que la RD Congo, avec ses terres, se met en mesure et prend conscience de son appartenance. Les Congolais caressent ce projet, taxé par tous, surtout la fameuse communauté internationale, de folie depuis plus de dix ans. Nous n'entrons pas au Ruanda où les Hutu souffrent de l'opprobre animalité Tutsi. Nous sommes chez nous en RD Congo, les massacres perpétrés par le Ruanda se traînent dans le huis-clos de leurs ghettos en se réfugiant dans les rébellions (les plus horrible sont celles de Tutsi comme Ruberwa avec son RCD et CNDP de Nkunda Batruare, un rebelle de RCD de Ruberwa) et sollicitant l'aide de la communauté internationale. Mutuza refuse tout bien fait forçant les autres à être heureux. « La situation d'exception prévalant dans le pays peut justifier que l'on recourt, de façon réaliste ou pragmatique(244(*)), à des solutions d'exception »(245(*)). Or ce refus est justifiable et justiciable pourvue que l'on soit sur une bonne base épistémologique des deux disciplines de la science sociale. Ces deux disciplines nous aideront pour comprendre l'appartenance et le mythe. Il s'agit de l'ethnologie et de l'anthropologie.

Les historiens sont en général d'avis qu'un texte court a des chances d'être plus ancien. Par ce fait, l'antériorité de la culture bantu semble être concluante.

Fort de ce qui vient d'être dit, nous croyons que les Tutsi sont des nomades qui au départ furent des esclaves chez les Bantu et dont l'écrasante culture des agriculteurs les ont assujettis jusqu'à leur imposer, dans les moindres détails, la langue kihutu. Il est dès lors aisé de comprendre pourquoi il n'y a nulle part en RD Congo une langue kitutsi.

Chercher à définir les concepts de la Science Coloniale serait de peu d'importance du fait que réévaluation des concepts s'y oppose. Si nous nous y appliquons, nous serons hors l'idée de notre auteur et nous ne lui serons plus fidèle. Il faut aussi noter avec Baumann et Westermann que « la classification des langues est le complément nécessaire de la répartition ethnographique des tribus et peuples ; le plus souvent d'ailleurs, cette dernière s'appuie sur les faits linguistiques »(246(*)). ils ajoutent que « l'étude de la structure des langues n'a pu être qu'esquissée ici, mais cette étude aide très nettement à comprendre les civilisations et l'esprit qui les a inspirées » (247(*)).

Qui plus est, l'erreur capitale de la science coloniale et des anthropologues constructeurs du mythe « Hima-Tutsi » dans un essentialisme méthodologique, et surtout de la philosophie analytique de Crahay et ses émules, consiste à penser qu'il est possible d'atteindre quelque chose comme définition exacte et, de manière plus large, un discours précis qui ne faillasse plus par quelque ambiguïté ou confusion typique du langage ordinaire. Car précision et exactitude sont, en matière de discours, des idéaux trompeurs et fallacieux.

Quand on s'attelle à des descriptions, il faut éviter d'abréger tout élément étranger. S'il en fallait, il vaudrait mieux le faire là où ce qui était proprement congolais est faible et où ce qui était étranger à la RD Congo l'emporte d'autant. C'est ce que Papadopoulos fit dans La poésie dynastique du Rwanda et l'épopée Akritique.

* 230 Ibidem, p. 9.

* 231 MUTUZA, K., Ethique et développement, p. 45.

* 232 Mutuza s'interroge souvent du rôle de la Communauté internationale, plus particulièrement de la MONUC dans la résolution de conflits armés. Cette indignation fait que, pour lui, un élément de l'ingénierie sociale peut non seulement redresser les torts et apaiser la souffrance mais contribuer au bonheur de certains. Il pose la question de savoir pourquoi ne doit-on pas aller de l'avant ?

* 233 Un trait majeur de Mutuza est en effet qu'ayant toute sa vie côtoyé de grands anthropologues, au point d'exercer sur certains d'entre eux une influence notoire (Gudijiga, hélas ! et Wingenga,, inévitablement), il n'a jamais appris assez de théorie anthropologique pour éviter que ses écrits politiques ne fourmillent d'erreurs de ce genre qui, même si on admettait sa méthodologie et ses moyens de preuves, ôtent toute pertinence et même toute apparence de sérieux à ses conclusions politiques. Conséquence de son historicisme, ou paresse pure et simple ?

* 234 Mill le libéral, qui ne voulait admettre l'emploi de la force que pour empêcher les gens de porter atteinte aux intérêts les uns des autres, était lui-même en danger de tomber dans un problème compatible avec Mill le socialiste, qui prétendait réorganiser la distribution du produit social, après qu'il avait été attribuer à l'issue d'un processus où des acheteurs et des vendeurs consentants avaient exercé des droits de propriété légitimes.

* 235 MUTUZA, K., Dialogue inter-congolais, Prolégomènes à une culture démocratique, p. 20.

* 236 GUDIJIGA, Sociétés et cultures africaines, p. 50. Cours inédit 2007.

* 237 Dans ces pages du Les fondements culturels du fédéralisme au Zaïre, il argumente avec éloquence contre les tentatives pour faire le bonheur des gens : l'homme politique doit se limiter à lutter contre les maux et ne jamais se battre pour des valeurs « positives » ou « supérieurs », telles que le bonheur...

* 238 Si le principe du « dommage », quand même plus rigoureux, de John Stuart Mill, a pu être retourné au point de signifier un appel à l'Etat providence, (car ne pas venir en aide aux gens est leur faire du tort), que n'est-il pas possible de lire dans le « Lutter Contre la Souffrance et Non Pour le Bonheur » de Mutuza ?

* 239 Non seulement la liste de telles exigences demeure ouverte, mais chacune de ces exigences, prise isolément, est susceptible de servir de prétexte à une action coercitive de l'Etat, qui n'aurait d'autre limite que le risque de l'épuisement ou de la révolte des contribuables.

* 240 KIPAMBALA, M.-JFP., Temps et Apocatastase chez Grégoire de Nysse, p. 91.

* 241 MUTUZA, K., La Problématique du Mythe Hima-Tutsi, p. 85.

* 242 BARAHINYURA, Sh. J., Rwanda, Trente deux ans après la Révolution sociale de 1959, Ed. Izuba Frankfurt am Main, 1992, p. 126.

* 243 Ibidem, p. 130.

* 244 Nous signalons ici que Mutuza n'utilise pas le terme pragmatique dans le sens de la vérité comme utilité. Ce qu'il faut bien voir, c'est que derrière les théories pragmatistes en général, de manière vague et très large, reposant sur une certaine idée d'utilité ou de succès, Mutuza chasse le relativisme et tous ses avatars.

* 245 MUTUZA, K., Le dialogue inter-congolais prolégomènes à une culture démocratique, p, 38.

* 246 Les peuples et les civilisations de l'Afrique, p. 7.

* 247 Idem.

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld