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Identité et appartenance: temps et comput anthropologique chez R. E. Mutuza Kabe

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par Jean Francis Photios KIPAMBALA MVUDI
Université de Kinshasa RDC - Doctorat en philosophie 2012
  

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§2. Marxisme, socialisme ou isolement politique : question des mots ?

La problématique du mythe Hima-Tutsi poursuit l'analyse sur l'absurdité du monde à la manière de Camus (+1960) avec le Mythe de Sisyphe ; elle en propose une théorisation sous forme d'essai. L'auteur interroge la résistance et la lucidité du monde occidental(275(*)) en faveur des Tutsi ; il fonde son propos sur la légitimité de l'hégémonie, l'expansion et le racisme(276(*)), ce que nous qualifions d'entropologie, considérée comme l'une des manifestations les plus libertaires de l'absurde, tentant ainsi de démontrer, par l'exemple de l'Histoire et le constat de l'expérimentation, que la seule attitude viable est la médiation morale.

Si pour Camus les questions sont celles de savoir « Comment un socialisme, qui se disait scientifique, a-t-il pu se heurter ainsi aux faits »(277(*)), la réponse de Mutuza est simple : il n'était pas scientifique. Pourtant les explications de Camus sont d'une importance capitale. Le marxisme de Mutuza est partiel, il emprunte ceci à Camus, l'« échec (de Marx) tient, au contraire, à une méthode assez ambiguë pour se vouloir en même temps déterministe et prophétique, dialectique et dogmatique »(278(*)). Si l'esprit n'est que le reflet des choses, il ne peut en devancer la marche, sinon par l'hypothèse. Si la théorie est déterminée par l'économie, elle peut décrire le passé de la production, non son avenir qui reste seulement probable. La tâche du matérialisme historique ne peut être que d'établir la critique de la société présente ; il ne saurait faire sur la société future, sans faillir à l'esprit scientifique, que des suppositions. Camus poursuit qu' « Au reste, n'est-ce pas pour cela que son livre fondamental s'appelle le Capital et non la Révolution ? Marx et les marxistes se sont laissés aller à prophétiser l'avenir et le communisme au détriment de leurs postulats et de la méthode scientifique »(279(*)).

Cette prédiction ne pouvait être scientifique, au contraire, qu'en cessant de prophétiser dans l'absolu. Le marxisme n'est pas scientifique ; il est, au mieux, scientiste. Il fait éclater le divorce profond qui s'est établi entre la raison scientifique, fécond instrument de recherche, de pensée, et même de révolte, et la raison historique, inventée par l'idéologie allemande dans sa négation de tout principe régulateur. La raison historique n'est pas une raison qui juge le monde. Elle le mène en même temps qu'elle prétend le juger. Ensevelie dans l'événement, elle le dirige. Elle est à la fois pédagogique et conquérante. Ces mystérieuses descriptions recouvrent, d'ailleurs, la réalité la plus simple. Si l'on réduit l'homme à l'histoire, il n'a pas d'autre choix que de sombrer dans le bruit et la fureur d'une histoire démentielle ou de donner à cette histoire la forme de la raison humaine.

Dans Les fondements culturels, Mutuza démontre que l'histoire du nihilisme contemporain n'est qu'un long effort pour donner, par les seules forces de l'homme, et par la force tout court, un ordre à une histoire qui n'en a plus. Cette pseudo-raison finit par s'identifier alors avec la ruse et la stratégie, attendant de culminer dans l'Empire idéologique. Que viendrait faire ici la science ? Rien n'est moins conquérant que la raison. On ne fait pas l'histoire avec des scrupules scientifiques ; on se condamne même à ne pas la faire à partir du moment où l'on prétend s'y conduire avec l'objectivité des scientifiques. La raison ne prêche pas, ou si elle prêche, elle n'est plus la raison. C'est pourquoi la raison historique est une raison irrationnelle et romantique, qui rappelle parfois la systématisation de l'obsédé, l'affirmation mystique du verbe, d'autrefois.

Cette lutte est dans l'analyse que Mutuza fait du Programme de l'idéologie -politique de l'AFDL. L'auteur de La problématique du mythe Hima-Tutsi se donne la peine d'étudier la philosophie du langage. Il prend la responsabilité de réévaluer les concepts des dix leçons du Programme de l'AFDL. Il attaque le Programme dans l'emploi de certains concepts : « Par ailleurs, l'usage de certains concepts stéréotypés employés en dehors de tout contexte précis et sans nuance, donne l'impression d'un amalgame des propositions juxtaposées sans lien logique contraignant ni valeur significative précise. Et tout cela exprimé dans un vocabulaire, dont les auteurs n'ont manifestement pas la maîtrise. Ce qui conduit à des analyses simplistes et contradictoires(280(*))». A ce verbiage informe s'oppose une quête d'exactitude inspirée de la méthodologie scientifique. Il se met pour cela sur les pas de Carnap (+ 1970) pour qui la clarification des concepts est l'unique tâche d'une philosophie digne de ce nom. Mutuza s'inscrit dans cette optique. Dans La Construction logique du monde, Carnap définit son projet comme « la recherche de définitions nouvelles pour des concepts traditionnels, en vue d'une plus grande clarté ». Il y a un positivisme qui conduit directement à une lutte pour les mots comme celle des classes chez Marx.

La lutte de Mutuza prouve à suffisance qu'il maîtrise le terrain marxiste. Il dit : « ces concepts n'évoquent-ils pas l'image des mines anti-personnelles que l'on veut semer sur le territoire congolais pour voir notre pays imploser en vue de permettre, aux pêcheurs en eaux troubles, d'exécuter leur sale et ignoble besogne ? »(281(*))

Pour cela, « il apparaît ainsi que la forme comme le fond de l'idéologie politique ne disent pas ce qu'ils pensent vraiment. Les catégories utilisées ainsi que certains concepts : Révolution, lutte des classes, exploiteurs, exploités, espionnage, ennemis, soldats, guerre, milices...ne sont-ils pas, en réalité, l'échos de la formation idéologique de certains responsables de l'AFDL, formation qui date de l'époque de l'émancipation coloniale et qui était tirée certainement d'une idéologie marxiste, maoïste mal assimilée ? »(282(*)). La précision dans l'emploi et l'acception des termes mène à la clarté dans l'expression. Dans sa Syntaxe logique du langage, Carnap avance que c'est avec de tels concepts « clarifiés » qu'il sera possible d'envisager une « philosophie plus exacte ». Mutuza insiste sur la distinction entre clarté et précision; bien qu'il est contre la tendance carnapienne, tendance qu'il ne maîtrise d'ailleurs pas.

* 275 MUTUZA, La problématique du Mythe Hima-Tutsi, p. 1.

* 276 Idem.

* 277 CAMUS, A, l'Homme révolté, Paris, Gallimard, 1951.

* 278 Idem.

* 279 Idem.

* 280 MUTUZA, De la problématique du Mythe Hima-Tutsi, p. 39.

* 281 Ibidem, p. 39-40.

* 282 Ibidem., p. 39.

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