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Identité et appartenance: temps et comput anthropologique chez R. E. Mutuza Kabe

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par Jean Francis Photios KIPAMBALA MVUDI
Université de Kinshasa RDC - Doctorat en philosophie 2012
  

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v La politique et le langage

Il faut distinguer la politique du langage chez Mutuza. Mais quel sens il y a-t-il à insister sur cette distinction ? N'est-ce pas fondamentalement contradictoire avec l'esprit mutuziste ? L'auteur de Mon expérience d'homme politique congolais recommande de ne pas s'attarder sur la question des mots. Qui plus est, il n'y a pas dans notre cas ambiguïté d'un terme mettant en jeu quelque chose plus vaste. C'est qu'au fond, l'important n'est pas de ne pas confondre clarté et précision, mais de dénoncer la quête de précision comme illusoire et dangereuse. La différence est de taille. Ce que l'on trouve chez Mutuza est une critique de l'idéal de précision lié fortement à celui de certitude, ce n'est pas une querelle sur les mots.

Il ne faudrait pas attribuer le souci de précision aux seuls philosophes de notre siècle. On peut trouver chez maints auteurs classiques les idées similaires. Hume évoque dans la section VII de L'enquête sur l'entendement humain l' « explication exacte » des mots qui en fixerait le sens précis et résoudrait une part de problème que constitue la trop fréquente obscurité régnant en philosophie. Mutuza est contre cette philosophie de la croyance parce que Hume préconise l'incommensurabilité du discours philosophique. Or, ce que nous avons appelé l'idéal de précision repose justement sur cette croyance en l'existence d'un sens précis dont nous informerait une définition exacte, autrement dit la définition véritable, rigoureuse, complète, du mot ou du concept en question.

L'idée frégéenne de définition d'un concept illustre ce que Mutuza nomme un dialogue de sourds(283(*)). Si l'on revient chez Frege (+ 1925), on voit, dans les lois fondamentales de l'arithmétique, que l'on peut définir un concept en déterminant « de manière non ambiguë si un objet est subsumé ou non par le concept correspondant ». Puis il ajoute: « Pour utiliser une métaphore, le concept doit posséder des frontières ».

De manière plus générale c'est, comme pour Frege, c'est par la définition que l'on escompte gagner en précision, et éventuellement atteindre la précision et selon Carnap (+ 1970), par exemple, expliquer une certaine chose, c'est la remplacer par le concept exact qui lui sert d'explicans. Mais on voit immédiatement l'écueil que rencontre ce souhait : la régression ad infinem. En effet, il se trouvera toujours dans la nouvelle définition des termes à définir, puisque l'on veut être absolument précis. Sauf à admettre, qu'on finit par arriver à des termes indéfinissables primitifs, parce que logiquement simples et minimaux. On reconnaît là ce qui fut la position de Frege, contre Hilbert notamment : le choix des termes indéfinis, comme les axiomes d'une théorie, n'est pas arbitraire. Mutuza montre qu'une y a une différence entre le concept et le terme. Un concept peut être exprimé en plusieurs terme, tandis qu'un terme est toujours identitaire. L'exemple des concepts d'Etat, de Tribu, de nation...

C'est pourquoi la recherche de la précision ne peut pas, ne doit pas, être une fin en soi. Elle entraîne au demeurant la plupart du temps une perte de temps et d'énergie sur des préliminaires qui se révèlent le plus souvent inutiles : « pour pouvoir porter un jugement objectif et impartial sur mon ouvrage »(284(*)). Ce qui serait grave c'est d'avoir une perte de clarté dans l'expression. « En effet, clarté et précision sont des fins différentes, parfois même incompatibles »(285(*)) . Parce que seule la clarté est une valeur intellectuelle -en tant qu'exigence ayant trait au discours et à sa présentation, elle conditionne la bonne marche de la discussion critique et sa possibilité.

Pour Mutuza tendre à la clarté de ses pensées et à leur lucidité, c'est un devoir moral pour tous les intellectuels. Le manque de cette clarté est un péché, la prétention un crime.(286(*))

Il sied toutefois de ne pas se méprendre sur le statut de l'idée de clarté. Pas plus que l'exactitude, elle ne peut fournir un quelconque critère systématique de vérité ou de préférence. Elle n'est pas plus que l'exactitude. « La situation d'exception prévalant dans le pays peut justifier que l'on recourt, de façon réaliste ou pragmatique, à des solutions d'exception »(287(*)).

Comme souvent Mutuza procède par défaut, autrement, la clarté et la distinction constituent des traits, l'obscurité et la confusion sont susceptibles d'être des indices de l'erreur. Il s'agit d'un principe régulateur, une sorte de critère pragmatique(288(*)), témoin d'un esprit ouvert à la critique. Il est en effet fort difficile de soumettre à la critique des idées présentées de façons obscure et floue.

La suspicion à l'égard de la terminologie se présente en ces termes également. Ce qui est refusé n'est pas l'apport, parfois réel que peut donner une mise au point sur le sens d'un mot, mais l'attitude obscurantiste qui peut se cacher derrière le pointillisme. Ce qu'évite Mutuza, c'est bien « une telle confusion,...critique tendancieuse et calomnieuse, se refugiant dans les affirmations gratuites et qui, pour peu qu'elle se soit permise de coller au texte »(289(*)). C'est  la pseudo-exactitude qu'elle implique au nom de ce que l'on appellera le principe d'effort : « je vous mets au défi de citer dans mon texte le ou les passages où j'utilise les termes...que vous employez de manière scandaleusement confuse qui témoigne de votre ignorance crasse de ces concepts élémentaires du marxisme »(290(*)). Il convient de ne pas interpréter cette maxime en un sens wittgensteinien, insinuant qu'il y a des choses qui ne peuvent être dites (mais juste, par exemple, montrées). Il n'est rien qui soit plus étranger à l'esprit de Mutuza que ce genre de mysticisme. Ce qu'il faut retenir est ce devoir moral pour les intellectuels qu'est le rejet de l'obscurité dans l'expression des idées, ainsi que le souci de n'être pas plus précis que la situation ne l'exige.

Mutuza donne une nouvelle image de la lutte et du marxisme Le seul aspect scientifique du marxisme se trouve dans son refus préalable des mythes et dans la mise au jour des intérêts les plus crus, comme le pense Camus. Mais en cela, Marx n'est pas plus scientifique que La Rochefoucauld (+ 1680). Cette attitude est celle qu'il abandonne dès qu'il entre dans la prophétie. On ne s'étonnera pas que, pour rendre le marxisme scientifique, et maintenir cette fiction, utile au siècle de la science, il eût fallu au préalable rendre la science marxiste, par la terreur.

On pense que le progrès de la science, depuis Marx, a consisté en gros, à remplacer le déterminisme et le mécanisme assez grossier de son siècle par un probabilisme provisoire. Marx écrivait à Engels (+ 1895) que la théorie de Darwin (+1882) constituait la base même de leur théorie. Pour que le marxisme restât infaillible, il a fallu nier les découvertes biologiques depuis Darwin. Comme il se trouve que ces découvertes, depuis les mutations brusques constatées par de Vriès (+1935), ont consisté à introduire, contre le déterminisme, la notion de hasard en biologie, il a fallu charger Lyssenko (+ 1976) de discipliner les chromosomes, et de démontrer à nouveau le déterminisme le plus élémentaire.

Pour cela, le XXeme siècle devra nier aussi le principe d'indétermination en physique, la relativité restreinte, la théorie des quanta et enfin la tendance générale de la science contemporaine. Le marxisme n'est aujourd'hui scientifique qu'à condition de l'être contre Heisenberg (+ 1976)(291(*)), Bohr(292(*)), Einstein (+ 1955)(293(*)) et les plus grands savants de ce temps. Après tout, le principe qui consiste à ramener la raison scientifique au service d'une prophétie n'a rien de mystérieux. Il s'est déjà appelé le principe d'autorité ; c'est lui qui guide les Églises lorsqu'elles veulent asservir la vraie raison à la foi morte et la liberté de l'intelligence au maintien de la puissance temporelle.

* 283 MUTUZA, K., Mon expérience d'homme politique congolais, p. 48.

* 284 Ibidem, p. 46.

* 285 POPPER, K., Post-scriptum I, préface de 1956, p. 27.

* 286 Le citoyen Kangafu Gundumagana fut Directeur de l'Institut Makanda Kabobi. En juillet 1985, il réagit, en tant censeur à l'idéologie du Parti Etat, à l'ouvrage de citoyen Mutuza. Cet ouvrage était attendu à l'imprimerie. Avec un ton ferme, Kangafu règle ses comptes à Mutuza. Celui-ci de son côté réagit dans une polémique tel un Moore en face de Martin Luther le réformateur allemand.

* 287 MUTUZA, K., Le dialogue inter-congolais prolégomènes à une culture démocratique, p, 38.

* 288 Mutuza ne connaît certes pas bien le terme pragmatique. Nous avions souligné ci-haut que les mots ne l'importent peu. Il est à l'aise à cause de son état d'esprit ouvert à la critique. Il est en effet fort difficile de soumettre à la critique des idées présentées de façons obscure et floue.

* 289 MUTUZA, K., Mon expérience d'homme politique congolais, p. 51.

* 290 Ibidem, p. 49.

* 291 Physique et philosophie, p. 57. Voir aussi Les principes physiques de la théorie quantique, p. 26.

* 292 Complémentarité, p. 31.

* 293 Comment je vois le monde, 27.

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"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore