WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Identité et appartenance: temps et comput anthropologique chez R. E. Mutuza Kabe

( Télécharger le fichier original )
par Jean Francis Photios KIPAMBALA MVUDI
Université de Kinshasa RDC - Doctorat en philosophie 2012
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

Section 3. Evolution des systèmes

§1. Appartenance au lignage et identité sociale des familles grand-lacustres

Comme nous ne sommes pas ici au théâtre La Nuit des rois de Shakespeare, nous devons envisager les processus génétiques selon lesquels la présence des gènes appariés, de provenance hétérogène (père et mère d'espèce et race différentes), au lieu de réaliser une expression somatique intermédiaire, hybride, ou de dominance d'un des caractères au détriment de l'autre, pourront réaliser, soit un caractère nouveau (n'appartenant pas aux parents), soit neutraliser à la fois les caractères des deux parents (appariement génitique mutilant).

Nous abordons le problème classique des compatibilités et des incompatibilités structuro-technologique avec leurs corollaires politiques de catalyse et dialyse des processus de synthèse constructive ethnique. C'est d'ailleurs l'évolution des systèmes politiques qui, on ne sait pas si ils sont héréditaires du point de vue sociale ou génétique si bien que de deux, la loi de la ãíåóéò (génération) est présente et celle de la ö?ïñÜ (corruption ou destruction) s'en suit sans peine pour l'évolution d'un système par les mariages (ãáìïò)(485(*)).

On entend par évolution la transformation graduelle ou progressive ; l'on peut dire que le lingala est une langue en perpétuelle évolution. En philosophie on parle de l'enchaînement causal de phénomènes appliqué à l'univers ou à une totalité. Elle est opposée, en ce sens au principe de la création divine. C'est une transformation lente aboutissant à la diversification des espèces vivantes au cours des temps à partir d'une même forme de vie primitive. Certains parlent du développement d'une famille.

Cette famille comprend les descendants d'un même ancêtre ; ses membres consanguins constituent un lignage. On peut distinguer des patri et des matrilignages selon le mode de transmission de la parenté et de la succession.

Dans la mesure où les femmes sont prises selon le principe d'exogamie, en dehors du lignage, elles restent des étrangères au sein de la famille. Elles participent ainsi directement aux termes des échanges entre les lignages ; et surtout théorique, généralement femme contre bien précieux dans un système plus complexe. Cette institution s'est étendue aux mariages endogamique, c'est-à-dire aux relations d'alliance qui se nouent à l'intérieur du lignage, et qui dans certains cas peuvent être préférentielles.

Le type même de ces préférences est les mariages entre cousins germains. Là où la conception occidentale ne voit qu'une parenté au 4e degré, quelle que soit l'origine des conjoints, un grand nombre de sociétés distinguent quatre cas différents de mariages pour un jeune homme ; avec la fille du frère de son père ; de la soeur sa mère ; de la soeur de son père, du frère de sa mère. Les deux premières sont appelées cousines parallèles, les secondes cousines croisées. L'avantage de ces mariages ne s'explique que par la nature des structures familiales qui sont souvent fort différentes d'une population à une autre dans une même région géographique.

Egalement fort différents sont d'un groupe à un autre le mode de transfert des femmes et le montant de la contrepartie. Celle-ci peut être relativement élevée et atteindre l'équivalent de plusieurs années de revenus ou au contraire entre tout à fait symbolique. De toute façon on ne peut parler d'achat au sens où nous l'entendons : la femme qui quitte sa famille la prive d'une certaine force de travail(486(*)). En Afrique les richesses de la « dot » (ou plus précisément de la compensation matrimoniale) sont constituées aussi en partie par des prestations des services du fiancé, puis du mari, à son beau-père, selon des modalités bien définies et qui seront précisées. Ces échanges ne peuvent s'expliquer que par la nature de l'organisation de la société, par sa structure familiale composée de lignages, par la conception du travail. La notion de valeur du travail, travail manuel, bien entendu, puisque les sociétés qui nous occupent peuvent être qualifiées de pré-industrielles, est ambiguë. Si l'idée de reconnaître, au moins implicitement, à la force de travail, au moins implicitement, à la force de travail une valeur économique est universelle, le concept de son honorabilité n'est pas partagé par toutes les sociétés(487(*)). « En Afrique les populations paléo-nigritiques ou paléo soudanaises l'honorent, mais celles qui ont appartenu aux Etats et Empires le méprisent et en abandonnent le monopole aux esclaves. Chez les Haoussa, on considère que la terre n'est source de richesse que dans la mesure où l'homme l'a fécondée par son action, ce qui confirme la non-valeur de la possession foncière et l'importance du travail, donc de l'homme, dans les sociétés africaines traditionnelles. On ne saurait comprendre l'attitude de certaines populations africaines vis-à-vis du travail manuel qu'en examinant la division de la société traditionnelle en catégories sociales : nobles, hommes libres, esclaves. »(488(*)).

L'esclavage déterminé par la transformation d'anciennes communautés familiales en Etats centralisés, a eu pour effet d'abandonner à la main-d'oeuvre servile le travail de la terre(489(*)). Le mépris de cette activité par les hommes libres qui seuls auraient pu avoir intérêt à augmenter la production en adoptant de nouvelles méthodes, a abouti dans la zone des grands Etats à une stagnation de l'agriculture pendant de longs siècles. Par contre les populations de villageois indépendants qui ne relevaient pas de ces Etats ont pu faire progresser lentement mais effectivement l'agriculture. Cependant d'une manière générale, qu'elle qu'ait été le statut des cultivateurs, les Africains ont toujours recherché des formes collectives de travail agricole. L'homme isolé sur son champ n'obtient jamais un bon rendement : s'il y est contraint, il essaie de trouver un palliatif sonore, un outil muni d'anneaux qui cliquètent et rythment l'effort comme la houe, « temo » de Aphende. Mais les meilleures conditions sont celles qui correspondaient naguère avec les dimensions de la famille étendue, qui pouvait aligner au moins une dizaine d'hommes sur un seul des champs cultivés par le groupe. Malgré les tendances à la fragmentation de la famille étendue en familles nucléaires, on retrouve en Afrique des unités d'exploitation groupant de nombreux travailleurs, comme chez les Hutu au Rwanda.

L'impact de la colonisation européenne a indirectement provoqué la rupture des unités familiales de grandes dimensions qui correspondaient à une unité d'exploitation. On a souvent mis en cause l'économie de marché comme facteur de cette désintégration, mais ce serait oublier qu'elle était pratiquée de longue date en Afrique. On peut encore reconnaître des zones où l'on retrouve des témoins matériels des monnaies de fer : tiges ou plaquettes en forme d'instrument aratoire ou d'arme, monnaie de bronze, monnaie de coquillage (cauris provenant de l'Océan Indien). Ce n'est que dans la mesure où les cultures industrielles - café, cacao, arachide, coton, etc.. - se sont développées que le facteur économique est devenu prédominant. Dans l'organisation économique traditionnelle le chef du groupe familial avait le contrôle absolu sur la production, lui seul commandait la main-d'oeuvre, lui seul redistribuait les richesses et la nourriture.

Dès l'instant que les plantes cultivées purent être vendues directement à un commerçant qui les payait comptant, les choses changèrent et les hommes placés sous l'autorité du chef de famille n'acceptèrent plus la concentration du produit de la vente entre les mains de ce dernier. Ils commencèrent par vendre à leur profit la production des petits champs qu'ils travaillaient pour leur compte personnel, après avoir effectué les travaux sur les champs communs du groupe familial, puis cherchèrent a augmenter leur propre production au détriment de celle de la communauté. Les chefs de familles étendues tentèrent de résister sur le plan de la distribution des terres et des femmes dont ils avaient le double monopole. S'ils ont conservé, au moins en principe, le dernier, ils ont dû abandonner le premier et accorder des terres et l'autonomie économique à leurs dépendants. On pourrait croire revivre les heures pénibles du XIXème siècle, où certaines communautés paysannes du centre de la Frances « véritable Républiques des parents », se trouvèrent confrontées aux mêmes problèmes : « ... les jeunes gens...ne voulurent plus travailler qu'à leur fantaisie pour le compte de la communauté, détournant tout ce qu'ils pouvaient soit de travail, soit d'autres objets communs, au profit de leur propriétés particulières, dont la règle leur interdisait cependant l'exploitation directe. Ils s'arrogèrent aussi le droit d'exiger des comptes et de surveiller la réparation des fruits. De là des défiances et souvent des querelles. Dès lors, les jours de calme et de bonheur que la communauté avait accomplis disparurent sans retour »(490(*)).

Il semble cependant que les jeunes hommes Africains ont su, plus vite et plus complètement que ceux de la France rurale, acquérir leur indépendance malgré des obstacles d'ordre social. En effet, ce n'est que dans la mesure où un homme est marié et a un enfant au moins qu'il peut être considéré comme chef d'une famille, donc d'une exploitation agricole. Dans certaines populations de la RD Congo, les Lega et Hutu notamment, le garçon voudrait-il créer une plantation de Tumba, qu'il ne le pourrait pas, car les arbres ne se plantent que dans les champs des bananiers après une première récolte. Seules les femmes, selon des croyances universelles, peuvent faire les semailles car représentent l'élément fécondant de la terre-Mère. Aucun jeune homme ne s'aviserait de violer ce principe. Aussi doit- il se marier rapidement, mais seul le père peut décider du mariage et payer la « dot de la fille ».

Finalement le garçon quitte le village et va gagner l'argent de la compensation matrimoniale qu'il remet à son père pour obtenir une femme et par là même la liberté d'exploiter.

En France le jeune couple qui acceptait d'aller vivre sur l'exploitation de ses parents et beaux-parents était souvent astreint à des conditions aussi rigoureuses que dans l'Afrique traditionnelle. Dans un contrat de mariage du début de ce siècle, ne lit-on pas : « ... les futurs époux iront faire leur demeure et résidence en la maison et compagnie des père et mère du futur époux qui s'obligent à les loger, nourrir, éclairer, chauffer, blanchir et entretenir, eux et les enfants à naitre du mariage, à la charge pour les futurs époux d'apporter dans la maison commune leur travail matériel ». Les époux se trouvent ainsi placés dans une situation de dépendance morale et économique par rapport aux parents du jeune homme. On peut préciser qu'en règle générale, ils ne recevaient pas de salaire régulier : le fruit de leur travail était représenté par l'héritage de la propriété après le décès des parents.

Si les jeunes gens africains réussirent à conquérir très vite leur liberté d'exploiter leurs champs à titre personnel, ils durent se rendre rapidement à l'évidence qu'ils n'en tiraient pas un gain substantiel. Le travail qu'ils devaient effectuer seuls en était d'autant plus pénible. Comment concilier les activités en groupe qui conviennent si bien à tous les cultivateurs, et plus particulièrement à ceux de l'Afrique noire, avec l'individualisation de la production du champ?

Les jeunes Africains n'eurent pas à inventer des nouvelles formes de travail : la société possédait des institutions qui pouvaient être adaptées à leurs nouveaux besoins. Toutes les populations d'Afrique noire connaissaient, à côtés du travail dans le cadre familial, une forme de travail dans le cadre du village, basé sur l'appartenance à un groupe d'âge(491(*)). Tous les jeunes garçons dès qu'ils ont l'âge de participer au travail agricole appartiennent au groupe des jeunes, et ils peuvent y rester jusqu'à ce qu'ils soient eux-mêmes chefs de famille. Par ailleurs, dans quelques populations, tous les garçons qui sont initiés en même temps forment une classe d'âge qui a ses droits et ses devoirs précis. Traditionnellement, d'une manière générale, le chef du village demande à un groupe ou à un clan de jeunes des travaux qui prennent l'allure de corvée, tel le nettoyage du village. Ce même groupe offre son aide à un de ses membres qui va exécuter des façons culturales sur le champ de son futur beau-père, ces services faisant partie intégrante de la compensation matrimoniale.

Une simple translation a résolu le problème des jeunes gens. Ceux-ci, afin de retrouver un niveau de production relativement élevée, associent leurs efforts pour travailler au bénéfice492(*) d'un des leurs, à charge pour chacun d'entre eux de rendre le service dont il a bénéficié : sarclage, récolte, battage.

Comment traduire cette évolution en termes de structures ? Dans le contexte traditionnel les rapports de parenté apparaissent comme constituant la clef d'une organisation qui englobe les relations économiques, religieuses, à l'intérieur de la famille étendu - patri- ou matrilinéaire. Les rapports de production que celle-ci implique ne se confondent pas totalement avec la structure de parenté puisqu'ils s'en dégagent sans que pour autant la solidarité du groupe familial sur le plan des alliances se trouve rompue. Le chef de famille, et ceci est attesté par de nombreux ethnologues, continue à être seul habilité à choisir la première épouse pour chacun de ses dépendants, frères cadet, fils ou neveu, même s'ils sont économiquement indépendants, par exemple lorsqu'ils ont émigré en milieu urbain ou lorsqu'ils sont salariés. Aucun d'eux d'oserait transgresser la coutume : il ne le pourrait d'ailleurs pas, car le père de la famille n'acceptait pas d'argent ou de cadeaux données directement par le jeune homme. La génération des pères est solidaire pour conserver les quelques privilèges qui lui restent encore: c'est là un aspect du conflit de génération en Afrique qui s'inscrit dans un système de structure en pleine évolution.

* 485 Sur ãíïò, voir WAITZ, I, 278. Cela prouve que ãáìïò, le mariage, est de la même racine que ãíåóéò (la génération, le devenir), on peut dire comme Aristote que ce qui devient se réalise et est produit.

* 486 La coutume du mariage varie considérablement d'une culture à l'autre, mais l'importance de l'institution est universellement reconnue. Dans certaines sociétés, l'intérêt communautaire pour les enfants, pour les liens entre familles et pour les droits de propriété créés par le mariage sont tels qu'ils ont donné naissance à des dispositifs et à des coutumes destinés à préserver ces valeurs. Les fiançailles ou le mariage entre mineurs, répandus dans des régions comme la Mélanésie, sont une conséquence directe de l'importance accordée à la famille, à la caste et aux alliances de propriété. Le lévirat, coutume en usage principalement chez les Hébreux, qui obligeait un homme à épouser la femme de son frère défunt, était destinée à perpétuer un lignage déjà établi. Institué pour la même raison, le sororat est une coutume encore usitée dans certaines parties du monde, qui permet à un homme d'épouser une ou plusieurs des soeurs de sa femme, généralement en cas du décès ou de stérilité de celle-ci. La monogamie, union d'un homme et d'une femme, est considérée aujourd'hui comme le prototype du mariage et sa forme la plus largement acceptée, au point qu'elle est dominante même dans les sociétés qui tolèrent d'autres formes de mariage. Celles-ci relèvent de la polygamie, qui comprend à la fois la polygynie, union matrimoniale d'un homme avec plusieurs femmes, et la polyandrie, union d'une femme avec plusieurs maris.

* 487 Nous empruntons la pensée du professeur Leroi-Gourhan dans L'homme et la matière.

* 488 Cfr. Une étude de F. Engels sur les coopératives communautaires au XIXeme siècle écrit par Engels pendant l »hiver 1844-1845, publiée sous l'anonymat en 1845 dans le recueil Deutsches Bürgerbuchfür 1845 édité par H. Püttmann à Darmstadt et reproduite dans l'édition critique des oeuvres de Marx-Engels.

* 489 Le Mwami ne cultive pas la terre. Il a de quoi se nourrir. Il doit, lui, réfléchir pour l'avènement d'une vie heureuse de sa population.

* 490 LE PLAY, F., Les ouvriers européens,

* 491 LEROI-GOURRHA, L., L'évolution des cultures africaines, p. 19.

* 492 Il ne faut pas entendre cette production dans le sens du capitalisme qui est un système tout autant économique que politique et social dans lequel des agents économiques (les entrepreneurs), détenteurs des moyens de production permettent que cette production soit échangée sur un marché, où les transactions sont de nature monétaire. En tant qu'organisation productive, le capitalisme serait, par nature, évolutif. Il n'existe en effet plus rien de commun entre la manière actuelle de produire et celle qui avait cours il y a deux siècles. Pourtant, les pays qui ont été les acteurs de la révolution industrielle de 1850 méritent, dans leur ensemble, tout autant que les pays industrialisés d'aujourd'hui, le qualificatif de nations capitalistes. Cela sous-entendrait qu'il existe une permanence des éléments qui caractérisent le capitalisme dont il faut expliquer la nature. Le terme « capitalisme » est aujourd'hui associé à un système d'organisation des sociétés qui dépasse la simple description des structures et des logiques qui déterminent la production. Ce terme revêt une signification politique et sociale forte qui excède la seule sphère économique. Cette généralisation, qui paraît abusive aux yeux de certains, associe le capitalisme aux conditions politiques qui ont permis son développement. Capitalisme et libéralisme constitueraient les deux versants d'une seule et même réalité. L'histoire montre, cependant, que l'utilisation courante du mot « capitalisme » dans le sens de libéralisme est récente, et donc qu'il faut interpréter à rebours la notion de capitalisme. Il apparaît que ce n'est pas tant le capitalisme qui a une histoire, mais bien l'histoire qui explique le sens de la notion.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon