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Identité et appartenance: temps et comput anthropologique chez R. E. Mutuza Kabe

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par Jean Francis Photios KIPAMBALA MVUDI
Université de Kinshasa RDC - Doctorat en philosophie 2012
  

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§3. Race et économie : structures socio-économiques et appartenance raciale

Le structuralisme est l'affirmation du primat de la structure sur l'événement ou le phénomène. Les processus sociaux se déploient dans le cadre de structures fondamentales qui restent le plus souvent inconscientes. Il existe un décalage entre ce que les hommes vivent et ce qu'ils ont conscience de vivre, et c'est ce décalage, qui rend les discours, que les hommes tiennent sur leur conduite, impropres à rendre compte de façon adéquate des processus sociaux effectifs. De même que c'est la langue qui produit du sens par son jeu de différences, de même c'est l'organisation sociale qui génère certaines pratiques et certaines croyances propres aux individus qui en dépendent.

Gobineau qui avait conçu que « toutes les civilisations (étaient) comme dérivées d'une race fictive » se heurte à la pensée de Hankins qui dit très justement qu' « on ne saurait identifier la race avec la nationalité et la nation ». Nous allons parler des Bantu des régions lointaines de notre locus du mythe Hima-Tutsi pour en fin montrer les champs entropologiques du mystère de l'union culturelle. Il y a quelque chose que nous devons observer chez les nomades d'origine blanche venus à travers le Sahara. Comme on peut encore l'observer au Niger et au Tchad, leurs descendants actuels nomadisent avec des troupeaux de bovins ou de camelins, tandis que leurs serviteurs noirs, descendants d'esclaves, se livrent à une agriculture élémentaire dans les sables quasi stériles situés à la limite des cultures. L'instrument conçu sur le modèle de la lance des Touareg, est mieux adopté que la houe au sarclage rapide de grandes étendues de terres légères. Sa pratique s'est étendue à la plus grande partie de la zone sahélienne, celle qui a connu les Etats à pouvoir centralisé et à division du travail social très poussées. Les esclaves avaient le monopole des activités agricoles : nullement intéressés par les rendements - un esclave ne possède aucun bien - ils ont reproduit les mêmes procédés techniques pendant des siècles, sans prendre conscience que ceux-ci, en favorisant une intense érosion éolienne, stérilisaient peu à peu les terres. De même, leurs maîtres se souciaient peu de cette situation, puisque pour élever la production chaque fois que la nécessité s'en faisait sentir, il leur suffisait d'augmenter le nombre de travailleurs et d'utiliser de nouvelles terres.

Pendant ce temps, les populations paléo-nigritiques, freinées dans leur évolution technique par les contraintes de leur système initiatique, accomplissaient de lents, mais substantiels progrès. Une agriculture de type intensif, caractérisée par des façons culturales nombreuses et soignées faites à la houe, a servi de modèle à certains groupes utilisant l'iler, mais qui ont ressenti la nécessité d'une transformation techno-économique.

La seconde moitié du XIXe siècle a apporté d'importants changements dans la situation politiques de l'Afrique : le début est marqué par l'arrêt de la traite des esclaves à destination d'Amérique, la fin voit la conquête coloniale, avec la cessation des guerres intestines, des raids de pillards et d'esclavagistes destinant leurs captifs aux pats arabes de Tippo Tib. Le résultat de ces événements fut l'accroissement démographique et le développement du commerce, en produits locaux aussi bien qu'en marchandises européennes. Toutes les populations qui pratiquaient une agriculture très extensive se trouvèrent placées devant le problème de l'élévation du niveau de la production ; chacune le résolut en fonction de ses propres normes et valeurs.

Les Bantu de la RD Congo sont différents des anciens conquérants et employeurs d'esclavages, les Songhay et les Djema de la vallée du Moyen Niger qui ne concevaient pas le travail comme une activité honorable, surtout dans leur propre pays : ils cherchèrent la solution dans l'émigration saisonnière vers les pays de la côte ou la main - d'oeuvre temporaire trouve toujours à s'employer. Si le travail a été fructueux, on peut embaucher des manoeuvres qui font le gros du travail agricole : ceux-ci apparaissent comme le substitut des esclaves d'autrefois. Les rapports anciens ont disparu, mais les concepts nés des structures anciennes sont restés intangibles.

Les groupes Lega, en RD Congo, plus industrieux parce que n'ayant pas connu les conquêtes esclavagistes, ont choisi la solution du changement technique. L'abandon de la machette et/ou la hache et la reprise du travail à la houe ont permis le défrichement et la mise en valeur des terres lourdes des forêts. Cette évolution a été si courte qu'on peut parler d'une véritable mutation technique, favorisée par l'islamisation qui a fait table rase de certaines coutumes agraires, l'adoption de la nouvelle technique a été rapide et complète dans des zones homogènes. Ces succès est dû en partie au système de travail en commun : il n'était pas matériellement possible que les deux techniques de défrichage avec la hache et la machette puissent se faire sur un même champ par un même groupe de travailleur. Si les conditions économiques et démographiques ont rendu indispensable le changement technique, ce sont les structures socio- professionnelles qui ont favorisé sa diffusion à l'échelle d'une vaste région.

On peut aussi prendre l'exemple des Wolof(496(*)) du Sénégal, ou la partie la plus importante d'entre eux qui dans le cadre de l'islamisation a adhéré à la confrérie des mourides, ont réussi à augmenter leurs production en conservant des systèmes culturaux extensifs. Sur des champs temporaires, ils utilisent encore nom-ou la culture attelée sous l'influence européenne.

Cette réussite tient à la conjoncture d'un certain nombre de facteurs favorables qui s'inscrivent dans les structures agraires et religieuses du groupe.

L'appartenance à l'Islam, dans la mesure où elle implique la rupture avec les cultes locaux - ce qui, malheureusement ne fut pas le cas des Lega -, facilite l'abandon des terres d'origine. Mais on ne peut s'installer sur des nouveaux terrains de culture que si on appartient à une organisation solidement établie et expérimentée. Le mouridisme(497(*)), mouvement islamique spécifiquement sénégalais est aujourd'hui marqué par un comportement favorable aux réussites matérielles plutôt que par le mysticisme ascétique qui le caractérisait à l'origine. On peut aussi croire de la perte de kitutsi comme langue, sans aucune survivance n'existe ni dans les idiomes, ni dans les idiomêles. Il s'appuie sur ses cadres, les marabouts et sur ses disciples, les talibés. Certains de ces derniers sont formés dans des centres de colonisation agricole, mais chez les Lega c'est le Kimbilikiti qui tient ce cordon ombilical ethno-cultuel. Chez les marabouts ouest-africains, les jeunes y apprennent abandon total à Dieu, mais la contemplation n'exclut pas l'action qui prend la forme d'un travail productif au bénéficie de la hiérarchie religieuse. On trouve et nullement et rarement ces rites initiatiques systématiques chez les Tutsi.

L'organisation mouride peut résumer ainsi son programme : «  travaille comme si tu ne devais jamais mourir. Prie comme si tu devais mourir demain ». Son succès dans le Sénégal central et la poussée des colons vers la partie orientale ne s'expliquent que par sa puissance idéologique, qui sait utiliser la force de travail des Talibés. Sous le contrôle étroit des marabouts et chez les Lega les baame qui recueillent une part de la production en nature, en espèce et en services, les communautés pionnières étendent toujours davantage leurs cultures.

L'appartenance à une confrérie dont l'influence religieuse se double d'une puissance économique et politique incontestable, ouvre aux fidèles l'accès aux Terres Neuves. Celles-ci sont obtenues soit par déclassement de forêts domaniales, soit par refoulement des éleveurs peul de leurs terrains de parcours. Le phénomène est différent car les Tuas, bien que repoussées par les Bantu, gardent des terres fertiles. Cependant avec les Tutsi le problème est tout à fait compliqué ; parce que les Bantu vivent avec eux non point en conquérants, comme voulaient nous le faire croire J. Maquet et Baumann et Westermann, mais en hôtes, c'est-à-dire l'hospitalité des Bantu est cet humanisme mystique et religieux. Les conséquences au point de vue technique risquent à long terme d'être grave : l'utilisation des sols jusqu'à épuisement et défrichement des nouvelles terres ne peuvent être indéfiniment poursuivies.

D'autre part, l'équilibre indispensable tant au point de vue agricole qu'économique dépend en partie de l'existence d'un troupeau important qui assure en partie la fumure des champs. Ce type d'exploitation du sol entre dans la définition de «l'économie de rapine », c'est d'ailleurs la razzia(498(*)) qui est, chez les Tutsi, une institution nécessaire pour la survie d'un clan. Il rappelle les procédés les plus extensifs : dans la mesure où la terre est abondante, il n'est pas nécessaire de la ménager. Ce n'est pas le rendement moyen (production par unité de surface pendant plusieurs années) qui est recherché - ce qui se trouve dans le Droit Coutumier Rwandais tel que codifié par A Kagame -, mais la production brute, sans tenir compte des besoins futurs de la population qui aura vraisemblablement doublé.  

Les préoccupations actuelles ne sont plus rigoureuses que celles qui ont prévalu lors de la genèse de l'instrument qui permettait de sarcler(499(*)), de défricher, etc. plus vite. Pour augmenter la production, suffit-il aujourd'hui de multiplier la terre et les hommes ? Il n'en est pas non plus le cas dans l'élevage ; on ne rencontre aucune industrie pastorale au Rwanda où les Tutsi sont réputés champions éleveurs.

En dernière analyse, peut-on parler de rapports de production d'un type déterminé à propos des communautés mourides ou tutsies? La position des marabouts et des baame apparaît conforme aux principes de la morale de l'Islam et de kimbilikiti, puisqu'ils vivent des dons, aumônes et services de leurs fidèles. Mais cet aspect des choses ne doit pas cacher la réalité : aucun de ceux-ci ne pourrait appartenir à la communauté contre l'accord du marabout ou du mwami qui en fait le contrôle non seulement la vie religieuse, mais aussi la vie politique sociale du groupe.

Dans celui-ci, composé d'immigrants, l'unité familiale de base est la famille nucléaire ; le mwami choisit les conjoints et arrange les mariages à son gré. Bien que chaque village de pionniers ait son chef et ses notables choisis, la structure qui domine la vie sociale et en permet le contrôle total par les confréries est d'ordre à la fois religieux et économique. Il est difficile de faire le départ économique. Il est difficile de faire le départ entre ces deux formes privilégiées, car selon les préoccupations personnelles des baame, on peut dire que l'une ou l'autre est déterminante dans la nature des rapports qui s'établissent entre ceux-ci et leurs sujets ; mais les rapports de production apparaissent toujours derrière les rapports politiques. La famille reste dans ce sens la base de la communauté villageoise et noyau de la mentalité collective.

* 496 Le Wolof est un peuple du centre-ouest du Sénégal, qui fut à l'origine du royaume de Dyolof au XVe siècle dont la langue est aujourd'hui parlée par les trois quarts des Sénégalais. Ils furent décrits pour la première fois comme un groupe distinct par des explorateurs portugais, qui entrèrent en contact, au XVe siècle, avec le royaume du Dyolof. Partiellement islamisé, celui-ci avait unifié les petites principautés établies au sud du fleuve Sénégal. La société wolof ainsi constituée était organisée selon un système de castes, hiérarchisées selon la naissance (hommes libres ou esclaves) et selon la profession. Après l'arrivée des Européens, le royaume du Dyolof se scinda en plusieurs petits États wolof qui se maintinrent jusqu'à la colonisation française, entreprise à la fin du XIXe siècle.

* 497 Ahmadou Bamba Mbacké, son fondateur (+1927), est un Toucouleur qui a reçu l'initiation (wird) de Cheikh Sidiyya. Il fonde sa confrérie, en 1886, près de son village d'origine, MBacké, à 60 km à l'est de Diourbel (Sénégal), à la limite de la région aride du Ferlo. Prêchant sa doctrine chez les Wolof du Sénégal, il donne au travail manuel un statut équivalent à la prière, permettant ainsi au disciple d'accéder au salut éternel par une action qu'il est en mesure d'accomplir. Le mouridisme s'est développé dans la zone de plantation d'arachides du Sénégal, où il a fini par s'approprier au profit de la confrérie qui la commercialise cette culture d'exportation, génératrice de devises.

* 498 MUTUZA, La problématique du Mythe Hima-Tutsi, p. 53.

* 499 Le mouridisme a valorisé le travail de la terre, freiné l'exode rural et adapté la population à l'évolution économique. Aujourd'hui, les Mourides ne pratiquent pas seulement la culture de l'arachide, certains émigrent à l'étranger, comme marchands, utilisant les moyens de communication les plus modernes (Internet, etc.). Le siège général de la confrérie est la ville de Touba. Son chef, le Khalife général (depuis 1990, Serigne Saliou Mbacké), règne sur une organisation très structurée.

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"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote