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Identité et appartenance: temps et comput anthropologique chez R. E. Mutuza Kabe

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par Jean Francis Photios KIPAMBALA MVUDI
Université de Kinshasa RDC - Doctorat en philosophie 2012
  

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§ 2. Royauté et Kinyarwanda

Il est rare que l'on soit informé à la fois sur la représentation qu'un groupe donné se fait de son appartenance au peuple, et sur le choix politique que ce groupe a été amené à prendre face à l'occupation. C'est ainsi que parlant de La psychanalyse des peuples et de civilisations, G. Dingemans dit que « la mentalité de l'Hamite le porte instinctivement à la vie sédentaire, d'où le développement d'une civilisation fondée sur la richesse agricole et pastorale, origine de villes et de villages construits pour les générations à venir. La création de leur art complexe n'avait de raison d'être qu'au sein de royaumes ou des communautés stables (...) Les types sémitiques et aryens (...) sont par contre caractérisés par le goût de la vie nomade... »(518(*)) Ne voit-on pas que ces caractéristiques ne correspondent pas avec les Tutsi qui sont des hamites au Ruanda et qui sont des Üèåôïé ?

Les Rwandais (Hima-Tutsi), transplantés, immigrés ou infiltrés en RD Congo n'ont jamais renoncé à leur nationalité rwandaise. Ils se camouflent derrière la dénomination linguistique ethnicisante qu'ils appellent le Kinyarwanda. Sachant qu'au Nord-Kivu il y a les Bahutu qui parlent le « kinyarwanda », ils veulent se prendre au même pied d'égalité qu'eux. Ceux qui escaladent une échelle, quand ils ont franchi la première marche, prennent la deuxième, la seconde les mène à la troisième, puis la suivante, et ainsi de suite. Si bien qu'en montant progressivement, on s'élève de plus en plus et on fini par atteindre le sommet.

Où veut-on en venir par cette entrée en matière ? Pour les Tutsi la rwandophonie, qui est un produit de la faction tutsie en RD Congo, signifie d'abord l'ensemble de personnes qui partagent le Kinyarwanda comme langue maternelle. Ensuite la communauté de ces personnes devant s'unir pour défendre des intérêts présentés comme communs et menacés par d'autres groupes de personnes. Bref une stratégie pour le groupe minoritaire tutsi d'assurer ses intérêts en s'appuyant sur la majorité hutoue contre les autres groupes ethniques du Nord-Kivu.

Serufuri nous rapporte que « les promoteurs de la rwandophonie visent depuis les années 1960 à la colonisation tutsi et à « l'unité rwandaise » au Kivu. Dans leur plan de colonisation, ces promoteurs comptent se servir « de la crédulité des évolués Bahutu » (9epoint), de leurs « vendus Bahutu » (12e point) ou « des Bahutu naïfs » (18e point)  « pour soumettre les Bahutu du Congo et tous (sic) les autres ethnies qui les entourent » en procédant « méthodiquement et progressivement » (2e point)»(519(*)). De la rwandophonie nous avons la rwandomanie en sorte que l'Est de la RD Congo qui a les Hutu assimilés sans difficulté au Banyarwanda est devenu un centre d'expérience et d'expérimentation nostalgique du temps de baame dieu du Rwanda d'avant la colonisation. Cette nostalgique des conquêtes du roi se trouve dans un poème que Kagame rapporte :

« Il fut en butte à une opposition inouïe

Mais ses victoires furent sans nombre

Il fit trembler les adversaires

Et rassembla bien des pays en un seul,

Les fusionnant en son unique Ruanda »

(P. 171, p. 102)

Nous savons d'ailleurs que dans leur tradition celui qui est roi est Dieu, il cesse d'être homme, bien que de la race des Tutsi, eux-mêmes de la race de dieu. Une telle affirmation rend ipso facto le peuple irresponsable pour le choix de ses dirigeants. L'Homme-roi a une élévation au-dessus de la nature humaine, de façon que le Roi est supra-humain :

« Le Roi n'est pas homme,

Celui-là cesse d'être un homme qui devient Roi !»(520(*)).

De là, la nature humaine est niée à celui qui devient roi :

« Le Roi, c'est lui Dieu,

et il domine sur les humains ! »(521(*)).

Pour Mutuza, avec son ingénierie sociale, une telle attitude ne saurait être étudiée en surface, il pousse son raisonnement plus loin. En rester là serait demeurer en deçà de la philosophie qui doit penser en termes nécessaires ce que la coutume, le mythe ou la foi se contentent d'appeler grâce (Hegel)

Que le croyant « demeure » en ce « donné » ! Mais le penser se doit de passer outre à la limite que la foi prétend lui imposer de façon arbitraire.

Comment est-il arrivé à un poète humain de chanter les louanges dont les origines se ressentent de la nature divine du roi, alors que la royauté est l'apanage d'une seule lignée qui s'apparente à Dieu ? Cette attribution exclusive du privilège royal est un corolaire nécessaire de la nature divine qui ne saurait être accessible au commun des mortels :

« La Royauté est le privilège d'une seule Lignée,

Ô, Race de Dieu ! »

(P. 123, p. 78).

Ces louanges du poète n'ajoutent rien au roi qui dispose de son propre pouvoir. Il ne faut pas chercher à expliquer cette connexion raciale de la Royauté avec la divinité, elle reste un mystère qui ne peut être élucidé :

« Le mode dont Dieu prédestine les Rois

Est un mystère pour les autres,

ô le Cent-fois-puissant »

(P. 123, p. 78).

Mutuza, dans sa foi chrétienne, doute d'une telle conception de la royauté ; il a cherché dans le poème là où le poète reconnaît et justifie la nature humaine du Roi. « Pourtant le roi est un homme fait de chair et d'os, qui est assujetti à la nature humaine. Le poète doit traiter de cet aspect et doit le justifier par rapport à la figure supra-humaine qu'il a tracée de lui. Où trouvera-t-il la matière de sa composition sinon dans le champ qu'offre la vie d'un peuple, par tradition migratoire et pastorale, à savoir dans la guerre et la razzia ? C'est ici que les qualités héroïques du roi apparaissent et font de lui, en même temps qu'un guerrier invincible, le héros national exclusif »(522(*)).

L'étourderie du poète engendre des contradictions dans le poème, Mutuza nous dit que ce peuple forme une véritable société quand bien même son sentiment nationaliste n'ajoute rien à l'émergence de cette société parce que c'est un peuple cerf du roi.

Le malheureux Dieu, le Roi, devient homme. Comment la Royauté, tout en étant divine, maintient ses connexions avec le monde de son milieu mortel, est expliqué par le même poète, en enchaînant la royauté dans la séquence de la création :

« Le Dieu qui a multiplié les vaches

A commencer par créer les Rois ;

Après les avoir investis sous le signe des tambours »

(P. 123, p. 78)

Papadopoulos s'étonne de « cette espèce d'association, assez décousue d'ailleurs, de la création des rois avec les bovins et les tambours, que s'explique la connexion royale avec les affaires humaine »(523(*)). Mutuza avait déjà remarqué l'absence des humains à ne jouer aucun rôle actif dans cette institution centrale du pays. C'est au Roi, en effet, que le peuple doit son existence et les possibilités de sa subsistance sont entre ses mains. C'est le Roi qui « lui accorde de la protection contre l'ennemi extérieur, et c'est lui qui lui procure la pluie, indispensable condition de la subsistance des bovins et conséquemment de la sienne »(524(*)).

La valeur cyclique du poème est ici claire : les pouvoirs dont dispose le roi sont nécessairement d'un être surnaturel, et se manifestent par excellence dans sa capacité de procurer la pluie au pays :

« Tu as combattu la sécheresse,

Et elle vient de s'éteindre, ô Eteigneur-des-malheurs ».

(P. 138, p. 83)

Voici l'octave du poème et sa combinaison: Roi (1), Dieu (2), Race (3), Archer (4), Vaches (5), Guerre (6), Pluie (7) et (Roi 8).

Dans le poème on a des accords des mots comme suite :

1+3= 4

2+4= 6

3+5= 8

4+6= 10

5+7= 12

6+8= 14

7+9= 16

On remarque d'ailleurs la présence d'autres entiers qui ne font pas directement partie de la chaîne octave : Tambours 9, Sauveur 10, Deuilleur 12, Législateur 14, et Razziaire 16. Avec ces entiers nous voyons la fermeture et l'ouverture du cycle poétique. Il est vrai que l'objet de la poésie dynastique est bien déterminé, spécifiquement prescrit - la glorification de la royauté, mais cette circonstance n'empêcherait pas le poète, qui a le privilège d'un traitement « libre » de son thème, de baser sur celui-ci et d'en motiver des thèmes subsidiaires lui permettant un élargissement de l'horizon de ces idées et son monde esthétique et moral. Notre poète, à l'encontre de ces possibilités, tout en posant affirmativement son thème central (1), y revient incessamment en décrivant des cercles concentriques (2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 1O, 12, 14, 16,...). C'est une octave du Roi (1).

Toute cette octave montre bien que le roi n'est pas un intermédiaire entre Dieu et les hommes, mais dispose pour ainsi dire à volonté des forces de la nature en vertu de ses qualités sacrées et divines. Certains verraient un pharaonisme tutsi, mais il n'en est pas question. Le pharaon possède une double nature, dont les deux aspects sont inextricablement liés : il est à la fois dieu (en tant que fils du dieu-soleil Rê) et roi humain (considéré comme le successeur légitime d'Horus, premier souverain mythique d'Égypte).

Toutefois, si on lui reconnaît de son vivant des pouvoirs magiques, comme de gérer les crues et les décrues du Nil, le pharaon ne devient dieu qu'après sa mort (après un jugement divin favorable, lui permettant d'être assimilé à Osiris. Mais dans le poème dynastique, le Roi est Dieu disposant le menaçant spectre de la sécheresse qui pèse sur le pays ruandais, et seuls les pouvoirs magiques du roi peuvent l'éliminer de l'horizon :

« L'état du ciel était devenu un foyer brûlant,

Et lui, Bon-caractère, fils du Protecteur-habituel,

Nous montre à nouveau les nuages pluvieux !...

Qu'on rassemble les cadeaux de remerciements pour la pluie ».

(P. 138, p. 82)

Le Roi est sauveur du pays parce que ses interventions surnaturelles sont étonnantes :

« N'a-t-il pas été confié à un Roi qui le préserve des épidémies,

Le désaltéreur souche du Voyageur-Matineux

Qui a éteint la sécheresse

Et sauva le Rwanda d'un incendie incertain ?

(P. 138, p. 85)

Et la pluie (7) est le thème vital que le poète chante pour son Roi. Puisque l'existence du peuple est étroitement liée aux conditions naturelles du pays qu'il habite, il est nécessaire d'investir le roi du contrôle de ces conditions « afin de rendre le peuple absolument dépendant de la volonté royale. Sans un roi, l'existence du pays est problématique »(525(*)). Le poète peut ainsi lier 1 et 7 :

« Le Rwanda possédant son Roi (1),

Ne saurait manquer de pluie (7) »

(P. 138, p. 86)

Mutuza qui creuse le poème ne nous démontre qu'une appartenance de la population à la fonction royale où n (les activités de cette population) est le nombre d'événements pour lesquels la variable aléatoire X (le roi) adopte une des deux valeurs possibles, parmi le nombre total m (les thèmes concentriques du poème) d'événements étudiés, et k (le thème de la survivance) est compris entre 0 (le pouvoir magique du Roi) et n (les activités du peuple).

Nous avons donc un rapprochement avec la fonction de Laplace. Lors de ses études sur les erreurs de mesure des distributions symétriques, Laplace a, de plus, laissé son nom à une loi de probabilités continue, la loi de Laplace dont la forme possède une certaine analogie avec la loi normale ; la fonction de densité de Laplace est donnée par la relation:

Cette fonction est symétrique par rapport à son espérance mathématique u c'est-à-dire les relations avec les étrangers, correspondant également à la médiane de la distribution qui est le pouvoir du roi, et a une variance égale à ó2 qui sont les aspects frontaliers; la quantité Ö  qui est le temps entropique = ó (aspect frontalier) / (espérance de vie) est ce que nous trouvons dans le paramètre de dispersion de la fonction de densité de Laplace. Ce que Sir Karl Popper appelle le démon de Laplace. Mais la relation qui unit le peuple des poèmes dynastiques au Roi est asymétrique.

Le Roi est le centre comme le soleil l'est pour le système de Laplace. Inutiles seraient alors des prières que la population doive adresser au Dieu (Roi). Le roi dispose de son pouvoir bon gré malgré. C'est pourquoi « la razzia est tellement enracinée dans la tradition tribale qu'elle est presque une institution coutumière à laquelle la tribu ne saurait pleinement se soustraire, avec en tête, le roi »(526(*)).

Le poète chante l'inimitié du Roi aux peuples voisins. Fièrement, il psalmodie la mise à sac d'un pays voisin et la razzia dont il se fit champion:

«  C'est ainsi qu'il arriva dans le Buzi et le bouleversa.

Il n'y laissa pas même un bébé !

Il se réjouit du fait que le roitelet de cette région

Fut fait ornement du Grand Tambour, héritage de Ndahiro

Aucun pays étranger auquel il n'ait imposé le deuil !

On exalte comment il lutta pour le Karinga ;

Tous les pays lui ont témoigné le respect »

(P. 170, p. 94)

Après toutes ces expéditions, le poète jubile de la victoire remportée à la razzia au pays étranger :

« A toi les vaches ô exalté

Dont le pays ne dit que louanges !

Tu razzias les bovidés du Gishali

Et conquis la race de cette région :

Jamais de ton corps la peur ne s'approcha ;

Sans retard ton butin nous fut mené »

(P. 174, p. 121)

Papadopoulos dit que « d'ailleurs le peuple participe au butin de razzias couronnées de succès -

Il razzia pour nous les vaches au `Bwongéra

Ainsi que celles enlevées au `Bwilili

Ce Courroucé, souche du Sagitaire.

(...) Il nous enrichit de myriades de vaches

Enlevées au Bugahe du Ndorwa.

(P. 90, p. 73) »(527(*))

La conséquence en est que la personnalité du roi est jusqu'à présent intimement liée aux faits matériels, de l'existence d'une part, (la pluie 7), de la survivance d'autre part (guerre tribale 6, razzia 16) (528(*)).

De la royauté, nous arrivons à la place des valeurs matérielles dont la vache représente la richesse dans le poème.

* 518 DINGEMANS, G., La psychanalyse des peuples et de civilisations, pp. 452-453.

* 519 SERUFURI HAKIZA, P., Ethnonyme et glossonyme les Bahutu du Nord-Kivu et le kihutu. Contribution à un débat, p. 215. Voir aussi RUKEBESHA, Op. Cit. Nous avons-nous-même lu ce plan de la colonisation Tutsi au Kivu, plan découvert lors des troubles du 15/9/1962 à Matanda- Nyamitaba- Karuba- Kibabi, et libellé en 18 points sur deux pages dactylographiées.

* 520 KAGAME, A., La poésie dynastique au Ruanda, Poème 65 p. 53. Les références pour les extraits cités par la suite sont au numéro du poème et la page du recueil.

* 521 Idem.

* 522 MUTUZA, Op. Cit. pp. 32-33.

* 523 PAPADOPOULOS, Th., Op. Cit. p. 22.

* 524 Idem.

* 525 PAPADOPOULOS, Th., Op. Cit., p. 23.

* 526 MUTUZA KABE, Op. Cit., p. 33.

* 527 PAPADOPOULOS, Th., Op. Cit., p. 25.

* 528 Idem. Le 6 et 16 se réfèrent à la chaîne cyclique de l'octave. C'est nous qui l'ajoutons dans le texte de Papadopoulos pour garder la valeur de l'octave parce que les qualités du roi, si sublimes qu'elles puissent paraître, présentent un contenu purement matériel, puisque la qualité héroïque se réfère, ainsi que le pense Papadopoulos, à la guerre tribale et à la razzia, la qualité du législateur à la soumission totale du peuple ; qualités c. à d., ajoute Papadopoulos, suscitées par la rudesse de l'existence et de la lutte pour la survivance. Les valeurs positives de la civilisation manquent presque totalement dans la fonction royale. L'inclémence ou la clémence dépendent du roi et la survivance tribale, dans une telle société, est subordonnée, en partie au moins, à la destruction d'autrui. Le roi sacré est égocentrique, toutes choses convergent vers lui, tout servant à sa sublimation. Puisque le peuple doit son existence au roi, le roi ne se doit pas à son peuple, le peuple est simplement débiteur au roi. Le peuple ne doit aucun rôle actif dans les exploits tribaux, pour n'en donner que tout le mérite au roi.

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"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon