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L'assemblée nationale comme pouvoir constituant dérivé au Cameroun entre 1990 et 2008

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par Jules Bertrand TAMO
Université de Dschang Cameroun - Master de droit public 2011
  

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B - L'exigence de la réunion du Parlement en congrès pour se prononcer sur un projet de texte de révision constitutionnelle

La collaboration des deux Chambres du Parlement dans l'exercice du pouvoir de révision est tout à la fois normale et hautement désirable dans un Parlement bicaméral. Ceci est d'autant plus désirable que les sénateurs, qui sont numériquement inférieurs aux députés siégeant à l'Assemblée nationale, ne seraient pas protégés si une révision constitutionnelle pouvait aboutir sans leur accord. De la sorte, aucune révision dirigée contre l'une des Chambres ne saurait, dans la meilleure hypothèse, aboutir sans son accord. Ceci étant dit, précisons que la collaboration des deux Chambres en matière de révision constitutionnelle diffère de celle qui existe entre elles dans la procédure législative ordinaire où le bicaméralisme est plus ou moins réel selon la volonté du pouvoir exécutif.

Il sera donc question de démontrer cette thèse à travers la spécialité du congrès de révision (1). Toutefois, cette spécialité du pouvoir constituant dérivé par rapport à l'organe législatif ordinaire n'exclut pas que des points de convergence demeurent entre les deux organes de l'Etat. C'est dire que la spécialité du congrès de révision par rapport au pouvoir législatif doit être relativisée (2).

1 - La spécialité du congrès de révision par rapport au pouvoir législatif ordinaire

Les procédures de révision constitutionnelle reposant sur le pur principe représentatif se ramènent à deux types principaux. D'une part, la révision est opérée par une assemblée spécialement élue à cet effet qui n'exerce pas, en principe, d'autres fonctions : c'est ce qu'on appelle une Assemblée constituante ou, en Amérique, une Convention. Ce système paraît le plus rationnel, puisque, par ce procédé, la question de la révision a été principalement portée devant les électeurs, débarrassée de préoccupations étrangères ; par là même, c'est celui qui se prête le moins à la pratique de la révision partielle et limitée qui paraît triompher aujourd'hui325(*). D'autre part, c'est le pouvoir législatif lui-même qui, après avoir constaté la nécessité de la révision, est chargé de l'opérer. Mais alors fonctionnant comme pouvoir constituant dérivé, en raison de cette mission importante, il reçoit souvent dans son organisation certaines modifications temporaires qui font sa spécificité en la circonstance.

C'est à ce second système que se rattache nettement la loi constitutionnelle camerounaise du 18 janvier 1996. Le Parlement chargé d'opérer la révision est bien composé des éléments qui constituent les deux Chambres législatives, mais celles-ci forment à l'occasion un corps distinct en droit et portant le titre légal de congrès.

Que recouvre cette expression qui fait ainsi son entrée en droit constitutionnel positif camerounais ? Pour bien comprendre ce qu'est le congrès en droit constitutionnel camerounais, il convient d'avoir une idée de ce qu'il signifie ailleurs ou dans d'autres branche du droit public. Ainsi, aux Etats-Unis, le terme congrès est le nom donné au Parlement de ce pays. En droit constitutionnel français, le congrès c'est « la réunion temporaire, et seulement en vue de la révision constitutionnelle, de l'Assemblée nationale et du Sénat, en une Assemblée unique dont le Bureau est celui de l'Assemblée nationale et qui, pour des raisons de places disponibles, siège dans une grande salle du Palais de Versailles (d'où l'expression `'aller à Versailles'' pour décider d'une révision) »326(*). Il en résulte que, le recours au congrès a lieu uniquement pour les projets de loi portant révision de la Constitution à l'initiative du président de la République. Il apparaît donc qu'en France, on ne parle du congrès que lorsqu'il est question de donner suite à un projet de révision constitutionnelle déclenchée par le président de la République.

Par ailleurs, la notion de congrès en matière de révision constitutionnelle doit être distinguée des autres réunions qui portent également la dénomination de congrès. D'une part, le congrès de révision se distingue de la réunion périodique des délégués d'un parti politique en vue de décider des programmes et des questions politiques et pour renouveler les organes dirigeants327(*). D'autre part, il ne saurait être confondu au congrès tel qu'il est entendu en droit international public où il renvoie à la réunion de Chefs d'Etats, de ministres des Affaires étrangères ou de plénipotentiaires en vue du règlement de questions politiques importantes328(*).

En droit constitutionnel camerounais, la notion de congrès révèle quelques nuances. D'un côté, la notion de congrès y est largement entendue contrairement à la France où le congrès du Parlement ne peut être convoqué que lorsqu'il est question de donner suite à un projet de révision de la Constitution. Au Cameroun en effet, le Parlement se réunit en congrès, lorsqu'il est appelé à se prononcer sur un projet ou une proposition de révision de la Constitution329(*). D'un autre côté, la Constitution distingue deux sortes de congrès, à savoir, d'une part, un congrès dont la convocation oblige les deux Chambres à se réunir sous peine de violer la Constitution. Il en est ainsi notamment du congrès de l'article 63 alinéa 3 qui dispose clairement : « Le Parlement se réunit en congrès, lorsqu'il est appelé à se prononcer sur un projet ou une proposition de révision de la Constitution ». D'autre part, le congrès auquel les deux Chambres n'ont que la latitude d'y siéger tel que les cas prévus par l'article 14 alinéa 4 de la Constitution. En effet, aux termes de cette disposition, les deux Chambres du Parlement peuvent se réunir en congrès, à la demande du président de la République soit pour entendre une communication ou recevoir un message du président de la République, soit pour recevoir le serment des membres du Conseil constitutionnel, soit enfin pour se prononcer sur un projet ou une proposition de révision constitutionnelle. Enfin, le congrès de révision ne saurait être confondu à celui de l'article 32 de la Constitution aux termes duquel le président de République peut, sur sa demande, être entendu par « (...) les deux Chambres réunies en congrès ».

Ce faisant, la Constitution laisse sans réponse la question des rapports entre la révision constitutionnelle dont il s'agit ici et le titre XI de la Constitution en général et l'alinéa 3 de son article 63 en particulier. Il y a lieu de penser que l'absence de renvoi entre ces deux dispositions, traduit l'expression du caractère facultatif du congrès de révision convoqué sur la base de l'article 14 alinéa 4.

En outre, la Constitution camerounaise ne limite pas le pouvoir du congrès en ce qui concerne l'examen du projet ou de la proposition de révision soumis à son examen, contrairement à la Constitution française de 1958. Celle-ci limite en effet strictement les pouvoirs du congrès : il ne peut qu'adopter ou rejeter le texte même qui à été adopté séparément par l'une ou l'autre Chambre, il ne peut pas le modifier. Ces précisions faites, il faut dire hic et nunc que la spécialité du congrès par rapport au pouvoir législatif telle qu'elle ressort de la Constitution camerounaise tient à deux aspects essentiels qui peuvent être perçus tant au plan organique que fonctionnel.

Sur le premier plan en effet, lorsqu'elles sont réunies en congrès, les deux Chambres du Parlement perdent momentanément leur individualité ou plutôt les sénateurs et les députés prennent momentanément une qualité nouvelle et complémentaire, celle de membre du congrès. Cette combinaison a paru préférable à celle d'une révision opérée par les deux Chambres statuant séparément, comme pour une loi ordinaire. En effet, lorsque la révision a été ouverte, il faut, pour la tranquillité et la sécurité du pays, qu'elle aboutisse sûrement et promptement, et cela n'est possible qu'avec une Assemblée unique. Certes, la Constitution belge a adopté le système contraire : elle ne réunit pas en un seul corps les deux Chambres chargées d'opérer la révision, lesquelles continuent à délibérer séparément. Mais, on a vu les conséquences pratiques d'une telle solution dans la révision opérée dans ce pays vers la fin du 19è siècle. Les deux Chambres renouvelées à cet effet ont commencé la discussion le 12 juillet 1892, et elle ne s'est terminée par le dernier vote du Sénat qu'au mois de septembre 1893 ; la loi de révision a été sanctionnée par le roi le 7 du même mois330(*). N'y a-t-il pas une grande imprudence à laisser ainsi, pendant de longs mois, une Nation comme le Cameroun, excitée par des débats d'une importance vitale et nécessairement passionnés ? La loi constitutionnelle de 1996 statue ainsi dans son article 63 alinéa 3 : « Le Parlement se réunit en congrès lorsqu'il est appelé à se prononcer sur un projet ou une proposition de révision de la Constitution. (...) ».

Sur le second plan, le congrès chargé d'opérer la révision s'écarte sur trois points des règles qui déterminent le fonctionnement de nos deux Chambres législatives. Premièrement, il n'élit pas lui-même son Bureau. L'article 14 alinéa 4 in fine de la Constitution lui en impose un d'autorité qui est le Bureau de l'Assemblée nationale. Deuxièmement, c'est dans les majorités requises au congrès pour voter le texte de révision que cet organe se démarque du Parlement siégeant ès qualité. C'est ainsi qu'il ne peut, en première lecture, prendre des délibérations qu'« à la majorité absolue des membres le composant ». En prenant les termes au pied de la lettre, le chiffre sur lequel doit être calculée cette majorité est fourni par le nombre additionné des sièges, que comprennent d'un côté, le Sénat et de l'autre l'Assemblée nationale (aujourd'hui 100 d'une part, et 180, d'autre part), sans qu'on défalque les sièges vacants, les absents, les abstentions, les bulletins blancs et nuls. Il ne s'agit plus cette fois d'une majorité quelconque des votants comme le laissait penser l'ancienne formulation de l'article 36 de la Constitution.

Toutefois, la formulation actuelle est critiquable. En particulier, on ne comprend pas comment les absents, les décédés non remplacés pourraient rendre impossible une révision votée par la majorité des membres présents conformément au règlement du congrès (probablement à venir). La même critique peut être dirigée contre le congrès lorsqu'il est appelé par le président de la République à se prononcer en seconde lecture. Cette solution est néanmoins plus rigidifiante et surtout s'avère extrêmement importante pour le Sénat dans la mesure où la majorité exigée dans cette hypothèse veut qu'aucune révision n'aboutisse en dépit du vote unanime des sénateurs à son égard comme ce peut être le cas en première lecture, la majorité absolue exigée ici pouvant être atteinte même au cas où tous les sénateurs auraient voté contre le projet de texte de révision soumis au congrès331(*). En effet, la majorité des deux tiers ne pourra être atteinte et le texte de révision adopté que si sept (7) sénateurs au moins lui sont favorables.

Toutefois, cette spécialité du Parlement réuni en congrès par rapport au pouvoir législatif ordinaire connaît des limites.

* 325 Cf. ESMEIN (A.), Eléments de droit constitutionnel français et comparé, Paris, Panthéon-Assas, 2001, pp. 1067-1084, notamment p. 1068.

* 326 Cf. TRICOT (B.), HADAS-LEBEL (R.) et KESSLER (D.), Institutions politiques françaises, Paris, Presses de Sciences Politiques et Dalloz, 1995, pp. 123-139, notamment p. 128.

* 327 Cf. GUILLIEN (R.) et VINCENT (J.), Lexique des termes juridiques, op. cit., p. 115.

* 328 Ibid., p. 115.

* 329 Article 63 alinéa 3 de la loi constitutionnelle de 1996.

* 330 Cf. ESMEIN (A.), Eléments de droit constitutionnel français et comparé, op. cit., p. 1070.

* 331 Le congrès étant composé de 280 membres et la majorité absolue étant réunie lorsque 141 des ceux-ci ont voté pour la révision, il est possible que, même au sein de cette instance, seule l'Assemblée nationale vote et adopte un texte de révision alors que tous les sénateurs ont voté contre ce texte ou se seraient abstenus tout court de voter.

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld