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La coutume Kongo face aux conflits fonciers.


par Rhéa Mylord voka
Université Kongo - Licence en droit privé et judiciaire 2019
  

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Section 2 : Coutume kongo et conception de la terre

L'histoire de la coutume kongo remonte au royaume kongo qui regroupait les populations qu'on retrouve aujourd'hui dans le Kongo central, l'Angola, dans la partie sud de la République du Congo et dans le Sud du Gabon jusqu'au Cap Lopez. La première difficulté à laquelle on est confronté, c'est celle de l'origine des Bakongos. A ce sujet, selon le professeur MBUAKI NSOKILA deux thèses s'affrontent :

La première, dit-il, fait venir les Bakongos de l'Est de l'autre côté de Kwango, de la seigneurie de kongo d'Ambuila. Ils auraient conquis le puissant royaume (qu'ils appelleront royaume du kongo) dont les habitants naturels étaient des Ambundu. Cette thèse s'écoulerait des témoignages recueillis par Cadornega et Paioa Manso au XVIème siècle.47

La deuxième est celle de Monseigneur J. CUVILLIER qui parle des conquérants Bakongo qui seraient venus de la rive nord du fleuve Congo, d'un Etat appelé wungu. Cuvillier s'est appuyé sur « l'histoire do reino do Congo » d'A. FELNER, écrite en 1620.

Par ailleurs, dater la fondation du royaume kongo au XIII siècle n'est qu'une supposition. En réalité, il est difficile de déterminer l'époque de la fondation de ce royaume. Vu le degré de l'évolution atteint à l'arrivée des explorateurs portugais au XVème siècle, on peut penser que sa fondation datait de plusieurs siècles.

La grande innovation de la conquête de Bakongo est le groupement de multiples petits royaumes en un grand Etat centralisé gouverné par un monarque suprême résidant dans une capitale.48

46 BOMPAKA NKEYI, op.cit, p. 51

47 KAMUNFUEKETE LUVEMBU, Cours d'histoire et culture Kongo, Université kongo, Faculté de droit, deuxième graduat, 2016 - 2017, pp. 9 -10, inédit

48 Idem

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La société kongo est « l'ensemble des populations (autochtones) qui habitent l'Ouest de l'Afrique centrale, au Nord et au Sud de l'embouchure du fleuve Mwanza alias Nzadi Kongo. Ces populations formaient un royaume avant la colonisation occidentale mais aujourd'hui elles se sont désintégrées en plusieurs Etats nations. Néanmoins, même si elles ne sont plus soumises à un même pouvoir politique, elles continuent à appartenir à une même ethnie.

L'identité de ce peuple se traduit par sa langue, son histoire, son système

familial et ses ethnonymes. On distingue, au sein du peuple kongo, des
particularismes ethnonymes, c'est-à-dire il y a des noms locaux par lesquels on désigne les populations appartenant à l'ethnie kongo. On les assimile à des tribus : ndibu, woyo, yombe, mboma, vili, lari, lemfu, ntandu, mbata, zombo. Mais les mêmes familles (kanda, mvila) se retrouvent chez les uns et chez les autres sous des noms identiques ou homologues. Une précision s'impose à propos de « Mvila » qui désigne la famille à l'échelon national, c'est-à-dire dans tout le pays kongo et le « kanda » c'est la famille au niveau local. 49

§1. Appartenance à une parentèle

Le droit romain distinguait la « familia » comprenant uniquement les personnes habitant sous le même toit, (époux, enfant et serviteurs) et des gens (gens) beaucoup plus vaste comprenant les descendants par mâle d'un ancêtre commun (Pater familias).50 Ce dernier disposait d'un pouvoir absolu tant sur les membres que les patrimoines de la famille.

Cependant, l'organisation sociale des sociétés traditionnelles congolaises reposait sur un groupe très fort de parenté, le lignage en était l'élément constituant. Le lignage est donc la fondation d'un vaste groupe social appelé clan. Et le système des liens entre les clans constitue à son tour la tribu qui regroupe des personnes appartenant à différentes lignées, mais qui parlent la même langue et qui ont la même tradition.51

A. Structure de la famille

Il sied de noter que dans la société traditionnelle congolaise, on ne peut pas parler de l'individu sans le situer au préalable dans une structure familiale patrilinéaire ou matrilinéaire. Bref, pas d'individualisme.

49 KAMUFUEKETE LUVEMBU, op.cit, p. 38

50 Pater familias : mot latin signifiant père de famille.

51 Toussaint KWAMBAMBA BALA, op.cit., p. 17

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Le mariage crée la famille.52Il constitue la source de la parenté, engendre les droits et les obligations à l'égard des membres la famille, se présente sous diverses formes : le foyer, la parentèle et le clan.53

1. Foyer

C'est une famille restreinte, une famille nucléaire ou atomique, composée du père, de la mère et de leurs enfants mineurs. Dans le foyer, le rôle de chaque membre est déterminé en fonction du système patriarcal ou matriarcal : (patriarcat, matriarcat), mais le rôle prépondérant revient au chef du foyer qui est le père et dans le cas exceptionnel l'oncle. Le mari qui est le chef du foyer doit protection à sa femme et ses enfants, il gère les biens du foyer et assure son entretien. Cette disposition du droit coutumier congolais a inspiré le législateur du code de la famille en plaçant l'homme à la tête de la gestion des biens quel que soit le régime matrimonial choisi par les époux lors de la célébration du mariage. 54

2. Parentèle

Ce mot est synonyme du mot famille au sens large. En effet, il y a plusieurs définitions qu'on peut donner à la famille traditionnelle africaine. On peut la définir comme étant un groupe domestique plus étendu, spécialisé, hiérarchique ; mais c'est aussi un groupe social de parent lié entre eux par la communauté des nom, culte, sang, etc. ainsi, donc les membres de la famille, les parents par le sang ou par alliance, ont les uns vis-à-vis des autres des droits et des obligations qui consistent au respect mutuel, aux entraides, aux prestations économiques et alimentaires.55

L'univers social kongo est une immense parenté axée sur le kanda.56 Celui-ci comprend six classes :

- Ndonga i bangudi (la classe des mères) ;

- Ndonga i bangudizinkasi (la classe des oncles maternels) ;

- Ndonga i banabankasi (la classe des neveux et nièces par la mère) ;

- Ndonga i bampangi (la classe des frères et soeurs, cousins et cousines par les mères) ;

- Ndonga i bankaka (les grands-mères et les grands oncles maternels) ;

- Ndonga i batekolo (les petits-fils et les petites-filles par les femmes)

52 Article 349 du code de la famille

53 Toussaint KWAMBAMBA BALA, op.cit., p. 18

54 Article 444 du code la famille : le mari est le chef du ménage

55 Toussaint KWAMBAMAB, op.cit. , p. 18

56 Kanda mot kikongo signifie famille

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HOMME FEMME

Tout membre de lignage est, à l'intérieur de ce lignage, un allié, a principalement de quatre lignages :

- Celui de son père (ki-tata ou ki-se) ;

- Celui de sa femme/ son mari : ki-nzadi (beaux-frères et belles soeurs) et le

kizitu (beaux-parents) ;

- Celui du père de son père : ki-nkala ;

- Celui du père de sa mère : ki-nkaka.

A chaque évènement, cinq lignages sont toujours en joie : son propre lignage et les quatre autres dont on est un allié. Parmi ces lignages alliés, les plus importants sont les deux premiers (père et femme).

Le cercle de parenté chez les Bakongo est donc immense et bien organisé. Le clan constitue le modèle de la société globale. Mais il n'est qu'un des éléments essentiels du système social kongo, les autres éléments sont le sol et les ancêtres.

En effet, le kanda et la terre qu'il occupe constituent une chose indivise placée sous la domination des ancêtres (bakulu)57. Ce sont les bakulu qui ont conquis le domaine du clan, ses forêts, ses rivières, ses étangs et ses sources ; ils ont été enterrés dans leur propriété (...) les membres du clan qui vivent sous le soleil, peuvent cultiver, faire la cueillette, chasser, pêcher ; ils ont l'usufruit du domaine ancestral ; mais ce sont les morts, qui en gardent la propriété.

3. Clan

C'est l'ensemble de tous les descendants par la filiation maternelle ou paternelle d'un ancêtre commun et qui porte le nom de la collectivité ; il comprend tous les membres de deux sexes : les vivants et les morts qui ont reçu le sang de l'ancêtre. Les membres du clan tiennent leur parenté de l'ancêtre éponyme dont la descendance est symbolisée par la communauté des totems, véhiculé par le sang. La parenté est fondée sur le lien de consanguinité bien déterminé, elle se transmet par la

57 Bakulu : mot kikongo signifiant les ancêtres

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filiation utérine ou féminine. L'enfant appartient au clan du père (système patriarcal) ; au clan de la mère (système matriarcal). Le clan est une société naturelle de secours mutuel dont les membres sont tenus de s'entraider.58 En droit coutumier congolais, l'individu a à la fois la capacité juridique de jouissance et d'exercice, mais en pratique, l'exercice de sa capacité est parfois limité. Par exemple : l'acquisition, l'aliénation de la propriété immobilière ou foncière, les gros bétails, les grandes récoltes, les droits de la chasse collective ; tout cela est dévolu au pater familias (chef de famille) et l'intéressé ne peut s'intéresser que des affaires minimes et domestiques.59

A ce propos A. SOHIER relève que généralement les tributs congolaises se divisent en patriarcales et matriarcales : procédé d'exposition utile, mais abus des termes employés : Il n'y a pas au Congo de sociétés matriarcales, c'est-à-dire de sociétés où l'autorité serait généralement et normalement exercée par les femmes ; on rencontre des femmes à la tête de chefferies, de clans ou de familles, mais à titre extraordinaire, par la suite de l'absence de mâles réunissant les conditions voulues.60

Mais selon que les groupes, la parenté s'établit par les hommes ou par les femmes : la succession va de père en fils ou de père à neveu utérin ; la parenté est « patrilinéaire » ou « matrilinéaire ». L'homme appartient ainsi, tantôt à la famille de son père, tantôt à celle de sa mère.

Il convient de signaler que dans la coutume locale du Kongo Central, l'enfant appartient au clan de sa mère comme l'a d'ailleurs réaffirmé à mainte reprise les cours et tribunaux.61 Le peuple mukongo étant matrilinéaire, il est normal qu'un enfant jouisse des biens de son père sans pourtant en disposer.62

Les décisions judiciaires ci- après poursuivent le même élan : d'après la coutume mukongo du Bas- Congo, une personne ne peut appartenir qu'à un seul clan.63

58 Toussaint KWAMBAMBA BALA, op.cit. , p.40

59 Henri De PAGE et René DEKKERS, Traité élémentaire de droit civil belge, Tome 9, Les successions, Bruxelles, éd. Etablissements Emile Bruyant, 1974, p. 10

60 A.SOHIER, Le mariage en droit coutumier Congolais, Bruxelles, Mém. Inst. Royal Colonial Belge, 1942, p. 20

61 Tribunal de grande instance de Mbanza-Ngungu, R.A.808, 17 octobre 1995 ; Tribunal de grande instance de Mbanza-Ngungu, R.A1142, 29 juin 1999 in Odon NSUMBU KABU, op.cit., p. 16

62 Tribunal de grande instance de Mbanza-Ngungu, R.A434, 22 juin 1988 in Odon NSUMBU KABU, op.cit., p.18

63 Tribunal de grande instance de Mbanza-Ngungu, R.A.1241, 30 janvier 2001, in Odon NSUMBU KABU, op.cit., p. 16 ; Tribunal de grande instance de Mbanza-Ngungu, R.A.1179, 13 janvier 2006, in Odon NSUMBU KABU, op.cit., p. 17 ; Tribunal de grande instance de Mbanza-Ngungu, R.A. 1179, 13 janvier 2006, in Odon NSUMBU KABU, op.cit. , p. 18

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Il faut noter qu'en tradition kongo, la pyramide est reversée, c'est-à-dire on ne part pas de l'individu au clan mais du clan à l'individu.

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille