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La spécialisation fiscale, éléments de refondation de l'action publique locale: reflexion sur les concepts d'efficacité et de gouvernance territoriale


par Bajer Joma Amada
Université Aix-Marseille 3 -   2005
  

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CHAPITRE 2. LES ASPECTS POLITIQUES DE LA SPÉCIALISATION FISCALE : VERS LA DÉMOCRATIE ET LA GOUVERNANCE TERRITORIALES

Réduire la question de la spécialisation fiscale territoriale aux seuls aspects économiques ne présenterait aucun intérêt dans la mesure où la réflexion sur l'efficacité économique ne permet pas de trouver des solutions sur la critique la plus répandue concernant la spécialisation des impôts locaux. C'est la raison pour laquelle, il a semblé essentiel de compléter les aspects économiques par une étude des aspects politiques de la spécialisation fiscale. Cette réflexion est rendue d'autant plus nécessaire que les collectivités locales sont devenues des institutions politiques au sens large du terme. Autrement dit, elles ne sont pas simplement des organes qui doivent exercer des compétences transférées au bon vouloir de l'Etat. Elles sont devenues des institutions d'impulsion et de proposition qui doivent de plus en rendre des comptes à une « opinion publique locale » en gestation.

Section 1. L'impôt comme instrument de renforcement de la démocratie locale

La « crise » de la citoyenneté et la désaffection à l'égard du politique que l'on constate au niveau national ne s'observent au niveau local. Au contraire, on assiste même à un développement et à un renforcement de la citoyenneté locale. Cette situation est rendue possible par les possibilités offertes par la démocratie participative. Celle-ci s'institutionnalise progressivement et ne manque pas de poser de nouvelles questions. Il est impossible d'ignorer l'impact de cette nouvelle démocratie locale sur l'architecture financière et fiscale locale. En effet, comment constater le développement local et le renforcement de la gouvernance territoriale sans poser la question du lien fiscal.

§1. De la démocratie à l'affirmation d'une citoyenneté locale

Le processus de décentralisation a engendré deux effets majeurs : un premier effet très souligné par ce qu'évident, c'est le renforcement des compétences des collectivités locales et la transformation de celles-ci en véritables acteurs des politiques publiques. Un deuxième effet moins souligné mérite d'être rappelé. Il s'agit de l'émergence d'un espace public et d'une forme de citoyenneté locale. Face à la crise de participation et d citoyenneté que connaissent les institutions nationales, les collectivités territoriales apparaissent de plus en plus comme un nouvel espace d'expression et de participation citoyenne. La démocratie participative locale est ainsi appelée à se renforcer dans les années à venir.

En déterminant le cadre institutionnel d'exercice des compétences des collectivités territoriales, la décentralisation a eu pour effet de transférer les attentes des citoyens-usagers à l'égard de l'Etat-Providence vers les nouveaux espaces de production de service public que sont les collectivités territoriales. A ce sujet, il serait intéressant d'observer comment chaque niveau d'institution locale joue un rôle spécifique au regard des attentes des citoyens. Ce n'est donc pas par hasard si, dans la définition des politiques publiques locales, ce sont les politiques communales qui sont les plus marquées par les consultations-concertations citoyennes. En effet, c'est à ce niveau marqué par la proximité que la démocratie participative prend tout son sens.

D'ailleurs, certains observateurs ne manquent pas de rappeler qu'historiquement, les débats institutionnels liés à la décentralisation, qu'il s'agisse des lois de 1871 sur le département ou bien de 1884 sur les communes, ont assimilés la démocratie à la décentralisation. On peut donc affirmer que les lois de décentralisation ont apporté les conditions nécessaires à de nouvelles exigences quant à la qualité du service public.

En fait, il faudrait préciser que la nouveauté constituée par les lois de décentralisation n'est pas le renforcement de la démocratie représentative mais plutôt l'émergence d'une nouvelle forme de démocratie participative locale, laquelle associe les citoyens à la décision politique. En d'autres termes, la crainte que certains exprimaient à propos de l'émergence de notabilités locales du fait des lois de décentralisation se trouve quelque peu infirmée par le « contrepoids » exercé par l'affirmation d'une nouvelle forme de citoyenneté locale. Aussi, l'apport des lois de la décentralisation ne se limite pas à l'encadrement juridique de la participation mais à la « création d'un contexte général plus favorable à l'association du public aux décisions et aux politiques municipales ».16(*) Aussi, la démocratie locale se trouve-t-elle renforcée par de nombreuses procédures d'expression et de participation.

1. Les techniques et les procédures de la démocratie participative locale :

La démocratie participative locale représente un terme générique qui désigne un ensemble de techniques et de procédures qui permettent aux citoyens locaux de s'exprimer et de participer à l'élaboration et à la réalisation des décisions publiques des collectivités locales. Du referendum local au conseil des sages en passant par les enquêtes publiques, il s'agit de dresser un panorama dont l'objectif est d'éclairer sur la richesse des formes d'expression de la citoyenneté locale.

Il existe deux types de participation citoyenne : la participation-consultation et la participation-concertation. La première débouche sur un avis qui n'est pas déterminant dans la prise de décision de la collectivité locale tandis que la seconde suppose que l'avis de la population fasse partie du processus décisionnel des autorités locales. De nombreux textes législatifs ont renforcé et encadré les pratiques participatives locales. Ainsi, la loi « Administration Territoriale de la République » du 6 février 1992 impose l'obligation aux collectivités locales de rendre compte de leur gestion. Ce qui représente une forme de consultation du citoyen.

De même, la loi du 25 juin 1999 d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire a instauré, pour les pays, des conseils de développement pour les citoyens locaux. Et enfin, la loi du 12 juillet 1999 sur la coopération intercommunale instaure des commissions d'usagers dans les groupements de communes.

Au nombre des formes de participation officielle, on peut dénombrer les Conseils Economiques et Sociaux Régionaux crées dans le cadre de la loi du 5 juillet 1972 instituant et organisant les Régions et dont l'objet est de représenter les milieux économiques locaux. Le referendum local est une autre forme de participation citoyenne locale qui a dû attendre de nombreuses lois pour être reconnu comme outil à part entière de renforcement de la citoyenneté locale. L'enquête publique constitue une forme de consultation destinée à informer le public et à recueillir ses avis pour un projet local donné.

Il existe par ailleurs d'autres instances locales de consultation et de concertation telle que les commissions locales extra municipales ou les comités consultatifs de services publics locaux. Pour finir avec ce panorama, il faut faire état du rôle des conseils de quartier dont la démarche est essentielle. Ces conseils constituent, au sein des communes, des structures de proximité d'information, de débat, d'échange et de suivi de projet.

L'une des raisons de l'émergence de la démocratie participative locale tient donc à sa relative simplicité pour la mettre en oeuvre sur un territoire bien délimité souvent de faible taille. Par ailleurs, si la démocratie représentative a constitué une innovation institutionnelle majeure à travers l'élection des organes délibérants au suffrage universel direct, elle a montré ses limites. Qu'il s'agisse de la représentation géographique ou du découpage électoral, la démocratie représentative ne semble pas être en adéquation avec l'émergence des nouveaux territoires d'action.

A ce sujet, la question de l'élection se pose avec plus d'acuité à propos du renforcement irréversible de l'intercommunalité. C'est donc la raison pour laquelle on peut affirmer que la démocratie de participation correspond mieux à la fois aux attentes des citoyens et à la multiplication des territoires d'action locaux. En effet, elle participa au renforcement de la visibilité des actions publiques locales dans un contexte où l'offre de services publics se trouve « éclatée ».

Compte tenu de ces éléments, on ne peut éviter de poser la question de la réforme de la fiscalité en termes de démocratie. Car, le fondement même de tout système fiscal, c'est bien l'adhésion et la participation. Autrement dit, le principe même de consentement à l'impôt nous pousse à poser la question de la « démocratie fiscale locale », et d'une manière connexe, la question de la spécialisation fiscale. En effet, dès lors qu'on pose la question du consentement à l'impôt local, on est obligé de considérer que la spécialisation des impôts locaux est le meilleur moyen de renforcer le mouvement de citoyenneté locale.

La Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 stipule, dans son article 14 que chacun doit « constater par lui-même la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi, et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée ». Aujourd'hui, les citoyens peuvent exercer plusieurs formes de contrôles des finances locales. Tout d'abords, ils peuvent exercer un contrôle politique sur la gestion financière des collectivités locales à travers leur droit de vote. Par ailleurs, la loi du 6 février 1992 pose le droit à l'information et à la communication des documents budgétaires comme un principe essentiel de la démocratie locale. Les élus locaux disposent, eux aussi, d'un pouvoir de contrôle qui se caractérise par le débat d'orientation budgétaire, les questions orales ou la communication des documents budgétaires et leurs annexes.

§2. Lien fiscal et gouvernance territoriale

La question de la spécialisation fiscale territoriale ne se limite pas aux seuls aspects pratiques. Pour constituer un véritable instrument de refondation de l'action publique locale, la réforme de la fiscalité locale autour de la spécialisation doit être l'occasion d'un « nouveau contrat social ». En effet, comme on l'a souligné précédemment, la question de la spécialisation permet de poser la problématique du consentement à l'impôt et de la participation des citoyens à l'offre de services publics locaux.

Pour justifier la nécessité d'un nouveau contrat social, il faut rappeler les fondements philosophiques, historiques et politiques de l'impôt dans les sociétés démocratiques. On n'a pas assez souligné les aspects politiques du processus de décentralisation. Il semble bien que celui-ci est bien un mouvement historique à la fois de renforcement et de transformation de la pratique démocratique. A cet égard, on observe que le principe de démocratie participative plus facile à appliquer dans un cadre local que national, a besoin d'être reconnu notamment par l'instauration d'un véritable lien fiscal.

En effet, l'enjeu majeur de la nouvelle citoyenneté locale doit nécessairement s'appréhender à travers la problématique du lien fiscal territorial. En fait, depuis les premières origines de la démocratie parlementaire, la citoyenneté est totalement liée, par le biais du consentement à l'impôt, à la fiscalité.

Cette question se pose avec beaucoup de vigueur avec l'émergence des compétences institutionnelles des collectivités locales et avec le renforcement des pouvoirs des assemblées délibérantes. D'ailleurs, le terme même de lien fiscal territorial soulève de nombreuses questions qui n'ont pas encore trouvées de réponse. Compte tenu de l'enchevêtrement des compétences institutionnelles sans réellement la possibilité de définir une tutelle d'une collectivité sur les autres, et au regard également de l'enchevêtrement des impôts locaux, il n'est pas vraiment aisé de parler de lien fiscal territorial.

Par conséquent, la citoyenneté locale comme expression du lien fiscal local reste à déterminer. Une des solutions que l'on peut envisager est la spécialisation fiscale territoriale comme outil de renforcement de la démocratie locale et instrument de gouvernance territoriale. Par ailleurs, la spécialisation fiscale territoriale participe à rendre plus visible les niveaux et la nature des interventions des pouvoirs publics locaux. Nous retrouvons ici le lien qui existe entre la légitimité démocratique et la visibilité de l'action publique locale.

On ne peut traiter cette problématique sans jeter un clin d'oeil sur l'émergence des intercommunalités à fiscalité propre. Aujourd'hui, les Etablissements Publics de Coopération Intercommunale ayant adopté la taxe professionnelle unique sont majoritaires dans le paysage intercommunal français. Au même moment, on assiste à une exigence de démocratie directe avec les demandes d'élection des membres des assemblées délibérantes des ces établissements au suffrage universel direct.

L'évolution des EPCI vers l'élection au suffrage universel direct représente un facteur majeur d'affirmation de la citoyenneté dans le cadre de l'intercommunalité. D'ailleurs, on peut penser que le lien existant mais appelé à se développer entre projet, fiscalité et élection dans le contexte du renforcement de l'Intercommunalité illustre parfaitement la légitimité à venir de la nouvelle action publique locale. En d'autres termes, si l'impôt est un outil de légitimité, le projet constitue un instrument de gouvernance.

La gouvernance représente ainsi un instrument opérationnel majeur dans ce contexte qui voit l'élargissement des autonomies locales sous des formes diverses notamment sous la forme d'interférence entre les institutions publiques locales et des acteurs non institutionnels. Cette gouvernance devient d'autant plus nécessaire que ces acteurs prennent de plus en plus d'importance sans pour autant que la question de leur légitimité soit posée.

La notion de gouvernance insiste donc sur l'interdépendance des réseaux d'acteurs publics et privés, sur la capacité de satisfaire certains intérêts et sur l'autonomie d'action. Cela peut sembler contradictoire avec la recherche et le renforcement d'une légitimité politique propre aux collectivités territoriales dans la mesure où la gouvernance consacre la fragmentation des instances de décision locales. En réalité, il n'y a pas contradiction en ce sens que le renforcement de la légitimité de la décision politique ne doit pas se faire au détriment de l'efficience de cette décision sur le plan de la mise en oeuvre des actions publiques locales.

Les problématiques actuelles de gouvernance s'imposent aux institutions locales en ce sens que vingt années de processus de décentralisation ont donné naissance à des systèmes locaux de pouvoir dont l'importance augmente d'année en année. Un système de pouvoir qui ne se limite pas aux seuls acteurs politiques. En effet, le jeu de l'action locale est rendu complexe par l'intervention de tout un réseau d'acteurs locaux.

En matière d'aménagement et de développement local, le phénomène est encore plus réel. De fait, le projet local caractérise l'affirmation des modes de gouvernement locaux. C'est à travers le projet que les collectivités locales concrétisent non seulement leurs visions politiques mais mobilisent également les énergies locales et sensibilisent les citoyens. Le projet devient ainsi un moyen de mettre en oeuvre « une démocratie participative fondée sur le principe d'auto- évaluation collective ».17(*)Le projet territorial résume les volontés locales et concrétisent celles-ci à travers les actions.

Le lien territorial pose le problème de la citoyenneté plurielle dans la mesure où le citoyen s'identifie à différents niveaux de collectivités communal, intercommunal, départemental et régional. L'un des principes majeurs de la citoyenneté est que celle-ci est indivisible. Et pourtant, cette nouvelle configuration semble introduire un éclatement de la citoyenneté. Mais, certains y voient, au contraire, une redéfinition de la citoyenneté. En effet, la multiplicité des formes de citoyenneté signifie que l'expression de la citoyenneté est directement liée à l'expression de la demande sociale.

* 16 P.MOZOL « La participation du public à la vie municipale » (Tome 1)

* 17 G. LOGIE : L'intercommunalité au service du projet de territoire 

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"L'imagination est plus importante que le savoir"   Albert Einstein