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Le Travail des enfants


par Aude Cadiou
Université de Nantes - DEA de droit privé 2002
  

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SECTION II  :
LA CREATION DE NORMES CONTRE LES « PIRES FORMES DE TRAVAIL
DES ENFANTS »

Adoptée en 1999, la Convention n°182 sur les pires formes de travail des enfants, intervient après l'adoption d'autres normes internationales plus complètes et plus générales. On peut donc s'interroger sur l'intérêt de cette nouvelle convention
( Paragraphe I ), avant de voir précisément son apport au système juridique déjà existant ( Paragraphe II ).

Paragraphe I  :
Pourquoi une nouvelle convention plus restreinte ?

Les normes internationales déjà existantes, telles que les conventions sur le travail forcé ou sur l'âge minimum, ainsi que la convention internationale relative aux droits de l'enfant, n'ont pas pu empêcher la mise au travail de millions d'enfants depuis leurs entrées en vigueur. En effet, ces conventions ne sont pas concrètement applicables en raison des causes que nous venons d'énoncer, car elles ne prennent pas réellement celles-ci en considération. Pour indispensables qu'elles sont, les lois n'ont pas réussi à éliminer le travail des enfants. Partout dans le monde, non seulement les interdictions sont violées, mais même les lois qui n'ont pour ambition que de réglementer certains travaux, sans les interdire, ne sont pas respectées. L'élimination du travail des enfants passe-t-elle donc par une interdiction en bloc, ou par une approche plus pragmatique ? La communauté internationale, semble avoir opté pour la deuxième possibilité, en décidant de s'attaquer, pour commencer, aux « pires formes du travail des enfants » . Pour ce faire, elle a adopté une nouvelle norme, ayant un champ d'application moins large que les conventions que nous avons vues précédemment. Le but est tout simplement de commencer par éradiquer les formes les plus intolérables de travail des enfants, et ensuite seulement quand toutes les conditions pour le faire seront réunies, d'éliminer le plus complètement possible le travail des enfants, c'est à dire dans ses formes « tolérables ».

Il a donc fallu, avant même d'édicter une convention visant à éradiquer les formes les plus intolérables de travail des enfants, se mettre d'accord sur cette notion de formes intolérables. Un débat essentiel vit alors le jour : comment définir la frontière entre
l'« intolérable » et le « tolérable » ? Ce débat vit s'opposer d'un côté, les abolitionnistes du travail des enfants, notamment les syndicats de la Confédération internationale des syndicats libres , qui affirment que la place de l'enfant est à l'école et non au travail, quel que soit le travail, et de l'autre côté les non-abolitionnistes, constitués essentiellement d'Organisations non gouverne-mentales agissant sur le terrain et qui se voulaient réalistes, en estimant impossible de proposer une alternative à court terme à tous les enfants travailleurs du monde. On a donc retrouvé à cette occasion, le débat qui existait en France à la fin du XIXème siècle entre la nécessité de supprimer ou d'encadrer le travail des enfants pauvres. Or, à cette époque, la vision abolitionniste a fini par triompher, grâce à la scolarisation de tous les enfants et à une protection des plus pauvres. Cependant, aujourd'hui, le débat est inévitable pour les pays en développement car il est en effet difficile de supprimer du jour au lendemain le travail des enfants si les besoins primaires de ceux-ci ne sont pas couverts, ou si des infrastructures essentielles manquent, telles que des écoles. Mais cela ne doit cependant pas empêcher de développer une vision à long terme : sur cette question, les abolitionnistes et les anti-abolitionnistes se rejoignent au moins sur le diagnostic, à savoir que pour mettre fin à l'activité des enfants, il ne suffira pas d'une réglementation du travail, mais qu'il faudra engager de vraies réformes pour éliminer la pauvreté absolue.

Néanmoins, on peut se demander s'il ne s'agit pas là d'une renonciation de la communauté internationale, qui devant l'ampleur du travail des enfants, baisse en quelque sorte les bras, et se contente de s'attaquer au plus grave et donc au plus choquant pour l'opinion publique. En effet, il est difficilement imaginable qu'on laisse délibérément des enfants au travail, alors que l'on en sauve certains autres, sous prétexte que leur travail serait plus tolérable. Cependant, ce n'est pas dans ces termes qu'il faut envisager la situation du travail des enfants : il est évident que tous les enfants travailleurs doivent être arrachés à leur travail pour accéder à une éducation de qualité, mais malheureusement, en l'état actuel du développement de certains pays, cet objectif est inaccessible. Par conséquent, et cela me semble être la meilleure approche possible, la communauté internationale et notamment l'Organisation internationale du travail a décidé de faire en quelque sorte « avec les moyens du bord » et de s'attaquer d'abord aux atteintes les plus graves envers les enfants. Une fois cet objectif accompli, et ces enfants sauvés de l'exploitation, la communauté internationale se devra d'apporter toute l'aide nécessaire aux pays en développement, pour que ceux-ci puissent proposer des alternatives solides aux enfants et aux parents pauvres, afin d'empêcher ceux-ci de devoir recourir au travail de leurs enfants.

Dans son rapport sur la situation des enfants dans le monde en 1997, l'UNICEF tenait déjà ce discours : l'UNICEF voulait combattre le mythe selon lequel le travail des enfants ne serait jamais éliminé tant que la pauvreté subsisterait. Pour cette organisation, même s'il est tentant de conclure que le travail des enfants et la pauvreté sont inséparables, et que les appels en faveur de l'élimination immédiate des formes les plus dangereuses du travail des enfants sont utopiques, il ne faut surtout pas oublier que l'exploitation de ces enfants bénéficie aux employeurs pour qui elle est une source de profit supplémentaire. C'est pourquoi, l'emploi des enfants à des travaux dangereux pouvait et devait être éliminé indépendamment de mesures plus vastes visant à limiter la pauvreté. De toute façon, si aujourd'hui la communauté internationale veut être crédible dans son discours, elle ne peut exiger de ces pays qu'ils mettent effectivement en oeuvre, les lois interdisant le travail des enfants. En effet, la situation engendrée par cette exigence serait alors pire que la situation actuelle : les familles ne peuvent souvent pas se passer du revenu généré par le travail de leurs enfants, donc les enfants continueront à travailler mais encore plus clandestinement encore qu'aujourd'hui et donc dans des conditions encore plus précaires, et seront encore plus difficilement protégeables car inaccessibles.

De plus, on ne peut pas imposer à ces populations pauvres de ne pas faire travailler leurs enfants car ils n'ont aucune autre alternative pour eux : ces enfants n'ont pas accès à l'école, soit car elle est trop chère, soit tout simplement car il n'existe pas d'école à proximité de leur habitation. Par conséquent, non seulement ces enfants ne seront pas éduqués, mais en plus ils ne seront pas formés à travailler la terre qu'ils devront plus tard cultiver, et les filles ne sauront pas tenir le foyer, comme elles devront le faire quand elles seront mariées. De plus, des expériences ont déjà été faites, de fermeture pure et simple d'usines employant des enfants illégalement, et les résultats furent plus que décevants : les enfants qui travaillaient dans ces usines ont bien évidemment cessés d'y travailler, mais ayant été jetés à la rue sans reclassement, ils ont tous trouvé un autre emploi encore plus dur et moins bien payé. Il est donc totalement inutile, de vouloir appliquer strictement les conventions internationales, sous peine de voir la situation de ces enfants devenir encore plus difficile, malgré toutes les bonnes intentions dont font preuve ces conventions.
Il paraît donc préférable aujourd'hui de s'attaquer aux formes les plus graves de travail des enfants en priorité, et de mettre parallèlement en place dans ces pays en développement, des structures capables d'accueillir et de former ces enfants.

Cependant, on peut également s'interroger sur la nécessité d'adopter une nouvelle convention, alors que les conventions internationales en vigueur en matière d'interdiction de travail des enfants, ne sont pas appliquées par les pays signataires. En effet, la convention n° 138 que nous avons étudiée précédemment est la norme internationale en ce qui concerne le travail des enfants, mais elle est peu ratifiée par les pays en développement, et surtout elle n'est pas appliquée. Donc, pourquoi, édicter une nouvelle norme internationale, alors qu'il suffirait de faire appliquer celle déjà existante ? La raison est pourtant simple : le but ultime de la convention n° 138 est l'abolition complète du travail des enfants, mais il est aujourd'hui largement admis que ce processus prendra du temps et que les enfants travaillant dans des conditions extrêmes ne peuvent attendre, que soient résolus les problèmes de développement à long terme. Cette nécessité a incité l'adoption de normes nouvelles concernant les pires formes de travail des enfants, afin d'assurer que ces formes soient la priorité de toute action nationale et internationale.
De plus, une mobilisation en faveur de normes nouvelles permettra par ailleurs de maintenir l'élan nécessaire à l'action. Le fait de se concentrer sur les pires formes de travail des enfants a comme avantage supplémentaire que les politiques conçues pour traiter la question des enfants les plus démunis, sont susceptibles de profiter aux autres enfants qui travaillent, et que l'attention portée aux exemples les plus répugnants sous l'angle social peut contribuer à maintenir l'engagement et le consensus social nécessaire à l'abolition totale du travail des enfants. En même temps, la convention n°138 reste la base de toute action nationale et internationale en faveur de l'abolition complète du travail des enfants, et la recommandation n° 146 qui l'accompagne, fournit les lignes directrices complètes pour l'élimination de ce travail et pour l'adoption de politiques nationales qui répondent aux besoins des enfants et de leurs familles.

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams