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L'interdiction de la fusion General Electric / Honeywell


par - Jan Wasilewski Aude Rousselot
Science Po
Traductions: en Original: fr Source:

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Conclusion

Comme nous l'avons vu, si l'interdiction de la fusion entre General Electric et Honeywell était logique du point de vue de la législation européenne, il est tout aussi vrai que les tentatives de mise en conformité de la fusion ont souffert d'une atmosphère délétère créée par des tentatives d'influence trop nombreuses et trop visibles. L'échec de GE/H fut donc l'occasion d'une prise de conscience des politiques et des lobbyistes outr'Atlantique vers un redimensionnement de leurs stratégies.

Cette affaire manquée restera certainement comme l'un des cas importants de l'Histoire de la Commission dans sa fonction antitrust, et elle est porteuse d'enseignements à la fois techniques et pratiques, présentant autant une impasse juridique et économique, que l'affirmation de la puissance de la Commission.

Il semble que, suite à cette affaire et comme toujours, le milieu du lobbying apprenne vite, comme le montre la récente mutation des stratégies d'éviction de la part d'entreprises américaines. Rockwell International et United Technologies étaient des concurrents sur le marché domestique de GE/H : de même ce serait Disney qui aurait réussi à pousser la Commission à forcer AOL à faire des concessions importantes à l'occasion de son acquisition de Time Warner pour 165 milliards de dollars, et encore dans la même veine, Sun Microsystems aurait joué un rôle déterminant dans l'investigation en cours sur la position dominante de Microsoft dans le software pour serveurs. Toutes ces compagnies sont des concurrents domestiques des entreprises soupçonnées : leurs lobbyistes auraient de cette manière trouvé le meilleur moyen d'atteindre à leurs adversaires en changeant de continent et en en appelant à la Commission, renouvelant ainsi la classique « stratégie par la bande ».

A.1. Historique du cas :

20 Octobre 2000 - le PDG de GE, Jack J. Welch, apprend que United Technologies, un concurrent de GE, est en train de préparer une acquisition de Honeywell. Il prépare en 45 minute une contre-offre, écrite à la main, et l'envoie par fax à Honeywell

22 Octobre 2000 - plan de la fusion accepté par Honeywell

Début novembre 2000 - GE et Honeywell contactent les autorités antitrust américaine et européenne au sujet de la fusion préparée, début de contact régulièr afin de remplir les formulaires de notification

15 novembre 2000 - dépôt du formulaire HSO (Hart Scott-Rodino) de notification auprès de l'autorité antitrust des Etats-Unis

Décembre 2000 - certains concurrents de GE, déjà organisés, appellent Enrique Gonzalez-Diaz, délégué à la Commission au dossier GE/H, pour lui fournir des éléments susceptibles d'entraîner une « deuxième phase » (procédure d'investigation approfondie). Ils sont accusés de « couiner » par le susdit.

5 février 2001 - dépôt du formulaire CO de notification de la fusion auprès de la Commission européenne

26 février 2001 - toutes les parties prenantes se rencontrent à Bruxelles. A 18h30 il leur est annoncé par Mario Monti et Alex Schaub que la Commission va passer à la deuxième phase.

1 mars 2001 - début officiel de la deuxième phase avec l'ouverture de la procédure d'investigation de quatre mois par la Commission européenne

2 mai 2001 - autorisation de la fusion par l'antitrust américain sous réserve de vente d'une société construisant des moteurs d'hélicoptères par GE

8 mai 2001 - la Commission présente aux deux compagnies un document de 155 pages d'objections qui cible principalement le bundling, les horizontal overlaps dans les moteurs de jets régionaux; et pas tellement GECAS qui se révèlera l'obstacle le plus important.

16 mai - le Canadian Competition Bureau informe les deux entreprises qu'il ne s'oppose pas à leur fusion. A ce stade, les projets de restructurations commencent à être lancés entre les deux partenaires.

entre le 15 et le 20 mai - la Commission mène des auditions d'entreprises américaines et européennes

29 mai 2001 - toutes les parties prenantes se rencontrent pour 2 jours d'audition. Selon quelques observateurs, GE et Honeywell réussissent à invalider l'argumentation de la Commission sur le bundling (effet portefeuille) en envoyant des économistes renommés dont le Prof. Shapiro de Berkeley.

12 juin - Pour éviter l'effet portefeuille auquel la Commission se raccroche avec force, J. Welch propose de vendre la branche aérospatiale d'Honeywell estimé à 2,2 miliards de $ sans compter la branche moteur d'hélicoptère, et de cadrer les activités de GECAS en une entité juridique indépendante de GE, mais J. Welch reste opposé à la demande de l'Union européenne d'effectuer un transfert en bourse du capital du GECAS dont GE resterait propriétaire. C'est insuffisant face aux demandes de la Commission.

13 juin - clôture de la semaine de négociations. J. Welch flanqué de sept assistants rencontre Monti deux fois dans la journée sans parvenir à trouver de compromis. Monti veut que GE vende 20% du GECAS à un concurrent, pour J. Welch c'est hors de question : il est soutenu dans son raisonnement par ses lawyers et économistes qui arguent que « it would bee like asking a Ford CEO to drive a Toyota for 20% of his time » (Barry Nalebuff, économiste de Yale). A cet instant, on sait que la fusion est sur le point d'être avortée. Au soir J. Welch téléphone à au Chef de cabinet de G.W. Bush, en lui demandant « whatever help you can give us ».

13-14 juin - sommet de Göteborg, officiellement on ne parle pas de GE.

-Jeff Immelt, le successeur de J. Welch, déclare la fusion avortée. J. Welch rentre aux USA.

14 juin - Charles James, nommée par Bush, prend enfin effectivement la tête de la division antitrust du Département de Justice des Etats-Unis

- communiqué de presse de GE qui suppose que la véritable raison de l'opposition à la fusion est la défense des intérêts des entreprises européennes

- l'indice Dow Jones des sociétés industrielles qui font le plus de profits fait une chute de plus de 100 points dans la première heure d'ouverture de la bourse, suivi de près par l'indice Nasdaq. La chute des actions de Honeywell et de GE représente plus du cinquième des pertes enregistrées au Dow Jones

15 juin - le Président Bush en visite à Varsovie ce dit « préoccupé » par le fait que les européens n'acceptait pas la fusion. «Je m'inquiète de ce que les européens s'opposent à la fusion». Il avertit également que l'Union «a un fort intérêt à ce que GE et Honeywell soient traités de façon équitable».

17 juin - (date limite légale pour déposer des propositions), GE propose des concessions que la Commission juge inadéquates et insuffisantes, notamment en l'absence de propositions sur le GECAS. Monti exige la cession de la totalité des activités avioniques, qui représentent 3,6 milliards de dollars de chiffre d'affaire et la moitié des bénéfices de Honeywell.

18 juin - Monti déclare à Ljubljana, furieux. «I deplore attempts to misinform the public and to trigger political intervention» «This is a matter of law and economics, not politics»

19 juin - Jeffrey Immelt, numéro 2 de GE et futur successeur de J. J. Welch, déclare dans une interview aux journalistes français que les chances de sauver la fusion sont devenues « nulles »

25 juin - suite à des pressions diplomatiques sur les différents Etats-Membres, certains pays commencent à craquer comme la Grande-Bretagne dont le représentant de l'Office for Fair Traiding se demande publiquement si les arguments de la Commission sont « suitably weightly »

27 juin 2001- 2 semaines après la date limite légale pour déposer des propositions, GE propose de nouvelles concessions, que la Commission accepte d'examnier mais finit par déclarer comme toujours insuffisantes. Robert Pitofski (ancien chef du Federal Trade Commission), appelle Alex Schaub et M. Monti, ; Debbie Herman (numéro deux de la division Antitrust du Department of Justice) vient à Bruxelles et rencontre des administratifs de la Commission.

29 juin 2001 - lettre de Michael Bonsignore, PDG de Honeywell à J. Welch, dans laquelle il propose de baisser le taux de change de « 1.055 shares to 1.01 shares of GE for every Honeywell share », ce qui baisserait la valeur de la transaction de 2 milliards de $, pour que GE puisse vendre plus de segments de son activité et se rendre ainsi aux exigences de la Commission. J. Welch décline l'offre dans une lettre, arguant «What the commission is seeking cuts the heart out of the strategic rationale of our deal. The new deal you propose, in response to the commission, makes no sense for our share owners.»

3 juillet 2001 - vote de la Commission interdisant la fusion

4 juillet 2001 - le PDG d'Honeywell, Michael Bonsignore, est limogé. Le nouveau PDG, Larry Bossidy, demande à ses lawyers de définit comment H pourrait poursuivre GE pour absence de réels efforts « reasonable good efforts » à l'occasion de la procédure manquée auprès de la Commission.

12 septembre 2001 - On apprend que GE accepte d'acheter deux entreprises appartenants à Honeywell - Tensor et Honeywell Advanced Composites, et s'engage à couvrir tout les frais de Honneywell relatifs à la fusion avortée. GE et Honeywell renoncent officiellement à formuler des recours l'une contre l'autre au sujet de la fusion avortée. GE et Honeywell déposent chacune un recours contre la décision de la Commission au Tribunal de Première Instance pour fondements insuffisants de la décision de la Commission.

mi-septembre 2001 : M. Monti rencontre Charles James à Washington et pose les jalons d'une nouvelle forme de coopréation entre les instances antitrusts américaine et européenne, déclarant aussi que la Commission examine un recentrement de ses raisonnements sur la notion d' « atteinte à la concurrence » (à l'américaine) et non plus sur de « position dominante ».

2 octobre 2001 - GE et H sont normalement liées par leurs accords américain et canadien jusqu'au mois de novembre ; mais, et ce même en l'absence de décision définitive du Tribunal, les deux entreprises déclarent en conférence de presse renoncer officiellement à la fusion. La décision du Tribunal de Première Instance n'a toujours pas été rendue, sans qu'on sache véritablement si cet abandon a ajourné de fait la procédure ou si elle est toujours en cours.

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