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L'interdiction de la fusion General Electric / Honeywell


par - Jan Wasilewski Aude Rousselot
Science Po
Traductions: en Original: fr Source:

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2. La forte campagne d'influence mise en place par GE/H

2.1. Un contexte formel et conjoncturel sous-évalué par le consortium américain ?

2.1.1 Les concurrents dans le secteur aéronautique

Les principaux concurrents de GE et H sont les motoristes anglais Rolls Royce et français Snecma, Rockwell et Thales (ancien Thomson CSF) pour les produits avioniques, Pratt and Whitney (filiale de United Technologies) dans les avions.

Il semble que ces différentes firmes se soient organisées assez tôt pour contrer la fusion : Enrique Gonzalez-Diaz, délégué à la Commission au dossier GE/H, aurait été contacté dès décembre 2000 par des compagnies prêtes à lui fournir des éléments susceptibles d'entraîner une « deuxième phase » (procédure d'investigation approfondie) - même si le fonctionnaire les accusés sur le moment de « venir couiner » auprès de la Commission, il ne les a pas pour autant évincés de la liste des entreprises entendues lors de la semaine d'auditions organisée du 15 au 20 mai 2001.

Par ailleurs, ces compagnies se seraient même partagé le travail : le Christian Science Monitor comme le Legal Times attribuent très précisément à United Technologies et à ses lobbyistes du cabinet Cleary l'apport des preuves sur les effets néfastes de GECAS, et à Rolls-Royce et ses conseillers de Freshfields celle sur le bundling et les packages qui portent atteinte à la concurentialité du secteur. Rockwell International aurait aussi joué son rôle dans l'expertise technique contre GE/H, profitant du fait que les effectifs limités de la Commission6(*) la poussent à accepter les expertises techniques volontaires.

2.1.2. Le secteur aéronautique dans sa globalité

Non seulement l'industrie aéronautique est une arène privilégiée des conflits commerciaux entre les Etats-Unis et l'Europe au point de vue politique et diplomatique7(*), ce qui a été un véritable aléa thématique malheureux pour l'affaire, mais encore les pressions de branche se sont-elles faites fermement sentir autour de thèmes annexes à l'affaire GE/H à cette époque.

L'exemple des événements du Salon aéronautique du Bourget du 14 au 18 juin 2001 en sont sans doute le meilleur exemple. D'une part EADS en profite pour affirmer publiquement n'avoir pas témoigné contre la fusion. D'autre part Airbus, le principal fabricant d'avion européen, annonce à cette occasion qu'il a battu Boeing, son concurrent américain, en s'assurant de la part de ILFC, une société de leasing située aux Etats-Unis, la commande (9,4 milliards de dollars) de cent onze avions, ainsi qu'une promesse d'acheter cinq avions géants A380. La branche militaire d'Airbus obtient pour sa part, des ministres de la défense européens, un engagement écrit selon lequel ils achèteront deux cent douze avions A400M, le premier gros porteur militaire produit depuis bien des années par l'Europe. A la suite de ces déclarations, le vice-président de Boeing, Harry Stonecipher, accuse Airbus de forcer la main de la Commission en s'opposant à la fusion entre les deux groupes américains. Il avertit, dans une interview au journal Le Monde, que le conflit pourrait s'étendre dans l'arène commerciale. «Les Etats-Unis ont approuvé cette fusion. Si l'Europe la refuse, que se passera-t-il ? Nous ne sommes pas exactement des amis, non ?» dit il. Il qualifie l'intention de l'Europe d'acquérir plus de deux cents avions cargos A400M «d'absurde» économiquement, l'Amérique pouvant produire ces avions à meilleur marché.

On a pu relever d'autres stratégies diverses de pression de branche : ainsi les PDGs de Rolls-Royce et Thales Avionics se sont-ils fréquemment exprimés publiquement quant à des doutes sur l'honnêteté de la fusion et les pressions que GE exerçait sur la concurrence ; un congrès du secteur MRO (maintenance, repair and overhaul) a lieu en avril 2001 à Dallas et Delta Airlines et Air Canada ne manquent pas d'y exprimer leurs réserves, et caetera.

> Un glissement du débat s'opère ainsi des deux parties prenantes de la négociation (GE/H contre Commission) vers les sphères industrielles et politiques qui se positionnent indirectement pour la défense des positions. Chacune a sensibilisé les acteurs industriels continentaux de la branche concernée : les Américains contre les Européens, même hors-marché direct, en une forme de pression politique informelle et polymorphe qui brouille le débat et tente de maquiller ce qui n'en était pas moins une volonté d'influence en élargissant les critiques bien au-delà des implications directes de l'affaire.

* 6 40 personnes au début de la procédure, 60 à la fin, 100 en 2003

* 7 La Commission avait plié sous la pression du gouvernement Clinton lors de la fusion Boeing/MacDonnellDouglas en 1997, à la fureur ultérieure de M. Monti

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