CHAPITRE II
LA PROCEDURE EXCEPTIONNELLE DE CREATION DE LA NORME
CONSTITUTIONNELLE
La création de la norme constitutionnelle n'est pas un
événement banal. C'est ici l'occasion de prendre la pleine mesure
de la dimension symbolique qui s'attache à la constitution et qui
justifie par conséquent la procédure solennelle qui
préside tant à son élaboration qu'à sa
révision. La suprématie de la loi fondamentale trouve ainsi sa
justification dans les formes en lesquelles celle-ci est conçue. Comme
le souligne si bien Pierre Pactet, "c'est la procédure de
révision qui permet de reconnaître à la loi
constitutionnelle une valeur supérieure à celle des lois
ordinaires" (1). La création de la règle de valeur
constitutionnelle obéit aux exigences de ce que Charles Eisenmann
appelait "la législation constitutionnelle.'^) C'est un ensemble de
conditions de forme qui entourent la fabrication de la constitution. De fait,
toute règle élaborée suivant cette forme se verra
conférer la valeur suprême. Comme nous le verrons, la forme est un
trait caractéristique de la reconnaissance du pouvoir constituant. Mais
quelle est cette forme? Quel est le contenu des règles de la
législation constitutionnelle? Rend-elle compte de la
supériorité de la norme fondamentale? D'emblée on peut en
relever le caractère exceptionnel, et surtout sa rupture avec la
procédure législative dont elle se distingue fondamentalement. Il
faut souligner que la procédure d'élaboration de la Constitution
n'est pas déterminée a priori, car "il est de son essence [le
pouvoir constituant] de pouvoir ce qu'elle voudra et de la manière dont
elle le voudra". Sous ce rapport se décline nécessairement la
nature "métaphysique" du pouvoir constituant en sa forme originaire.
Aussi souligne M. Kamto, l'appréciation que l'on peut faire ne peut
être que politique et non juridique (3).
La procédure constituante a des incidences importantes
sur la suprématie constitutionnelle. Aussi le droit constitutionnel
camerounais et la doctrine y trouvent un champ fertile où se
développent les plus grandes controverses. Le cycle constitutionnel
camerounais se décline en effet en une succession de procédures
dont le moins qu'on puisse
1. P. Pactet, Institutions politiques. Droit
constitutionnel, Armand Colin, Paris, 20'°"' éd., 2001.
2. Voir Ch. Eisenmann, La justice constitutionnelle et la
Haute Cour constitutionnelle d'Autriche, Econoirrica, PUAM, 1972. La
législation constitutionnelle est selon le Pr. Eisenmann la forme dans
laquelle est moulée toute règle à laquelle on veut
conférer une valeur suprême. Elle se distingue de la
législation ordinaire par son caractère exceptionnel et ses
contraintes qui peuvent porter sur le quorum ou la majorité requise.
3. Il est admis en droit constitutionnel que la
manifestation du pouvoir constituant originaire est insusceptible d'encadrement
juridique, c'est-à-dire qu'on ne peut pas dire qu'il empruntera telle
forme. Le pouvoir constituant peut ce qu'il veut et dans la forme qu'il veut;
et une Constitution pourrait très bien être élaborée
par la procédure législative. Le caractère exceptionnel de
la procédure constituante à l'origine repose finalement sur le
fait qu'elle n'est organisée par aucun texte.
dire est qu'elles sont loin des schémas classiques
établis en Droit. Disons tout simplement que l'élaboration des
Constitutions au Cameroun offre l'image d'une procédure
véritablement ambiguë (section 1), tandis que la procédure
de révision dont le critère essentiel est de j permettre la
distinction entre la Constitution et la loi, met la règle
constitutionnelle entre rigidité et souplesse (section 2).
SECTION 1: UNE AUTORITE ETABLIE SUR UNE PROCEDURE
CONSTITUANTE
VERITABLEMENT
AMBIGUË
L'élaboration d'une Constitution ne se fait pas selon
une procédure fixée à l'avance. C'est la
conséquence de la souveraineté du pouvoir constituant. Celui-ci
se détermine selon les modalités que lui seul fixe. D en
résulte que la procédure d'élaboration de la Constitution
ne peut être "ni régulière ni
irrégulière"(4). Cette vision sténotypée est loin
d'être aussi simple en pratique, surtout en droit constitutionnel
camerounais. L'élaboration des Constitutions à une exception
près, est source de controverse car véritablement ambiguë.
Une ambiguïté construite au fil des bouleversements sociopolitiques
(paragraphe 1) dont la loi fondamentale du 18 janvier 1996, texte
discuté dans sa création (paragraphe 2) est, au stade actuel de
notre droit, l'exemple le plus significatif.
PARAGRAPHE 1: UNE AMBIGUÏTE CONSTRUITE
De l'analyse de la dynamique constitutionnelle camerounaise,
seule la Constitution du 4 mars 1960 échappe à une controverse
dans son élaboration. Peut être parce que le pouvoir constituant
qui présida à son élaboration s'est
développé sur un terrain véritablement vierge(5).
Adoptée 1e 21 février 1960 par référendum et
promulguée le 4 mars de la même année, la toute
première Constitution du Cameroun marque son accession au statut d'Etat.
Son avènement est plutôt célébré que
décrié, car la loi fondamentale porte l'estampille du souverain
constituant. Mais dès 1961 la législation constitutionnelle
s'engage par le fait des politiques sur un chemin difficile
caractérisé par l'ambiguïté des procédures par
lesquelles est élaborée la règle de droit suprême.
Cette ambiguïté est décelable à travers la
"révision" de la Constitution du 4 mars 1960 (I) et le
référendum constituant de 1972 (II).
4. Le pouvoir constituant est un pouvoir
inconditionné. Aucune règle ne le limite car précise P.
Pactet" les assemblées constituantes sont maîtresses de leur
procédure puisque libres et inconditionnées du fait de la
disparition de l'ordre juridique antérieure". A cause de cette
souveraineté du pouvoir constituant, la doctrine soutient qu'une
"révision constitutionnelle ne saurait être
anticonstitutionnelle".
5. La Constitution du 04 mars est celle qui crée
l'Etat du Cameroun. Elle est sur le plan de la science constitutionnelle l'acte
fondateur de l'Etat, puisqu'il n'existait jusqu'à cette date aucun Etat
connu dans le monde et dénommé Cameroun. Avec la loi fondamentale
de 1961, le Cameroun sort de la tutelle pour exister par lui-même et pour
lui-même.
I- LA "REVISION" CONSTITUTIONNELLE DU
ler SEPTEMBRE 1961
La promulgation de la "loi n°61-24 du 1er septembre 1961
portant révision constitutionnelle et tendant à adapter la
Constitution actuelle aux nécessités du Cameroun
réunifié" marque le début de ce que nous qualifions
d'ambiguïté. Elle provoque une controverse sur la nature de l'acte
(A). Toutefois, cette opposition n'empêche pas la reconnaissance a
posteriori du non-respect des conditions d'élaboration des Constitutions
(B).
A) La controverse entre politique et juristes sur la
nature de l'acte
La question est de savoir s'il s'est agit en l'espèce
d'une "fraude à la Constitution". Alors que l'intitulé même
de l'acte défend la thèse de la révision (1), la doctrine
soutient qu'il s'agit de l'écriture d'une nouvelle Constitution (2).
1- La thèse politique de la
révision
L'intitulé de l'acte promulgué le 1er septembre
1961 conforte la thèse de la révision(6). Il était juste
question de mettre la loi fondamentale en conformité avec quelques
modifications socio-politiques faisant suite au rattachement de la partie
occidental du pays à l'ensemble du Cameroun. C'est la marque d'un
"Cameroun réunifié" et en marche vers son unification qui seule
pourra exiger une nouvelle Constitution (7). D'ailleurs le texte est
adopté par l'Assemblée nationale, exerçant la
compétence de pouvoir constituant institué que lui reconnaissait
l'article 49 alinéa 3 de la constitution de 1960.
2- La thèse doctrinale de l'écriture
d'une nouvelle Constitution
Pour M. Kamto, l'intitulé de l'acte promulgué le
1er septembre 1961 est "trompeuse" car, poursuit-il "sous le couvert de la
révision de cette Constitution [celle du 4 mars I960], on a doté
le Cameroun d'une nouvelle Constitution (8) Il ne s'agit ni plus ni moins
que d'une violation de la procédure. La doctrine repose sa thèse
sur le fait que la Constitution de 1961 "modifie substantiellement la nature du
régime politique du Cameroun."(9) C'est un texte qui trouve son
fondement dans la réunification de l'Etat indépendant du Cameroun
et du "Southem Cameroon". De cette réunification naîtra la
République fédérale du Cameroun. Or
6 Sur le plan formel en effet, le texte du 1°
septembre 1961 est bien une revision constitutionnelle car la procédure
mise en oeuvre est celle ui était prévue pour la modification de
la Constitution du 04 mars 1960.
7 L'idée avancée par le Pr. Kamto est que le
fédéralisme n'était qu'une étape provisoire, car le
Président Ahidjo aspirait unir les Camerouns n un seul Etat. Le
discours que tint ce dernier juste avant de soumettre au
référendum le projet de Constitution de la République Unie
du Cameroun confirme cette thèse. Selon le Président Ahidjo, il
était enfin temps de dépasser la forme fédérale
pour bâtir un Cameroun fort et prospère. Les camerounais le
plébisciteront.
8 M. Kamto, "Dynamique constitutionnelle du Cameroun
indépendant", RJA, 1995, pli.
9 Alors que la Constitution du 04 mars établissait
un Etat unitaire avec un régime de type parlementaire, la loi
fondamentale du 1° septembre 1961 institue un régime "complexe",
selon l'expression de M. Kamto. Celui-ci est présidentiel au niveau
fédéral et
parlementaire au niveau des Etats
fédérés.
il est admis en droit constitutionnel qu'il peut avoir
création d'un nouvel Etat par la réunification d'Etats. Et M.
Kamto de conclure qu'il s'agit de la "IIème République
camerounaise."
La thèse de la "fraude" et par conséquent de
l'écriture d'une nouvelle Constitution par la procédure de
révision est aujourd'hui plus que confortée.
B) L'établissement a posteriori d'une violation
de la procédure constituante
La thèse de l'écriture d'une nouvelle
Constitution trouve sa justification au regard du droit constitutionnel. Il est
en effet établi que " le passage d'un Etat unitaire à un Etat
fédéré peut être considéré comme
l'écriture d'une nouvelle Constitution. "(10) Mais loin d'emprunter la
voie normale, l'élaboration de la Constitution de 1961 constitue ce que
M. François Mbomè qualifie de "détournement de
procédure"(l 1) surtout que "aucune disposition réglementaire,
législative ou a fortiori constitutionnelle, faisant de
l'Assemblée nationale en fonction un organe habilité à
voter une nouvelle Constitution" n'existait. En votant la "loi n°61-24",
les députés crée un nouvel Etat (1), condamnant ainsi
à la disparition les institutions de la Constitution de 1960 (2).
1- L'avènement d'un nouvel Etat: la
République fédérale du Cameroun
L'Etat fédéral du Cameroun procède de la
Constitution du 1" septembre 1961. En établissant une Constitution
nouvelle par la procédure de révision, les pouvoirs
institués s'arrogent un pouvoir qui ne leur est pas reconnu dans la
logique démocratique. Car même si le pouvoir de révision
peut tout faire, il est pourtant limité par l'esprit du texte quand bien
même il réviserait* toute la constitution. Dans cette perspective,
il ne peut élaborer une nouvelle Constitution par la mise en oeuvre de
la procédure de révision. La logique démocratique voudrait
que, même si la rédaction d'une nouvelle Constitution est faite
par le pouvoir constituant dérivé, la ratification ressortisse
à la compétence du peuple souverain constituant. En se situant en
marge de ce schéma, la procédure constituante de 1961 s'illustre
par son irrégularité. Encore que la Constitution de 1960 ayant
été adopté par référendum, il revenait
encore au peuple camerounais de revenir sur les principes qu'il avait
posés (12)
10 Cette opinion est défendue notamment par le Pr.
Pactet. Il est de même établi en droit constitutionnel classique
qu'il y a nouvel Etat et donc nouvelle Constitution lorsque deux ou plusieurs
Etats se réunissent pour former un Etat fédéral.
11 F. Mbomè, "Constitution du 2 juin 1972
révisée ou nouvelle Constitution", in La réforme
constitutionnelle du 18 janvier 1996 au Cameroun. Aspects juridiques et
politiques, op cit. p33.
12 II s'agit du principe dit du parallélisme des
formes et des procédures.
2- La disparition des institutions de la Constitution
de 1960
Quelle était la force juridique de la Constitution de
196l? Nous pouvons dire sans risque de nous tromper qu'elle s'est
imposée comme le nouveau socle du droit constitutionnel camerounais. Sa
puissance abrogative se traduit par la disparition des institutions mises en
place par la Constitution de 1960. Tel est par exemple le cas de
l'Assemblée nationale qui est remplacée par le Parlement
fédéral; on peut aussi remarquer la substitution de la
dénomination "République fédérale du Cameroun"
à celle de "République du Cameroun". Mais il faut souligner,
comme le fait déjà M. Kamto et à sa suite M. Mbomè,
que le texte de 1961 sur le strict plan formel est une loi de révision.
Il serait donc abusif de parler d'un pouvoir constituant originaire, car
celui-ci se manifeste en une procédure qui se veut "insusceptible
d'appréhension juridique". Aucun texte, aucune loi ne lui impose une
attitude: il peut ce qu'il veut et en la forme qu'il désire. C'est un
pouvoir suprême.
La controverse née de la Constitution de 1961 allait
être revitalisée par le référendum constituant du 20
mai 1972 qui donne naissance à la République Unie du Cameroun.
II- LE REFERENDUM CONSTITUANT DU 20 MAI 1972 ET LA
CONSTITUTION DU 02 JUIN 1972
Dans un article intitulé "A propos de la thèse
minoritaire sur le statut du référendum du 20 mai 1972 ou la
quête du droit dans le métajuridique", James Mouangue Kobila,
reprenant la thèse du Pr. Kamto, écrit que "la Constitution du 02
juin 1972 apparaît comme l'oeuvre d'un pouvoir constituant originaire
agissant ex-nihilo" et, conclut-il "la critique de la procédure ne peut
être juridique mais politique." Il s'agit de montrer que le
référendum constituant du 20 mai 1972 n'a pas été
à l'abri de toute critique (A), cependant que son autorité
à été reconnue par la doctrine et en fait (B).
A) Une procédure diversement
interprétée
Le 20 mai 1972, le peuple camerounais est
interpellé directement par le Président Ahidjo pour donner son
avis sur une question ainsi libellée: "approuvez-vous, dans le but de
consolider et d'accélérer le développement
économique, social et culturel de la nation le projet de Constitution
soumise au peuple camerounais par le Président de la République
fédérale du Cameroun et instituant une République une et
indivisible sous la dénomination de République Unie du Cameroun?"
Adoptée à la majorité écrasante de 99,90%, la
constitution de la IIIème République était
promulguée le 02 juin 1972. Présentant tous les caractères
d'une procédure
constituante régulière (2), le
référendum va pourtant faire l'objet d'une vive contestation
allant jusqu'à déclarer "invalide" la loi fondamentale de 1972
(1).
1- Une procédure manifestement
illégale
La régularité de la procédure
constituante est contestée par quelques auteurs mais surtout par
l'élite anglophone. Invoquant à l'appui de leur thèse le
non-respect par le Président Ahidjo de l'article 47 de la Constitution
du 1er septembre 1961. Celui-ci détermine les conditions de
révision de la Constitution et dispose que:
" L'initiative de la révision appartient concurremment
au Président de la
République Fédérale après
consultation des Premiers ministres des Etats
fédérés et aux députés de
l'Assemblée fédérale (...)
La révision doit être votée à la
majorité simple des membres composant
l'Assemblée fédérale à condition
toutefois que cette majorité comporte
la majorité des représentants à
l'Assemblée fédérale de chacun des Etats
fédérés."
Sur le fondement de cette disposition, la procédure
constituante sera déclarée contraire à la Constitution du
1" septembre 1961, et la Constitution du 2 juin 1972 sans valeur. Mais il
s'agit là de la procédure prévue pour la révision
de la Constitution. Par conséquent, cet argument ne saurait
prospérer. Il faut en effet remarquer qu'en 1972, il s'est agit de la
création d'un nouvel Etat et, en l'espèce, de la manifestation
d'un pouvoir originaire qui ne peut se déterminer selon des formes
préétablies. C'est pourquoi conclut le Pr. Kamto, le
Président Ahidjo a eu recours à une procédure non
prévue par la Constitution fédérale pour la
révision: le référendum.
2- Une procédure constituante en tout point
régulière
II est revenu à M. Kamto d'être le porte-parole
de la doctrine majoritaire qui défend la thèse de la
régularité de la procédure constituante du 20 mai 1972.
L'argument de l'irrégularité reposant sur la violation de la
procédure de révision, il est établi qu'il ne s'est agit
nullement d'une révision, mais de l'établissement d'une nouvelle
Constitution(13) Ce qui explique, comme le démontre si bien M. Kamto que
le Président ait opté pour un référendum.
13 Voir à ce propos M. Kamto, "Dynamique
constitutionnelle du Cameroun indépendant", op cit. Aussi sur la
même question, J Mouangue Kobila, « Q propos de la
thèse minoritaire sur le statut du référendum du 20 mai
1972 ou la quête du droit dans le métajuridique »
En recourant au souverain constituant qui est le peuple, la
procédure constituante affirme son respect des principes qui
président à l'élaboration des constitutions, tels qu'ils
sont posés par la science constitutionnelle. Plus encore, elle se
revêt d'une autorité telle qu'il ne peut en être
conçue de plus élevée, car étant l'expression
"directe" de la volonté du souverain. D'où sa nature de loi
fondamentale (14).
B) La réformation du système
juridico-politique camerounais par la Constitution de
1972
La Constitution du 2 juin 1972 produit pratiquement les
mêmes effets que sa devancière par rapport à la
Constitution du 4 mars 1960. Le droit constitutionnel voit encore son fondement
bouleversé car la réforme est visible tant sur les institutions
(1) que sur le système juridique (2).
1- La réforme institutionnelle
C'est l'avènement d'un nouvel Etat, selon les
schémas établis en droit constitutionnel. La République
Unie du Cameroun succède à l'Etat fédéral, ce qui
se traduit par un bouleversement total des institutions. Les trois
assemblées disparaissent au profit de l'Assemblée nationale, et
le Président Ahidjo réalise son ambition: être le
Président d'un "grand" Cameroun. L'analyse des dispositions du texte
fait dire à M. Kamto que le régime politique qui s'en
dégage est "un présidentialisme autoritaire." (15) Le
Président de la République est la pièce maîtresse de
l'architecture institutionnelle, encore que la rédaction du texte s'est
fait dans le plus grand secret, et que le choix du référendum
était plus un moyen de contourner le blocage qu'aurait assurément
constitué l'absence de la majorité requise des
députés du Cameroun anglophone. A la lumière de tout cela,
l'idée selon laquelle la fédération n'avait
été envisagée par le Président Ahidjo que comme une
transition, certes dangereuse mais nécessaire, retrouve toute sa
pertinence.
2- La réforme du système
juridique
Elle se traduit par les "fameuses" ordonnances de 1972 dont
l'une porte organisation judiciaire. Cette réforme, à quelques
exceptions près, est totale car aux termes de l'article 38:
"La législation résultant des lois et
règlements applicables dans l'Etat
14 L'intervention directe du peuple dans la procédure
constituante est regardée comme le mode le plus démocratique
d'élaboration de la Constitution. Elle est aussi l'un des
éléments de rigidité de la loi fondamentale.
15 M. Kamto, "Dynamique constitutionnelle du Cameroun
indépendant", op cit. p 17.
fédéral du Cameroun et dans les Etats
fédérés à la date de prise d'effet de la
présente constitution reste en vigueur dans ses dispositions qui ne sont
pas contraires aux stipulations de celle-ci, et tant qu'elle n'aura pas
été modifiée par voie législative ou
réglementaire."
L'in-formation du système juridique par la Constitution
de 1972 se traduit également par la réformation de l'architecture
judiciaire désormais surplombée par la Cour suprême en lieu
et place de la Cour fédérale de justice.
Les discussions sur la procédure constituante seront
relancées à l'occasion de l'adoption de la loi fondamentale du 18
janvier 1996, créant ainsi en droit constitutionnel camerounais une
tradition.
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