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L'autorité de la norme constitutionnelle au Cameroun

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par Etienne KENFACK TEMFACK
Université de Douala-Cameroun - D.E.A. de droit public 2005
  

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SECTION 2 : LA REGLE CONSTITUTIONNELLE ENTRE RIGIDITE ET SOUPLESSE

Le recours au critère de "volonté générale", ou "d'expression de la volonté du peuple" pour justifier la suprématie des règles constitutionnelles trouve ses limites en ce que la loi

26 M. Ondoa, "La constitution duale: recherches sur les dispositions constitutionnelles transitoires au Cameroun", op cit. p 50.

27 Voir Y. Moluh, "L'introuvable nature du régime camerounais issu de la Constitution du 18 janvier 1996", in La reforme constitutionnelle du 18 janvier 1996 au Cameroun. Aspects juridiques et politiques, op cit. pp 242 et SS

votée par le Parlement est aussi l'expression de la volonté générale. Il était donc indispensable de trouver un autre critère de suprématie. La doctrine élabore alors le concept de rigidité et de souplesse. Le concept de "rigidité" est élaboré par Dicey et Bryce. Prenant appui sur la procédure prévue pour la révision de la constitution, la rigidité de la Constitution signifie que cette procédure est différente de celle qui préside à l'adoption des lois "ordinaires". Il s'agit de garantir contre une "éventuelle usurpation que pourrait commettre le Parlement" la supériorité de ce que Charles Debbasch appelle "l'expression plus solennelle et plus profonde de la volonté générale"(28): la Constitution. Il apparaît pourtant au regard de la dynamique constitutionnelle camerounaise une difficulté de la norme constitutionnelle à affirmer sa suprématie sur la loi. L'analyse des procédures de révision prévues par les différents textes aboutit à un constat: une oscillation de la règle suprême entre rigidité et souplesse. Celle-ci est le fait d'un double mouvement de construction et de déconstruction (paragraphe 1) qui semble être rompu par la loi fondamentale du 18 janvier 1996. En effet au regard de ses dispositions, la distinction entre Constitution et loi apparaît effective (paragraphe 2).

PARAGRAPHE 1: LA CONSTRUCTION DE LA SOUPLESSE ET LA DECONSTRUCTION DE LA RIGIDITE DE LA NORME CONSTITUTIONNELLE

Il s'agit pour nous de démontrer que la supériorité de la norme constitutionnelle sur la loi sur le fondement de la procédure de révision a connu beaucoup de variations en droit constitutionnel camerounais. Tantôt supérieur, tantôt égal mais jamais inférieur à la loi, l'autorité de la Constitution porte la marque d'un double mouvement résultant de l'analyse des dispositions relatives à la procédure de révision. Il en résulte une autorité hésitante participant de la construction de sa souplesse (I) et de la déconstruction de sa rigidité (II).

I- LA CONSTRUCTION DE LA SOUPLESSE DE LA NORME CONSTITUTIONNELLE

Le concept de souplesse se définit généralement par rapport à celui de rigidité. Disons tout simplement que qualifier une constitution de souple, c'est affirmer que la procédure par laquelle elle peut être révisée est identique à la procédure législative. Mais dans le contexte camerounais la construction de la souplesse de la norme constitutionnelle déborde le cadre textuel pour se reconnaître dans le relâchement des contraintes de la procédure de révision (A) et la négation de la règle du parallélisme des formes (B).

28 Ch. Debbasch et alii. Droit constitutionnel et institutions politiques, Economica, Paris, 4*"° éd. 2001, p 92

A) Le relâchement des contraintes de la procédure de révision

La procédure de révision de la Constitution doit nécessairement être différente de la procédure législative afin de marquer la supériorité de la loi fondamentale sur l'acte voté par le Parlement. Si l'on admet que la loi est comme la Constitution l'expression de la volonté générale, le vote de la loi se fait cependant "en une forme moins solennelle, moins grave et moins profonde." Tel est le principe qui sous-tend la primauté de la règle constitutionnelle. Mais il est loisible dans le contexte camerounais de constater une résistante à ce principe par le passage d'une procédure véritablement contraignante en 1960 et 1961 (1) à une révision possible par la procédure législative sous l'empire de la Constitution de 1972 (2).

1- D'une procédure véritablement contraignante...

Aux termes de l'article 49 alinéa 3 de la constitution du 04 mars 1960, "la révision doit être votée à la majorité des deux tiers des membres composant l'Assemblée." La doctrine établie que le quota exigé pour l'adoption d'une révision est révélateur de son caractère rigide. Au regard de cette disposition, il est clair que la constitution de 1960 était une Constitution rigide et donc supérieure à la loi, car il fallait une majorité "qualifiée" de deux tiers pour que sa révision soit acquise. C'est dans une volonté identique de consacrer cette supériorité que le constituant de 1961, tout en disposant que la "révision doit être votée à la majorité simple des membres composant l'Assemblée fédérale..." précise que cette majorité ne peut être acquise qu'à condition de comporter "la majorité des représentants à l'Assemblée fédérale de chacun des Etats fédérés."(29) Cette condition, qui n'était pas requise en matière d'adoption des lois, introduit indubitablement dans une constitution en principe souple un élément frappant de rigidification. Ainsi est consacrée la suprématie de la loi fondamentale sur la loi "ordinaire". Ce principe établi en droit constitutionnel camerounais va connaître avec l'avènement de la Constitution du 02 juin 1972 une contestation ouverte.

2- ...A une révision par la procédure législative

La Constitution du 02 juin 1972 rompt avec l'affirmation de la suprématie des règles constitutionnelles sur la loi. Le titre IX qui traite de la révision de la Constitution ne laisse subsister aucun doute dans la pensée: la constitution du 02 juin 1972 est une Constitution

29 Article 47 alinéa 4 Constitution du 1" septembre 1961

souple. Ce constat est d'ailleurs fait par M. Ondoa qui justifie par cela la thèse de la régularité de la procédure constituante de 1996. Parce que la procédure de révision de la constitution de 1972 ne s'identifie pas par rapport à la procédure législative, elle ne peut être regardée comme une Constitution rigide. Cela peut certainement justifier la multitude de modification dont elle a été l'objet (30). La construction de la souplesse en dehors de la substitution d'une procédure législative à une procédure contraignante s'accompagne d'une violation des règles du parallélisme des formes

B) La négation de la règle du parallélisme des formes

La règle du parallélisme des formes et des procédures exige que la modification d'une norme ne puisse être faite que par l'organe et la procédure qui ont participé à son élaboration. Celle règle, rapportée à la matière constitutionnelle pourrait aboutir dans une stricte application au refus total du pouvoir constituant aux pouvoir constitués. Car une constitution adoptée par référendum ferait obligatoirement appel au peuple pour toute modification mineure ou majeure. Cependant son aménagement est assoupli (31). Peut être est-ce cela qui justifie endroit constitutionnel camerounais une négation réitéré de cette règle traduite par la modification totale d'une Constitution référendaire par la voie du Parlement (1) ayant pour corollaire une substitution critiquable de l'Assemblée nationale au peuple (2).

1- La révision totale d'une constitution référendaire par une loi parlementaire

L'intervention directe du peuple dans l'adoption d'une Constitution est considérée par a la science constitutionnelle comme une preuve de rigidité dans un système majoritaire. Aussi la révision totale par une loi parlementaire ne peut qu'aboutir à lui faire perdre ce caractère que garantit la règle du parallélisme des formes et des procédures. Plutôt deux fois qu'une, en 1961 et en 1996, l'Assemblée nationale va procéder à une révision totale d'une Constitution adoptée par référendum, en l'occurrence la Constitution du 04 mars 1960 et celle du 02 juin 1972. Ce fait heurte de plein fouet l'opinion d'une grande partie de la doctrine, qui pense en

30 La Constitution du 02 juin 1972 a subi pas moins d'une dizaine de révision constitutionnelle. La plupart de ces révisions étaient guidées par des motifs politiques, et se situe dans l'intervalle de temps 1983-1992.

31 S'il fallait absolument recourir au peuple pour modifier une Constitution adoptée par référendum, alors il est fort possible que la Constitution de 1972 n'aurait pas subi autant de modifications. Pour éviter un blocage que pourrait constituer l'impossibilité d'organiser un référendum pour une révision pourtant nécessaire, la doctrine admet le cas particulier où il s'agit de la révision totale de ladite Constitution. En l'espèce, la science constitutionnelle préconise un recours obligatoire au peuple.

effet que "une révision globale de la Constitution ne peut être possible que s'il y a une participation directe du peuple", a fortiori lors que la Constitution objet de révision a été adoptée par référendum. Il n'y a en effet que le peuple pour revenir sur les principes qu'il a posés.

2- La substitution critiquable du législateur au constituant

La modification totale de la Constitution par le législateur tel qu'on l'a observé en 1996 sape complètement le fondement de la rigidité constitutionnelle. Celle-ci repose sur la distinction entre pouvoir constituant et pouvoirs constitués, avec comme conséquence le refus du premier au second. Dès lors, la Constitution ne peut être qu'assouplie. Comme le relève si bien M. Ondoa, "la souplesse découle de l'appropriation par les pouvoirs constitués en l'occurrence, le Président de la République et le Parlement, de la totalité de la fonction constituante. "(32) En s'accaparant du pouvoir constituant, les pouvoirs constitués et surtout l'Assemblée nationale prennent la place du souverain constituant ; une compétence qui ne leur est pourtant pas reconnue, voire qui leur est refusée dans l'objectif de poser la suprématie de la constitution sur la loi.

Mis à mal par l'assouplissement progressif des règles qui participent de sa révision, la suprématie de la norme constitutionnelle est aussi bousculée par la déconstruction de sa rigidité.

II- LA DECONSTRUCTION DE LA RIGIDITE DE LA NORME CONSTITUTIONNELLE

La rigidité constitutionnelle est à la fois affirmée et remise en cause. Elle est affirmée par le recours au peuple dans l'adoption de la Constitution comme ce fut le cas en 1972, mais contestée par la confusion entre constituant originaire et constituant dérivé (A). Cette suprématie est en même temps affirmée par une procédure spéciale telle qu'on peut l'observer dans la constitution de 1996, mais remise en question par la révision aisée des dispositions portant révision de la Constitution (B)

32 M. Ondoa, "La Constitution duale : Recherches sur les dispositions constitutionnelles transitoires au Cameroun", op cit

A) La confusion entre pouvoir constituant et pouvoirs constitués

Elle conduit inéluctablement à assouplir la norme constitutionnelle placée désormais dans une situation de dépendance préjudiciable face aux organes de l'Etat disposant du pouvoir constituant. Cette confusion rendue effective par la souplesse des règles de la procédure de révision est aggravée par la logique majoritaire (1) et a conduit plusieurs fois au Cameroun à l'élaboration d'une nouvelle Constitution par les pouvoirs constitués (2)

1- Une confusion aggravée par le fait majoritaire

Déjà aisée sous le parti unique, la révision de la Constitution connaît à l'ère moderne le fait majoritaire, dont la conséquence est des plus négative sur la rigidité de la Constitution (33). Ce qui est considéré par les auteurs comme "le fait de l'opinion publique qui forme la majorité, du corps législatif qui la représente, du pouvoir exécutif qui est son instrument, du système judiciaire qui n'est autre que la majorité revêtue du droit de prononcer les arrêts" aboutit à la maîtrise du pouvoir normatif par un parti politique. Sous ce considérant, l'on admet que les contraintes de la procédure de révision ne sont plus dès lors que "des obstacles symboliques, insusceptibles en tout état de cause d'opposer une résistance sérieuse à la réalisation de la révision. "(34) Le peuple souverain se trouve dépossédé de son pouvoir au profit des pouvoirs institués. De fait, la stabilité et la supériorité de la Constitution ne sont plus que chimères, car "la Constitution est laissée à la merci des représentants ordinaires du peuple qui s'arrogent le droit de la modifier, sans le peuple et parfois contre lui."(35)

2- L'élaboration d'une nouvelle Constitution par les pouvoirs constitués

II est admis que "dans une conception stricte de la démocratie et du droit constitutionnel, seul le peuple détient le pouvoir constituant originaire. Dans les autres cas c'est un abus de langage et une fraude à la démocratie que de parler de Constitution."(36) Mais alors que le pouvoir constituant dérivé est considéré comme une "concession de la théorie démocratique aux commodités pratiques", le recours au peuple quant à lui est regardé

33 Le fait majoritaire est la reconstitution de l'unité du pouvoir politique autour de l'exécutif par le jeu de la majorité attribuant au camp victorieux la maîtrise totale du pouvoir normal. Cette situation est porteuse de risque en ce qu'elle crée une connivence entre le Parlement et l'exécutif. En matière d'élaboration des lois, le Dr Issa Abiabag relève que "le véritable chef de l'atelier législatif est le Président de la République". Sur le plan de l'autorité de la norme constitutionnelle, le fait majoritaire fait perdre toute valeur aux contraintes de la procédure de révision.

34 M. Ondoa, "La distinction entre Constitution souple et Constitution rigide en droit constitutionnel français", op. cit. P 86.

35 M. Ondoa, ibid. p 84.

36 0. Duhamel et Y. Mény, Dictionnaire constitutionnel, PUF, 1992, p 753.

par une partie de la doctrine comme une "concession du libéralisme à la démocratie". Quoiqu'il en soit, il est patent en droit constitutionnel camerounais que la déconstruction de la rigidité constitutionnelle doit beaucoup à l'érection de l'Assemblée nationale au rang de souverain constituant. Certes on ne pourrait raisonnablement contester aujourd'hui la souveraineté du pouvoir constituant dérivé, et même si une constitution nouvelle peut être élaborée par le pouvoir de révision, elle ne saurait l'être par la procédure de révision. Aussi la doctrine ne peut que se soulever lorsque comme en 1961 ou en 1996, une nouvelle Constitution est élaborée au mépris de la distinction pouvoir constituant - pouvoirs institués. Hors mis cette confusion que l'on ne peut que dénoncer au regard de ses implications, il est tout aussi important de relever que la déconstruction de la rigidité de la Constitution tient aussi à la souplesse des dispositions relatives à la révision.

B) La souplesse des dispositions relatives à la révision

Elle tient à la facilité de leur révision (1). Tirant les leçons des révisions de la Constitution de 1972, la suprématie constitutionnelle gagnerait certainement à rendre difficile la révision de la procédure de révision (2).

1- Des règles facilement révisables

Les règles relatives à la révision de la Constitution ne sont entourées d'aucune protection. Comme toutes les autres dispositions, elles peuvent être révisées. Ainsi une Constitution rigide peut très bien devenir souple, et vice-versa. Les deux hypothèses n'ont pas encore été observées au Cameroun, s'agissant d'une même Constitution. Toutefois, l'on est déjà passé d'une Constitution rigide en 1961 à une Constitution souple en 1972; et d'une Constitution souple en 1972 à une Constitution rigide en 1996.

2- Une suprématie renforcée par une éventuelle rigidification des règles relatives à la révision

Pour Charles Eisenmann, la différence de procédure justifie l'existence de deux catégories de lois : celle de la législation ordinaire et celle de la législation constitutionnelle. Sous ce prisme, seules bénéficient de la supériorité les règles revêtues de la forme constitutionnelle. Û y a donc un intérêt certain dans l'analyse de la procédure de révision de la constitution. Si celle-ci est identique à la procédure législative, la Constitution n'est pas sur le plan formel, supérieure à la loi. Nous pensons donc que si la procédure de révision conférait déjà à la Constitution un caractère rigide, la difficile révision de dites dispositions affecterait d'un coefficient plus élevé cette rigidité. Il suffirait de prévoir une majorité plus qualifiée que celle prévue pour l'adoption des autres dispositions constitutionnelles. En attendant une éventuelle traduction en droit positif, il faut remarquer que la constitution de 1996 crée une "révolution" dans le droit constitutionnel camerounais en rendant effective la distinction Constitution - loi.

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