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L'autorité de la norme constitutionnelle au Cameroun

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par Etienne KENFACK TEMFACK
Université de Douala-Cameroun - D.E.A. de droit public 2005
  

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PARAGRAPHE 2: LA CONSECRATION DU CARACTERE OBLIGATOIRE DES REGLES CONSTITUTIONNELLES

Droit et sanction sont-ils indissociables? Rapportée à la Constitution, la réponse a été affirmative pendant longtemps. Mais l'émergence d'une justice constitutionnelle autorise bien

40 Article 9 loi fixant le statut des membres du Conseil constitutionnel

41 Idem.

42 Article 12 loi fixant le statut des membres du Conseil constitutionnel

à penser que la Constitution ne peut véritablement imposer qu'autant qu'un oeil veille et est capable de "reprendre" celui qui s'écarte de la voie constitutionnelle. La justice constitutionnelle peut ainsi se décliner comme moyen de réalisation du Droit par l'oeuvre de soumission des pouvoirs publics (I) et moyen d'assurer la primauté de la Constitution par le contrôle de constitutionnalité (II).

I- LA REALISATION DU DROIT PAR L'OEUVRE DE SOUMISSION DES POUVOIRS PUBLICS

Le postulat est posé par l'abbé Sieyès lorsqu'il affirme que "la Constitution est un corps de règles obligatoires". Mais cette obligation ne s'est pas toujours imposée aux organes de l'Etat. La justice constitutionnelle impose donc une définition identique de la Constitution aux pouvoirs constitués: l'ensemble des règles qui déterminent le champ de leur compétence. Ceci au moyen de sa compétence de régulateur du fonctionnement des institutions (A). Cette régulation vient compléter le contrôle déjà effectif de l'Exécutif en son bras séculier l'administration (B).

A) Le respect de l'organisation du pouvoir par la régulation du Conseil constitutionnel

La Constitution est organisation du pouvoir (43) entre les différents organes de l'Etat. La régulation du Conseil devrait donc consister à veiller au respect de la séparation des pouvoirs (1) et au règlement des différends entre les pouvoirs publics (2).

1- La distribution du pouvoir entre les institutions de l'Etat

Les principes constitutionnels consacrent la séparation des pouvoirs, définissant les compétences de chaque organe. Le respect de la constitution est ici qu'aucun organe n'empiète pas dans le domaine réservé à un autre pouvoir. On s'attendrait surtout à ce que le juge constitutionnel s'investisse dans la garantie de l'indépendance du pouvoir judiciaire. D'autant plus qu'il ressort des dispositions de la constitution nouvelle que le pouvoir judiciaire "est indépendant du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif'(44). Une innovation dont il faut relever toute la pertinence, et qui vérifie encore que le Cameroun est sur le chemin laborieux de l'Etat de droit.

43 L'article 16 de la déclaration de 1789 dispose à cet effet que "toute société dans laquelle 1a garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée n'a point de Constitution". D'ailleurs, constatera le Pr. Rousseau, "pendant longtemps la Constitution a été définie seulement à partir de la deuxième partie de l'article 16 de la DDHC". Ceci a conduit à une négation des droits et à une prééminence de l'Etat qui conduit généralement en Afrique à une soumission du Droit au pouvoir. Or, le constitutionnalisme c'est d'abord la Constitution comme énoncé des droits intangibles par le fait même de leur formulation dans un document opposable à tous. D'où l'exaltation de l'action du juge constitutionnel qui permet aujourd'hui de revenir à cette conception révolutionnaire de la Constitution: d'abord la garantie des droits.

44 Article 37 alinéa 2 in fine Constitution de 1996.

2- Le règlement des différends entre l'Etat et les Régions

La Constitution du 18 janvier 1996 change l'organisation territoriale en instituant les Régions. Ce sont des collectivités territoriales décentralisées disposant d'une certaine autonomie politique et économique. L'Etat assure la tutelle sur les Régions. Parce qu'il s'agit d'une organisation trop proche du fédéralisme, on peut craindre que l'Etat, au moyen de cette tutelle ne se substitue aux organes de la Région pour retrouver un pouvoir qu'il a été contraint de partager. La Constitution offre à cet effet la possibilité aux Présidents des Exécutifs régionaux de saisir le Conseil lorsque les intérêts de leur Régions sont en cause. Le Conseil sera certainement beaucoup interpellé sur cette question car la mise en place des Régions affectera des automatismes qu'il ne sera pas aisé d'abandonner. Cette régulation complète le contrôle déjà exercé sur l'activité administrative de l'Etat.

B) Le contrôle détaché des Règlements

Le contrôle de constitutionnalité fait abstraction de la soumission de l'exécutif au droit. Certes dans un système comme le nôtre où l'initiative législative est un apanage du Gouvernement, on peut conclure que le contrôle de constitutionnalité intéresse par ce fait l'exécutif. Mais ce serait oublier que la quasi-totalité de l'activité de l'exécutif est d'ordre administratif. D'où l'intérêt de s'appesantir sur le contrôle qui y est fait. Il s'agit d'un contrôle de constitutionnalité (1) qui est fortement relativisé par la théorie de l'écran législatif (2).

1- Un contrôle de constitutionnalité

Le contrôle des règlements administratifs est un authentique contrôle de constitutionnalité effectué par le juge administratif. Il s'agit d'un contrôle qui existe depuis l'accession du Cameroun à l'indépendance et depuis la Constitution du 04 mars 1960. Le contrôle de constitutionnalité des règlements résulte du principe de juridicité posé par Charles Eisenmann qui pense que l'administration dans son action doit respecter un faisceau de normes au premier rang desquelles la Constitution. Aussi le juge administratif se reconnaît-il compétent pour vérifier la constitutionnalité d'un règlement administratif à la règle supérieure. Encore faut-il qu'une loi ne s'interpose pas.

2- Un contrôle relativisé par la théorie de l'écran législatif

Le contrôle des règlements administratif se heurte souvent en pratique à l'écran législatif. C'est le cas où le règlement affirme sa régularité par rapport à la loi, mais est irrégulier par rapport à la constitution. Dans cette situation et faisant application de la théorie

de l'écran législatif développée par Raymond Odent, le juge administratif s'est toujours refusé à apprécier la constitutionnalité du règlement, motif pris de ce que l'exercice d'un contrôle de constitutionnalité sur le règlement induirait un contrôle de la constitutionnalité de la loi. Or il se défend d'être au Cameroun le juge de la constitutionnalité des lois. Aussi le contrôle en amont de la constitutionnalité des lois par le juge constitutionnel ne peut qu'aider le juge administratif à mieux remplir son office.

II- LA PRIMAUTE DE LA CONSTITUTION PAR LE CONTROLE DE CONSTITUTIONNALITÉ

Compétente en matière constitutionnelle,

"Le Conseil constitutionnel statue souverainement sur la constitutionnalité des lois, traités et accords internationaux;

Les règlements intérieurs de l'Assemblée nationale et du Sénat, avant leur mise en application quant à leur conformité à la Constitution.»(45)

De l'analyse de cette disposition, il ressort que la primauté de la constitution est assurée au moyen d'un contrôle de constitutionnalité qui à trois démembrements (A). Ce contrôle est aussi soit facultatif soit obligatoire (B).

A) Un contrôle de constitutionnalité à trois démembrements

II s'agit d'un contrôle de constitutionnalité des lois (1), d'un contrôle de conformité (2) et d'un contrôle de contrariété (3).

1- Le contrôle de constitutionnalité des lois

Le contrôle de constitutionnalité traduit le passage de la loi d'un acte général à un acte délimité. Désormais en effet la loi sera "l'acte pris par le Parlement pris dans la forme de la loi

et dans le domaine de la loi". La Constitution ayant depuis longtemps déterminé les matières qui ressortissent à la compétence du législateur, il reviendra au juge constitutionnel de s'assurer qu'il respecte ces limites. Certes la loi est aussi l'expression de la volonté générale, mais le constituant a prévu qu'elle sera cependant inférieure à la Constitution. En l'absence d'un contrôle de constitutionnalité, la suprématie constitutionnelle est "platonique" et la loi demeure en fait sinon en droit la norme suprême. Le contrôle de constitutionnalité tel qu'il est prévu et organisé en droit constitutionnel camerounais déclare la fin du légicentrisme, car "la loi n'exprime la volonté générale que dans le respect de la Constitution"

.45 Article 47 alinéa 1 Constitution de 1996

2- Le contrôle de conformité

La terminologie "contrôle de conformité" peut être utilisée pour qualifier le contrôle de constitutionnalité des règlements intérieurs des Assemblées politiques délibérantes. L'organisation interne des assemblées n'échappe plus au contrôle par le juge constitutionnel depuis la Constitution de 1996. La légitimité et la nécessité d'un tel contrôle reposerait sur l'idée que "modifier son règlement est toujours pour une assemblée tenté d'accroître un pouvoir d'intervention limité par la constitution"(46). L'avènement de la nouvelle Constitution camerounaise a ainsi motivé un changement profond du règlement intérieur de l'Assemblée nationale (47) dont le juge constitutionnel a eu à connaître. Cet office du juge constitutionnel, saisi par le Président de l'Assemblée nationale, a abouti à une déclaration de non conformité de certains articles du règlement intérieur de la chambre.

3- Le contrôle de contrariété

II intéresse le contrôle de constitutionnalité des traités et accords internationaux. Le contrôle de contrariété ne figurait n'était prévu par aucune Constitution camerounaise jusqu'à l'avènement de la loi fondamentale du 18 janvier 1996. Tout au plus la Constitution du 04 mars 1960 disposait-elle que "il [le Président de la République] soumet avant ratification les traités à l'approbation de l'Assemblée nationale"(48). L'innovation de la Constitution nouvelle va bien au-delà de la ratification et de l'approbation pour soumettre ces formalités d'intégration des normes internationales dans l'ordre juridique interne à un éventuel contrôle du Conseil constitutionnel. La particularité de ce contrôle réside en ce qu'il n'aboutit pas au rejet de la norme internationale, mais à la modification de la Constitution préalablement à la ratification ou l'approbation. Certains y ont vu une supra constitutionnalité du droit international sur le droit interne. Certes l'option moniste avec supériorité du droit international est manifeste au regard de la Constitution de 1996(49), mais il faudrait aussi admettre que l'ordre juridique international régulièrement approuvé ou ratifié n'a qu'une valeur supra législative, d'autant plus que la science constitutionnelle referme l'ordre juridique interne sur la Constitution. Ainsi toute règle à laquelle on voudrait conférer la valeur suprême sera moulée en la forme constitutionnelle. Au demeurant, le traité ou accord international ne sera ratifié ou approuvé qu'autant qu'il n'est pas contraire à la Constitution. Selon la matière sur laquelle il porte, le contrôle sera soit facultatif, soit obligatoire.

46 D. Rousseau, "Chronique de jurisprudence constitutionnelle", in RDP 2000, pp 17 et SS.

47 Cf. supra.

48 Article 39

49 Voir les développements faits par N. Mouelle Kombi, "La loi constitutionnelle du 18 janvier 1996 et le droit international", in S. Méloné, A. Minkoa She et L. Sindjoun (dir.). La réforme constitutionnelle du 18 janvier 1996 au Cameroun. Aspects juridiques et politiques, op. cit. pp 126 et SS.

B) Un contrôle facultatif ou obligatoire

Le contrôle de constitutionnalité est facultatif pour les lois, traités et accords internationaux (1) et obligatoire pour les règlements des Assemblées (2).

1- Le contrôle facultatif des lois, traités et accords internationaux

Le contrôle de constitutionnalité des lois, traités et accords internationaux n'est possible que s'il y a saisine du juge constitutionnel. C'est donc un contrôle facultatif, car il n'y a pas obligation de saisine. Le contrôle facultatif rapporté à la loi semble ne pas vraiment militer en faveur de la garantie de la suprématie constitutionnelle, car le juge pourrait très bien ne pas être saisi d'une loi pourtant inconstitutionnelle. Mais en même temps, faire du contrôle de constitutionnalité des lois un contrôle obligatoire serait faire du Conseil une "troisième chambre". Ce qui n'a jamais été l'intention du constituant, car plusieurs mécanismes existent déjà pour élaguer la loi de toute trace d'inconstitutionnalité avant sa promulgation (50). La justice constitutionnelle se révélera cependant très utile en démocratie majoritaire car ultimum remedies contre la tendance à "la tyrannie de la majorité". Ce contrôle facultatif des lois se justifierait aussi au regard du contrôle obligatoire des règlements des assemblées qui est fait en amont.

2- Le contrôle obligatoire des règlements intérieurs des assemblées

Rompant avec la traditionnelle autonomie des assemblées magnifiée par les précédentes Constitutions camerounaises, la loi fondamentale du 18 janvier 1996 institue un contrôle obligatoire des règlements intérieurs de l'Assemblée nationale et du Sénat. Ceux-ci doivent "avant leur mise en application" être contrôlés pour s'assurer de "leur conformité à la Constitution". Ce contrôle est effectué sur saisine "obligatoire" par le Président de la chambre concerné tant il est vrai que la mise en application est subordonnée à la décision de conformité rendue par le juge constitutionnel. Ainsi le Président de l'Assemblée nationale a-t- il saisi la Cour suprême siégeant comme Conseil constitutionnel en novembre 2002 du règlement intérieur de la chambre afin que la Cour exerce sa sanction.

50 La Constitution de 1996 comme les précédentes prévoit déjà un contrôle de la constitutionnalité des propositions et projets de lois au niveau de la conférence des présidents. Certains auteurs ont même assimilé ce contrôle à un contrôle de constitutionnalité des lois. Mais cette thèse ne peut être utilement reçue. Comme le relève déjà M. Donfack Sokeng, le contrôle de constitutionnalité des lois suppose une loi, c'est-à-dire un acte projet ou une proposition de loi qui a fait l'objet d'adoption par le Parlement. Dans le cas contraire, il serait abusif de parler d'un contrôle de constitutionnalité des lois, car la loi n'existe pas encore.

L'évolution de la garantie juridictionnelle de l'autorité de la norme constitutionnelle démontre les difficultés du principe de la suprématie de la loi fondamentale à se réaliser. Comme le précise Georges Burdeau, "la suprématie des lois constitutionnelles serait un vain mot si elles pouvaient être impunément violées par les organes de l'Etat". Pendant longtemps, cette suprématie a été discutée et même contestée par la reconnaissance en fait et en droit de la supériorité de la loi. Car en l'absence d'un contrôle de constitutionnalité, la garantie politique de la Constitution apparaissait chimérique. En effet si on peut violer impunément la Constitution, on le peut légitimement. L'adhésion du Cameroun au constitutionnalisme révolutionne certainement tout le droit constitutionnel camerounais; du moins crée-t-elle un réel enthousiasme quant à l'avènement d'un "gouvernement constitutionnellement limité". La pertinence d'un tel raisonnement mérite cependant une analyse de l'emprise de la justice constitutionnelle sur le système politique et juridique du Cameroun.

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