PARAGRAPHE II : UNE UNICITE SUR LE PLAN DE LA PRATIQUE
CONSTITUTIONNELLE
Si la théorie constitutionnelle envisage une
dualité du pouvoir constituant, celle-ci ne produit pratiquement pas
d'effet. Toute tentative dans ce sens se heurte aujourd'hui à un
obstacle pratiquement impossible à surmonter : la souveraineté du
pouvoir constituant. L'unicité du pouvoir constituant se décline
ainsi comme le corollaire du caractère indivisible de la
souveraineté. La thèse de la conditionnalité du pouvoir de
révision perd sous ce rapport toute consistance, face à un
pouvoir constituant qui "peut tout faire", et un juge constitutionnel qui
affirme que "il n'y a pas de juge de la souveraineté nationale." D'un
autre côté, les partisans de la thèse de la
possibilité de réviser totalement la Constitution dont Magloire
Ondoa y trouvent un véritable soutien. Ce n'est en tout cas pas le droit
constitutionnel camerounais qui le démentirait, tant il est vrai que si
la distinction constituant originaire - constituant institué existe, il
ne s'agit en fait que des modes d'expression du souverain (I), car il est
aisé de remarquer que la révision de la constitution est de la
compétence du pouvoir constituant originaire (II).
I- CONSTITUANT ORIGINAIRE ET CONSTITUANT DERIVE:
DEUX MODES D'EXPRESSION DU SOUVERAIN
L'unicité du pouvoir constituant ne peut être
valablement contestée, sauf à remettre en cause
l'indivisibilité de la souveraineté. L'attachement affirmé
et proclamé aux valeurs démocratiques par les différentes
normes fondamentales camerounaises conforte l'idée que "la
L'idée de supra constitutionnalité se heurte
surtout, devant l'incompétence du juge constitutionnel à
contrôler les lois constitutionnelles, au problème de la sanction
des dites règles. Car si elles s'imposent au Constituant, non seulement
celui-ci n'est pas souverain, mais cette imposition doit nécessairement
être garantie par une sanction et donc un juge du souverain. Le juge
français s'y est refusé, prenant ainsi une position
différente de celles des juges allemands et italiens qui, par leur
jurisprudence, ont donné forme et consistance à la distinction
schmittienne entre la Constitution qui est formée de principes
politiques fondamentaux et intangibles de l'Etat, et les lois
constitutionnelles qui ne sont que "les règles techniques relatives
à l'organisation des pouvoirs publics, à leurs compétences
et à leurs rapports mutuels". Il en résulte un contrôle
juridictionnel des lois constitutionnelles par le juge constitutionnel. Sur la
supra constitutionnalité, lire :
J.P Camby, "Supra constitutionnalité : la fin d'un
mythe", in RDP, n° 1,2003, pp 672 et SS. D. Maillard Desgrées Du
Loû, "Le pouvoir constituant dérivé reste souverain", in
RDP, n° 3,2003, pp 727 et SS.
communauté politique forme une société
immortelle." Pour cette raison, la souveraineté nationale appartiendra
tout naturellement au peuple. Et comme le souligne Carré de Malberg, "si
la Nation est souveraine, il n'y a qu'une volonté"(23) Celle-ci
s'exprime différemment selon qu'il s'agit de créer l'Etat ou de
procéder à quelques modifications indispensables du pacte
fondamental. Aussi l'unicité du peuple (A) conduira à la
construction de l'indivisibilité de la souveraineté (B).
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