WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

L'autorité de la norme constitutionnelle au Cameroun

( Télécharger le fichier original )
par Etienne KENFACK TEMFACK
Université de Douala-Cameroun - D.E.A. de droit public 2005
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

B) L'indivisibilité de la souveraineté

La souveraineté appartient au peuple. Il s'ensuit que toute division du peuple entraîne une division de la souveraineté. Cela est purement contradictoire. Aussi l'indivisibilité de la souveraineté implique-t-elle que le Parlement ne soit que le représentant du peuple (1) excluant ainsi toute distinction entre la volonté du peuple et la sienne (2).

26 Le Parlement n'est pas souverain lorsqu'il exerce la fonction législative. A l'appui de cette thèse, l'existence d'un contrôle de constitutionnalité des lois. L'idée selon laquelle la loi est l'expression de la volonté générale a été reconsidérée en France notamment par ce que certains auteurs n'ont pas hésité à qualifier de "seconde révolution". Il s'agit de la Constitution du 4 octobre 1958 qui consacre un Conseil constitutionnel garant du respect de la primauté de la Constitution. Mais si le Parlement en tant que législateur n'est pas = souverain, il n'en est pas de même lorsqu'il agit en tant que pouvoir constituant. La jurisprudence constitutionnelle française est pour la souveraineté. La souveraineté en matière législative revient au peuple car le Conseil constitutionnel affirme également son incompétence pour connaître d'une loi adoptée par référendum. Il s'agit là d'un refus qui pourrait contribuer davantage à politiser le recours au peuple.

1- la qualité de "représentant" des membres du Parlement

Le Parlement a cette particularité d'être composé de représentants du souverain. Alors que le Président de la République est présenté comme le "chef de l'Etat", le député dans l'exercice de son mandat "représente l'ensemble de la Nation". La qualité de représentant des membres du Parlement respecte ainsi le caractère inaliénable et imprescriptible de la souveraineté. Celle-ci demeure la propriété du peuple qui ne s'en trouve pas dépossédé du fait de la délégation. L'autorité de la norme constitutionnelle semble donc sauvegardée par ce principe, car à quelque niveau que ce soit, la matière constitutionnelle relèvera de la compétence exclusive du souverain.

2- L'identité de la volonté du peuple et de ses représentants

Le système de la représentation ne signifie pas nécessairement une confusion entre la volonté du souverain et celle de ses représentants. En fait le peuple s'engage par avance à faire sienne les décisions que prendra le Parlement dans l'exercice de ses attributions(27). Bien entendu et comme nous l'avons vu plus haut, ce principe est absolu pour ce qui est de la fonction constituante du Parlement. En attendant la position du juge constitutionnel camerounais sur la question, force est de reconnaître que le refus du juge constitutionnel français de contrôler les lois constitutionnelles étaye cette thèse.

L'exclusivité du souverain en matière constitutionnelle postule alors que tant l'élaboration que la modification de la norme fondamentale soient effectuées par le pouvoir constituant. Surtout que le pouvoir de révision est le souverain.

II- LA COMPETENCE DU CONSTITUANT ORIGINAIRE EN MATIERE DE REVISION CONSTITUTIONNELLE

La révision de la Constitution est l'occasion de la mise en oeuvre d'un pouvoir constituant dérivé ou institué. Or qui dit institution dit forcément limitation. L'idée défendue notamment par M. Kamto est que le pouvoir de révision n'est pas un pouvoir souverain. Pourtant et au regard notamment de la jurisprudence française et des expériences camerounaises de 1961 et 1996, on peut réellement affirmer que le pouvoir constituant institué est un pouvoir souverain (A). La conséquence est la valeur suprême de la loi constitutionnelle (B)

27 La démocratie telle qu'elle est vécue aujourd'hui est bien loi de la pensée de Carré de Malberg pour qui "ce n'est pas la volonté du peuple qui détermine celle des représentants, c'est au contraire le peuple qui fait siennes par avance les volontés que ses représentants viendront à énoncer". L'avènement de la justice constitutionnelle introduit un rapport nouveau : la démocratie directe au sein de la démocratie représentative. Désormais il faudra distinguer entre les volontés des représentants ce qui est conforme à la volonté du peuple et ce qui ne l'est pas. C'est à proprement parler un renversement de la pensée de la pensée du théoricien français. Pour des développements plus importants, voir G. Burdeau et alii. Droit constitutionnel, op cit. pp 160 et SS.

A) La souveraineté du pouvoir de révision

"La souveraineté nationale ne peut se donner aucune chaîne (...) il est de son essence de pouvoir ce qu'elle voudra et de la manière dont elle le voudra"(28). Cette proposition épuise la thèse de la souveraineté du pouvoir de révision qui est le souverain. Il est sous ce rapport un pouvoir inconditionné (1). Plus encore avec la thèse de la "révision de la révision"(29) développée par Léon Duguit, l'on admet que le pouvoir constituant institué puisse réviser toute la Constitution (2).

1- Un pouvoir inconditionné

Il peut "tout faire" ; c'est en ces termes que le juge constitutionnel français consacre la souveraineté du pouvoir de révision, qu'il soit exercé par le peuple ou ses représentants. En déclarant que "le pouvoir constituant est souverain: qu'il lui est loisible d'abroger, de modifier ou de compléter les dispositions de valeur constitutionnelle dans la forme qu'il estime approprié"(30), le juge constitutionnel français admet qu'il n'y a certes pas de "supra constitutionnalité", mais que le souverain est au-dessus de la Constitution. Face à cette inconditionnalité, les barrières posées par les pères de la constitution initiale, tant dans la forme que dans le fond s'effondrent. Nous devons toutefois tempérer nos propos car la valeur de ces limites dépend de la compétence ou non du juge à garantir leur respect. Peut être le juge constitutionnel camerounais s'inspirera-t-il de la décision de son homologue français qui a le mérite de respecter la souveraineté sans laquelle il serait impossible de traiter la norme constitutionnelle comme une règle supérieure.

2- La possibilité de la révision totale de la constitution

C'est une thèse défendue notamment par M. Ondoa. Déjà que sous le strict respect de son appellation, la Constitution actuelle est issue d'une révision totale de la constitution du 02 juin 1972. Le risque est pourtant grand, et M. Kamto le relève fort à propos, que la révision totale de la Constitution aboutisse à l'écriture d'une nouvelle Constitution; que "changer la constitution revient à changer de Constitution'^ 1). Il n'en demeure pas moins qu'en

28 Frochot devant l'assemblée constituante le 03 septembre 1791, cité par D.G. Lavroff, Droit constitutionnel de la Vè République, op cit.

29 Pour le maître de l'école de Bordeaux, la révision des dispositions constitutionnelles est possible par application de la "révision de la révision". Dans un premier temps, l'on procède à une révision pour éliminer l'interdiction de réviser. Cet obstacle étant enlevé, la révision est alors possible. Cette thèse concevable théoriquement se heurte à des commodités pratiques, car elle exige une double procédure. Mais la mise en application de cette théorie aboutirait à l'élaboration d'une nouvelle Constitution par la procédure de révision. En effet, le pouvoir de révision est certes souverain, mais il ne peut élaborer une nouvelle Constitution; or changer la forme républicaine pourrait aboutir à changer l'Etat puisque tous les Etats ne sont pas Républicains. Aussi cette théorie ne réalise pas vraiment une adhésion de la doctrine, surtout que la reconnaissance de la souveraineté du pouvoir de révision lui fait perdre tout intérêt théorique.

30 DC, 26 mars 2003

31 L'expression est empruntée à D. Rousseau, Droit du contentieux constitutionnel, Montchrestien, Paris, 6*°" éd. 2001, p 214.

admettant que la modification de la Constitution ressortit de la compétence du constituant originaire, l'on pose que cette modification puisse intéresser toutes les dispositions de la loi fondamentale. Certes cela peut aboutir à une "fraude à la Constitution"(32), mais ce serait proprement renier l'unicité du peuple que de postuler que le pouvoir constituant institué soit conditionné. De la souveraineté du pouvoir de révision, il résulte une valeur supérieure de la loi constitutionnelle.

B) La valeur de la loi constitutionnelle

Le droit constitutionnel allemand et le droit constitutionnel italien notamment opère une distinction entre la constitution et les lois constitutionnelles, avec comme conséquence le contrôle par le juge constitutionnel ces dernières (33). La loi constitutionnelle, c'est à dire celle portant révision de la Constitution, a de ce fait une valeur inférieure à la Constitution. Il n'en est pas de même en droit français. La valeur suprême de la loi constitutionnelle est établie (1). En droit constitutionnel camerounais l'exemple de la "loi constitutionnelle" du 18 janvier 1996 ne permet pas d'avoir une conviction totale (2).

1- Une valeur suprême en droit constitutionnel français

La loi constitutionnelle a une valeur constitutionnelle en droit français. Longtemps hésitante (34), la jurisprudence constitutionnelle l'a finalement consacrée dans une décision du 26 mars 2003. Le juge français après avoir posé que l'exercice du pouvoir constituant dérivé n'était pas sans réserve, s'est finalement déclaré incompétent pour apprécier la constitutionnalité d'une loi portant révision de la Constitution, et cela quel que soit son auteur.

2- Une détermination difficile en droit constitutionnel camerounais

Cette difficulté réside tout d'abord sur la promulgation de la "loi constitutionnelle" du 18 janvier 1996, alors que le Président de la République pouvait contester ses dispositions. En effet la constitution de 1972 dont la loi de 1996 n'était que la "révision" prévoyait un contrôle de constitutionnalité des lois à la diligence du Président de la République. En promulguant le

32 L'expression est de Liet-Veaux. La fraude signifie qu'une nouvelle Constitution serait établie par la procédure de révision. Lire sur la question M. Kamto, "Dynamique constitutionnelle du Cameroun indépendant" RJA, 1995; F. Mbome "Constitution du 02 juin 1972 révisée ou nouvelle Constitution" , in S. Méloné, A. Minkoa She et L. Sindjoun (dir.) La reforme constitutionnelle du Î8 janvier 1996 au Cameroun, aspects juridiques et politiques, op cit. pp 16 et SS.

33 La Cour constitutionnelle italienne a affirmé dans un arrêt n° 1146 du 15/12/1988 que "la Constitution italienne comprend quelques principes suprêmes qui ne peuvent être renversés ou modifiés dans leur contenu essentiel même pas par une loi de révision constitutionnelle ou par d'autres lois constitutionnelles" .Grandes décisions du Conseil constitutionnel, p 821.

34 Le Conseil constitutionnel dans une décision précédente Maastricht III s'était déclaré incompétent pour contrôler la conformité d'une loi constitutionnelle adoptée par le peuple, laissant ainsi entendre implicitement qu'il contrôlerait celle qui serait adoptée par le Congrès puisque ayant déjà posé que l'exercice du pouvoir de revision n'était pas sans réserve. Mais depuis le 26 mars 2003, le juge constitutionnel a définitivement assis sa jurisprudence en la matière: il n'y a pas de distinction entre le pouvoir constituant originaire et le pouvoir constituant institué.

texte de 1996, le Président admet soit la constitutionnalité des dispositions, soit l'impossibilité de faire procéder à un contrôle des lois constitutionnelles. L'autre difficulté réside sur le défaut d'une position explicite du juge constitutionnel sur la question, puisque la justice constitutionnelle est encore à ses balbutiements. Nous pensons humblement au regard de la souveraineté du pouvoir constituant, que la loi constitutionnelle devrait bénéficier d'une immunité juridictionnelle.

La dualité du pouvoir constituant est acceptable du moment qu'est préservée l'exclusivité du souverain dans l'élaboration ou la révision du pouvoir constituant. C'est surtout la confusion qu'il y a au niveau des titulaires qui introduit une incidence fâcheuse dans la construction de la suprématie constitutionnelle.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard